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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 05:35

Elle portait des culottes, des bottes de moto…

Denis SOULA : Deux femmes.

On ne connait pas leur nom, mais cela importe peu car cela n’influe pas sur l’histoire, alors je me contenterai de les appeler l’Une et l’Autre.

L’Une vient de connaître un drame et elle vit avec sa fille dans un appartement d’une ville située quelque part dans le centre de la France. Sa fille n’apprécie pas que sa mère vienne la chercher à l’école, elle est grande. Pour autant elles font les devoirs ensemble, presqu’un moment de complicité. Et puis il y a cette musique qui déferle dans l’appartement, une musique moderne dans laquelle elle ne se retrouve pas, qui lui martyrise les oreilles.

Elle travaille dans une boutique et est appréciée de ses collègues, pour autant la vie n’est pas facile. Et, heureusement, il y a la moto qui leur permet de s’évader parfois, et oublier l’avant. Et leur voisine qui est aux petits soins pour sa fille.

Alors elle se remémore son enfance, ses passions, ses parents, son voisin et ses petits travaux de bricolage sur ses motos, ses problèmes, sa vie d’avant le drame.

 

L’Autre vit à Amsterdam, mais elle est Française. Elle chasse, pour tuer, mais pas de gentils animaux. Non, des bêtes malfaisantes, des criminels de guerre. Elle est forte dans son domaine en remontrant aux petits jeunes qui pensent, que parce qu’elle est une femme, qu’elle devrait rester dans un bureau à manipuler des papiers.

Elle aussi repense à sa jeunesse, à ses heurts avec sa famille pour des questions politiques. Ils vivaient dans un quartier huppé parisien, prônant les vertus de la droite. Elle, elle votait à gauche, une forme de rébellion, une manière de s’affirmer, par conviction aussi.

Et elle a appris à se servir d’un fusil, en Sologne, grâce à un voisin, et c’est ainsi qu’elle est entrée dans les Services de Sécurité. Elle a connu l’élection présidentielle de 1981, les espoirs qui étaient incarnés par une politique nouvelle, ses désillusions aussi, les revirements électoraux qui se traduisaient par une alternance gouvernementale mais dont les décisions n’étaient pas forcément différente des précédents pouvoirs. Et ses déplacements à l’étranger dans le cadre de ses missions.

 

Deux trajectoires différentes, de femmes plus ou moins brisées par la vie et tentant malgré tout de s’en sortir, pour elles ou leur famille, ou ce qu’il en reste, blessées dans leurs cœurs et leurs convictions.

Et peu à peu leurs destins vont se rejoindre pour le meilleur ou pour le pire, allez savoir ?

Chacune d’elle s’exprime par la pensée. On les suit évoluer dans leur quotidien, se parlant à elles-mêmes, sans qu’aucun dialogue transparaisse dans le récit. Les demandes et les réponses, les souhaits, de l’Une, lorsqu’elle parle, discute, ou rouspète, avec sa fille sont en italiques, comme des réminiscences d’un passé plus ou moins court.

Comme si le lecteur entrait dans le cerveau de l’Une et de l’Autre, ce qu’au cinéma on appellerait en voix Off.

Un récit, plus qu’un roman, tout en subtilité, en émotions, en tendresse, en force, en violence parfois mais mesurée, et l’on les suit, on se calque, on investit spirituellement ces deux femmes, on devient les deux protagonistes sans pour autant se substituer à elles.

Et la force du récit tient également dans son nombre de pages réduit, car trop de délayage, comme parfois il arrive à certains romanciers de se perdre dans des considérations ennuyeuses, aurait nui à la puissance et au dynamisme de cette intrigue qui intrigue.

Denis SOULA : Deux femmes. Editions Joëlle Losfeld. Parution 11 octobre 2018. 116 pages. 12,50€.

ISBN : 978-2072820847

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commentaires

A
Une intrigue qui intrigue ? Ton billet est lui aussi bien intriguant.
Répondre
O
C'est étudié pour !

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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