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12 octobre 2019 6 12 /10 /octobre /2019 03:55

Un djinn ni troué, ni déchiré, ni délavé !

Philippe WARD : Le maître du Nil.

En l’an 386 de l’Hégire, Al-Aziz, le calife d’al-Qahira se meurt. Son fils Al-Hakim va prendre la succession mais il n’a que onze ans, aussi c’est Barjawan dit le slave qui assurera la régence. Une décision qui ne plait guère à Ibn Ammar, le chef des Berbères Kutana qui a par le passé rendu service au calife moribond, portant les Fatimides au pouvoir.

Avant de décéder, le calife murmure ses derniers conseils à son fils : frapper les Abassides qui sont leurs ennemis, s’emparer de Bagdad et de Byzance, les ennemis de leur peuple Fatimide, et de leur religion.

La rivalité entre Barjawan et Ibn Ammar éclate dès le trépas du calife et Amr, un djinn qui surveille la destinée d’Al-Hakim, aide Barjawan, malgré les divergences qui les opposent, à se débarrasser de son adversaire. Barjawan peut donc désormais diriger le pays en tant que vizir, avec le secret espoir de devenir le calife à la place du calife.

Sitt, la sœur quelque peu plus âgée d’Al-Hakim, est le fruit des amours du calife défunt avec un djinn femelle, tandis que la mère du garçonnet était chrétienne. Or les djinns ne sont guère appréciés de la population. Malgré tout, Amr poursuit son œuvre, sa mission, auprès d’Al-Hakim qui s’affirme de jour en jour.

Enfant, Al-Hakim s’amusait à piéger les oiseaux avec de la glu dans les arbres puis à les égorger. En vieillissant, passant peu à peu à l’adolescence, son instinct sanguinaire ne faiblit pas, au contraire. Il n’apprécie pas être contredit et ceux qui osent le défier ne terminent pas la journée.

Si Amr est de bon conseil, il tient parfois à s’effacer, laissant Al-Hakim prendre des initiatives plus ou moins bonnes. Il trouve une alliée de circonstance en Sitt qui protège son petit frère, et en Lamia, la stryge, malgré leur rencontre houleuse. Ils s’apprécient alors qu’au départ elle était vindicative à son encontre.

Amr habite dans une des pyramides dressées dans la plaine de Gizeh, et rend souvent visite à l’érudit Pacratis, cherchant à comprendre les mystères de l’Egypte ancienne et son écriture hiéroglyphique.

Mais il possède un ennemi en Iblis, le conseiller du calife de Bagdad et éminence grise des Abassides, qui est son propre frère. Iblis tente de tuer à plusieurs reprises Al-Hakim mais à chaque fois Amr le contrecarre dans ses essais. Ils s’affrontent en se transformant selon les épisodes en épervier ou autre animal, ou en khamsin, ce vent de sable qui permet d’évoluer à grande vitesse et d’échapper aux regards.

Dans des oasis, des tribus berbères fomentent la révolte contre ce calife despotique et sanguinaire. Ils sont aidés dans leur entreprise par Abou Rakwa qui se proclame le Mahdi et le nouveau prophète dont le poids des mots influe négativement sur ses interlocuteurs ou au contraire leur insuffle un courage de rébellion.

Les actes d’Al-Hakim varient en fonction de son humeur. Il prend de nombreux décrets, parfois contradictoires, que rédige Amr, le principal conseiller du calife. Al-Hakim se montre tour à tout caractériel, prétentieux, mégalomane, humble, manipulateur, sensible, orgueilleux, ambitieux, imprégné de la foi musulmane. Il est craint, redouté, ou aimé selon les décisions qu’il prend sur des coups de tête. Il dépense sans compter et bientôt les caisses de l’état sont vides.

 

Le calife Al-Hakim bi-Amr Allah

Le calife Al-Hakim bi-Amr Allah

 

Ce roman historico-fantastique s’inscrit dans la période de la fin du premier millénaire et début du second millénaire. Il est placé sous le signe de la dualité.

Dualité des personnages, Sitt étant par exemple mi-humaine mi-djinn, Al-Hakim se montrant bipolaire dans ses humeurs, dualité entre Amr et Iblis, les deux frères djinns qui se combattent afin d’élever le règne des califes qu’ils servent mais dont leurs propres ambitions se télescopent, dualité religieuse qui perdure de nos jours entre les chiites et les sunnites. Sans oublier l’ingérence bénéfique entre anciens dieux, la belle Isis en particulier, et les dieux modernes incarnés par Allah et son prophète Mahomet. Dualité enfin entre faits et personnages historiques réels et fiction d’inspiration fantastique.

L’on sait que Philippe Ward professe un attrait fortement ancré pour cette région d’Afrique, l’Egypte et la Syrie notamment, puisqu’il l’a déjà explorée en compagnie de Sylvie Miller pour sa sage de Lasser, détective des Dieux.

Mais ici, il s’agit d’une œuvre personnelle, son Grand Œuvre, qui pourrait marquer la littérature fantastique, la littérature tout court, par son évocation de cette période, par sa fougue et son entrain, par sa connaissance historique et géographique également.

Il est dommage que les documents compulsés ne soient pas répertoriés en fin de volume.

Mais un petit truc, oui y’a un truc, qui me gêne. C’est l’apport de Marielle Carosio dans l’édition de ce roman en tout point remarquable. En effet, il est précisé : édition dirigée par Marielle Carosio.

Quel est l’apport de cette jeune femme, étudiante en littérature et édition littéraire ? Relecture, remise en forme, conseils d’écriture ? Je ne pense pas que Philippe Ward, qui possède déjà à son actif une trentaine d’ouvrages écrits seul ou en collaboration, qui est lui-même éditeur, ait eu besoin d’un tel apport, d’autant que j’ai relevé quelques anomalies dans le texte. Notamment, au début :

Page 22 :

Un immense turban blanc autour duquel resplendissait le rubis… Ce ne serait pas plutôt le rubis qui resplendissait dans un immense turban blanc ?

 

Page 25 :

S’engouffra dans un lazzi de ruelles nauséabondes… Lazzi pour lacis ?

 

Pour en savoir plus sur le calife Al-Hakim, n’hésitez pas à vous rendre sur le lien ci-dessous :

Quelques publications de Philippe Ward en solo :

Philippe WARD : Le maître du Nil. Hors Série N°65. Editions Rivière Blanche. Parution 1er septembre 2019. 324 pages. 25,00€.

ISBN : 978-1-61227-858-2

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7 octobre 2019 1 07 /10 /octobre /2019 03:17

En espérant qu’il ne chante pas faux…

Anne McCAFFREY : Le chant du Dragon

Tandis que la planète Pern est régulièrement arrosée d’une espèce de pluie mortelle, les Fils Scintillants, que seuls des dragons cracheurs de feu sont capables de réduire à néant, d’annihiler, dans le fort de Mer du demi cercle, se joue un mini drame.

Le vieil Harpiste Pétiron vient de décéder, or dans un fort, dans une communauté, le Harpiste est un personnage important. Seule Menolly pourrait le remplacer, sachant jouer avec habileté de l’instrument de musique et possédant une voix admirable. Mais Menolly est une fille et malgré ses dons réels, ses parents, Yanus son père, Mavi sa mère, lui refusent l’honneur et la joie d’assumer cette charge.

Ménolly se voit confier l’enseignement de la musique aux enfants en attendant l’arrivée d’un nouvel Harpiste, tout en effectuant les travaux indispensables à la vie communautaire. S’occuper d’un vieil oncle, vider les poissons et réparer les filets au retour de la pêche etc.

Menolly étouffe dans cette atmosphère et un jour, n’y pouvant plus, elle quitte le fort, ses parents, et part à l’aventure.

Elle trouve refuge dans une caverne et apprivoise des Lézards de Feu, échappant de peu à une pluie mortelle de Fils Scintillants grâce aux Chevaliers-Dragons.

 

Dans ce roman d’Heroïc-Fantasy, Anne McCaffrey, si elle utilise certains thèmes propres à ce genre littéraire, dont les dragons, les planètes éloignées et les manifestations d’éléments incontrôlables et nuisibles, ajoute sa touche personnelle et met l’accent sur les relations parents-enfants et sur les interdits, les fonctions que ne peuvent assumer les représentantes du sexe féminin.

Parce que Menolly est une fille, il n’est pas bienséant, convenable qu’elle chante, qu’elle joue d’un instrument mais surtout qu’elle compose ses propres chants. Elle doit rester confinée dans son rôle de ménagère, ce qu’elle ne supporte plus, d’où sa fugue.

Roman de détente donc, mais aussi roman de réflexion sur le rôle de la femme dans la société.

Anne McCAFFREY : Le chant du Dragon (Dragonsong – 1976. Traduction de Eric Rondeaux). Collection Epées et Dragons N°14. Editions Albin Michel. Parution juin 1988. 256 pages.

ISBN : 2-226-03226-6

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2 octobre 2019 3 02 /10 /octobre /2019 04:43

L’univers littéraire de Clive Barker est à nul autre pareil.

Clive BARKER : Apocalypses. Livre de sang 4.

Tout d’horreur, d’épouvante, de frissons, de démons et de folie. Un univers dans lequel Herbert-George Wells et Stephen King, entre autres, se seraient télescopés, amalgamés, auraient fusionné, unissant en symbiose leurs univers délirants de savants fous, de névrosés, de personnages dépassés par leur propre corps, de créatures hybrides, mi-humains mi-démons.

Au sommaire de ce volume, cinq nouvelles pleines de fureur, véritable bouquet vénéneux au parfum tenace. Si efficaces qu’elles laissent le lecteur groggy et pantois devant tant d’ingéniosité.

 

Dans Le corps politique, ce sont des mains qui revendiquent leur liberté. Les mains de Charly George parlent entre elles, la nuit, fomentant une rébellion à l’insu de leur propriétaire légitime. Elles désirent leur autonomie. Leur complot réussi, elles entraînent d’autres mains dans leur évasion. Une histoire à ne pas mettre entre toutes les mains, on ne sait jamais.

Dans La condition inhumaine, quatre jeunes voyous s’en prennent à un malheureux clodo, lui vident les poches à la recherche d’argent, d’objets possédant une quelconque valeur. Le plus jeune de la bande, Karney, se désintéresse de ce qu’il se passe lorsqu’il aperçoit, parmi les détritus résultant de la fouille, un morceau de corde. Ce bout de ficelle est noué en trois endroits. Karney, qui adore les puzzles, les problèmes concrets, n’a plus qu’une idée : défaire ces nœuds inextricables. Mais il délivre une entité qui va provoquer des ravages et des meurtres.

Que ce passe-t-il lorsqu’un évangéliste, intégriste, intolérant, trop imbu de sa personne, imprégné de l’Apocalypse, s’arrête dans un motel avec sa femme et son chauffeur à cause de la pluie, et leur reproche quelques futilités, leur manquement à la foi et à la ligne tracée par la Bible ? Que se passe-t-il lorsque les fantômes d’une femme et du mari qu’elle a assassiné viennent effectuer un pèlerinage sur le lieu de leur dispute meurtrière ? C’est ce que vous saurez en lisant cette nouvelle qui donne son titre au recueil : Apocalypse.

Rétro-Satanas, la plus courte nouvelle du volume, est un peu comme la parabole du Diable construisant l’Enfer.

Enfin, dans Le siècle du Désir, Clive Barker exploite à sa manière l’une des préoccupations millénaires de l’être humain : comment exacerber au maximum sa libido. Un savant fou, l’un des thèmes porteurs de la littérature fantastique, met au point un nouvel aphrodisiaque, plus puissant mais plus dangereux que toutes les recettes supposées efficaces issues des croyances populaires de par le monde.

 

Clive Barker allie le machiavélisme, le scientifique, la démonologie pour écrire des histoires terrifiantes, dans lesquelles seules l’horreur, le diabolisme et la violence ont le droit de cité.

La petite part de poésie que l’on trouve parfois chez ses confrères ici n’existe pas.

Quant à l’humour, c’est véritablement une denrée rare.

 

Réédition : J’Ai Lu épouvante 4008. Parution septembre 1995. 256 pages.

Réédition : J’Ai Lu épouvante 4008. Parution septembre 1995. 256 pages.

Clive BARKER : Apocalypses. Livre de sang 4. (Clive Barker's Books of Blood, volume 4, 1985. Traduction Hélène Devaux-Minié). Collection Blême. Editions Albin Michel. Parution février 1991. 264 pages.

ISBN : 2-226-05230-5

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23 septembre 2019 1 23 /09 /septembre /2019 04:45

Une plongée dans le Londres de Jack l’Eventreur…

René REOUVEN : Les grandes profondeurs.

En cette fin d’année 1918, les Londoniens sont en liesse. Ils fêtent la défaite de l’Allemagne, brûlant l’effigie de l’Empereur Guillaume II. Les rues sont encombrées et le véhicule qui transporte Sir William Crooke, un célèbre et vieux savant physicien, a du mal à se frayer un passage jusqu’à un quartier déshérité de la capitale.

Il entre dans une bâtisse où un peu plus de trente ans auparavant il avait installé une sorte de laboratoire et récupère au premier étage, cachés sous le plancher, des carnets intimes.

Ce sont ces carnets qui nous sont proposés à la lecture et qui débutent le 2 septembre 1885 pour se terminer le 4 décembre 1888.

William Crooke, qui à l’époque n’avait pas encore été anobli, est persuadé qu’un quatrième état existe, l’état radiant, différent et complémentaire des états solide, liquide et gazeux. De plus il se pique d’occultisme et de spiritisme, une étude fort à la mode.

Pour cela il a aménagé dans un entrepôt du quartier de New Nicholl, un quartier dans lequel devaient être construits des logements sociaux mais qui est rapidement tombé dans l’abandon car les pauvres auxquels étaient destinés les bâtiments ne pouvaient se permettre de payer de tels loyers.

Il est déjà reconnu par ses pairs comme un excellent physicien, et est président de bon nombre d’associations et de sociétés scientifiques. Il possède à son actif de nombreuses inventions et découvertes mais il existe une fracture dans sa vie familiale. Son frère Crooky, le benjamin de la fratrie est décédé d’un accident de bateau. Et les liens avec son autre frère Walter se sont resserrés.

Or donc il installe des appareils complexes, dont un convecteur, un tube à vide et autres instruments dont il pense qu’ils vont lui permettre de capturer l’âme ou la présence de l’ectoplasme de Crooky.

Dans le même temps, il fréquente ou fait la connaissance des représentants majeurs de la littérature et de leurs œuvres, Henry James, Robert-Louis Stevenson, Oscar Wilde ou encore Guy de Maupassant. Le Horla de Maupassant et L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Stevenson seront ses lectures. Sa femme Nelly le soutient dans son entreprise, même si elle reste à la maison et ne participe pas à ses recherches hors de la résidence familiale.

Il s’investit de plus en plus dans ses démarches et ses recherches et un jour une image fixée sur son convecteur l’interpelle, tandis que le tube à vide contient une légère lueur verte. Crooky lui apparait comme sur un écran, et il le voit enjamber la rambarde d’un navire. Son frère ne serait donc pas décédé accidentellement mais se serait suicidé.

Walter lui précise qu’en effet Crooky était malade, atteint de la vérole contractée par la fréquentation de prostituées, mais il ne connaissait pas les finalités de ce drame.

Entre temps dans Londres débute une période de terreur. Des prostituées sont attaquées et tuées par un garçon-boucher malade mentalement. Il est arrêté mais ceci n’est que le prélude à d’autres assassinats envers ces pourvoyeuses de plaisir et de maladies.

 

Le lecteur se doute à un certain moment, je ne précise pas quand volontairement, de l’identité du coupable, du meurtrier des prostituées. Mais ce n’est pas le plus important de cette histoire, même si elle fait partie intégrante de l’intrigue.

Ce sont les préparatifs puis la mise en œuvre de la part de Crooke de l’installation des appareils destinés à capter il ne sait pas trop quoi au départ. Ce sont grâce à des réminiscences et des parcelles de vérité, de la part de Walter notamment, mais également des différents échanges verbaux avec Oscar Wilde et Henry James, que les fuligineuses apparitions vont se concrétiser.

René Reouven est plus précisément passionné par la littérature et l’histoire du XIXe siècle ayant pour décor l’Angleterre sous le règne de la Reine Victoria, et il nous restitue avec précision cette période. La présence de nombreux littérateurs de l’époque offre cette part de véracité qui imprègne la plupart de ses romans consacrés à ce thème si souvent exploité mais qui recèle toujours une part d’ombre.

L’auteur aborde également l’un des thèmes récurrents en littérature, populaire ou autre, celui de l’affrontement, pour ne pas dire plus, entre rationalistes et occultistes. L’aspect scientifique des uns pour servir l’aspect spirite des autres.

Et c’est cette dualité qui mène l’intrigue, tout en puisant dans l’univers littéraire de l’époque, et la confrontation du Bien et du Mal personnifié par le roman de Stevenson, L’étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde.

 

Réédition : Présence du fantastique N° 38. Editions Denoël. Parution janvier 1995.

Réédition : Présence du fantastique N° 38. Editions Denoël. Parution janvier 1995.

Dans le volume Crimes apocryphes 2. Collection Lune d’Encre N°71. Editions Denoël. Octobre 2005.

Dans le volume Crimes apocryphes 2. Collection Lune d’Encre N°71. Editions Denoël. Octobre 2005.

René REOUVEN : Les grandes profondeurs. Collection Présences. Editions Denoël. Parution août 1991. 240 pages.

ISBN : 2-207-23893-8

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21 septembre 2019 6 21 /09 /septembre /2019 04:56

Ou Ivre de sang ?

Clive BARKER : Livre de sang

Qu’ils sont bien loin les contes de notre enfance, avec leurs elfes, leurs sorcières, leurs magiciens, leurs animaux fantastiques, leurs châteaux hantés, leurs fantômes…

De nos jours, de plus en plus, la littérature fantastique est axée sur la terreur, l’épouvante, le sang et la violence. Signe des temps peut-être, où justement la violence et le sang se retrouvent quotidiennement dans les rues, les stades, les supermarchés, les endroits publics.

Finie la poésie d’un Peter Pan jouant de la flûte ou livrant un combat homérique au Capitaine Crochet, fini les mondes parallèles de Prince Caspian.

Maintenant, c’est l’horreur, l’horreur au quotidien que se plaisent à nous décrire les nouveaux maîtres du fantastique.

Témoin ce recueil de nouvelles de Clive Barker paru dans la collection Spécial Fantastique que venaient de créer les Editions Albin Michel.

Horreur morbide et sanguinaire, la première de ces nouvelles, Le train de l’abattoir, en est l’exemple parfait : boucher singulier officiant dans le métro new-yorkais et qui se perpétue dans La Truie : prisons de délinquants adolescents dont le pôle d’attraction est une ferme, ou encore dans Dans les collines, les cités, duel grandiose entre deux cités.

Peu d’humour dans ces récits sauf peut-être dans Jack et le Cacophone, combat entre un homme et un démon qui aspire à s’élever dans la classe sociale démoniaque.

Mais les spectres (indispensables !) ne sont pas oubliés et Les feux de la rampe nous en présente des échantillons qui savent se tenir en scène.

 

Ce livre est à déguster nouvelle après nouvelle, à petites doses afin d’en sentir pleinement tous les frissons distillés par Clive Barker.

 

Sommaire :

1 - Le Livre de sang (The Book of Blood), pages 9 à 29.

2 - Le Train de l'abattoir (The Midnight Meat Train), pages 31 à 74.

3 - Jack et le Cacophone (The Yattering and Jack), pages 75 à 109.

4 - La Truie (Pig Blood Blues), pages 111 à 160.

5 - Les Feux de la rampe (Sex, Death and Starshine), pages 161 à 221.

6 - Dans les Collines, les Cités (In the Hills, the Cities), pages 223 à 270.

 

Clive BARKER : Livre de sang (Clive Barker's Book of blood. volume 1. 1984. Traduction de Jean-Daniel Brèque). Collection Spécial Fantastique. Editions Albin Michel. Parution septembre 1987. 276 pages.

Nombreuses rééditions, notamment chez J’Ai Lu.

ISBN : 2-226-03136-7

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10 août 2019 6 10 /08 /août /2019 04:40

Ça présentait tous les symptômes,
Tous les dehors de la vision,
Les faux airs de l'apparition,
En un mot, c'était un fantôme !

Georges Brassens.

William Hope HODGSON : Carnacki et les fantômes.

Avec son héros Carnacki chasseur de fantômes, William Hope Hodgson ouvre la voie à de nombreux romanciers et nouvellistes, proposant un héros, détective de l’étrange et du surnaturel, dont les émules seront nombreux et dont le chef de file est naturellement Harry Dickson immortalisé par Jean Ray.

A peu près à la même époque d’Harry Dickson, on peut signaler le docteur John Silence d’Algernon Blackwood, et Jules de Grandin de Seabury Quinn, ou encore Teddy Verano de Maurice Limat. De nos jours on peut signaler Ebenezer Graymes, dans la Série du Commandeur de Michel Honaker. Mais il serait fastidieux et hors sujet de les citer tous et intéressons-nous principalement à Carnacki, héros de ce recueil de nouvelles.

A ce propos, et contrairement à ce qui est annoncé en quatrième de couverture, ce recueil ne contient pas neuf aventures de Carnacki, mais bien sept, dont les titres sont répertoriés ci-dessous.

 

Le rituel est quasiment immuable. Carnacki envoie un carton d’invitation à quelques amis, Arkright, Jessop et Taylor, et le narrateur, et à la fin d’un repas dînatoire, narre une aventure qu’il vient de vivre, souvent à la demande d’un ami ou d’une connaissance.

En général il est appelé à résoudre une énigme dans un manoir hanté, ou supposé tel. Et afin de résoudre les problèmes, des portes qui grincent des cris qui fusent dans la nuit, des morts étranges, dont des vagabonds, dans un manoir inhabité, Carnacki trace un pentacle à la craie, se sert d’un mystérieux appareil électrique composé de tubes à vide (ou tube électronique), appose des scellés confectionnés avec des cheveux et de la cire incolore, afin de déterminer s’il s’agit d’une entité virtuelle ou réelle qui provoquerait ces manifestations.

Souvent il lui faut plusieurs semaines afin d’arriver au but et découvrir la provenance des symptômes. Dans La chambre qui sifflait, il revient même chez lui à Londres, convoquant ses amis afin de leur raconter la première partie de l’affaire qui le réoccupe. Il veut faire le point dans ses idées puis il repart en Irlande, là où se situe le fameux château, afin de terminer son enquête.

Parfois, Carnacki allie affaires personnelles et aide à des amis. Ainsi dans Le Jarvee. Ayant décidé d’effectuer un voyage en mer pour des raisons de santé, il choisit d’embarquer à bord du Jarvee, dont le capitaine Thompson, qui est un vieil ami, lui avait signalé, bien des années auparavant, que quelque chose d’étrange régnait dans ce bateau. Et ce quelque chose d’étrange ne se manifeste qu’au bout de quelques jours de navigation, alors que Carnacki a inspecté le navire sous toutes ses coutures, posant ça et là ses fameux scellés. Enfin, un jour, le capitaine Thompson désigne au loin, à l’aide de jumelles, des ombres sur la mer, aux quatre points cardinaux. Et bientôt ces ombres atteignent le Jarvee, déclenchant une tornade impressionnante. Et deux marins, malgré les précautions prises, tombent des vergues alors qu’ils devaient amener les voiles.

 

Et la résolution de l’énigme est rationnelle, selon les nouvelles, tout en comportant une part d’ombre ou alors issue d’un surnaturel provenant d’anciennes légendes et d’histoires de vengeance. Mais il plane aussi comme une malédiction sur les manoirs, les navires, hantés par des entités électriques provoquant des drames.

 

Au cours de la narration de ses aventures, Carnacki fait référence à d’autres affaires qu’il eut à résoudre, dont L’affaire du Chien gris, Le doigt jaune, La porte branlante, et il indique qu’il met en corrélation avec ces énigmes Le manuscrit Sigsand ou des versets du Rituel Saaamaaa. On pourra comparer ce manuscrit Sigsand au Nécronomicon, ou du moins déceler un rapport entre ces deux ouvrages fictifs.

Et l’on peut affirmer que William Hope Hodgson est un précurseur dans ce genre de fantastique empruntant aux technologies nouvelles, celles qui étaient connues à son époque, tout en préservant le côté surnaturel.

 

François Truchaud signe la préface et assure la traduction des textes.

Sommaire :

1 - François Truchaud : W.H. HODGSON ou la Quête du Surnaturel, pages 7 à 12, Préface.

2 - La Porte (The Gateway of the Monster), pages 13 à 45.

3 - La Maison parmi les lauriers (The House Among the Laurels), pages 46 à 76.

4 - La Chambre qui sifflait (The Whistling Room), pages 77 à 104.

5 - Le Mystère de la maison hantée (The Searcher of the End House), pages 105 à 147.

6 - Le Cheval de l'invisible (The Horse of the Invisible), pages 148 à 189.

7 - Le Jarvee (The Haunted Jarvee), pages 190 à 218.

8 - Le Verrat (The Hog), pages 219 à 284.

 

William Hope HODGSON : Carnacki et les fantômes. Introduction et traduction de François Truchaud. Collection Le Masque fantastique N°14. Librairie des Champs Elysées. Parution 1er trimestre 1977. 286 pages.

Nombreuses rééditions dont Néo en 1982, 10/18 en 1995, Terre de Brume en 2008 sous le titre Carnacki le chasseur de fantômes.

ISBN : 2-7024-0582-7

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9 août 2019 5 09 /08 /août /2019 04:17

Attention à la marche !

Peter RANDA : L'escalier de l'ombre.

La veille de Noël 1955 dans la vallée du Vaudois. Deux couples circulant en voiture sont bloqués par la neige sur une route déserte en pleine nuit. Le véhicule est immobilisé non loin du col et de l'autre versant de la montagne, plus abrité. Il ne leur reste plus qu'à essayer de rejoindre le château dont l'aubergiste du village leur a signalé la présence.

Les quatre voyageurs, Jacques, ingénieur, et sa femme Simone, Bernard, professeur de littérature à la faculté de Lausanne et Marthe son amie, sont totalement différents les uns des autres, physiquement et mentalement, mais leur amitié est sincère.

Au bout d'une heure de marche et seulement cinq cents mètres à parcourir, ils parviennent péniblement jusqu'à l'impressionnante bâtisse d'aspect médiéval. Ils sont fatigués et toquent au massif battant de chêne muni d'un judas grillagé. Une voix s'exprime derrière le guichet, ils quémandent asile, mais la réponse est négative. Excédé Jacques lance le heurtoir une nouvelle fois à toute volée, et miracle, les quatre amis entendent le verrou glisser. La voix explique qu'il a frappé trois fois et cela suffit pour ouvrir. Jacques donne une poussée à la porte qui s'entrouvre lentement sans bruit.

Derrière le battant se tient une vieille femme habillée de noir. A leurs questions elle répond de façon sibylline. Oui, il y a un propriétaire, quelquefois, non, il n'est pas là pour le moment.

Enfin ils arrivent, après un long détour dans des couloirs interminables, à la suite de cette personne qui s'éclaire à l'aide d'un cierge, dans une cuisine de campagne. Un feu dans la cheminée diffuse une lumière qui laisse dans l'ombre toute une partie de la pièce. De cette ombre émerge un géant prénommé Guillaume. Il accepte la cigarette offerte mais ne sait pas ce dont il s'agit. Un repas frugal est servi composé de saucisses sèches, de fromage de chèvre et de pain. Mais ce qui inquiète Marthe, c'est la présence de trois gros chiens, sortis de nulle part, des Danois silencieux.

Enfin un homme, vêtu d'une cape noire, sort de la pénombre et se présente : Gilbert Derais, avec toujours des explications sibyllines à la clé. Il leur apprend toutefois qu'il possède un frère, Tristan, mais qu'il était préférable que ce soit lui qui les accueille.

Des chambres sont proposées aux quatre voyageurs. Pour s'y rendre il faut emprunter une nouvelle fois des couloirs mal éclairés qui leur semblent interminables. Un véritable labyrinthe. Une chambre pour Jacques et Simone, et une autre pour Bernard et Marthe, une première ce qui amuse le premier couple. Des chandeliers sont disposés à profusion dans la pièce attribuée à Jacques et sa femme. Ils découvrent sous le lit un coffre, une sorte de cercueil non cloué. A l'intérieur gît le cadavre d'une jeune femme. Simone sort précipitamment dans le couloir, poursuivie par Jacques. Le raffut inquiète Bernard et Marthe qui s'introduisent dans la pièce désertée. Ils découvrent également ce cadavre dont la mort semble récente.

Alors qu'ils regagnent leur propre chambre, une jeune fille en sort. Elle a environ dix-huit ans, se nomme Djalli et affirme que son père n'est autre que Tristan. Marthe ne peut en supporter davantage et s'enfuit, prenant la direction opposée à celle empruntée par Jacques et Simone. Bernard en profite pour discuter avec Djalli mais comme à chaque fois les réponses qu'elle fournit sont tout aussi énigmatiques.

Comme une étrange nuit, celle de l'échange. Une nuit interminable, qui met à vif les nerfs des quatre amis. Séparément ou ensemble, ils assistent à d'étranges événements dont des silhouettes ressemblant à des cadavres se promenant dans le cimetière du château. Ils rencontreront à nouveau Gilbert Derais, son frère Tristan, et d'autres personnages qui semblaient les attendre, puisque c'est la nuit de l'échange.

 

Peter Randa a écrit un roman fantastique, de facture classique, dont le thème est bien l'échange de la vie entre les morts et les vivants, le lecteur le comprendra assez rapidement. L'angoisse monte insidieusement, atteignant son paroxysme avant le dénouement qui oscille entre cartésianisme, avec l'intrusion d'un policier, et illogisme.

Contrairement à la plupart de ses romans policiers, souvent calqués sur le même modèle, écrits à la première personne, les démêlés aventureux, angoissants, fantastiques, subis par notre quatre protagonistes principaux sont narrés à la troisième personne. Ce qui permet de suivre les différents personnages dans leurs évolutions et conversations, offrant ainsi au lecteur des explications que ne possèdent pas les deux couples, lesquels nagent dans l'incompréhension la plus totale.

Sans être un chef-d'œuvre, ce roman propose une histoire bien construite et qui réserve de nombreuses surprises.

Réédition Collection FN Double N°11-12. Editions Fleuve Noir. Parution le 25 mars 1969.

Réédition Collection FN Double N°11-12. Editions Fleuve Noir. Parution le 25 mars 1969.

Peter RANDA : L'escalier de l'ombre. Collection Angoisse N°11. Editions Fleuve Noir. Parution juillet 1955. 224 pages.

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20 juillet 2019 6 20 /07 /juillet /2019 04:20

Au menu : poulpes en lévitation et mandragores.

A table !

Brice TARVEL : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 3.

Les plus courtes sont les meilleurs affirme un adage. Et il est vrai que l’on prend plus de plaisir à lire ces nouvelles écrites par Brice Tarvel, lequel planche sur un nouveau tome à paraitre à une date ultérieure, qu’à s’attaquer à des pavés poussifs et trop délayés.

Avec Le gouffre des ombres et Le jardin des mandragores, l’auteur retrouve, come s’il l’avait jamais perdu, l’esprit qui animait Jean Ray dans la narration des histoires consacrées à Harry Dickson et son fidèle et jeune assistant Tom Wills.

Alors que le célèbre détective et son assistant prennent pension à l’auberge des Bons pêcheurs près de Scalby, petit cité sise non loin de la Mer du Nord, à la recherche de Black Rat, surnommé l’assassin à la hache, des événements bizarres se déroulent et qui ne manquent pas de les intriguer. En effet un pêcheur retraité est fort intrigué lorsqu’il se rend compte que ses carottes sont aspirées dans son potager. Mais ce brave homme disparait lui aussi.

Tout en enquêtant sur la présence de Black Rat dans la région, présence qui pose problème car pourquoi serait-il venu se réfugier dans ce coin de terre, Harry Dickson et Tom Wills se penchent dangereusement sur ce nouveau problème des carottes aspirées. Ils se penchent même tellement qu’ils se trouvent nez à nez, si l’on peut dire, à des poulpes qui aimeraient les serrer dans leurs tentacules. Je ne dévoile rien, même si c’est l’une des parties de leur enquête, l’illustration de couverture, signée Christophe Alves, étant assez explicite. Et le titre aussi car qui dit gouffre dit exploration souterraine.

 

Dans Le jardin des mandragores, Harry Dickson et Tom Wills sont confrontés à de petits homoncules qui mettent en émoi les quartiers huppés de la capitale de la fière Albion. Des homoncules qui ne reculent devant rien, animés de vindicatives revendications et se montrant pillards et égorgeurs, avec leurs yeux rouges comme des feux de signalisation.

Tom Wills est jeune, entreprenant, insouciant, mais il est doué en dessin. Toutefois, pourquoi laisser derrière lui un énigmatique message représentant un dinosaure ? Et quelles sont ces sœurs Tanner qui élèvent amoureusement dans une serre des plantes exotiques, quel est leur secret inavouable ?

 

Les pieuvres et les mandragores, deux thèmes porteurs de l’imaginaire fantastique que Jean Ray exploitera certes, mais il ne fut pas le seul. Mais plus que la pieuvre, que l’on pourra associer à H.P. Lovecraft, ce sont bien les mandragores qui exercent une fascination par leur ressemblance à un corps humain, à un squelette, offrant des débouchés aussi bien dans l’horreur que dans la narration poétique comme le fit Elizabeth Goudge dans certains de ses romans dits de merveilleux-fantastique.

Du Gouffre des ombres au Jardin des mandragores deux décors, l’un rural et d’apparence bucolique, l’autre profondément attaché à la ville dans une approche urbaine et horticole, c’est la Nature qui parle et revendique ses droits.

L’humidité est partout présente, quelle que soit la forme empruntée, et plus que le fog londonien, c’est le smog qui prédomine. Ce n’est plus uniquement du brouillard, mais un mélange de brouillard et de fumée qui enveloppe tout. Ce fameux smog contraction de fog et de smoke propre à la capitale britannique. Parait-il !

 

Brice TARVEL : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 3. Collection Absinthes, éthers, opiums. Editions Malpertuis. Parution 14 février 2012. 132 pages. 11,00€.

ISBN : 978-2917035245

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19 juillet 2019 5 19 /07 /juillet /2019 04:42

J’ai la mémoire qui flanche, je m’souviens plus très bien…

Clive BARKER : Cabale

Devant Boone, onze photographies, représentant onze êtres humains sauvagement assassinés.

Boone est-il l’auteur de ces boucheries ? Peut-être, mais il ne s’en souvient pas. Pourtant sur l’insistance du psychiatre Decker, il est prêt à avouer tous ces crimes qu’il ne se rappelle pas avoir commis.

Cette introspection dans une mémoire défaillante l’amène au bord du gouffre et pour échapper à son moi psychopathe, une seule solution : disparaître dans la mort.

Sorti du bureau du psychiatre Decker, il se jette contre un camion mais ce geste ne lui occasionne que quelques contusions. Emmené à l’hôpital il va y trouver son destin en la personne d’un autre blessé qui lui enseigne l’emplacement du Midian.

Midian, lieu mythique, dont il avait déjà entendu parler au gré de ses rencontres mais sans vraiment y attacher une importance énorme.

Midian, c’est une sorte de refuge, un endroit où l’on souhaite être emporté. Un endroit où les péchés, réels ou imaginés, sont pardonnés.

C’est décidé. Boone part pour Midian avec à ses trousses Decker le psychiatre, un personnage malfaisant, et Lori, une jeune femme dont l’amour lui servira de protection et d’antidote.

 

Débutant comme un banal roman policier psychologique, Cabale bien vite se transforme en un véritable roman d’horreur, de terreur, d’épouvante.

La quête d’un homme ayant soif de laver des péchés qu’il n’est pas sûr d’avoir commis, traînant à sa suite le bien et le mal.

Un combat orchestré par des morts-vivants et des démons au milieu d’un cimetière et d’un quartier fantôme.

Le tout conté magistralement par un Clive Barker en pleine possession de son art et démoniaque à souhait, voilà de quoi faire passer une excellente nuit blanche aux lecteurs en mal de frissons.

 

Réédition J’ai Lu épouvante N°3051. Parution juin 1991.

Réédition J’ai Lu épouvante N°3051. Parution juin 1991.

Clive BARKER : Cabale

Clive BARKER : Cabale (Cabal – 1988. Traduction Jean-Daniel Brèque). Collection Blême. Editions Albin Michel. Parution février 1990. 278 pages.

ISBN : 2-226-03932-5

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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 04:01

Rock en stock !

Jean-Pierre FAVARD : ManiaK is Back.

Les festivals dédiés aux musiques actuelles, rock principalement, fleurissent comme autant de comédons sur le visage d’un adolescent. Certains apparaissent, d’autres disparaissent et quelques-uns se révèlent tenaces.

Parmi ceux qui perdurent, Rockalissimo, à Saint-Aubin petit village du Jura. Né en 2004, c’est encore un adolescent qui ne demande qu’à vieillir auprès de ses aînés que sont Les Vieilles charrues, Les Francofolies ou Le Printemps de Bourges. Et ces manifestations sont l’occasion propice pour révéler de nouveaux groupes, de confirmer des groupes émergeants, voire en sortir d’autres, des légendes, du déclin qui les avaient propulsés dans les oubliettes.

C’est ainsi que Valentin Deschaux, plus connu sous le nom de Maniak, reforme son ancien groupe The Predicators sous l’impulsion de Sonia, sa manageuse (ça se dit ?) qui se démène auprès des médias et de l’organisation du Festival Rockalissimo. Elle a su le convaincre, d’ailleurs il n’attendait que l’occasion propice de remonter d’abord sur une petite scène et chatouiller à nouveau le succès en compagnie de ses deux copains musiciens Cloporte et Cafard.

Une légende que ce Maniak, dont les frasques ont longtemps alimenté les chroniques journalistiques, frasques sexuelles, vestimentaires et absorption de produits illicites en quantités déraisonnables.

Si certains journalistes émargeant dans des magazines spécialisés sont stupéfaits et sceptiques à cette annonce tonitruante, d’autres, dont Clara se laissent séduire, d’autant que c’est peut-être le moment favorable pour pondre un papier qui les fera connaître.

Bientôt ce sera le grand jour et parmi ceux qui vont rejoindre le lieu du festival, Mano, un journaliste sur le retour qui est accompagné de Clara, stagiaire qui lui sert de chauffeur. Et derrière eux, Jonathan, le copain, le fiancé presque, le compagnon de Clara qui n’en a rien à faire de la musique mais qui est jaloux, connaissant la réputation du chroniqueur. Non, tous ne se rendent pas à Saint-Aubin pour faire la fête.

Et à Saint-Aubin, ce rassemblement dérange quelques autochtones qui ressortent leurs fourches afin de piquer dans leur fierté les fêtards (j’aurais bien écrit les toffeurs, mais je n’arrive pas à assimiler ce nouveau langage bien loin de ce que mon prof de français m’a inculqué !).

 

Avec humour et clairvoyance, Jean-Pierre Favard nous invite à le suivre, et nous le faisons volontiers, sur la route du rock, à découvrir les dessous d’un journalisme couvrant une manifestation parce qu’il le faut ou parce que c’est un besoin viscéral, les coulisses d’un festival qui est resté à taille humaine n’explosant pas les maigres subsides qui lui sont octroyés, les festivaliers qui se rendent dans ce genre de fête en plein air mais pour qui la musique n’est qu’une petite partie de leurs préoccupations, de ces nombreux bénévoles qui œuvrent souvent pour la bonne tenue du festival mais n’en verront pas une miette, seules leurs oreilles récoltant les pollutions sonores.

Mais une histoire se greffe sur ce qui pourrait être un reportage musical mettant en scène de vieilles gloires, et elle ne manque pas de piquant, de tendresse, d’odeurs et de sonorités, de nostalgie avec rappels de ceux qui ont disparus prématurément de la scène musicale, et une pointe de fantastique.

Et, parfois, je me suis senti solidaire de ce vieux, faut pas exagérer, de ce journaliste expérimenté qui déclare sans barguigner :

Juste un passionné. Si tu m’avais connu à cette époque-là… Les dizaines de papiers que j’ai pu signer sans être payé. Juste pour la beauté du geste.

Combien sommes-nous dans ce cas qui rédigeons des chroniques, juste pour la beauté du geste !

 

Jean-Pierre FAVARD : ManiaK is Back. Collection LoKhaLe N°8. Editions de La Clef d’Argent. Parution le 5 juin 2019. 134 pages. 6,00€.

ISBN : 979-1090662551

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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