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20 mars 2020 5 20 /03 /mars /2020 05:06
Orages, oh des espoirs !
Michel PAGEL : Orages en terre de France.

Et si la révolution de 1789 avait avorté, les guides de la France étant tenues par l’église et les représentants de la religion Catholique ?

Et si la Guerre de Cent ans n’avait jamais cessé d’exister, l’antagonisme franco-britannique perdurant depuis l’an mil ?

Extrapolant sur ces deux hypothèses, Michel Pagel narre quatre pages d’histoire, imaginant notre pays, de l’an de grâce 1991 à l’an de grâce 1995, sous la domination d’évêques, d’archevêques prenant leurs ordres et leurs consignes auprès du Vatican.

Le Roi de France, régnant dans un régime constitutionnel, fait figure de pantin. Les provinces, toujours divisées en comtés, passent successivement de la domination anglaise à l’occupation française, et vice-versa, ce qui engendre moult conflits permanents entre parents et enfants. Selon leur lieu de naissance, sol annexé par l’un ou l’autre de ces deux pays, ils vivent, réagissent en opprimés, en révoltés ou, au contraire, se conduisent en loyalistes.

Les séquelles de l’Inquisition exercent leur oppression sur la population, constituant dans certains domaines scientifiques un frein puissant. L’obscurantisme est lié à de nombreux préceptes et l’application à la lettre des commandements de Dieu, et leur déviance inéluctable, empêchent le développement des moyens de communication. “ Tu ne voleras point ” prends une signification absurde jusqu’au jour où la science est reconnue comme un progrès vital pour les belligérants.

Dans d’autres domaines, au contraire, la technologie est performante et toujours profitable aux stratégies militaires.

 

Dans ce recueil de quatre nouvelles uchroniques se déroulant dans le Comté de Toulouse, le Comté du Bas-Poitou, l’Île de France et le Comté d’Anjou, le fil conducteur est issu d’une rivalité toujours latente, d’une rancune tenace : Jeanne d’Arc et Napoléon servent de référence encore aujourd’hui dans nos récriminations quotidiennes et épidermiques.

Ce roman est la réédition d’un ouvrage paru en 1991 dans la défunte collection Anticipation du Fleuve Noir sous le numéro 1851, version revue et corrigée en 1998 dans la collection SF métal.

Ce qui à l’époque pouvait passer pour d’aimables fabliaux prend aujourd’hui une consistance nouvelle, alors que l’on nous parle de plus en plus d’intégration, de droit du sang et droit du sol, de sans-papiers, d’identité nationale et tout le tintouin.

Michel Pagel qui alterne romans humoristiques et récits plus sérieux, plus graves dans la teneur et le propos, possède plusieurs cordes à son arc. Il construit petit à petit une œuvre solide, et s’inscrit, non seulement comme une valeur sûre de la jeune S.F. française (à l'époque de la première édition de ce roman) mais comme un romancier tout court.

 

Première édition Collection Anticipation N°1851. Parution décembre 1991.

Première édition Collection Anticipation N°1851. Parution décembre 1991.

Réédition Collection S.F. métal, N°48. Fleuve Noir. Parution mars 1998.

Réédition Collection S.F. métal, N°48. Fleuve Noir. Parution mars 1998.

Michel PAGEL : Orages en terre de France. Réédition Collection Hélios. Les Moutons Electriques Editions. Parution 13 mars 2020. 198 pages. 7,90€. Version numérique : 5,99€.

ISBN : 978-2361836511

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11 mars 2020 3 11 /03 /mars /2020 04:11

Pas plus facile à forcer que les portails d’outre-tombe…

Emmanuelle et Benoît de SAINT CHAMAS : Les portails d’outre-temps (Strom 2).

Leur apprentissage terminé, Raphaël et Raphaëlle, les jumeaux, ont été intronisés pages dans la confrérie des Chevaliers de l’Insolite, une société secrète dont leur parrain Tristan Milan est l’un des séides influents.

Ce qui leur permet de réaliser quelques tours de magie, toujours sous le contrôle de leur parrain, qui procède en même temps à leur éducation et subvient à leurs besoins matériels et affectifs, leurs parents étant morts des années auparavant dans un accident de voiture, et de Sparadrap, leur protecteur et superviseur, un komolk parfois sourcilleux qui se transforme à volonté en animal ou objet.

Ils ont pour amis Arthur, qui n’a pas réussi le test et est resté apprenti, ainsi qu’Aymeric et Suzanne qui eux ne connaissent pas leurs facultés de magiciens en herbe. Des cours de maîtrise leurs sont dispensés mais réussir à marcher sur une ligne rouge comportant de multiples dangers et des embuscades diverses n’est pas aisé. Ils ont également en charge deux enfants placés dans un institut, auxquels ils doivent apporter assistance, affection et essayer de les sortir du monde dans lequel ils sont enfermés. Ainsi Cybille qui végète dans une forme d’autisme et joue avec une boite d’allumettes, construisant des figures géométriques ; ou Laurent, appelé aussi Oran, qui est trisomique. Une tâche dont ils s’acquittent avec conscience et abnégation.

En sortant de La Commanderie, l’endroit qui sert de lieu de réunion de l’Organisation dans les sous-sols du Louvre, un touriste demande à Tristan de le prendre en photo, en échange il lui propose d’en faire autant avec ses deux filleuls. Or la photo qui figure sur l’appareil numérique est exactement celle qui avait été récupérée sur l’ordinateur retrouvé quelques mois auparavant au fond d’un tombeau égyptien.

Raphaëlle, qui passait quelques jours avec Suzanne dans la résidence que ses riches parents venaient d’acquérir, le château d’Aurus, a mystérieusement disparu ainsi que son amie. Alerté, Tristan se rend immédiatement sur place en compagnie de Sparadrap et d’un ordinateur tout neuf. Il est persuadé que les deux gamines ont découvert une porte d’outre-temps et qu’elles s’y sont engouffrées. Il n’hésite pas à les suivre dans le passage secret et se retrouve quatre mille ans en arrière dans le désert égyptien. Un autre membre de l’association, qui lui aussi a emprunté par inadvertance un de ces passages permettant de voyager dans le temps, les accueille en compagnie d’hommes d’armes. Raphaëlle et Suzanne vont bien mais les membres de cette petite troupe sont traqués par des soldats portant sur la poitrine la marque d’un faucon. Heureusement ils peuvent correspondre avec Raphaël resté à Paris afin de mener une enquête de terrain. Il leur faut déjouer les pièges placés sur leur chemin, se débarrasser des assaillants, rencontrer Nitokris, la jeune reine qui malgré ses seize ans jouit sur son peuple d’une aura sans nuage, et surtout lui demander la permission de pouvoir accéder à la Porte du ciel, un passage qui leur permettrait de revenir au XXIème siècle. Car Tristan se demande si la momie qu’ils ont découverte dans un sarcophage quelques mois auparavant lors de leur précédente aventure et qui possédait un ordinateur qui ressemble curieusement à celui dont il est en possession, si cette momie ne serait pas lui-même. Mais les nuages s’amoncellent sur Nitokris.

 

Cette nouvelle aventure des jumeaux Raphaëlle et Raphaël et de leurs amis, promène plaisamment le lecteur de Paris jusqu’en Egypte, de New-York au cimetière du Père-Lachaise puis en forêt de Brocéliande, grâce à deux intrigues qui se croisent. Aventure, action, exotisme, mystère, fantastique, humour, émotion, tous ces ingrédients sont utilisés selon un dosage savamment établi et deux énigmes non résolues dans le premier tome sont ici dévoilées. Et nous retrouverons avec plaisir nos naufragés du temps dans un troisième épisode programmé en octobre 2011, lequel, n’en doutons point nous réservera d’autres agréables surprises.

 

Citation : Il avait l’air aussi désolé qu’un boucher qui tranche sa viande à grands coups de hachoir.

Emmanuelle et Benoît de SAINT CHAMAS : Les portails d’outre-temps (Strom 2). Editions Pocket Jeunesse. Parution 6 novembre 2014. 400 pages. 6,95€.

ISBN : 978-2266253406

Première édition : Editions Nathan. Parution 17 février 2011.

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7 mars 2020 6 07 /03 /mars /2020 04:54

Quand deux monstres sacrés de la littérature s’affrontent…

Lois H. GRESH : Les dimensions mortelles.

Rien qu’en regardant la couverture, le lecteur sait où il met les yeux. Et cela ôte un peu le mystère de ce roman, dévoilant l’identité des protagonistes. Et en y regardant d’un peu plus près, on apprend qu’un volume 2, mettant en scène les mêmes personnages principaux, va paraître en octobre, ce même lecteur se dit que l’histoire n’est pas finie et qu’elle peut se prolonger indéfiniment.

L’éternel combat du Bien contre le Mal.

Alors faire autant de simagrées, imaginer autant de circonvolutions, d’énigmes, de cachotteries au départ, énerve quelque peu. Quand est-ce le fond du sujet va-t-il être enfin abordé ?

Tout débute en octobre 1890, lorsque Sherlock apprend en lisant son journal favori, que quatre cadavres ont été découverts à Whitechapel dans un état de puzzle sanglant et macabre. Ou plutôt que les différents morceaux ont été rassemblés en une sorte de jeu de construction. Et trône parmi ces décombres une étrange sphère en os, percé d’un petit trou, à l’intérieur de laquelle sont gravés d’étranges symboles arcaniques. Parmi les défunts, le constructeur d’une machine bizarre entreposée dans un atelier délabré. Le fils de celui qui a monté cet ensemble de tuyaux, de morceaux de métal, de joints et de soufflets, apprend à Sherlock Holmes et Watson que cet engin à vapeur avait été financé par un personnage dont il ne connait pas le nom. Et la machine prend de l’ampleur, comme si elle vivait et se gonflait, inspirait quelque produit délétère.

Soudain la machine s’emballe, alors que passe un tramway à vapeur sur rails, et il semblerait bien qu’une corrélation soit à effectuer entre ce passage et le véhicule. Une explosion déchire les parages et ils n’ont que le temps de s’enfuir. Mais des passants ou habitants n’ont pas eu cette chance. Et Watson croit apercevoir sa femme Mary, son bébé dans les bras, avant d’être lui-même blessé.

En sortant de son évanouissement, il est rassuré. Sa femme et son fils vont bien et s’ils étaient sur place, c’est parce que Mary avait reçu un message, signé de son nom, l’enjoignant de se rendre sur les lieux. En examinant cette missive Sherlock et son compère pensent qu’il s’agit de Moriarty qui leur aurait joué un tour à sa façon, une farce de fort mauvais goût.

L’inspecteur Bentley et le professeur Fitzgerald sont au chevet de Watson avançant de nombreuses hypothèses.

A Avebury, dans le Wiltshire, un ébéniste qui ne fabrique que des meubles spéciaux, mettant des années pour les confectionner à l’attention de riches acheteurs, est tué par un fauteuil transformé en machine infernale. Le fils de l’artisan génial en informe Sherlock et Watson, et ceux-ci se rendent sur place afin d’enquêter sur ces étranges événements qui se produisent quasi simultanément.

Les meubles étaient conçus grâce à des plans provenant d’ancêtres les possédant depuis des siècles, des plans dessinés sur des parchemins de peau.

 

Ce fort volume n’entre pas dans ce que l’on pourrait qualifier le Canon holmésien, mais de nombreux auteurs se sont largement démarqués depuis la parution des aventures de Sherlock pour s’en offusquer.

Non, ce n’est pas là le bât qui blesse. Mais ce roman est lourd à digérer, verbeux, bavard, trop long avec trop de digressions, pour retenir mon attention. Plusieurs fois, j’ai décroché, le reprenant quelques jours plus tard, avançant péniblement dans ma lecture. Mais je dois avouer que je n’ai guère d’accointance aussi avec Cthulhu et les dieux imaginés par le Maître de Providence, même si ce monstre n’est que l’alibi (ou pas) de ce récit confus.

Il s’agit d’un pastiche, certes, mais pas vraiment bourré d’humour. Plutôt d’horreur, et cette sorte de sensation ne m’attire guère. Un roman qui paraît s’adresse à un lectorat jeune, avide de sensations fortes, débridées, complexes, qu’à un vieux de la vieille (et de la veille) comme moi. Seul le passage concernant Watson s’inquiétant de la santé de sa famille m’a intéressé, et encore, comment croire qu’il soit si dépendant de Sherlock pour partir, avec remords certes, courir l’aventure. A moins que justement l’aventure soit sa drogue. Sherlock Holmes possède bien la sienne dont il use et abuse selon les cas.

La fin toutefois est plus épique, franchement dirigée vers l’horreur et le terrifiant, dans une mise en scène grandiloquente qui confine à un épisode du Grand Guignol, et qui parfois fait sourire dans sa démesure.

Dubitatif et pas vraiment convaincu par ce style, par cette histoire, mais ce n’est que mon opinion personnelle, que je partage volontiers, et à laquelle tout un chacun n’est pas obligé d’adhérer.

Lois H. GRESH : Les dimensions mortelles. Sherlock Holmes vs Cthulhu tome 1 (Sherlock Holmes vs Cthulhu : The Adventure of the Deadly Dimensions – 2017. Traduction de Thomas Bauduret). Editions Ynnis. Parution le 8 janvier 2020. 480 pages. 24,90€.

ISBN : 9782376971153

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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 04:53

L’œil était au fond de la mer…

Serge BRUSSOLO : L'œil de la pieuvre.

Pour une fois, j’oserai dire que je n’ai pas été convaincu par Serge Brussolo dans ce roman pour adolescents.

L’idée était bonne, mais le résultat peu probant. Surtout vers la fin. On se croirait au départ dans un conte pour des 9/10 ans, à la fin pour des 12/14. D’ailleurs, mon petit-fils qui aime piocher dans mes livres n’a pas aimé, ce qui est tout de même une référence vous l’avouerez. Bon d’accord, il a un tout petit peu plus de 14 ans, mais je lui fais confiance dans son appréciation, puisque, après tout, ce roman s’adresse à une nouvelle génération de lecteurs.

Entrons dans le vif du sujet. Sigrid est une adolescente qui depuis une dizaine d’année vit dans un sous-marin en compagnie d’autres jeunes gens de son âge. Seulement le monde marin est empoisonné (et empoissonné aussi, si vous y tenez !), les flots d’Almoha possèdent l’étrange pouvoir de transformer en poissons ceux qui sont au contact du liquide qui recouvre cette planète.

Une expérience qui commence à peser lourd sur les occupants du sous-marin. Les légendes courent, transmises de bouche à oreille, entretenues par un équipage qui se réduit dans d’étranges conditions. Mais le monde de la pieuvre est-il vraiment tel qu’il est représenté ? Entre les on-dit, les rumeurs, les réalités et les chausse-trappes, Sigrid et ses compagnons auront fort à faire. Surtout lorsque ceux-ci la laisseront tomber pour gagner du galon.

 

Un peu puéril et allant dans tous les sens, comme s’il s’agissait parfois de nouvelles accolées ensemble, Sigrid et les mondes perdus est toutefois une parabole sur la différence et la xénophobie.

Une leçon que ne comprendront pas forcément les lecteurs auxquels ce roman s’adresse. Mais on peut toujours espérer. Quelques illustrations, signées Emmanuel Saint et Serge Brussolo égaient ( !) ce roman.

 

Serge BRUSSOLO : L'œil de la pieuvre. Sigrid et les mondes perdus. Collection Le Masque Grand Format. Parution le 25 mars 2002. 322 pages.

ISBN : 978-2702480571

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3 mars 2020 2 03 /03 /mars /2020 05:37

Elle est passée, elle s’est fait dépasser, puis elle a trépassé…

PONSON du TERRAIL : La baronne trépassée.

Paradoxalement, le baron de Nossac accumule les bonnes fortunes tout en étant désargenté. Il vit au dessus de ses moyens, mais le poste de gouverneur de la province de Normandie lui a été promis par le régent. Seulement la signature ne peut concrétiser ce projet, le régent décédant en ce 2 décembre 1723. Il ne reste plus au baron que de réaliser un beau mariage avec une jeune héritière, qui si elle n’est pas de noblesse, possède des arguments financiers indéniables.

Son ami le marquis de Simiane lui a trouvé ce recours pour éponger ses dettes, alors tant pis il va passer devant le curé. Seulement, le baron de Nossac est entiché de sa maîtresse, la duchesse d’A, et imprudemment il lui a promis de lui accorder vingt-quatre heures à son choix.

Lorsque Nossac est mis en présence d’Hélène Borelli, il est plus que charmé par sa beauté et sa fraîcheur et le voilà éperdument amoureux. Seulement, le soir de ces noces, il ne peut se résoudre à faire fi de son serment auprès de la duchesse. La nuit de noce est ratée et le lendemain, sa femme toujours vierge est partie sur ses terres en Bretagne.

Aussitôt il part à sa poursuite mais en cours de route la voilà arrêté, gisant dans un lit d’auberge, à la suite d’un duel mal négocié. Et lorsqu’il arrive enfin au but, c’est pour apprendre qu’Hélène est décédée. Le voilà fort marri. Un codicille au testament de la défunte précise que s’il n’est pas remarié dans les deux ans, jour pour jour, il devra restituer toute sa fortune aux parents de feu sa femme.

 

Un an plus tard, nous retrouvons le baron de Nossac, comme maître de camp des armées de terre sous les ordres du comte de La Motte. Le roi Stanilas est bloqué dans sa place forte de Dantzig et il faut l’exfiltrer. L’opération réussit grâce à Nossac et le roi passe la Vistule. Le baron l’accompagne quelque temps en chemin, mais Nossac est recherché par les Russes et un znapan le prévient qu’une embuscade est dressée sur son chemin.

Nossac fait donc demi-tour et rencontre en cours de route une petite troupe de chasseurs. Le chef se présente comme le Veneur noir accompagné de ses quatre fils. Après avoir tué quelques pièces de gibier, ils reprennent le chemin de leur castel, sis sur une montagne aride et désertique. Nossac va pouvoir se reposer mais auparavant on lui présente la fille, Roschen, et il est enivré autant par la fraîcheur de la demoiselle que la puissance des flacons de vieux vin.

Mais d’étranges événements se produisent dans ce château, car un soir, alors qu’il pensait s’être endormi avec un paysage aride, montagneux, désertique à sa fenêtre, le lendemain, il peut admirer un paysage verdoyant, bucolique, dans lequel des travailleurs agricoles s’attèlent à leur tâche. Son hôte lui fournit une explication plausible dans le fait qu’il a été le jouet d’une mystification la chambre deux étant meublée pareillement que la chambre une. Il fait également la connaissance de Gretchen dont la ressemblance étrange avec Hélène, sa défunte femme, le trouble. Et dans la nuit une forme blanche s’introduit dans sa chambre, se couche près de lui et le mord dans le cou.

Le lendemain alors qu’il fait part de sa mésaventure nocturne, le châtelain, comte de Holdengrasburg, lui démontre qu’il s’est tout bêtement blessé avec son épée. Nossac s’éprend de Gretchen et décide de l’épouser alors qu’il devait s’engager avec Roschen. Et le fantôme vampire rôde toujours.

Mais d’autres aventures l’attendent, notamment lorsqu’il rejoint la France et qu’il doit partir pour la Bretagne, en son domaine où est enterrée Hélène. Là encore il fera la connaissance d’un châtelain, de sa fille Yvonnette et d’une cousine créole qui elle aussi ressemble à s’y méprendre à Hélène. De plus le fiancé d’Yvonnette est le sosie de Samuel, l’un des fils du châtelain teuton.

 

La force de ce roman tient en cette troublante histoire qui semble se dérouler comme sur le fil du rasoir, jouant avec le crédible et l’invraisemblable.

Un jeu de miroir qui confine à la mystification, qui pourrait passer pour une vengeance, n’était la présence du marquis de Simiane pour remettre en selle le baron de Nossac lorsqu’il pense devenir fou.

Tout s’enchaîne toutefois avec une logique imparable et Pierre Alexis Ponson du Terrail ne mérite pas les reproches négatifs éhontés qui lui sont attribués. Combien de personnes daubent sur son style brouillon, alors que dans ce texte rien ne transparaît comme erreurs, bourdes, et autres pataquès dont on se gausse, à tort.

Ponson du Terrail joue avec son héros en le manipulant, l’entraînant dans des pistes qui s’avèrent fallacieuses dans un parcours du combattant semé d’embûches. Il lui propose des indices qui peu après sont subtilement démontés, remplacés par d’autres tout aussi trompeurs. Mais l’auteur ne se trompe pas en chemin, il ne se fourvoie pas dans son histoire, respectant sa logique. Et le lecteur ne peut le prendre en défaut dans son récit machiavélique.

Pourtant il est à l’aube de sa carrière, et ce ne sera que quinze ans plus tard que Paul Féval jouera dans le même registre parodique du vampire dans La ville vampire. La construction est habile et l’épilogue ne manque pas de saveur. Un véritable régal pour les amateurs de fantastique ainsi que pour ceux qui préfèrent les romans cartésiens.

Jean-Baptiste Baronian écrit dans sa préface que tout comme Le Chambrion, Un crime de jeunesse, et quelques autres qui n’excèdent pas 300 pages, ces romans n’ont presque pas pris une ride : tout y est ramassé, rapide, riche de surprises et d’agréments. Du roman romanesque pur qui défie certes la véracité et la haute psychologie mais où l’on se laisse conduire de plein gré, comme au milieu d’un labyrinthe féérique, entraîné par le seul fil de l’imaginaire. Et, tout compte fait, il n’y a que l’imaginaire pour enjamber le temps sans le moindre faux pas.

Relire ce roman et quelques autres, va à l’encontre des préjugés qui entourent ce romancier prolifique dont une très grande partie de l’œuvre est occultée par les Aventures de Rocambole, une saga qui s’étend sur plus d’une dizaine de romans.

Réédition : Editions Joëlle Losfeld. Parution 7 mai 1999. 270 pages.

Réédition : Editions Joëlle Losfeld. Parution 7 mai 1999. 270 pages.

PONSON du TERRAIL : La baronne trépassée. Collection Bibliothèque Marabout Fantastique N°574. Editions Marabout. Parution 1975. 256 pages.

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29 février 2020 6 29 /02 /février /2020 05:55

Un héros inépuisable !

Brice TARVEL : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 5.

Nul mieux que Brice Tarvel pouvait devenir, sans conteste possible, le nouveau biographe officiel d’Harry Dickson.

De par son imaginaire, son sens de l’intrigue, sa linguistique riche, son sens de l’humour à froid, il incarne la continuité et en même temps le renouvellement dans des historiettes qu’auraient pu rédiger le Maître de Gand. Mais peut-être avec plus de dérision et le côté débonnaire de celui qui ne se prend pas au sérieux, sans pour autant se moquer de ses lecteurs.

 

Deux nouvelles enrichissent la liste déjà conséquente que Brice Tarvel consacre à ce héros né, comme bien d’autres, de l’imaginaire teuton et dont la saga fut réécrite ou imaginée par Jean Ray et quelques continuateurs dont Gérard Dôle et Robert Darvel : La forêt des dieux et Les voleurs d’ombres.

 

La forêt des dieux :

Lorsque la brave Vespasia Plimpton aperçoit de sa fenêtre, qu’elle avait ouverte non par curiosité mais pour y déposer sur le rebord une délicieuse et odorante tarte aux orties fumante, un homme courir comme un gamin et affublé, à la façon d’un Peau-rouge de cinéma à demi-nu, de plumes et autres objets vestimentaires tel un sauvage et s’enfoncer dans la forêt proche, Vespasia est estomaquée par ce comportement étrange déployé par un homme pourtant bien connu des habitants de Crowborough puisqu’il s’agit de l’apothicaire du village.

Elle fait part de sa vision à son mari Timothy, un vieil homme cloué dans un fauteuil roulant suite à une blessure récoltée lors de la guerre des Boers en Afrique du Sud. A l’épicerie du village, les langues vont bon train entre les commères qui lisent la gazette locale. La fille du garagiste a eu le crâne fracassé alors qu’elle cueillait en toute innocence des cryptogames. Naturellement la faute en incombe à un rôdeur malveillant, une supposition rapidement établie lorsque l’on ne sait rien des événements. Et pourquoi ce rôdeur ne serait-il point l’auguste Augustus, l’apothicaire, comme le suggère Vespasia, puisqu’elle l’a vu brandissant une sorte de hache ?

L’épicière avance une solution fiable. Son commis est apparenté avec Mrs Crown, la gouvernante d’Harry Dickson, le Sherlock Holmes qui n’est pas de papier. Aussitôt prévenu par téléphone, non portable, le célèbre détective se rend dans la charmante localité en compagnie de son apprenti aide-assistant, Tom Wills. Leur premier réflexe est de se rendre au poste de police afin de s’entretenir avec le pharmacien placé en geôle. Celui-ci éructe des mots incompréhensibles qui pourraient être des éléments de langage des habitants du Yucatan. Et dans sa vitrine trône une statuette de Yum Cimil, le dieu de la mort des Mayas. Et ce n’est pas tout car d’étranges effigies effrayantes sont érigées un peu partout dans la forêt, jusqu’à un manoir construit sur une île au milieu de l’étang communal, ce qui n’est pas commun. Une lettre émanant du frère du châtelain incite les deux détectives à se rendre au pays des Mayas.

 

Les voleurs d’ombres

Imaginez qu’un jour, alors qu’il fait beau et chaud, ou inversement, un individu marche par inadvertance sur votre ombre, la recueille et l’emporte chez lui. Un phénomène qui se produit par deux fois dans le quartier londonien de Peckham.

C’est ce qui arrive à Basil (Où vas-tu Basil… ?) Dobson qui vient de perdre son meilleur ami, noyé au cours d’une partie de pêche. Il a besoin d’un costume neuf pour enterrer son copain mais il est désargenté. Avec cette ombre qui ressemble à un morceau de tissu, il pense que sa femme va pouvoir lui confectionner l’habit adéquat pour cette cérémonie funèbre.

Au début de son récit, sa tendre épouse ne croit pas en ses racontars, d’ailleurs son haleine alcoolisée ne plaide guère en sa faveur, mais elle est bien obligée d’avaler cette fable. Les deux coupons de tissu, enfin prétendus tels, sentent la poussière et la miction canine.

Seulement ce tissu transformé en ébauche de costume possède une propriété qui se traduit par des fourmillements, et provoque des envies. Il faut absolument que Basil possède un bouquet de fleurs et un sifflet. Les dits objets en main, Basil retrouve sa sérénité.

Des individus peu scrupuleux l’ont aperçu alors qu’il ramassait à terre ce faux tissu ombré, et un malfrat nommé la Fouine Rouge s’introduit de façon fracassante chez le couple Dobson et oblige l’homme à lui remettre ses chaussures. Car c’est une chose sûre, les souliers sont magiques, comme si du chewing-gum était collé sous les semelles, retenant les ombres vagabondes. Et la Fouine Rouge a bien l’intention d’en faire un commerce pas forcément équitable.

Harry Dickson et Tom Wills sont amenés à enquêter sur ces étranges procédés car l’appétit de la Fouine Rouge et ses comparses est insatiable et provoque de nombreux incidents qui dégénèrent.

 

Deux historiettes, l’une rurale, l’autre urbaine, fertiles, comme l’imagination de l’auteur, en rebondissements et qui retiennent l’attention du lecteur, qui en redemande, par leur brièveté et leur densité, leur force d’évocation.

 

Brice TARVEL : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 5. Collection Absinthes, éthers, opiums N°52. Editions Malpertuis. Parution novembre 2019. 146 pages. 12,00€.

ISBN : 978-2917035726

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28 février 2020 5 28 /02 /février /2020 05:32

Comme il est difficile parfois d’assumer son métier de journaliste !

Fredric BROWN : La nuit du Jabberwock

Propriétaire, rédacteur en chef, journaliste du Carmel City Clarion, Doc Stoeger aimerait bien que pour une fois, une seule fois, les nouvelles à publier dans son journal soient de vraies informations.

Des informations, des relations d’événements dignes d’être éditées, et non de vulgaires bouche-trous ou des marronniers, répétitions d’articles des années précédentes.

Mais à Carmel City, il ne se passe jamais rien d’intéressant, de passionnant, pour un journaliste.

Cette nuit là pourtant, qui s’annonçait particulièrement calme et monotone, va se révéler comme une nuit où tout peut arriver : un amateur de Lewis Carroll, des gangsters de Chicago, un ami qui disparait, un fou qui s’évade de l’asile, une banque qui est cambriolée…

Une première page de journal, la fameuse Une, qui change au fil des heures pour se retrouver aussi terne et creuse qu’en début de soirée.

 

Ce célèbre roman de Fredric Brown, dans lequel le policier et le fantastique se côtoient, se marient, d’une façon admirable, ce roman est considéré à juste titre comme un classique et son chef d’œuvre.

La nuit du Jabberwock est à la croisée des chemins de l’œuvre de Fredric Brown, tenant une place à part, indéfinissable, inclassable. Et selon les différentes rééditions, il se trouve aussi bien catalogué policier que fantastique.

L’alcool y tient une grande part, comme dans bon nombre des romans de Fredric Brown, mais il ne peut être tenu pour responsable des événements qui s’écoulent. Tout au plus peut-il expliquer un certain raccourcissement dans le temps.

Entièrement imprégné de l’ombre de Lewis Carroll, d’Alice au pays des merveilles et de A travers le miroir, ce roman est un miroir déformant.

Le lecteur est en droit de se demander si tout repose justement sur l’interprétation des écrits du mathématicien anglais, ou si tout n’est que coïncidence fortuite due à l’imagination du héros malgré lui.

Première édition J’ai Lu. Parution 4e trimestre 1975.

Première édition J’ai Lu. Parution 4e trimestre 1975.

Réédition Editions Terre de brume. Collection Terres mystérieuses N°16. Juin 2005.

Réédition Editions Terre de brume. Collection Terres mystérieuses N°16. Juin 2005.

Réédition Rivages Noirs N°634. Octobre 2008.

Réédition Rivages Noirs N°634. Octobre 2008.

Fredric BROWN : La nuit du Jabberwock (Night of the Jabberwock, 1951. Traduction de France-Marie Watkins). Collection J’Ai Lu Policier N°625. Editions J’Ai Lu. Parution mars 1988. 224 pages

ISBN : 2-277-11625-4

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23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 05:11

Méditerranée
Aux îles d'or ensoleillées
Aux rivages sans nuages
Au ciel enchanté…

François DARNAUDET : Le Minotaure d’Atlantide.

Mais nos héros auront-ils le temps et le loisir d’admirer ces magnifiques paysages, du sud de l’Espagne jusqu’en Turquie d’Europe ?

Le jeune Sandro Maltese est dépité. Sa mère, d’origine parisienne, l’avait inscrit comme étudiant à Rome et il passe ses vacances chez son père à Venise. Mais ses notes de Français ne correspondent pas à ses attentes. 11 à l’écrit et 11 à l’oral, une claque alors qu’il pensait obtenir au moins 15. Heureusement, la lecture d’un mail dans sa boîte de réception lui donne du baume au cœur.

Le comité de lecture des éditions de la Sérénissime lui demande de se présenter en leurs bureaux sur l’île de Torcello. Il avait envoyé un scénario de son manuscrit Le Minotaure d’Atlantide dans l’espoir d’être édité, et il semblerait bien que son rêve se réalise.

Puisque faculté nous en est donnée, plongeons-nous dans le début de cette histoire intrigante qui ne manquera pas de péripéties.

L’histoire débute en novembre 1452, en terres italiennes. Depuis plusieurs semaines, les présences du seigneur Minos et de son compagnon le titan Arinordoquy ont été signalées au doge Foscari. Minos est affublé d’un heaume représentant une tête de taureau, mais il s’avérera par la suite qu’il s’agit bien d’une réalité et non d’un masque. Ils se rendent en la cité de Venise afin de convaincre le doge d’envoyer des troupes en renfort à la faible garnison de Constantinople. Les Turc, ou Ottomans, ont décidé d’annexer cette cité qui est pour l’heure propriété des Byzantins, habitants de l’ancienne Byzance.

En cours de route ils aident une jeune femme vêtue de bleue, et aux cheveux bleus, aux yeux bleus dépourvus de sclérotique blanche, à se débarrasser de rufians. Elle est jeune et s’appelle Mélina Mussuros, mais elle avoue ne pas avoir d’âge. C’est la Sorcière. Elle vient du Pirée et se rend sur l’île de La Giudecca. Un étrange cortège se forme ainsi se dirigeant vers la Sérénissime. Leurs missions se rejoignent.

 

Retour justement dans les bureaux de la Sérénissime en ce mois de juillet 2012, à Torcello.

Le jeune Sandro attend l’arrivée du directeur de collection, après avoir été couvert d’éloges par la jeune secrétaire prénommée Sofia. Soudain, une ampoule explose au plafond, un hologramme se précise au milieu de la pièce représentant un des personnages, pas le plus sympathique, de son roman. Khanuas l’immortel le bombarde de questions lui demandant entre autres où il est allé recueillir toutes les précisions concernant la prise de Constantinople décrites dans son manuscrit. Soudain, un être énorme s’introduit par la fenêtre et repart par le même chemin emportant Sandro sous son bras. Il s’agit du Minotaure qui emmène le jeune romancier en herbe dans un dédale le conduisant jusqu’à une clairière. Une étrange porte délimitée par un trident en métal, entre les trois griffes une flamme mauve en forme de 8 et Sandro ne peut s’empêcher de s’écrier :

Ce huit, c’est un anneau de Möbius !

Et le voilà transporté au XVe siècle, à Gênes, lui annonce Minos, comme dans son livre.

Sans vergogne, j’ai recopié deux ou trois passages du roman, mais personne ne m’en voudra car je suis allé au plus pressé afin de ne pas m’éterniser sur des descriptions oiseuses. Enfin quand j’écris oiseuses, ce ne pourraient qu’être les miennes, car l’auteur (Lequel : Sandro Maltese ou François Darnaudet ?) l’explique mieux que je ne saurais le faire, avec plus de précisions, de vivacité, de réalisme et de lyrisme que si c’était ma plume qui les rédigeaient.

Et nous voilà plongés dans une histoire gigogne, une intrigue avec mise en abyme, contant les pérégrinations de Minos, le Minotaure, d’Arinordoquy, le titan, de Mélina, la sorcière, de Sandro l’auteur, et de quelques autres éléments, des mutants, qui ne sont pas dénués d’intérêts et vont évoluer de Venise à la région marécageuse du Bétis, ou Tartessos ou encore de nos jours du Guadalquivir. Puis ce sera Le Pirée jusqu’à Constantinople, par mer et par terre, à cheval ou en trirème, ou en empruntant les Portes du temps, avec combats, duels, affrontements, guérillas et guerre, s’enchaînant sans relâche pour corser le tout. Et on pourrait comparer cet ouvrage au serpent qui se mord la queue, sans vouloir se montrer trivial.

 

Sandro grimaça.

Aïe, si mes souvenirs d’auteur sont bons, nous avons beaucoup d’adversaires à vaincre.

Tu as trop d’imagination, mon ami ! dit le Minotaure en mettant son cheval au galop.

 

De nombreuses références, voulues ou non, mais je pense que François Darnaudet s’est amusé sciemment, sont dissimulées plus ou moins dans le texte. Ainsi Sandro Maltese fait immédiatement penser à Corto Maltèse, le héros imaginé par Hugo Pratt. Mais un titan nommé Arinordoquy m’a renvoyé quelques années en arrière lorsqu’un Basque prénommé Imanol et surnommé le Basque bondissant, jouait au rugby. Enfin, l’Homme d’orichalque, un alliage métallique légendaire qui est composé de cuivre et de zinc, ou plus communément du laiton, m’a immédiatement remis en mémoire le fameux bûcheron en fer-blanc, personnage d’un roman pour enfant de Lyman Franck Baum, adapté au cinéma sous le titre du Magicien d’Oz. Mais l’identité de cet Homme d’orichalque nous vient de la mythologie grecque et il fallait y penser.

 

Le Minotaure d’Atlantide est le quatrième volet du cycle des Passages Paris Venise. Les premiers volumes étant Les Dieux de Cluny précédé du Fantôme d’Orsay, du Papyrus de Venise et du Möbius Paris Venise. Tous se lisent indépendamment mais il existe un lien entre les quatre volumes qui composent ce cycle de Venise, parfois ténu. Ainsi dans Le Papyrus de Venise, une jeune femme prénommée Sofia office à Venise, et un érudit du nom de Mussuros est également évoqué.

Un roman virevoltant, épique, empruntant à la mythologie, s’inspirant d’épisodes historiques réels, mais baignant dans une atmosphère qui confirme le talent de François Darnaudet, même si celui-ci n’est pas reconnu à sa juste valeur. Quand les bonnes fées se pencheront-elles sur l’auteur et son œuvre ? Ce n’est pas à moi de donner des conseils à Madame Folio, à Madame Pocket ou Monsieur Le Livre de Poche, mais je pense qu’ils commettent un monumental oubli, un ostracisme littéraire qui touche également Brice Tarvel, Philippe Ward et quelques autres, alors que le bon goût est de s’approvisionner de l’autre côté de l’Atlantique. On sait ce qu’il en résulte, des poulets au chlore et de la viande nourrie aux OGM.

 

François DARNAUDET : Le Minotaure d’Atlantide. Collection Fractales/Fantasy. Editions Nestiveqnen. Parution le 18 octobre 2019. 252 pages. 19,00€.

ISBN : 978-2915653991

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15 février 2020 6 15 /02 /février /2020 05:26

En route vers le Grand Nord !

Brice TARVEL : Astar Mara. Les chemins d’eau

La jeune Nalou s’est enfuie du château des de Kydd, prenant l’apparence d’un jeune garçon, tentant d’échapper aux serviteurs du comte qui la poursuivent. Elle s’est emparée d’un curieux bijou appartenant à la comtesse, une femme qui selon les dires, serait une sirène.

Ce bijou en or est un gros médaillon attaché à une chaîne et qui contient trois écailles de Thélès, une authentique sirène réputée comme la Lorelei des rivages de l’île de Skarlum. C’est ce que lui apprend un regrattier de la petite ville de Tolldubh à qui elle pensait pouvoir vendre sa relique. Selon l’homme, qui refuse d’acheter cet objet, les écailles qu’il contient auraient un pouvoir maléfique.

Nalou est originaire de l’île de Paxanie et elle était partie à la pêche en compagnie de son père à bord d’un léger esquif. Mais sous l’action conjuguée du vent et des vagues, l’embarcation a chaviré. Elle s’est retrouvée comme bonne à tout faire, misérable Cendrillon au château du comte de Kydd, une condition qui lui pesait et a dicté son geste.

La figure de proue d’un navire représentant un aigle prenant son envol l’attire. L’aigle d’écume ressemblance plus à un derelict pirate qu’à un navire fendant fièrement les flots mais à défaut de grives, on mange des merles comme l’affirme un dicton populaire. Alors elle décide de monter à bord et de se cacher dans l’une des cales. Elle est découverte par Pinoche, le maître-queux qui la prend sous sa protection et se rend vite compte qu’il n’est pas en face d’un moussaillon. Et afin de la faire passer pour un adolescent, il lui colle sous le nez une fausse moustache fabriquée à l’aide de poils de chèvre.

La frégate est sous les ordres du capitaine Robuck, surnommé Blanc d’œuf, dont la particularité est d’être albinos. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir ses hommes à l’œil. Nalou, devenue Nalim grâce à Pinoche, est présentée au capitaine. Elle ne met longtemps à se faire accepter car une petite voix résonne dans sa tête. Elle signale des rochers dans les eaux de la Mer Grise, ce qui aurait occasionné sinon un naufrage au moins des dégâts importants au navire. Ces rochers sont connus et donc cette information n’est guère nouvelle, mais elle signale également un autre bâtiment dans leur sillage. Il s’agit du Flamboyant, la goélette du comte Cormag de Kydd, avec la comtesse-sirène à bord.

L’aigle d’écume vogue vers les îles Crève-cœur. Selon une légende maritime, une portion de la Lune se serait décrochée, s’enfonçant dans les eaux froides, possédant la particularité d’être un gisement d’or. Nalou se fait des amis à bord, dont le mousse, et plus particulièrement Gowan, un gabier intrépide. Mais d’autres marins ne prisent guère, sauf leur tabac, la présence à bord d’une femme, d’une pisseuse, et l’animosité se fait jour même en pleine nuit.

Les aventures ne vont pas manquer de se manifester au cours de ce voyage périlleux. Selon toujours une légende, des navires à vapeur, des reliques qui sillonnaient les mers avant le Grand fracas qui s’est produit des décennies auparavant anéantissant la plus grande partie de cette terre, seraient toujours en exercice, de même qu’un mystérieux paquebot transportant des centaines de passagers.

Les rencontres inopinées, à commencer par la vieille Lettice, la mère de Blanc d’œuf, pardon, du capitaine Robuck, qui ne quitte pas la cale dans laquelle elle survit, celle de celles des trois sœur Virebotte recueillies sur une île, ne manquent pas, et les dangers s’enfilent comme les grains sur un chapelet, provoquant des remous et même un début de mutinerie. Et le Flamboyant est toujours dans leur sillage !

 

Roman d’aventures maritimes, Astar Mara nous transporte dans une époque qui loin d’être révolue pourrait bien devenir notre avenir. Celui du Grand Fracas, une forme d’apocalypse qui s’est produite dans des conditions non élucidées mais qui est toujours prégnante dans les esprits.

Mais Brice Tarvel joue avec le lecteur, l’entraînant dans le sillage de la pétulante Nalou, et propose des images venues d’ailleurs et d’hier.

Comme cette apparition détectée par Nalou. Celle du Paquebot avec ses passagers riant, chantant, dansant, que l’Aigle d’écume évite grâce au don et à la breloque de Nalou, puis cet iceberg qui se dresse à la proue de la frégate. Ceci me rappelle quelque chose, mais il y a si longtemps.

 

Astar Mara, c’est une succession ininterrompue d’épisodes tragicomiques dont l’eau, élément naturel récurrent dans l’œuvre de Brice Tarvel, une obsession qui se décline roman après roman. La pluie, les marais, la mer, sont présents dans chacun de ses ouvrages, et Brice Tarvel n’a pas peur de se mouiller car à chaque fois il se renouvelle. Et quelque chose me dit que nous retrouverons Nalou dans de nouvelles aventures. Quand ? Seul Brice Tarvel le sait…

 

Je dois avouer que je peine à le croire, poursuivit-il, mais, en déchiffrant des fragments de textes antérieurs au Grand Fracas, on apprend que les hommes avaient la possibilité de voyager jusque dans les airs, et cela à une vitesse inimaginable. A quoi leur a servi tout cela, puisque la haine, la détestation des uns et des autres, a fini par réduire à néant leur prodigieuses inventions ?

 

Brice TARVEL : Astar Mara. Les chemins d’eau. Collection Bibliothèque Voltaïque. Editions Les Moutons électriques. Parution le 22 août 2019. 240 pages. 19,90€.

ISBN : 978-2361835804

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25 janvier 2020 6 25 /01 /janvier /2020 05:27

Ô rat, ô désespoir… !

Bram STOKER : L’enterrement des rats et autres nouvelles.

Le nom de Bram Stoker est indéfectiblement lié à celui de Dracula. Pourtant cet écrivain britannique, d’origine irlandaise, n’a pas écrit que ce roman emblématique de la littérature fantastique du XIXe siècle.

Il est également l’auteur de quelques nouvelles hautement recommandables dont les quatre qui figurent dans ce recueil et mettent en avant des thèmes différents, dont le fantastique n’est pas le moteur principal.

C’est l’horreur, le frisson, la terreur, la frayeur et l’angoisse qui imprègnent ces quatre textes dont la teneur n’est aucunement atteinte par la limite d’âge. En effet parfois, on peut lire, découvrir des nouvelles, et des romans, qui suintent d’une sorte de rance parce qu’elles ont mal vieillies. Où qu’elles reflètent un temps révolu. Ce n’est pas le cas avec Bram Stoker qui défie le temps, et dont les continuateurs ne font que reprendre des idées en les adaptant dans un langage plus en adéquation à notre époque certes mais parfois avec moins d’élégance. Mais bien évidemment, ceci que mon appréciation personnelle, et nul n’est obligé d’adhérer.

 

Dans L’enterrement des rats, le lecteur est invité à se rendre dans la banlieue sud de Paris, à Montrouge exactement. En ce temps là, cette commune dépendait en partie de la capitale mais le quartier qui nous intéresse s’étendait en dehors des fortifications. De nombreux endroits étaient restés à l’état sauvage, une étendue en friche couverte de misérables baraquements construits de bric et de broc, et habités par des miséreux, la plupart du temps des chiffonniers.

C’est dans cet univers que le narrateur, qui qualifie cet endroit de Cité des Ordures, déambule, s’arrêtant parfois, liant la conversation avec les résidents, qui se montrent aimables ou non. Il visite quelques-unes de ces masures, et récolte au gré de ses conversations des histoires à faire frémir. Mais tout ce petit monde ne se montre pas aussi prolixe, et parfois, il se demande s’il ne vaut mieux pas côtoyer les rats qui fourmillent jusque dans les bicoques que ces personnages à l’aspect aussi crasseux que leur âme.

 

Une prophétie de Bohémienne prend sa genèse sur un terrain communal où se sont installés des forains. Après un repas arrosé, les protagonistes décident de se rendre sur les lieux qui jouxtent leur maison, et se laissent prendre au jeu de la divination. En effet, une Bohémienne leur propose de lire les lignes de la main, mais pour l’un d’eux ses prédictions sont fort étranges. Elle déclame : Voici la main d’un assassin ! L’assassin de sa femme ! Etrange prophétie mais la Bohémienne a-t-elle fabulé, vu réellement ce qu’il va se passer, ou tout simplement été induite en erreur lors de sa prétendue vision ?

 

Passer ses vacances en Ecosse, voilà qui réjouit le brave Arthur Markam, commerçant de son état et Londonien pur jus, c’est-à-dire un cockney, l’équivalent du Parigot. Et pour faire honneur aux habitants de ce rude pays, il décide de s’habiller en costume traditionnel confectionné dans un tissu qu’il a lui-même dessiné. Il ne veut pas qu’on le confonde, avec son kilt et son tartan aux couleurs multicolores, avec l’un des représentants de cette fière contrée et qu’on l’accuse de s’être emparé des couleurs d’un clan ou d’un autre. Et c’est ainsi qu’il rejoint l’Ecosse, accompagné de sa famille, ainsi déguisé, avec épée, poignard, broche et bourse en peau de chèvre. Mais il ne faut pas jouer, lorsqu’on est touriste, avec les traditions. Et un jour, Markam se promenant, voit son double s’enliser dans des sables mouvants, Les sables de Crooken.

 

Enfin, Le secret de l’or qui croît est un aimable (?) conte que n’auraient pas renié les frères Grimm, Andersen ou encore Charles Perrault. Lorsque Margaret et Geoffroy se marient, le village est étonné, car les deux familles entretiennent une solide inimitié séculaire, ou presque. Rapidement le torchon brûle et tout est bon pour entretenir la flamme de la discorde. Et lorsque Geoffroy décide de se venger d’un affront, il n’y va pas de main morte. Il brutalise Margaret qui décède en tombant sur une pierre du foyer. Il enterre le cadavre sous le foyer mais bientôt les cheveux blonds de la jeune femme commencent à pousser entre les interstices.

 

Quatre nouvelles différentes dans le fond et dans la forme, qui souvent prêtent à sourire mais entretiennent plus l’angoisse, la frayeur et la terreur que le fantastique proprement dit, sauf dans la dernière. Mais n’est-ce que divagations dans l’esprit des protagonistes ?

Ces nouvelles ont été éditées ou rééditées à de multiples reprises dans des recueils dont notamment au Fleuve Noir, Omnibus, accompagnés d’autres nouvelles et romans.

Librio, une collection à petit prix mais qui propose de remarquables ouvrages. La fête du lecteur impécunieux !

 

Sommaire :

L'enterrement des rats (The Burial of the Rats – 1874)

Une prophétie de bohémienne (A Gipsy Prophecy – 1883)

Les sables de Crooken (Crooken Sands – 1894)

Le secret de l'or qui croît (The Secret of Growing Gold – 1897)

Bram STOKER : L’enterrement des rats et autres nouvelles. Librio N°125. Parution juin 1996. 96 pages.

ISBN : 9782277301257.

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