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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 10:27

JIMMYGALLIER.jpg

Préalablement à la mise en lignes de mes chroniques sur les nouveautés (et pourquoi pas quelques anciennes parutions) des éditions Jigal, il m’a semblé intéressant de réaliser un petit entretien avec le créateur de cette maison d’éditions.


Avant Polar Jigal, les éditions Jigal existaient déjà. Quel était leur cheval de bataille et depuis quand existent-elles ?

- En effet, nous avons eu une autre vie avant le Polar. Les Éditions Jigal ont été créées en 1989 par Véronique Gisz et moi-même. Et nous nous occupions alors tout particulièrement de musique, tout d’abord avec l’édition (pendant vingt ans) du Guide de la Musique, la bible du showbiz, puis avec la création de delamusic.com — un site internet pour tout savoir et tout trouver facilement sur la musique. J’ai également été attaché de presse et me suis alors occupé de la promotion de nombreux artistes, chanteurs et groupes.

 

Comment est venue cette idée de créer une collection spécifique ?congre

- A la fin des années 90, j’avais envie de changer d’air, de voir autre chose, de construire une autre histoire… Lecteur boulimique depuis toujours, et conforté par notre première expérience de l’édition, l’envie d’éditer des romans faisait son chemin depuis déjà un moment, il me fallait juste trouver le bon moment, le bon déclic… Ce qui fut fait en 98 quand nous est arrivé un manuscrit sur lequel nous avons eu envie de foncer avec beaucoup d’enthousiasme et de naïveté… C’était « Le Baiser du Congre » et le début de la collection polar.

 

Quelle est votre production annuelle ?

- Comme vous le savez, nous sommes un éditeur indépendant et ne souhaitons ni ne pouvons lutter avec les mastodontes du secteur en terme de quantité de bouquins édités. Nous apportons plutôt notre pierre à l’édifice… avec notre particularisme, notre manière de faire et nos envies… Pour cela nous essayons d’optimiser… nos choix éditoriaux, nos auteurs, nos relations — avec la presse, avec les libraires —, bref tout ce qui à terme et a posteriori va construire une ligne éditoriale cohérente. Actuellement nous publions environ une dizaine de formats « nouveauté » et 3 ou 4 poches par an. C’est suffisant pour occuper pleinement nos journées et même un peu plus !

 

paradoxe.jpgQuestion indiscrète : quel est le tirage moyen d’un roman ?

- Suivant les titres et les auteurs, nous imprimons en général et pour un premier tirage environ 1500 ou 2000 exemplaires… Ensuite…  et ben tout dépend… de l’actualité, des réactions de la presse, de l’emballement parfois des prix littéraires et des libraires… Il faut être réactif. Nous l’avons récemment vécu avec le Prix SNCF du Polar 2011 que nous venons de recevoir avec le roman de Philippe Georget. Heureusement la technologie a aujourd’hui du bon et permet une grande souplesse et une grande réactivité si nécessaire. Comme vous le savez, nous avons comme (autre) particularité de nous distribuer nous-mêmes. Ce qui est à la fois une force et un challenge, mais nous demande en permanence d’être au four et au moulin. Ainsi va la vie de l’éditeur…

 

Vous possédez un fond d’auteurs fidèles, comme Gilles Del Pappas, Serge Scotto, Maurice Gouiran, André Fortin, qui possèdent leur propre sensibilité et leur univers. Comment arrivez-vous à les gérer malgré leur succès ?

- Tout d’abord, on ne peut pas être éditeur sans auteurs… Ensuite une boîte comme la nôtre, indépendante donc, doit savoir optimiser et concentrer ses forces. Et pallier également à nos faiblesses — le manque de moyen bien sûr. Donc nous avons eu envie depuis le début de ne publier que les romans pour lesquels on avait vraiment envie de se défoncer… Il suffit de rentrer dans une grande surface spécialisée livres, une Fnac par exemple — pour ne pas la nommer — qui représente une sorte de cauchemar d’éditeur vu le nombre hallucinant de romans présentés… Comment faire pour que nos romans non seulement y soient représentés, mais surtout vus et achetés… Bref, un long et long combat mélange de travail de titan, de moine et de fourmi… un vrai boulot d’éditeur en quelque sorte… ! Bref tout ça pour dire, qu’une des forces potentielles d’un éditeur indépendant, c’est les auteurs. Nous ne sommes sûrement pas parfaits — quoique ;-) —, mais mon équipe et moi-même avons à cœur de « mettre le paquet » sur chacun des titres que nous éditons. Cela se sent et se voit, je pense ! Ça ne fonctionne évidemment pas à 100% ni pour tous les titres malheureusement, mais ça nous a permis malgré tout d’avoir quelques belles réussites et de nombreuses récompenses… D’autre part, n’oublions pas que le livre est un produit lent. Lent dans sa création, lent dans sa promotion, lent dans sa durée… Et comme nous ne publions que des auteurs inconnus au départ (ou presque pour la plupart), il nous faut du temps. Pour peaufiner le manuscrit, le publier, pour faire connaître l’auteur, pour l’inscrire dans la durée, pour le faire participer à quelques salons, etc. etc. … Plusieurs romans sont parfois nécessaires… Même s’il n’y a pas de règle. Et que parfois certains titres décollent plus vite que d’autres… !

 

Quoique basée à Marseille, votre production déborde souvent du cadre.priere.jpg Vous n’êtes donc pas un éditeur régionaliste ?

- Avant d’être basées à Marseille, les Éditions Jigal ont été basées à Paris XIV pendant plus de 15 ans… Et nous éditions déjà (et entre autres) des polars ayant des saveurs du sud… Tout cela pour dire, que non, nous n’avons pas vocation à publier des romans et des auteurs régionalistes. Même si plusieurs de nos auteurs — et non des moindres — sont originaires du sud, nous avons également publié des auteurs en provenance d’Algérie (avec Adlène Meddi), du Maroc (Pierre Boussel) et même du Gabon (avec bien sûr Janis Otsiemi). Plus que le sud au sens strict, nous sommes à l’évidence davantage attiré par LES suds. Et j’en profite pour lancer un appel à tous les auteurs de polar du pourtour méditerranéen, la Grèce, la Lybie, la Syrie, toutes ces régions… Qu’ils n’hésitent pas à me contacter… Mais ceci dit, tout cela ne nous empêchera pas de déroger à cette règle si un auteur venu d’ailleurs nous envoie un gros coup de cœur…

 

Parmi vos auteurs, vous publiez un auteur Gabonais, Janis Otsiémi. Qu’est-ce qui vous a plu dans son écriture ? Comment l’avez-vous connu ?

sale-boulot.jpg- Janis Otsiémi, nous nous sommes « rencontrés » par Internet… J’étais tombé lors de mes multiples recherches concernant les auteurs des « suds » sur un article vantant ses premiers écrits. Et j’ai immédiatement craqué à la lecture du premier manuscrit qu’il m’a proposé. C’était « La vie est un sale boulot ». Déjà le titre… ! Depuis ce roman a reçu le Prix du Roman Gabonais, pas mal pour un début. Bien qu’un peu éloigné des rives méditerranéennes, j’ai eu la sensation que ce titre était très proche de notre ligne éditoriale. Et puis… quelle écriture, quelle verve, quelle langue… ! J’adore. Nous venons cette semaine de sortir son troisième polar, « Le Chasseur de lucioles » Et je suis très heureux de voir que pas mal de monde commence à s’intéresser à lui et à ses romans… Il a, l’année dernière, été invité au Festival Étonnants Voyageurs de Bamako puis à celui de Saint Malo… Et je pense que ce n’est que le début et que Janis Otsiémi est un des talents les plus prometteurs du polar africain actuel.

 

Vous recevez comment de manuscrits par mois ?

- 50, 60, 80… Je ne sais plus, je ne compte plus… — quand on aime… — Ce que je sais c’est que cela représente pas mal d’heures de lecture…  et de nuits blanches ! Mais quel plaisir quand (parfois) on « tombe » sur quelques lignes superbes… sur une histoire qui accroche, sur un bouquin qu’on n’arrive pas à lâcher… et qu’on se dit : « wao, super, j’adore… pourvu que cela dure tout au long du récit… ». Ce qui est (parfois) le cas… et qui se traduit (parfois) et beaucoup plus tard par la parution d’un roman, et d’un nouvel auteur jusqu’alors inconnu… E la nave va… !

 

Comment s’effectue votre choix ?

- Au coup de cœur, à l’intuition et au plaisir, uniquement ! C’est probablement partial ou injuste, mais le seul choix qui nous permette — à mes collaborateurs et à moi-même — de mettre la gomme sur un nouveau titre ou un nouvel auteur… ! Et puis comme je le disais plus haut, quel plaisir d’essayer de faire partager nos coups de cœur, de faire exister de nouveaux auteurs, et de constater quelque temps plus tard que l’on est pas tout seul à apprécier… !

 

Faites-vous retravailler les manuscrits en profondeur par les auteurs, ou leur faites-vous confiance ?

- Là encore, pas de règles pré établies… Certains romans ne demandent qu’un œil averti et une correction classique de base. Une vraie chance. Mais parfois, c’est plus complexe et tous les cas de figure peuvent se poser… Parfois une grosse réécriture s’avère nécessaire — c’est arrivé —, parfois il faut couper une centaine de pages — c’est également arrivé — et ce n’est ni simple ni évident. Mais ça fait partie des choix d’édition, des paris, des risques, des intuitions, des « trucs » que l’on sent et que l’on a envie de mener à bien et au mieux… !  L’écriture n’est pas innée… et ce n’est pas non plus une science exacte. Il nous faut là-dedans, nous auteur et éditeur associés, trouver la bonne formule, le bon tempo, la bonne histoire… La concurrence est rude comme vous pouvez le constater… il est donc indispensable de proposer le meilleur pour avoir une chance d’être présent sur les étals de toutes les bonnes librairies… et d’y rester !

 

Basées en province, les éditions Jigal peuvent-elles concurrencer les maisons dites parisiennes ?

- Euh… qui ça… ? ;-) Plus sérieusement, Jigal ne concurrence personne… Jigal suit sa voie et essaie d’apporter quelques bons bouquins à la pyramide. Nous avons eu le plaisir, ces dernières années, de découvrir et de faire apprécier quelques auteurs de talent qui font aujourd’hui partie du sérail… et nous espérons bien continuer à faire quelques belles découvertes et surtout à les faire partager. N’oublions pas la finalité dans tout cela — et c’est un lecteur qui vous parle — le plaisir des lectures… ! Le reste, ici ou ailleurs, cela n’a finalement pas vraiment d’importance. D’autant qu’encore une fois la technologie nous permet bien des audaces… un imprimeur quelque part en Europe, une graphiste en région parisienne, un photographe ailleurs, un stock à la campagne, un bureau près du Vieux Port, des journalistes et des libraires aux 4 coins de la planète … Et une bonne connexion Internet qui permet de faire le lien !

 

Le succès d’un livre ou d’un auteur passe aussi par la traduction à l’étranger. Qu’en est-il pour Jigal ?

- Nous travaillons depuis quelques années avec Pierre Astier de l’Agence Pierre Astier & Associés, un des agents les plus pointus sur la place de Paris. Et qui fait un boulot exceptionnel vers l’étranger. Nous avons déjà vendu grâce à lui plusieurs titres en Allemagne, en Italie, en Grèce et venons tout récemment de vendre les droits des romans de Philippe Georget non seulement en Italie (d’autres pays sont en cours de négociation), mais également dans une prestigieuse collection « poche » en France. Et il y a fort à parier qu’il y aura d’autres cessions de droits cette année… Mais là encore, il est nécessaire d’être patient.

 

Vos projets ?

- L’édition, c’est un métier de fous et de passionnés… Mais comme disait Audiard « Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière… ». Alors nos projets… ? Continuer… chercher… lire… trouver encore quelques perles… et le moyen de les partager avec davantage de lecteurs… Avec passion et détermination !

  Et pour prolonger votre plaisir, pourquoi ne pas visiter le site des éditions Jigal et découvrir leur catalogue !JIMMYGALLIER2.jpg

 

Jimmy Gallier / Marseille le 16 février 2012.

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commentaires

P
Salut Paul, un sacré entretien pour un sacré personnage. Jimmy est autant passionné qu'il est fou (dans le bon sens du terme). Et j'espère bien le rencontrer en vrai ! Amitiés
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O
<br /> <br /> Merci Pierre<br /> <br /> <br /> Je précise que Jimmy Gallier le valait bien ! Et si tu le rencontres, tu peux toujours effectuer un entretien qui serait complémentaire au mien.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bonjour Oncle Paul!<br /> Bel entretien :-)<br /> Si tous les éditeurs étaient aussi passionnés par ce qu'ils font, si tous "mouillaient autant leur chemise" pour leurs auteurs, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes de<br /> l'édition.<br /> Heureusement qu'il existe encore quelques fêlés, pour la plus grande joie des lecteurs.<br /> Amitiés.
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Christine<br /> <br /> <br /> C'est peut-être cet enthouiasme qui m'a incité à proposer cet entretien, tout comme je l'avais fait pour Max Obione. Oui heureusement qu'il existe encore des éditeurs passionnés par ce qu'ils<br /> font et ne se contentent pas d'étoffer leur catalogue sans véritable travail de fond en amont.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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