Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville
C'est ce que pourrait réciter Sarg, le pêcheur de rats qui vient d'apprendre un peu abruptement son infortune.
Sans prendre de gants, et avec une certaine jouissance dans la voix, la grosse Yaya, la loueuse de bouées, vient de lui apprendre que Jarine, qu'il aime, s'est amusée à batifoler près de l'Etang avec trois Batraks.
Il est de notoriété publique que Jarine vend son corps à qui veut en profiter, mais Sarg a des œillères, alors il noie son chagrin dans l'alcool d'algue et fume du varech.
Il pleut en permanence sur Duracor, ville située sur la mer ou près d'un lac immense. Les habitants, les Emergents, ne savent pas trop. Dans la basse ville, vivent les pauvres, pataugeant dans une boue qui imprègne tout. Les maisons sont de misérables huttes, ou des cabanes montées sur pilotis. Dans la haute ville se sont installés les riches. La pluie y est présente, comme partout, mais ils sont moins incommodés par les boues. Seulement s'ils ont bénéficié d'une certaine forme de protection, cela s'est retourné contre eux, et ils sont quasiment tous atteints de la rouille, cette maladie qui ronge implacablement.
Cette pluie a transformé morphologiquement certains organismes. Près de l'Etang vivent les Batraks, appelés aussi les dégénérés, le corps parsemé de pustules. Et Zam, par exemple, est affublé d'un pied palmé qui lui occasionne une claudication. La surveillance de la cité est assurée par les Squameux, des vigiles à l'affût de tout.
Jarine est amie avec Vavette, une adolescente qui pratique le même métier qu'elle. Seulement la maladie ronge la gamine. Elle a attrapé la rouille, juste une petite plaque qui ne demande qu'à s'élargir sur son bras, et Jarine est inquiète. Elles se rendent chez le docteur Tanagor, lequel pense pouvoir lui proposer une médication de sa composition.
Pendant ce temps, Sarg et Zam, chacun de leur côté, recherchent Jarine. Car Zam est devenu amoureux de celle qu'il a eu le plaisir d'honorer en compagnie de deux Batraks comme lui. Mais Jarine est introuvable, rongée et stimulée par un secret qu'elle garde jalousement.
De leur côté, inlassablement, les Compagnons de l'Arche construisent dans le Grand Marais, un bâtiment susceptible de pouvoir les emmener loin, au delà de l'horizon, vers des terres plus accueillantes. Ils sont guidés par une utopie qui pourrait un jour se transformer en réalité.
Un roman pluvieux, suintant d'humidité, dans lequel tout le talent de Brice Tarvel, qui signait lors de la première parution de ce roman François Sarkel, dégouline avec fraîcheur tout au long des pages. Figure de proue, Jarine, qui encore jeune, et peut-être est-ce pour cela, rêve de partir de ce cloaque, éprise de liberté.
On pourrait y voir une parabole, celle d'un pays en décomposition politique, cette pluie incessante se mesurant aux déclarations des hommes politiques qui entretiennent plus la morosité ambiante qu'un véritable espoir de changement, un déluge de décisions catastrophiques. Et Jarine, en désirant acquérir une liberté par la fuite peut se comparer à tous ces jeunes qui aspirent à un avenir meilleur, ensoleillé dans leurs têtes.
Mais est-ce vraiment ce qu'a voulu écrire l'auteur. Je n'en suis pas persuadé. En véritable romancier populaire, il a écrit une histoire dans laquelle les péripéties et les entrelacs entre le parcours des divers protagonistes foisonnent et ne laissent pas de temps aux lecteurs pour s'ennuyer.
Les jeunes auteurs français devraient lire ce roman et en prendre de la graine. Au lieu de puiser à outrance dans le vocabulaire anglo-saxon, il serait plus intelligent de leur part de s'inspirer de Brice Tarvel et de se pencher dans un dictionnaire des synonymes. Le plaisir de retrouver des mots peut-être obsolètes mais au combien jouissif à la lecture comme rubigineux, éburnéen, phosphène, palustre, stertoreuse, spumescente, smaragdin... Mais tout le monde ne peut se prévaloir d'une telle classe.
Un roman que Jean Ray ne pourrait renier.
Première édition sous le nom de François Sarkel. Editions Fleuve Noir. Collection Anticipation N° 1745. Parution mars 1990. 192 pages.
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