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17 avril 2019 3 17 /04 /avril /2019 04:10

Le Serment ou le Serpent ?

Michel HONAKER : Le serment du diable.

Ce court roman destiné aux jeunes lecteurs est le quatorzième de la série du Commandeur. Les premiers titres édités au Fleuve Noir dans la collection Anticipation à la fin des années 1980 début 1990 et destinés aux adultes ont été réécrits et aménagés pour être publiés dans la catégorie juvénile. Cela n’enlève rien au charme d’Ebenezer Graymes ni à son efficacité à combattre les démons où qu’ils se trouvent.

Mais ce roman, qui est inédit chez Rageot, semble être le pilote de la série qui n’aurait jamais été publié. Lorsque débute l’histoire, au moment où apparaît Ebenezer Graymes – il y a un prologue dont je reparlerai -  cet homme habillé d’un macfarlane et d’un chapeau aux larges bords, se présente à l’université de Columbia. Il doit enseigner, aux étudiants qui le désirent, en tant que maître de conférences et de professeur d’anthropologie et traditions tribales, dans la spécialisation de démonologie et traditions anciennes. Une discipline peu connue de l’anthropologie et considérée comme un peu honteuse. Ses états de service sont impressionnants et le recteur de l’université est… impressionné !

Mais ceci n’est qu’une couverture, car Ebenezer Graymes est également à New-York pour endosser sa nouvelle charge de Commandeur des Abîmes. Et pour cela, il cherche dans le Bronx une maison où s’installer. Il trouve une vieille bâtisse, une sorte de manoir décrépit de style gothique surmontée d’une tour cylindrique, et l’agent immobilier qui lui propose cette demeure est stupéfait de pouvoir la louer sans que le nouveau Commandeur émette la moindre objection, ni de marchandage sur le prix malgré son état délabré.

Ce n’est pas pour rien que Graymes a jeté son dévolu sur cette quasi ruine. En effet, à l’intérieur, se cache le fantôme de Neery, le Grand Maître qui a adoubé le nouveau Commandeur. Auparavant, y vivait le régulateur mais il a été chassé. Il avait laissé la sorcellerie s’installer sur la Grande Pomme.

Non loin de là, toujours dans le Bronx, le lieutenant Meredith et son adjoint, Single, découvrent dans une voiture le cadavre vitrifié d’Haskell, libraire et bouquiniste spécialisé en livres rares. Ils trouvent également une paire de lunettes spéciales ainsi qu’une perruque dans laquelle a été aménagé un circuit électronique miniaturisé permettant de filmer en toute impunité. Un minidisque vidéo est délogé de cet embrouillamini et le spécialiste informatique du commissariat du Bronx parvient à le décrypter et à le visionner.

New-York est en période électorale, mais certaines personnes briguent la place. D’ailleurs l’ancien maire, qui se représente, est victime d’une crise cardiaque. Pour Ebenezer Graymes et l’inspecteur Meredith et son adjoint, il y aurait peut-être corrélation entre le fait que le maire serait empêché, provisoirement, de se représenter, et certains individus démoniaques. Un nommé Philozoar Reles est dans le collimateur du Commandeur, à moins qu’un autre sinistre individu, un certain Rayno manipule les ficelles dans l’ombre.

 

Alors que dans les précédents épisodes on est en présence d’un homme sûr de lui, d’un démonologue affrontant les divers ennemis qui le provoquent, ici il parait débuter dans la profession, même s’il possède des pouvoirs dont il se sert habilement dans des circonstances délicates.

Mais il est précisé que, s’il a visité les cinq continents, il a longtemps vécu dans le désert et il regrette la chaleur qui l’enveloppait, il ne connait rien aux mœurs new-yorkaises. Et il commence déjà à détester cette ville.

Le prologue peut induire en erreur, car il est rédigé façon manipulation, ce qui enlève quelque peu du crédit à l’histoire, si l’on peut accorder du crédit lorsqu’il s’agit d’un roman fantastique. Mais l’homme qui fuit dans cette casse automobile, alors qu’il était venu pour surveiller et filmer des individus louches, ne semble guère à l’aise confronté qu’il est à des monstres. Pourtant on le retrouvera plus tard comme si de rien n’était ou presque.

 

La sorcellerie est un art vivant, qui plonge ses racines dans le passé mais anticipe l’avenir.

Ce doit être une habitude de magicien que de ne parler pour ne rien dire. Vous devriez vous présenter aux élections.

Michel HONAKER : Le serment du diable. Série Le Commandeur. Collection Cascade. Rageot Editeur. Parution le août 2002. 126 pages.

ISBN : 2-7002-2819-7

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 04:13

A quatre oreilles, euh, je veux dire, à quatre feuilles ?

Pierre DUBOIS : Capitaine Trèfle.

Des trombes d’eau s’abattent sur l’Ardenne ardenneuse qui creuse sa Meuse et le Capitaine Trèfle, juché sur Arminius sa monture, affronte les éléments déchaînés. Au loin il aperçoit vaguement une ruine.

Dans cette bâtisse en décrépitude, il intervient à temps pour sauver des fers de quatre flandrins acrimonieux Nourcine, le Lutin.

Peut-être le Capitaine Trèfle a-t-il lu les combats décrits dans la Jeunesse du Bossu ou dans Les trois mousquetaires, mais il ferraille si bien que les quatre coupe-jarrets s’enfuient abandonnant le combat sans demander leur reste, laissant le pauvre Nourcine sur le terrain, blessé.

Le Capitaine Trèfle transporte avec précaution Nourcine chez son ami magicien et astrologue Bucane Noctiflore lequel vit en compagnie de Corbus Barbygère, l’homme-corbeau et Poltergeist, le chat. Noctiflore lui apprend qu’il ne faut pas dire lutin, qui est l’appellation vernaculaire mais bien désigner ce nain par sa véritable appartenance au monde des êtres petits : un Sotai, un Sotré, un Huppeux, un Farfadet, un Troll…

En compulsant son livre Le huitième tome des merveilles, il déniche l’origine de Nourcine. Il s’agit d’un Guib, ou Lutin des sables. Lequel se remet tout doucement de sa mésaventure en ingurgitant un dé de rhum. Il s’agit d’un Guib ivrogne. Mais cela ne l’empêche pas de narrer ses mésaventures et ses pérégrinations et l’attaque subie de l’autre côté de notre monde.

Car le Guib et ses compatriotes vivent ailleurs, comme dans un monde parallèle, et ils ont subi l’attaque meurtrière du pirate-borgne, le capitaine Craspeck Haggard et de ses séides. Capitaine Trèfle, le cœur sur la main d’un côté, son épée en main de l’autre, décide pourchasser à Craspeck Haggard à bord de son navire La Lola jusqu’au pays de Guib et de délivrer tout ce petit monde des griffes du prédateur pirate. Car Haggard espérait s’emparer des habitants pour les revendre comme des esclaves de fiction, comme une ménagerie fabuleuse, une attraction fantastique.

 

Le lecteur médusé entre de plein pied dans des combats navals, va découvrir de nouveaux personnages dont Mélusine, la Vouivre, va se prendre d’amitié pour Capitaine Trèfle et ses amis, s’apitoyer sur les malheurs de Guib le lutin des sables et de ses compagnons, et surtout se laisser emporter par l’écriture de Pierre Dubois.

Un style poétique, onirique, romantique, féérique, maritime, plein de bruit et de fureur, façon cape et d’épée, ponctué de trouvailles lexicales et d’emprunt, peut-être à la langue ardennaise et au petit peuple des lutins malins.

Destiné aux enfants, Capitaine Trèfle amusera également les grands par son écriture savoureuse et ses situations burlesques. Et pour bien se démarquer, avec cette histoire complètement décalée, l’auteur ne parle pas de chapitres mais de chats-clowns. Jeu de mots de fort bon aloi, comme aurait dit maître Capello. Mais je n’ai pas trop adhéré aux illustrations intérieures de René Hausman, ce qui n’engage que moi.

Pierre DUBOIS : Capitaine Trèfle. Illustrations de René Hausman. Collection L’Ami de Poche N°19. Editions Casterman. Parution Avril 1981. 160 pages.

ISBN : 2203136197

Adaptation Le Lombard. Album bande dessinée. Signé Hausman-Dubois. Parution le 25 septembre 2014. 64 pages. 14,99€.

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3 avril 2019 3 03 /04 /avril /2019 07:11

Il ne participera pas à une course hippique avec pari mutuel urbain !

BOILEAU-NARCEJAC : Sans Atout et le cheval fantôme.

Un jour un professeur en conclusion d’un développement sur l’ordre avait énoncé : L’ordre, c’est, dans la vie, le meilleur atout !

Il n’en fallait pas plus pour que François Robion, un adolescent de quinze ans, soit ainsi surnommé. Il est désordonné, ne se souvenant jamais où il a pu ranger ses affaires. Mais selon lui, ce sont ses affaires qui déménagent sans le prévenir ! Heureusement que son père avocat ne possède pas les mêmes prédispositions à tout égarer !

Il prépare ses bagages, sous l’œil vigilent de sa mère, afin de partir en vacances de Pâques, seul, au château de Kermoal, près de Portsall dans le Finistère. Une grande première, d’autant qu’il va rejoindre le château familial en train.

Un château médiéval qui commence à tomber en ruines, avec de nombreuses pièces vides, les meubles et les objets précieux n’ayant pas résisté à la convoitise de l’Occupant lors de la dernière guerre. Seul un vieux couple garde l’édifice, les Jaouen, en compagnie de leur fils adoptif, un petit-neveu nommé Jean-Marc, âgé de trois ans de plus que François.

Jean-Marc, alors qu’il emmène François jusqu’au château à bord de sa vieille 2CV achetée un mois auparavant, confirme que l’édifice est à vendre. Les acheteurs ne se pressent pas car de très nombreuses rénovations sont à prévoir. Mais un promoteur qui désire tout raser afin de vendre en parcelles est sur les rangs. Et Jean-Marc, qui a toujours vécu dans ce château est triste.

Le soir même, Jean-Marc invite François à se rendre dans une pièce de la tour nord, l’opposé où les Jaouen dorment. Il entrouvre la fenêtre et François médusé peut entendre le pas d’un cheval s’avançant tranquillement, le bruit de l’harnachement, un claquement de langue. Mais aucune silhouette, aucune ombre de l’animal, rien ne prouvant sa présence sauf les bruits des déplacements. Ah si, juste l’empreinte d’un sabot.

Le lendemain soir, le même manège continue et les soirs suivants les époux Jaouen sont également invités à écouter, à défaut de voir, ce phénomène. François et Jean-Marc descendent dans le parc et retrouvent un homme couché à terre, probablement assommé. Il possède une statuette représentant un cheval cabré en or. Ils recueillent l’individu mais le lendemain matin celui-ci a disparu.

Un nouveau visiteur se déplaçant ave chauffeur en Bentley se présente afin de visiter le château. Il est Hollandais et entrepreneur en maçonnerie. Il prend des photos et imagine déjà la façon dont il pourrait restaurer l’édifice. De plus il est intéressé par une petite chapelle proche, la chapelle du Pardon, qui possède un passé historique.

Mais François, alias Sans Atout, sent une entourloupe là-dessous, et il va enquêter seul, au péril de sa vie, enfreignant les consignes de sécurité qui veut qu’on ne se déplace pas ainsi en territoire inconnu sans avoir assuré ses arrières.

 

Un roman destiné aux enfants mais dont l’écriture n’est pas mièvre, et dont le traitement ressemble un peu aux romans adultes que le duo Boileau-Narcejac a écrit durant des décennies, dont D’entre les morts, adapté au cinéma sous le titre Sueur froide par Alfred Hitchcock en 1958 et qui sera réédité sous ce nouveau titre à nombreuses reprises.

La construction de cette intrigue propose d’ailleurs plusieurs lectures, le phénomène cheval qui emmène le lecteur dans une ambiance quelque peu fantastique, la résolution de ce phénomène, et ce qui en dépend, comme une énigme classique, mais également une entrée digne d’un roman d’aventures avec la statuette en or puis la découverte d’un trésor, le tout ponctué d’une réminiscence de la Seconde Guerre Mondiale.

Tout est là pour intriguer et inciter le lecteur à continuer sa lecture jusqu’à plus d’heure, et tant pis pour l’adolescent qui veut à tout prix connaître l’épilogue et oublie de se réveiller le lendemain matin pour aller à l’école.

Car quoi de mieux que lire la nuit, alors qu’aucun bruit ne vient le perturber et le distraire, ressentant d’autant plus l’atmosphère qui imprègne cette histoire.

Le jeune Sans Atout, malgré son surnom, n’est pas un adolescent étourdi. Il réfléchit et sait se débrouiller dans les moments critiques, un peu à la manière de Mac Gyver, avec les moyens du bord. Et surtout il est curieux, ce qui ne veut pas dire qu’il est indiscret. Quoique dans certains moments, ce défaut peut se révéler une qualité.

Mais, ce que n’écrirait sûrement pas de nos jours l’auteur bicéphale, c’est que François, quinze ans, dans le train qui le conduit en Bretagne, fume une cigarette, et que le père Jaouen, sert à table du cidre et même un petit verre d’eau-de-vie. Pour se remettre de ses émotions. Mais ça c’était avant…

 

Comme disent les Anglais, c’est quand il faut aller vite qu’il ne faut pas se presser.

BOILEAU-NARCEJAC : Sans Atout et le cheval fantôme. Collection Folio Junior N°476. Editions Gallimard. Parution le 7 juin 2007. 176 pages. 6,60€.

ISBN : 978-2070577088

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27 mars 2019 3 27 /03 /mars /2019 05:53

Un tigre de papier !

Joël DICKER : Le tigre.

Le mois d’août 1903 est torride et théoriquement tout Saint-Pétersbourg devrait être plongé dans la torpeur.

Mais une nouvelle effrayante est commentée aussi bien dans les salons aristocratiques et bourgeois, que dans les faubourgs populaires. Même le Tsar s’en émeut, pourtant les semaines passent, apportant son lot d’informations toutes plus gravissimes les unes que les autres.

Un tigre a ravagé tout un village là-bas, loin, à l’autre bout du pays, en Sibérie, mais ce n’est pas son seul méfait. La population est terrorisée. Et s’il venait jusque dans la capitale ?

Le Tsar décide alors de prendre les choses en main, et donc de la mettre à la poche, offrant le poids du tigre en or à celui qui lui ramènera la dépouille du fauve. De nombreux prétendants, des chasseurs, expérimentés ou non, mais souvent impécunieux, partent à la conquête de cette toison d’or.

Parmi ceux-ci le jeune Yvan s’en va seul, dépensant presque toutes ses économies en l’achat d’une solide monture. Et il s’en va par monts et par vaux, affrontant les éléments météorologiques, froid, vent, neige, avec pugnacité. Arrivé près de Tibié, où a eu lieu un massacre sans précédent, il ne peut que constater que les rumeurs n’étaient pas infondées. Des cadavres humains, d’animaux jonchent le sol.

Et pour traquer l’animal qui ne daigne pas paraître, il use d’un stratagème. Celui-ci fonctionnera-t-il ?

 

N’ayant lu aucun ouvrage de Joël Dicker, je me suis plongé dans ce conte pour enfant écrit à l’âge de dix-neuf dans le cadre d’un concours littéraire, sans à-priori, sans préjugé, l’esprit neuf, vierge.

A cet âge, de nombreux romanciers et écrivains se sont révélés, le plus connu étant, peut-être, Raymond Radiguet, décédé alors qu’il n’avait que vingt ans. Mais ses deux œuvres principales, Le Diable au corps et Le Bal du comte d’Orgel furent de grands succès de son vivant.

Alors, mon avis sur Le tigre ? Bof. Un conte d’inspiration russe mais plat, froid, sans âme. Banal. Du moins l’ai-je ressenti ainsi, et heureusement que l’épilogue, moral, sauve le texte, car on pourrait penser à une rédaction bien ficelée, mais sans plus, d’un lycéen. Et les illustrations sont à l’avenant. Toujours à mon avis.

La couverture cartonnée et la jaquette ne justifient pas ce prix de 13,90€, mais l’éditeur a peut-être misé sur le nom et la réputation de Joël Dicker pour allécher le chaland. Certains auteurs, qui ne possèdent pas sa notoriété, proposent des textes nettement plus engageants, vifs, incisifs, aboutis.

Je dois préciser que je n’ai pas acheté cet ouvrage, qu’on ne me l’a pas offert, mais que je l’ai trouvé dans une bibliothèque de rue, quinze jours avant sa parution officielle et sa mise en vente chez les libraires !

Joël DICKER : Le tigre. Illustrations de David de las Heras. Editions de Fallois. Parution le 20 mars 2019. 64 pages. 13,90€.

ISBN : 979-1032102176

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20 mars 2019 3 20 /03 /mars /2019 05:48

Attention aux courants d’air !

Les neurones vont éternuer !

 

Evelyne BRISOU-PELLEN : Le crâne percé d’un trou.

L’estomac et la bourse vides, Garin Troussebœuf fait la rencontre près du Mont-Saint-Michel d’un gamin légèrement plus jeune que lui. Louys s’est trouvé une occupation qu’il espère rémunératrice, il vend des reliques. Elles sont fausses, mais en cette époque de superstitions, de catholicisme exacerbé, il n’est pas toujours besoin de démontrer l’exactitude de ses affirmations. Les acheteurs sont si crédules !

Il a remarqué dans les bois un soldat, enfin le cadavre d’un individu qu’il pense avoir été un soldat, nu. En cette période de troubles entre Anglais et Français, il n’est pas rare de tomber sur une petite troupe de combattants. D’ailleurs ceux-ci rôdent mais ce ne sont pas des soldats que Garin et Louys aperçoivent cheminant paisiblement, mais deux moines qui rejoignent l’abbaye de la Merveille. Deux Bénédictins habillés de noir. Des pèlerins rejoignent également le Mont.

Enfin les deux jeunes adolescents arrivent dans le petit village composé de commerces au pied de l’abbaye. Louys essaie de se placer chez un boutiquier en attendant la bonne fortune tandis que Garin décide de se faire embaucher comme scribe. Ce qui arrange bien les affaires du père abbé, car le scribe officiel, le copiste frère Robert commence à se faire âgé et l’abbaye enregistre une pénurie de copiste à cause de l’épidémie qui a sévi il n’y a guère.

L’aumônier et le chantre le prennent successivement sous leur coupe, l’emmenant au scriptorium où se tient habituellement frère Robert. Pour l’heure il n’est pas là, mais c’est sans importance. Le chantre lui promet également de lui montrer le crâne percé d’un trou de Saint Aubert, qui fit construire la première chapelle qui plus tard s’étendra et prendra des proportions gigantesques en devenant l’abbaye. Il suffit de respecter quelques règles dont le silence. Une règle pas facile à appliquer à Garin mais il essaiera de la suivre du mieux qu’il peut. Une autre exigence l’importune un peu, assister aux messes. Heureusement il ne sera pas obligé d’être présent à tous les offices.

Garin retrouve également les deux moines entrevus dans la forêt, frère Raoul, un jeune moine, et frère Sévère, à l’aspect plus rébarbatif. Un peu Laurel et Hardy avant l’heure. Si Garin et Frère Raoul font plus ample connaissance, durant les heures permises aux dialogues dans le cloître, frère Sévère est nettement moins abordable. Quant au crâne il a disparu du reliquaire dans lequel il était enfermé.

Garin est chargé de dresser l’inventaire des reliques, le bras d’un saint, quelques gouttes du lait de la Vierge, deux épines provenant de la couronne du Christ et autres objets précieux. Frère Robert qui avait l’habitude de se réchauffer près de la cheminée dans le scriptorium disparait. Il est retrouvé un peu plus tard, mort, la paume d’une main brulée, le crâne de Saint Aubert gisant près de lui.

 

Garin va devoir enquêter, il s’en sent l’obligation morale, mais il a bien du mal à évoluer dans les couloirs, les corridors, les galeries, les nombreuses pièces composant l’abbaye, les passages plus ou moins secrets, dans les ténèbres car il n’y a pas encore l’éclairage électrique au Mont. Juste quelques chandelles et torches dispersées ici ou là.

Les moines et les novices résidant au Mont ne sont guère nombreux, un peu plus d’une vingtaine. D’ailleurs l’un des novices, qu’il avait surpris pleurant, ne fait plus partie de la congrégation. Quelques pèlerins viennent également se recueillir et une délégation venant de Dol doit être reçue. Une ombre noire, un moine armé d’un couteau, rôde dans ce qui constitue un véritable labyrinthe. Garin va même devoir sauver sa peau, empêtré dans les sables mouvants alors qu’il était parti à la pêche aux coques, accompagné d’un des moines.

Une aventure périlleuse pour Garin et une enquête qui ne manque pas de lui réserver de nombreuses surprises. De même qu’à Louys également car son statut de revendeur de reliques ne plaide guère en sa faveur, surtout avec la disparition des objets sacrés appartenant au Mont.

Pour le lecteur, c’est une aimable histoire doublée de la découverte du Mont et de son abbaye en cette année 1357, abbaye qui n’avait pas encore pris les proportions qu’elle possède de nos jours avec les ajouts qui se sont succédé au fil des siècles. D’ailleurs des pièces avaient été murées, et certaines n’ont été redécouvertes que depuis quelques décennies, à la faveur de rénovations.

Un roman plaisant, historique inspiré d’une légende, celle de l’archange Saint Michel obligeant le moine Aubert à édifier sur le mont Tombe une église en son honneur en lui appuyant un doigt sur le crâne et y laissant sa marque, roman doublé d’une enquête menée difficilement par Garin qui ne connait guère les aîtres et se trouve plus ou moins soupçonné.

Un roman humoristique également, car Garin est un affabulateur, un adolescent aimant déguiser la vérité en sa faveur, s’inventant des ancêtres prestigieux.

 

Le problème du mensonge, c’est la mémoire : il faut se rappeler tout ce qu’on a dit.

Garin ne prit même pas le temps de réfléchir : inventer une vie de saint, c’était facile, car on pouvait vraiment raconter n’importe quoi, au besoin en s’inspirant de bribes de vie d’autres saints.

Réimpression le 7 mai 2013. 208 pages. 6,60€.

Réimpression le 7 mai 2013. 208 pages. 6,60€.

Evelyne BRISOU-PELLEN : Le crâne percé d’un trou. Folio Junior N°929. Gallimard Jeunesse. Parution le 2 novembre 1998. 210 pages.

Réimpression le 7 mai 2013. 208 pages. 6,60€.

ISBN : 978-2070519460

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6 mars 2019 3 06 /03 /mars /2019 05:43

Prière de ne pas se pencher au-dessus

de la rambarde !

Evelyne BRISOU-PELLEN : L’inconnu du donjon.

En cette année 1354, les Bretons fidèles à Jean de Montfort et les Gallo qui soutiennent Jeanne de Penthièvre, autre prétendante au trône, s’écharpent dans une guerre d’usure. Les Bretons bretonnants sont aidés par les Anglais, les Bretons gallo par les Français.

Ce 10 avril, près de Bécherel, la bataille conduite par Bertrand Du Guesclin voit ses hommes gagner contre les Anglais et retiennent prisonniers quelque combattants adverses dont Calveley qui était à la tête des Anglais.

Garin Trousseboeuf, est le dix-neuvième enfant d’une fratrie qui en compte vingt-cinq, et son père, paveur, intempérant, ne sait élever sa progéniture qu’à coups de fouet. Garin a fui son village natal, renvoyé de l’école-cathédrale pour des vétilles, des plaisanteries douteuses, et à quatorze ans il s’est déclaré scribe, tenant son écritoire en bandoulière. Il est pris dans cette échauffourée et promis à végéter dans un cul-de-basse-fosse.

Il plaide sa cause auprès du connétable et se voit confier la redoutable mais bénéfique mission de transcrire les demandes de rançons exigées pour la libération des prisonniers. Seulement, il faut connaître le Breton pour dialoguer avec les prisonniers, dont un particulièrement qui n’est revendiqué par personne. La Dame de Montmuran propose comme interprète sa nièce Mathéa, fille de Dame Agnès et fils du sieur Alain, lesquels vont diriger le château en son absence et celle du seigneur du lieu. Garin est subjugué par cette belle jeune fille qui n’obtient rien du prisonnier. Il a oublié son écritoire lors de son enlèvement et il quémande l’autorisation d’aller le rechercher dans un fourré.

C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Réginart, le frère de Mathéa, et de leur chien Jean-sans-peur, un cabot hirsute et plein de poils mais pas méchant. Du moins aux dires de Mathéa. Un autre travail est confié à Garin, celui de faire l’inventaire du château. Cela lui permet de vagabonder dans les différentes pièces des tours et du donjon, pièces habitées ou non, déambulant sur les courtines. Et dans une des tours il découvre un vieil homme, un ancien chancelier, confiné dans cette cellule après avoir fauté et qui passe pour un sorcier.

Mais surtout Garin est souvent en compagnie de Réginart, à défaut de Mathéa, et comme il parle aussi bien Breton que Français, il se rend compte que Mathéa a réussi à converser avec le prisonnier. Seulement celui-ci est devenu amnésique et donc ne peut décliner son identité, jusqu’au jour où il prétend être le fils d’un duc Anglais. Sa rançon est surévaluée en conséquence, seulement ce prétendu ou réel fils de noble s’échappe. Comment, dans quelles circonstances ? Sa geôle ne possédait pas de fenêtre et la porte était fermée de l’extérieur ! Un problème à résoudre pour Garin. Mais des complications lui tombent sur le dos lorsque des soldats sont retrouvés, morts, assassinés. Et il est le cœur de la cible, celui qu’on soupçonne.

 

Cette histoire ancrée dans cette période de la Guerre dite de Cent ans, du moins à ses débuts, nous permet de retrouver quelques personnages célèbres, dont le connétable Bertrand Du Guesclin, et des décors des environs de Bécherel (devenue de nos jours la fameuse cité du livre), et plus particulièrement le château de Montmuran qui existe toujours.

Garin est un affabulateur, un curieux, un gamin qui a déjà connu bien des vicissitudes mais ne perd pas son sens de l’humour. Il se conduit parfois en philosophe sans le savoir, tout comme monsieur Jourdain qui… antienne connue. C’est un débrouillard qui s’attire les ennuis sans vouloir les provoquer. Quoique parfois il sait pertinemment qu’il va au-devant mais c’est dans sa nature. Il brave le danger, sans pour autant ne pas ressentir de la peur, et lorsqu’il se trouve dans des conditions inextricables, la solution est toujours présente pour le sortir de l’embarras. De son fait ou d’alliés inattendus.

Un héros à suivre, tant pour sa bonne humeur que les faits historiques réels et les lieux qui plantent le décor.

 

Ce qu’il y a de terrible dans les guerres, c’est qu’on ne sait jamais de quel bord il faut se trouver.

 

Garin se fit tout petit dans son coin, non par peur de la mauvaise humeur du seigneur, mais pour qu’on l’oublie complètement. C’est la seule manière d’apprendre les choses importantes, les meilleures, celles qui ne vous regardent pas du tout.

 

Quand tout va mal, il faut s’attacher à une idée nouvelle qui n’a rien avoir avec votre situation.

Première édition septembre 1997.

Première édition septembre 1997.

Evelyne BRISOU-PELLEN : L’inconnu du donjon. Collection Folio Junior N°809. Editions Gallimard Jeunesse. Parution le 7 mai 2013. 204 pages. 6,90€.

Illustrations de Nicolas Wintz.

ISBN : 978-2070654154.

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28 février 2019 4 28 /02 /février /2019 05:08

On l’oublie assez souvent, mais avant d’être adulte, Sherlock Holmes a été un adolescent…

Andrew LANE : L’ombre de la mort

Alors qu’il attend sur le parking de l’école, sa malle contenant ses affaires près de lui, le jeune Sherlock Homes, quatorze ans, est mandé par le directeur du pensionnat de Deepdene.

Sherlock a rapidement la réponse à ses questions intérieures concernant cette demande d’entretien, car son frère aîné Mycroft l’attend dans le bureau du directeur. C’est Mycroft, employé au ministère des affaires étrangères qui a été chargé de l’emmener chez son oncle Sherrinford et sa tante Anna, leur père marin étant parti en expédition pour un an, et leur mère étant malade.

Lorsqu’il arrive à Homes Manor, Sherlock est accueilli par mademoiselle Eglantine, la gouvernante austère et d’aspect rébarbatif. De suite il sent qu’elle ne l’aime pas et c’est réciproque. Mais elle n’aime pas plus la famille Holmes. Son oncle Sherrinford, dont Sherlock n’a jamais entendu parler, de même que de tante Anna, est confiné à longueur de journée dans son bureau, rédigeant les sermons des pasteurs des paroisses environnantes. Mais au moins Sherlock est bien nourri, ce qui est la moindre des choses, et le change de l’ordinaire du pensionnat.

Se promenant dans la forêt environnante afin de découvrir les lieux, il fait la connaissance de Matthew, dit Matty, un orphelin de son âge voyageant à bord d’une péniche. Les deux gamins se lient rapidement d’amitié et Matty narre l’aventure qu’il vient de vivre à Farnham. Déambulant dans la rue à la recherche de quelques subsides, Matty a aperçut une sorte de fumée s’échappant de la fenêtre placée à l’étage d’une maison puis des individus transporter un cadavre au visage couvert de pustules.

Matty lui propose de se rendre à l’endroit où il fut le témoin de ces événements étranges, et juste au moment où ils arrivent ils remarquent une calèche sortant de l’édifice. Matty court après pensant glaner quelques piécettes mais à l’intérieur un homme aux yeux rouges s’empresse de refermer le volet intérieur. Pour Matty, ce personnage avait l’allure d’un mort.

Seulement, même si ce sont les vacances scolaires estivales, Mycroft pense que son jeune frère a besoin de continuer son éducation et il engage un précepteur. Amyus Crowe, probablement un Américain d’après son accent, est un homme affable. D’ailleurs il prétend venir d’Albuquerque, une ville du Nouveau Mexique. Afin de mieux faire connaissance, ils se promènent dans les bois et Sherlock tombe lui aussi sur un cadavre dont la face est couverte de pustules. Comme des bubons issus d’une maladie contagieuse, genre peste.

 

Sherlock va recueillir de la poudre jaune qui est étendue près du cadavre et sur les conseils de son nouveau mentor, il se rend à Guilford, où réside un savant spécialiste des maladies tropicales. L’homme ne met pas longtemps à reconnaître en cette poudre jaune du pollen d’abeilles, mais pas celles communes qui vivent en Angleterre.

Mais auparavant il subit quelques mésaventures, alors qu’il épie non loin de la maison d’où est parti l’homme aux yeux rouges, un baron paraît-il, remarquant quelques individus transportant des caisses, et il se trouve enfermé dans une grange à la merci de ces personnages peu scrupuleux. Heureusement, il a de la ressource et son ami Matty n’est pas loin pour le sortir de situations inextricables.

Et ce n’est que le début car en compagnie de Matty, d’Amyus Crowe, et de sa fille Virginia, qui au début se moque de lui car il ne sait pas monter à cheval mais se montre précieuse dans certains conditions périlleuses, il va devoir échapper aux sbires du baron dans de nombreuses circonstances au court desquelles il risque sa vie. Il se retrouvera même en France, du côté de Cherbourg.

 

Les années d’apprentissage de la déduction, de l’observation, de l’analyse dont Sherlock Holmes fait montre dans les nouvelles et romans qui lui sont consacrés par Sir Arthur Conan Doyle sont décrites en partie dans ce roman sous la houlette d’Amyus Crowe.

Comme le déclare son mentor, au début de leur association, alors qu’il demande à son élève de désigner lequel des tableaux qui sont accrochés dans le hall d’Holmes Manor est un faux :

Tu viens d’apprendre que la déduction est importante, mais qu’elle ne sert à rien sans connaissances. Ton intelligence ressemble à un métier à tisser : elle tourne à vide et ne peut rien produire sans que tu lui fournisses un fil de trame. Alors elle peut commencer à filer. L’information est la base de toute pensée rationnelle : recherche-là sérieusement. Collectionne les faits avec assiduité, garnis-en les réserves de ton esprit. N’essaie pas de faire la distinction entre les faits triviaux et ceux qui paraissent importants : en puissance, ils le sont tous.

Il va aussi lui poser un problème de mathématiques qui déconcerte à chaque fois. Pourtant il existe une solution logique, mais les réponses fournies à chaque fois que le problème est posé sont erronées, or elles semblent elles-aussi logiques. Suffit de savoir prendre le problème dans le bon sens.

Un roman destiné aux adolescents, qui comporte plus d’actions que de détections, avec souvent des scènes de violence au cours desquelles le jeune Sherlock risque sa vie. Mais ce roman peut-être lu sans complexe par les adultes tant les épisodes sont mouvementés, violents parfois, mais il offre une vision d’un Sherlock Holmes en plein apprentissage de la vie. Et peut-être cette aventure explique-t-elle sa passion pour l’apiculture.

Andrew LANE : L’ombre de la mort (Young Sherlock Holmes. Death Cloud – 2010. Traduction de Marie Hermet). Les premières aventures de Sherlock 1. Editions Flammarion. Parution le 26 février 2011. 352 pages.

Réédition format poche. Flammarion Jeunesse. Parution 26 août 2015. 366 pages. 6,95€.

ISBN : 978-2081243941

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20 février 2019 3 20 /02 /février /2019 05:16

Il n’y a pas d’âge pour devenir détective,

même pour de faux…

Romain SLOCOMBE : Le faux détective.

Assister en direct à une tentative d’étranglement dans une voiture, recueillir le numéro minéralogique de la voiture dans laquelle une femme se fait tabasser par un homme, voilà de quoi déclencher une vocation.

Un écrivain de romans policiers intervient dans la classe de Jo Bical, mais l’attention des élèves est perturbée par un cri poussé par leur enseignante. Elle aperçoit dans le parking face à l’école un homme en train d’essayer d’étrangler une femme puis de la bourrer de coups. Ce n’est pas une façon de s’attirer les bonnes grâces de celle qui est au volant. Pourtant, elle démarre le véhicule précipitamment. Jo, qui n’a pas les yeux dans ses poches, relève le numéro du véhicule. On ne sait jamais. C’est comme ça que sa vocation est née.

Il recherche un endroit calme et tranquille afin d’installer son bureau. L’endroit idéal, il le découvre dans l’ancienne usine Métallunic, désaffectée depuis des années et à l’abandon. Il s’introduit dans le bâtiment et s’installe dans une pièce, où justement le mobilier semble l’attendre. Il va apporter des livres, des romans policiers, genre littéraire qu’il préfère, et à lui le calme et la sérénité.

Seulement, en ressortant, il croit percevoir des regards l’observant. Le début de sa formation peut-être. Peu après il revient avec les romans qu’il va dévorer et s’aperçoit que la chaîne et le cadenas fermant la grille d’entrée ne sont pas replacés tels qu’il les avait mis en repartant la fois précédente.

Des inscriptions lui signifiant qu’il n’est qu’un intrus, qu’il n’a rien à faire dans le bâtiment, dépareillent la pancarte qu’il avait accrochée à la porte du bureau qu’il s’était annexé, puis une adolescente, un peu plus vieille que lui, accompagnée d’un chien, un Doberman, le genre de canidé qui ne pose pas de questions en général, lui intime de dégager.

Et c’est comme ça que débutent ses ennuis. Non seulement il se fait manipuler par Vesna, d’origine Yougoslave, mais il découvre le véhicule qui porte la même plaque minéralogique que celle de l’agression, stationnée dans le parking. Et il se retrouve enfermé dans une cave.

 

Nous ne sommes pas loin des aventures pour juvéniles écrites par nombre de romanciers dans les années 1950 ou 1960, dans le fond mais pas dans la forme. Les gamins s’expriment avec des mots de tous les jours, employant sans vergogne les grossièretés qui sont le lot quotidien des petits voyous, ou des mal embouchés comme aurait dit ma grand-mère.

Pour le reste, il s’agit d’une histoire convenue, avec toutefois un regard sur la société, cette fameuse usine Métallunic fermée par son propriétaire pour la transplanter ailleurs, dans un pays où la main-d’œuvre est nettement moins préjudiciable aux portefeuilles des patrons.

Il me semble que ce roman a été écrit bien des années avant sa parution, à moins que l’auteur ait voulu ne pas le dater, car le numéro minéralogique du véhicule, 488 PR… nous ramène au début des années 1970, selon les départements.

Quant à l’illustration, signée Christophe Merlin, je ne la trouve guère attirante et incitative pour découvrir le contenu. Mais ce n’est qu’une appréciation tout à fait personnelle qui n’engage que moi.

Romain SLOCOMBE : Le faux détective. Collection Souris Noire. Editions Syros. Parution le 20 janvier 2011. 94 pages.

ISBN : 978-2748510379

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6 février 2019 3 06 /02 /février /2019 05:19

Ce roman pour enfant devrait raviver quelques souvenirs de lecture à nous qui sommes adultes mais gardons un esprit juvénile.

Michel AMELIN : Dans les griffes du Sphinx.

A l’occasion du dixième anniversaire de la mort tragique de son père, archéologue et éminent égyptologue, lors de fouilles à Louxor, Alan Radcliffe a convoqué en son château les sept personnes qui étaient présentes au moment du drame. Et il leur promet une surprise.

C’est ainsi que Elizabeth Peters, qui fut dix ans auparavant étudiante en égyptologie, accompagnée de Ramsès et Isis, ses jumeaux nés neuf mois après le drame, retrouve à la sortie de la gare son ancienne condisciple Agatha Bliss. Agatha dirige désormais le Musée pharaonique de Cambridge tandis qu’Elizabeth est devenue journaliste. Il n’y a qu’un seul taxi pour les conduire au manoir et elles sont obligées de voyager de conserve malgré leur répugnance car il pleut des cordes et, selon le chauffeur, bientôt ils ne pourront plus accéder à destination, la rivière étant sur le point de déborder.

Alan Radcliffe les accueille dans un vaste hall dans lequel se tiennent déjà les autres invités. Cette pièce est encombrée d’une haute vitrine renfermant une collection de dix poignards égyptiens, d’un grand sphinx sculpté dans un bloc crayeux, mais qui contrairement à l’original possède encore son nez, une cheminée sur laquelle sont gravés des hiéroglyphes. Et assis dans des fauteuils, Jack Mallowan, un médecin, Nancy Buckingham qui aurait pu servir de modèle pour la fabrication de la poupée barbante, le beau Christian Mertz et les frères Smythe, Bernard et Paul, deux professeurs et amis de Radcliffe père.

Ramsès et Isis, les jumeaux, ne perdent pas une miette des échanges verbaux et du décor. Mais leur étonnement ne fait que commencer. D’abord Alan Radcliffe accuse les participants à cette réunion d’avoir délibérément assassiner son père en le poussant dans une fosse, la terre en s’effondrant l’enfouissant. Mais il ne peut avancer le nom du ou des criminels. Ensuite, il invite les jumeaux à l’aider à extirper d’une sorte de cagibi des caisses de différentes grandeurs. Ces objets sont numérotés étant affectés à chacun des membres présents, lors de l’ouverture de ces caissons, c’est la stupeur qui étreint tous ces personnages. Ces parallélépipèdes contiennent un tronc, un bras, une jambe, une tête…

Un squelette démantibulé se propose à la vue de ces hommes et femmes, et enfants naturellement. Il ne s’agit que de répliques mais si bien réalisées que tout le monde les prend au premier abord pour des morceaux de cadavre. Puis Alan abandonne ses invités, les laissant s’écharper verbalement. Et il n’est pas question de quitter le manoir à cause de la crue de la rivière. Ils sont piégés. La tension monte, les échanges de mots doux sont acrimonieux, les reproches fusent. Jusqu’au moment où ils découvrent Radcliffe mort, un poignard fiché dans le dos. Et l’une des griffes du sphinx est recouverte d’un vernis rouge. Bientôt d’autres griffes seront ainsi peinturlurées annonçant de nouveaux cadavres.

 

Naturellement, le lecteur avisé pensera aussitôt à l’un des romans les plus célèbres d’Agatha Christie, dont je tairai le nom uniquement par respect pour l’auteur et pour ceux qui n’ont pas lu cet ouvrage, qui figure comme l’un des classiques de la littérature policière.

Mais d’autres références littéraires sont également disséminées dans ce texte et surtout dans les noms des personnages. La première de ces références étant naturellement le personnage de Mallowan, le second mari d’Agatha Christie, archéologue et égyptologue. La seconde référence se tient dans le patronyme d’Elizabeth Peters qui est celui d’une célèbre romancière américaine qui utilisa l’Egypte des Pharaons comme décor pour ses romans. Elizabeth Peters, à ne pas confondre avec Ellis Peters dont le centre d’intérêt était la période médiévale britannique, a été à de nombreuses reprises traduites en France, soit sous son nom, notamment au Fleuve Noir et au Livre de Poche, mais également sous le pseudonyme de Barbara Michaels dans la collection Nous Deux.

Or, les patronymes de Radcliffe, de Bliss ou de Smythe, par exemple, sont les noms de certains personnages d’Elizabeth Peters donc il n’y a pas d’ambigüité.

Michel Amelin, grand connaisseur des reines du crime, Anglo-Saxonnes ou Américaines de préférence, et des romancières dont la spécialité s’est forgée dans l’écriture de romans dits à l’eau de rose, mais il ne faut pas oublier que les roses possèdent des piquants, Michel Amelin s’est amusé dans l’écriture de ce roman pour notre plus grand plaisir, mais il n’est pas sûr que les jeunes adolescents découvriront ces subtilités.

 

 

Réédition : Maxi poche Jeunesse. Editions de la Seine. Parution le 5 juin 2006. 192 pages.

Réédition : Maxi poche Jeunesse. Editions de la Seine. Parution le 5 juin 2006. 192 pages.

Michel AMELIN : Dans les griffes du Sphinx. Polar gothique N°405. Bayard Poche. Parution mai 1997. 144 pages.

ISBN : 978-2744116094

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30 janvier 2019 3 30 /01 /janvier /2019 05:49

Othon en emporte le vent…

Alexandre DUMAS : Othon l’archer.

En cette fin d’année 1340, Karl de Hombourg, qui a durant de longs mois participé dans les Flandres à la guerre opposant la France de Philippe de Valois aux troupes d’Edouard III d’Angleterre sur l’ordre de l’empereur Louis V de Bavière, revient au pays.

Il arrive en vue du château de Godesberg où vit son ami et frère d’armes, le comte Ludwig, landgrave de Godesberg. De la lumière jaillit de toutes les fenêtres, et il pense, à juste raison, qu’il s’y déroule une fête. Mais son ami est pensif, préoccupé, en proie à de sombres pensées et ne participe pas à la joie générale. Ludwig, caché derrière une tenture, montre l’objet de sa déprime. Emma, sa femme si belle, est en train de danser avec Albert son frère de lait et leur connivence est manifeste.

Or, la ressemblance entre Othon, fruit des épousailles de Ludwig avec Emma, et Albert est criante, frappante. Si frappante qu’elle frappe également Karl de Hombourg. La suspicion est née dans l’esprit du comte de Godesberg à causes des insinuations de son cousin et conseiller Godefroy lequel aurait évoqué un possible cocufiage dont Othon serait issu. Karl ne peut qu’acquiescer, Othon étant la copie conforme d’Albert.

Ludwig, comte de Godesberg, décide donc d’envoyer Emma dans un couvent, tandis que le jeune Othon devra intégrer un monastère. Mais Karl n’est pas persuadé de l’adultère supposé d’Emma et provoque en duel Godefroy. Celui-ci, mortellement blessé, lui fait quelques confidences et se confesse auprès d’un prêtre avant de décéder. Le religieux apprend alors au comte de Godesberg qu’entre Emma et Albert, la connivence établie n’était pas celle d’amoureux transis, mais d’un frère et d’une sœur.

Aussitôt le landgrave décide qu’Emma et Othon réintègreront le château. Emma est mortifiée tandis qu’Othon a échappé aux gardes chargés de l’accompagner.

Othon, âgé environ de seize ans, rencontre au cours de ses pérégrinations dans les bois une bande d’archers qui se rendent à la fête de l’arc, comme tous les ans, organisée par le prince Adolphe de Clèves. Il démontre à ses nouveaux compagnons qu’il est expert dans le maniement de l’arc, accomplissant quelques exploits avec ses flèches. Et il se lie d’amitié avec quelques uns de ses nouveaux compagnons de route.

S’ensuivent quelques épisodes épiques dont la rencontre, dans un château en ruines, de fantômes, puis arrivé près du prince de Clèves, il s’éprend da la jeune fille du seigneur du lieu, Hélèna. Attirance réciproque. Mais il ne peut dévoiler son statut de jeune noble ce qui va l’handicaper dans sa conquête amoureuse, malgré de nouveaux exploits comme archer et combattant. Car Hélèna est fiancée, contre son gré au comte de Ravenstein.

Le chevalier au Cygne va-t-il pouvoir démêler un imbroglio d’apparence insoluble ?

 

Ce conte germanique publié pour la première fois dans le journal Le Siècle en 1838 fut recueilli en 1857 dans un recueil avec d’autres contes sous le titre de Contes pour les Petits. Les autres textes ayant été publiés dans le Monte-Cristo dans une série intitulée L’homme aux contes, dont le titre pourrait avoir été suggéré par Gérard de Nerval. Mais il semblerait que cette affirmation serait un hommage à son ami qui s’était suicidé en 1855.

Mais il est vrai également que Dumas, avant d’écrire ses pièces de théâtre, avait adapté en français des œuvres de Schiller, Andersen et Walter Scott. Et il n’est pas farfelu de penser qu’en écrivant Othon l’archer, Dumas ne se soit pas inspiré d’une histoire qu’il aurait aménagée à sa façon.

Quelle que soit l’origine de ce texte, Othon l’archer s’inscrit dans la veine romantique en exaltant certaines vertus indispensables mais avec un plongeon dans une aura quelque peu fantastique et guerrière.

La jalousie attisée par des insinuations, la fidélité battue en brèche par des allégations fallacieuses, déclenchent le départ aventureux d’Othon qui devra par ses seules qualités d’archer, d’adolescent courageux qui va conquérir le cœur de sa belle, tout en influant sur le comportement au départ négatif du prince de Clèves. Car il cache son statut de jeune noble prouvant que la valeur ne réside pas dans le fait qu’il est fils de comte mais dans son esprit entreprenant et courageux, allié à ses démonstrations d’habileté.

 

Vous pouvez télécharger gratuitement cet ouvrage et d’autres en vous rendant à l’adresse ci-dessous :

Autres chroniques sur des romans d’Alexandre Dumas :

 

Alexandre DUMAS : Othon l’archer. Collection L’Aube poche/Les Populaires. Editions de l’Aube. Parution le 21 juin 2007. 155 pages.

ISBN : 978-2752603555

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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