Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 14:13

Ce n’est pas parce qu’on est bègue qu’on n’a rien à dire !

 

ainsi-fut-il.jpg


Heureusement que ce n’est pas Luc Mandoline qui règle la note de téléphone, car son budget prévisionnel sur les dépenses de fonctionnement serait largement amputé. L’appel téléphonique émane d’Alain Corby, secrétaire particulier, qui requiert ses services suite à un décès particulier. Afin de posséder tous les éléments, sans qu’ils soient en double, sur son intervention, Mandoline demande au bègue de lui transmettre par mail ses desideratas.

Monsieur Hubert-Louis de Six-Fours, quasiment centenaire, a eu la douleur (hum !) de perdre son petit-fils Jean-Baptiste, qui approchait de la trentaine mais ne la connaitra jamais. Luc Mandoline, thanatopracteur réputé pour sa dextérité, son amour du travail bien fait, sa discrétion, est toutefois intrigué par la teneur du mail dont en voici quelques extraits consignés sur l’agenda du thanatopracteur :

Cause supposée de la mort : Hémorragie consécutive à l’arrachement des membres suite à écartèlement par quatre chevaux.

Cause officielle de la mort : Naturelle, sans OML (obstacle médicolégal). Constat de décès établi par le docteur Malo (prénom non noté), médecin de famille.

Détail supplémentaire, mais non des moindres, les frais sont entièrement à la charge de Six-Fours, accessoirement l’achat d’un costume de cérémonie neuf.

Notre ami, dans la vie, est réceptionné en la gare de Nantes par Corby, toujours hésitant oralement, puis direction le château. Les conditions de travail ne sont guère adéquates mais tant pis, faut faire avec. Le défunt a été déposé sur une table de bois disposée dans un box d’écurie. La température ambiante étant de 20° environ, le cadavre risque de se décomposer sous peu. Et puis il y a accroché sur son torse cette pancarte sur laquelle est inscrit le mot Ravaillac. Bizarre.

Malgré tout Luc Mandoline s’attelle au boulot. Il lui faut recoudre les deux membres supérieurs, et une jambe. Ils y sont allés un peu fort les bourrins, car cela ne se détache pas comme une simple traction sur une feuille perforée. Son labeur terminé, presque car il doit rédiger puis déclamer un petit discours lors de la cérémonie funéraire, Luc participe au repas qui heureusement est servi au château. Y participent, François Ferdinand, le père de Jean-Baptiste, le docteur Malo, un familier qui semble n’avoir comme patient que la famille Six-Fours, le secrétaire. Ils sont servis par mademoiselle Lacaille, qui n’est pas un perdreau de l’année comme on a l’habitude de dire (ce qui entre nous est un pléonasme un perdreau étant une jeune perdrix, mais bon, continuons), laquelle s’ingénie un peu plus tard à faire comprendre à Luc qu’elle aimerait bien lui réchauffer les pieds le cas échéant en partageant le même lit. Mais Mandoline ne joue pas sur ce terrain là. Toutefois il en apprend de belles sur le défunt. Du moins des confirmations, car Hubert-Louis n’avait pas pris de gants pour qualifier son petit-fils de bon-à-rien, de prétentieux et de béni-oui-oui, et même de fils de péripatéticienne (oui, il m’arrive de choisir mes mots et de me montrer poli). Jean-Baptiste était à la tête d’une petite bande de fils de parvenus, bande dénommée Les Chevaliers, et était un benêt, mais son père François-Ferdinand ne semble guère mieux loti.

D’autres personnages vivent au château ou dans les alentours. Le père Viala, et sa femme, l’un jardinier, l’autre cuisinière. Gilles-Gilles, aussi dix-huit ans sur l’acte-civil mais six mentalement. Et enfin, remplaçant le jardinier lorsque celui-ci est amené à voyager, Valli et Clara, deux lesbiennes qui travaillent dans un cirque comme catcheuses. Que du beau monde qu’Hubert-Louis Six-Fours, le grand-père quasi centenaire mais alerte comme un étalon, méprise quelque peu. Au fait avez-vous remarqué que les lettres des prénoms Valli et Clara étaient l’anagramme de Ravaillac ?

Mandoline requiert les services de renseignements habituels, c’est-à-dire ses amis Maxime, Elisa ou encore Franck Sauvage. Et il apparait que les femmes n’ont guère de chance dans cette famille. Deux ou trois n’ont pas survécu à des chutes de cheval.

Hubert-Louis Six-Fours, d’origine provençale, et communiste dans sa jeunesse, s’est forgé un empire immobilier grâce à une fortune gagnée selon des modalités que lui seul connait. Il a acheté des châteaux, est devenu royaliste tout en professant des idées écologiques. Il est à lui seul le drapeau italien : Vert, blanc, rouge, ou l’inverse, cela dépend du sens où on le regarde. Alors au cours de ses discussions ou plutôt de ses monologues avec Mandoline, il digresse. Beaucoup. Sur l’Etat, et tous ceux qui le représente, sur le royalisme et la monarchie. Il possède ses idées, en observateur avisé pas toujours objectif du monde moderne. Et pourtant qui pourrait avouer qu’il a tort lorsqu’il énonce : Ce ne sont pas les revenus qu’il faut taxer, ce sont les dépenses inutiles ! Ce ne sont pas les immigrés qu’il faut chasser, ce sont les ministres, les curés et leurs collègues bonimenteurs. Ou encore : Il y a bien longtemps que l’état ne décide plus de rien ! De rien ! Le pouvoir est aux mains des entreprises. Des multinationales, dirigées par des pantins que les gros actionnaires éjectent quand ils le veulent. Il y aurait peut-être même un petit côté anar dans son drapeau italien.

Un petit livre (petit par la forme et le nombre de pages), mais réjouissant en diable dont la sortie coïncide presque avec un mini scandale hippophagique, puisque des cheveux tiennent un rôle prépondérant dans l’histoire. A déguster sans arrière pensée.

A lire également d'Hervé Sard : Le crépuscule des gueux.

Et retrouvez l'auteur sur son site : Polar Mania.


Hervé SARD : Ainsi fut-il. Collection L’Embaumeur N°2. Editions Atelier Mosesu. 222 pages. 9,95€.

 

challenge régions

Partager cet article
Repost0
19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 10:38

Bon anniversaire à Maxime CHATTAM, né Maxime Drouot, qui a publié son premier roman sous le nom de Maxime WILLIAMS.

 

5emeregne.jpg


Edgecombe, une petite ville de la Nouvelle-Angleterre, serait une cité sans histoire si un gamin n’avait pas été découvert assassiné. Cela n’empêche pas Sean, un ado de quinze ans, de s’amuser en compagnie de ses amis dans une sorte de terrain vague, non loin d’une usine abandonnée, en jouant au paint-ball. Malgré deux voyous dont la préoccupation principale est de semer la perturbation dans la petite bande.

C’est ainsi qu’un jour Warren pense retrouver ses camarades dans les caves de l’usine, et qu’il y découvre la mort sous la forme d’un étrange personnage. Sean aime aussi rendre visite à son grand-père, depuis peu installé dans une maison de retraite. Il visite le grenier et découvre un grimoire qu’il confie à Eveana pour le décrypter. Au dehors la pluie et le vent font rage et trois gros chiens hurlent. Trois chiens qui ressemblent fort à ceux que possédait le grand-père et qui s’évanouissent dans la nature. Ce vieux livre relié recèle des secrets, notamment sur la présence de l’esprit des morts sur Terre.

Sean organise une séance de spiritisme et tous sont convaincus d’un résultat probant. Seulement ils ignorent qu’ils viennent de déclencher les forces du Mal, et Edgecombe sera le tombeau d’autres cadavres. Lorsqu’ils s’en aperçoivent, il est trop tard, ils sont entraînés dans une spirale infernale.


5emeregne2.jpgEn 2003 je concluais mon article ainsi : Le 5ème règne est le premier roman d’un jeune auteur prometteur qui oscille (le roman, pas l’auteur !) entre fantastique et suspense. On retrouve les ingrédients qui font le charme des ouvrages de Serge Brussolo, de Stephen King, avec une pointe de Club des Cinq et d’Harry Potter. Mais si King se révèle parfois ennuyeux, du moins dans la première partie de certains de ses romans, si Brussolo délaisse le style pour l’efficacité (et une production abondante), Maxime Williams a su déjouer les pièges en déroulant une histoire qui va crescendo. 5emeregne1.jpg

Les temps morts sont rares, et même si l’on pense que l’auteur se disperse, les éléments servent au moment où l’on si attend le moins. Certaines scènes sont spectaculaires, quant à l’épilogue il recèle certaines surprises. A signaler que ce roman a reçu le prix du roman fantastique du Festival de Gérardmer. Pourquoi cette conclusion ? Parce que tout simplement ce roman était signé Maxime Williams, et ce roman a coonu de nombreuses rééditions. Mais ne boudons pas notre plaisir et ne soyons pas tatillon. Et depuis Maxime Chattam a enchaîné les succès.


Maxime WILLIAMS  : Le 5ème Règne. (Editions du Masque. 2003. Réédition Masque Poche 2004). Pocket sous le nom de Maxime Chattam ; juin 2006. 528 pages. 7,60€

Partager cet article
Repost0
18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 13:46

Le Japonais est nippon ni mauvais !

 

yakusa.jpg


Comme tous les matins lorsqu’il rentre chez sa mère, Saburo reçoit une giroflée à cinq branches assénée sur la joue par la main maternelle. C’est que madame Tetsuko Shirai n’apprécie pas les relations de son fils. Et ce jour là, elle ne faillit pas à la règle, quitte à l’embrasser ensuite. Pourtant Saburo, jeune yakusa, n’est pas seul. Il a recueilli sur le port, alors qu’il participait au châtiment d’un touriste qui n’avait rien à faire dans le quartier, une jeune fille qui semblait tout droit sortie des ondes. Il a entendu comme un bruit de bateau quittant le port.

Cette jeune fille est sale, mouillée, elle sent le poisson et il la prend pour Otohimé, la fée des profondeurs, la fille du Dieu-Dragon, le Neptune japonais des mers. Ses comparses et son responsable étaient partis, mais il ne se doutait pas qu’il était surveillé.

Madame Shirai dont la famille était fort riche, possédant des bateaux de pêche et une pêcherie, ne vit désormais que grâce à l’argent que lui ramène Saburo. Tout son héritage a été dilapidé par un mari qui était atteint d’addiction aux jeux. Mais que Saburo gagne sa vie comme yakusa ne lui plait pas. D’ailleurs des policiers viennent appréhender Saburo, ce qui nuit à sa réputation.

Au commissariat, Saburo est reçu par un jeune lieutenant remplaçant le bon commissaire parti à la retraite. Et Inoué n’est pas facile à manier. Mais comme il n’a rien de probant à lui reprocher, il le relâche tout en lui demandant d’amener la jeune fille. Pendant ce temps Madame Shirai, après lui avoir proposé de se sustenter, tente de faire parler la jeune fille mais celle-ci reste mutique. Quelques indices lui font supposer que son invitée est coréenne, ses vêtements l’attestent.

Tandis que Saburo rend compte à monsieur Wakamatsu, le chef du clan, le parrain, le père, des incidents qui se sont déroulés la nuit précédente, et accepte les reproches qui lui sont faits, prenant l’attitude de repentir dont il doit faire preuve, madame Shirai ne désarme pas. Elle parvient à lui faire prononcer son prénom, Mariko. Et en regardant l’album de photos que madame Shirai lui fait découvrir afin de l’apprivoiser, Mariko sursaute et montre du doigt un homme en s’écriant Ojii-san, ce qui veut dire (je fais une traduction en simultané) le vieil homme ou grand-père.

Miyake, surnommé Ojii-San, fut longtemps employé par le grand-père Shirai, ayant débuté comme mousse. Depuis la débâcle familiale, il vit dans un cabanon près de la mer, possesseur d’un rafiot rescapé de l’armada de pêche. Lorsque madame Shirai lui rend visite afin de comprendre quelle est la relation entre lui et Mariko, il est absent. Pas longtemps, car il réapparait, remontant d’une sorte de cave enfouie sous le sol et cachée sous un tapis.

Lorsque Saburo, persuade, après moult promesses et remontrances, Mariko de se présenter au lieutenant Inoué, celui-ci ne veut plus en entendre parler, revenant sur ses paroles et ses demandes. Bizarre ! Aussi bizarre que cette fourgonnette noire qui les suit en permanence et des Coréens qui veulent enlever Mariko.


danjiri2007_1.jpgLe tout est enrobé par l’ambiance des préparatifs pour le Danjiri, festival carnaval dont le port de Kashiwada dans la province du Kansai sert de décor.

Roman pour adolescent ? Oui, sûrement mais pour adultes aussi. Le moteur de cette histoire ne réside pas en une unième présentation des yakusas, de la politesse presque servile japonaise, ou d’une simple excursion dans l’archipel japonais. Il s’agit bien de mettre en évidence cet antagonisme Corée du Nord-Japon, de cette rivalité qui règne entre ces deux patries séparées par un bras de mer. Le Japon dont la mémoire de la Seconde guerre mondiale et ses bombardements est encore vive, alimentée par les séismes naturels qui planent en permanence comme une épée de Damoclès. Il s’agit de mettre en évidence les rivalités coréennes qui perdurent depuis des décennies et qui se traduisent par des coups bas, des coups fourrés dont l’Occident n’en connait que quelques franges.

Ainsi les enlèvements de jeunes filles, et même très jeunes filles, au Japon existent et sont plus nombreux que l’on puisse croire. Et dernièrement, une semaine ou deux, un documentaire télévisé a mis l’accent sur ces disparitions inquiétantes dont la France est également sujette. A peine une petite dizaine, mais une dizaine de trop, dont on ne connait pas le sort. De plus la menace d’envois de missiles vers la Japon se précise de jour en jour, devenant une véritable hantise pour les Japonais.


Michel HONAKER : Yakusa Gokudo. Tome 1 : Les otages du Dieu Dragon. Flammarion Jeunesse. 266 pages. 13€.

Partager cet article
Repost0
16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 09:13

mystere-chambre-51.JPG 

Célébrité locale, Emma Graham, âgée d’à peine douze ans, rédige de petites chroniques pour le Conservative, journal de la région. Elle est attirée par les mystères qui jonchent ce coin retiré du Maryland, non loin de la Virginie Occidentale. Et si elle a acquis cette petite renommée c’est parce qu’elle a démêlé quelques affaires de meurtres qui ont eu lieu dans la région et dont elle a failli être victime. Mais en ce moment, ce qui la turlupine c’est l’enlèvement non résolu d’un bébé vingt ans auparavant dans une chambre de l’Hôtel Belle Rouen, surnommé depuis Belle ruine à cause de son aspect délabré, de ses décombres.

L’enfançon de quatre mois, appelé Fay par ses parents Imogene et Morris Slade, a disparu et Emma tente de remonter à la source, se renseignant à droite, à gauche, auprès de personnes qui ont eu un lien avec cette disparition. En premier lieu sa grand-tante Aurore Paradise, est une nonagénaire à la mémoire intacte et qui apprécie les cocktails fortement alcoolisés imaginés par Emma. Elle vit à l’hôtel Paradise, où travaille la mère d’Emma en tant que cuisinière, Emma comme serveuse pour les déjeuners, son frère Will à la réception, lorsqu’il disponible. Car Will et son ami Mill ont transformé le grand garage en théâtre où ils répètent des pièces qu’ils écrivent au fur et à mesure de leur inspiration, en compagnie du petit Paul toujours perché sur une poutre.

Emma glane ses renseignements aussi auprès de monsieur Root qui passe son temps à éduquer les frères Wood qui ont de sérieux problèmes d’élocution. Elle importune sans en avoir l’air les piliers de bar du café local ainsi que l’adjoint du shérif, qui est le petit-fils de l’ancien shérif qui avait eu en charge ce mystère de disparition. Et aussi l’ancienne baby-sitter et son amie qui lui avait téléphoné juste au moment ou l’enfant avait disparu. Disparu vraiment ? Kidnappé ? Cette hypothèse n’est pas du goût de tous. D’ailleurs il existe des divergences entre certaines dépositions. Selon certains Fay aurait eu quatre semaines, selon d’autres quatre mois. Une différence de taille. Et puis les parents n’ont pas réellement emboîté le pas au postulat de l’enlèvement. D’ailleurs depuis ils ont disparu.

Emma parcourt la région, allant de La Porte où elle réside, à Spirit Lake, Hebrides, Crystal Spring, Cold Flat Junction et autres petites localités à bord d’un taxi qu’elle paie sur ses propres fonds. Elle se délecte de beignets au chocolat glacé recouvert de vermicelle qu’elle achète dans les bars qu’elle fréquente régulièrement ainsi que des milkshakes que lui offre généreusement la serveuse. Accessoirement elle aide sa mère à l’hôtel qui héberge deux vieilles dames à temps complet. Emma se défoule sur l’une d’elle en ajoutant par exemple des piments dans sa salade et autres ingrédients susceptibles d’enflammer la gorge de la vieille dame. Mais elle pense être en présence de l’enfant, devenue jeune fille, dans des photos de premières pages du journal, la représentant en silhouette se confondant dans le décor. Mais également derrière un stand où elle vend des sodas de sa composition.

Jusqu’au jour où un jeune adolescent fait irruption dans le village. Ralph Diggs, s’appelle-t-il, mais il préfère qu’on le nomme Raph. Il est embauché à l’hôtel Paradise comme réceptionniste. Emma est intriguée mais un nouveau fait agite la population. Morris Slade revient de nulle part, seul au volant d’une voiture de sport. Et le train-train quotidien est bousculé lorsqu’un meurtre est découvert.

 

Un roman qui m’a fait curieusement pensé à celui d’Alan Bradley, La mort n’est pas un jeu d’enfant, dans lequel une gamine enquête elle aussi sur des meurtres et des disparitions. Les similitudes sont nombreuses mais toutefois de grandes différences existent aussi. L’histoire se déroule dans les années cinquante et on est ébahi par l’intelligence vive d’Emma, son indépendance, mais aussi par son côté péronnelle, chipie, taquin, un peu pervers, impertinent, sûr d’elle et cachotier, insolent souvent.

Des références à Perry Mason mais aussi aux acteurs des films de l’époque comme Gary Cooper et quelques autres parsèment ce roman déboussolant. Le lecteur entre dedans comme s’il entrait dans un théâtre au cours d’une représentation et en partait avant la fin. Comme le pense Emma à la fin du récit, Moi-même, je connaissais une partie de celle-ci, mais il demeurait des zones d’ombres. Souvent, on peut reprocher au traducteur d’accumuler les notes en bas de pages. Ici c’est tout le contraire. On aurait aimé que ces notes, concernant les affaires précédentes vécues par Emma, fussent présentes, ce qui aurait facilité la lecture et surtout la compréhension.

 

 

Martha GRIMES : Le mystère de la chambre 51. (Fadeaway girl – 2011. Traduction de Nathalie Serval. Première édition : Collection Sang d’encre. Presses de la Cité). Editions Pocket, collection Thriller. 448 pages. 7,60€.

Partager cet article
Repost0
15 février 2013 5 15 /02 /février /2013 13:46

voyeur.JPG 

Alors qu’il se restaure au Grandma’s Saloon en présence de Serena, sa nouvelle compagne, et de Maggie, sa collègue à la police criminelle, l’inspecteur Jonathan Stride, Jonny pour les intimes, croit voir entrer dans l’établissement sa femme Cindy. Proche de la cinquantaine, blonde, petite, bronzée, elle ressemble à s’y méprendre à Cindy, mais ce ne peut être elle. Cindy est décédée depuis cinq ans d’un cancer. La nouvelle venue se présente ; Tish Verdure, écrivaine spécialisée dans les guides de voyage. Mais ce n’est pas pour rédiger un nouvel opuscule sur Duluth, Minnesota, qu’elle est revenue dans la petite ville mais pour écrire un livre sur un meurtre. Celui de Laura, assassinée trente ans auparavant. Tout le passé de Jonny remonte à la surface comme un retour de flamme. Laura, dix-huit ans tuée à coups de batte de base-ball, et surtout sœur aînée de Cindy. C’était le 4 juillet 1977, jour de l’Indépendance Day. Les feux d’artifice crépitaient, l’ambiance était à la joie, et pour Jonny et Cindy c’était le soir rêvé pour franchir la barrière du sexe.

Les soupçons se sont portés sur quelques-unes des dernières personnes à l’avoir vue vivante. En premier Peter Stanhorpe, un condisciple des jeunes gens qui se vantait d’obtenir les faveurs de toutes les jeunes filles qui passaient à ses côtés. D’ailleurs la batte de base-ball retrouvée auprès du cadavre lui appartenait. Il affirmait qu’il avait impressionné Laura et que celle-ci avait cédé à ses charmes. D’autant que son père était un édile influent de la cité. Aujourd’hui il gère un cabinet d’avocats et Serena, qui est détective, doit travailler pour lui. Autre suspect, Dadou, un géant Noir, un vagabond qui a disparu peu après, empruntant un train de marchandises. Finn le benêt est lui aussi soupçonné, le frère de Rikke la jeune institutrice célibataire. Tout cela Jonny l’a vécu, et lorsqu’il est entré dans la police il s’est renseigné auprès du capitaine Ray. Mais les pièces à convictions avaient disparu, soi-disant par négligence. Le retour de Tish ravive tous ces souvenirs, d’autant qu’elle prétend posséder des éléments nouveaux susceptibles d’amener à la découverte du coupable. L’une des premières révélations qui font mal à Jonny, est cette affirmation qu’elle correspondait avec Cindy avant le décès de celle-ci. S’il savait que Tish était amie avec Laura mais qu’elle était partie un mois avant le meurtre, Jonny ignorait la relation entre son ex-femme et la revenante.

Mais il faut penser aux affaires courantes, et pas uniquement au passé. Un voyeur sévit dans la région et de nombreuses plaintes ont été enregistrées. Notamment celle de Clark Biggs, qui a la garde de sa fille le week-end, sa femme l’ayant en semaine depuis leur séparation. Mary est une jolie jeune fille de seize ans, mais un incident dans sa jeunesse l’a fortement perturbée. Depuis elle a grandi physiquement mais pas mentalement. Elle se comporte comme une gamine de cinq ans. Elle est terrorisée car elle a aperçu quelqu’un la reluquant par la fenêtre, mais elle ne peut en dire plus. Le drame arrive lorsque, échappant à la surveillance de sa mère dans un parc à cause d’un hurluberlu qui se prend pour un cascadeur sur vélo, elle disparait. Elle est retrouvée morte dans les eaux stagnantes du lac.

Jouant les aller et retour entre hier et aujourd’hui, mêlant habilement deux intrigues qui sont sans rapport en apparence mais qui se rejoignent inexorablement Brian Freeman nous livre un roman haletant. Plus de cinq cents pages sans temps mort ou presque, sans petites contradictions ou presque – des erreurs de traduction ou de fausses pistes délibérément placées par l’auteur ? - mais avec un final à double détente éblouissant et presque apocalyptique. Le lecteur est inconsciemment happé dès le début de l’histoire et cherche à son insu quelle peut être la solution, croyant la découvrir puis se rendant compte que l’auteur le mène par le bout du nez. L’épilogue n’est pas décevant, bien au contraire, alors que certains romans prometteurs justement ne tiennent pas leurs promesses.

 

Citations :

Tu sais comment ça se passe dans ces patelins, dit Maggie. Les gens ne tirent pas leurs rideaux et laissent leurs fenêtres ouvertes. Pour un voyeur, c’est comme d’être un matou devant un bocal de poissons rouges. Plein de bonnes choses à regarder.

 

C’est une journaliste, donc potentiellement dangereuse et incontrôlable.

 

-      Je n’écoute pas les chanteuses qui ont de plus gros seins que moi.

-      -ça doit être vachement silencieux chez toi, alors.

 

Je ne voudrais pas vous vexer, monsieur Schmidt, mais vous n’êtes pas maraîcher, que je sache. Alors, si vous arrêtiez de nous débiter des salades ?

 

 

Brian FREEMAN : Le voyeur. (Première édition : Collection Sang d’encre. Editions des Presses de la Cité 2011). Editions Pocket, thriller. 544 pages. 8,10€.

Partager cet article
Repost0
14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 16:51

Les dessous de Barcelone

 

rues-de-barcelone-copie-1.jpg


Amorès, journaliste en passe d'être viré, est racolé dans la rue par une prostituée, mais celle-ci n'est qu'un travesti. En manque d'affection, ou par besoin de s'épancher, il suit son/sa compagne pour découvrir sous le lit une femme morte.

Carlos Bley est lui plus chanceux. Journaliste également, il sait qu'Alma est aussi un travesti, et s'il la fréquente, c'est en toute amitié. L'accompagnant à cette même chambre de passe, c'est pour tomber entre les pattes des policiers et faire un séjour au gnouf. Le corps de Maria Thérésa Pau, la victime, n'est pas vraiment à sa place dans ce décor d'hôtel de passe situé dans le Pueblo Seco, faubourg de Barcelone. Secrétaire de Juan Sanjuan, Maria Thérésa ne se livrait pas à la prostitution, même si son entrecuisse était accueillant.

Sergi Llor, avocat, conseiller juridique, est invité par ses pairs à enquêter sur ce meurtre qui aurait pour origine une magouille financière. Chacun de leur côté le journaliste et l'avocat vont mener leurs investigations. L'inspecteur Mendez, qui se demande bien pourquoi Carlos Bley s'est fait tabassé dans un terrain vague se met lui aussi sur les rangs et commence à renifler les pistes. Le journaliste qui a été transporté à l'hôpital par Ruben, un orphelin de mère, lui sait d'où viennent les coups.

De Juan Sanjuan lui n'apprécie pas une immixtion dans ses affaires. Marina Volpe, riche célibataire côtoyant les milieux bancaires et politiques, s'érige comme le contraire de Maria Thérésa. Elle ne possède aucune exigence, surtout sexuelle. Une nouvelle victime est retrouvée dans un hôtel louche. Mais Lauri ne cachait pas son état de prostituée adolescente. Llor aménage près de chez Maria Thérésa et se lie d'amitié avec Libertad. Bizarrement, et Llor s'en étonne, Libertad n'effectue le ménage que dans un seul appartement ayant vue sur celui de Maria Thérésa, et lorsqu'elle sillonne le quartier, s'affuble de grosses lunettes noires. En évoquant son enfance et une histoire de chien, Llor découvre qu'il a connu Libertad dans sa jeunesse. Mendez, pressé par son chef qui lui fait miroiter une promotion, s'intéresse à tout ce beau monde, effectue des recoupements, se pose des questions sur la connexion entre cette affaire et une fracture de coffre-fort dans laquelle Alfredo Naranjo, proche de Sanjuan, serait impliqué. Mendez sait délier les langues mais surtout il sait écouter et bientôt il peut reconstituer une partie du puzzle.

Mendez, dont on avait fait la connaissance dans Soldados, paru la même année et Chronique sentimentale en rouge est un inspecteur qui n'attend plus rien de la vie. Avec une dégaine à la Colombo matinée de Pinaud (le Débris cher à San Antonio) il promène sa carcasse dans les quartiers populaires et interlopes de Barcelone. Il n'a pas connu d'érection digne de ce nom depuis trois ans et plus. De toute façon les femmes ne l'intéressent plus. Ce roman est un voyage initiatique dans la capitale catalane mais également un hommage au sexe avec un grand X. Hommage trivial parfois, et rares sont les pages qui n'abordent pas la copulation sous toutes ses formes, avec toutefois une nette préférence pour la fellation. Un hommage qui en devient obsessionnel. Ledesma s'amuse à ponctuer les aléas des journalistes par quelques coups de griffes en apparence anodins.


Franscico GONZALES LEDESMA: Les rues de Barcelone (Las calles de nuestros padres ; 1984 Trad. de l'espagnol: Christophe Josse). Première édition : L'Atalante, Bibliothèque de l'Evasion 1992. Réédition Folio Policier N°206. 336 pages. 7,50€.

Partager cet article
Repost0
13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 16:14

Et les petites filles modèles ne sont pas forcément des mannequins !

 

mannequins.jpg


Cela devait arriver un jour ! Moussah, le copain de Fitz, est amoureux ! Et Moussah raconte sa belle aventure à Fitz et leur amie Deborah, une enseignante, qui tout comme Moussah est accro à la coke et cliente de Fitz. Moussah leur présente même dans un bar, leur lieu de rendez-vous habituel, Cerise, une magnifique métisse. Et pour lui faire plaisir Fitz accompagne Moussah à un concours de mannequins auquel doit participer Cerise. Cerise Bonnétoile de son vrai nom, mais le porte-t-elle bien, son patronyme ? C’est ce que nous verrons un peu plus loin dans l’histoire.

Donc Fitz accompagne donc Moussah à la présélection en vue de participer au concours organisé par l’agence Podium, et les prétendantes ne manquent pas. Les grandes, les petites, les qui se croient arrivées, sûres d’elles, celles qui ne doutent de rien, même pas sorties de l’enfance, rondelettes et acnéiques, les qui possèdent déjà du bagage en tant que modèles pour des magazines féminins, des qui auraient même effectué des apparitions dans de petits films pornos histoire de montrer leur corps, des timides qui se forcent, mais il y aura peu d’élues. Parmi les prétendantes au diplôme délivré avec parcimonie, Aurélie Dupin, une rousse incendiaire (cliché). Malgré sa balafre sur la joue, récoltée au cours d’une rixe lors d’une précédente aventure, Fitz est resté un don Juan qui attire les regards énamourés. Entre Aurélie et lui s’échange un long regard plein de promesses jouissives. A sa demande elle accepte même de lui donner son numéro de téléphone inscrit sur une carte de visite.

Fitz ne peut pas laisser passer une telle occasion et il se promet de rendre visite à la demoiselle après un délai raisonnable de latence. Aurélie le reçoit avec affabilité, et lui montre même les dossiers qu’elle a soigneusement établis sur les différentes candidates et adversaires potentielles. Une psychopathe aux yeux de Fitz qui ne demande pas son reste et plante la belle dans le luxueux appartement parental.

Moussah est inquiet. Cerise, qui pourtant ne manque pas d’assurance, ne répond pas à ses messages. Une attitude inhabituelle de la part de la jeune femme. D’autant que Fitz apprend par Jessica, son ex qui est commissaire de police, que Cerise a déposé une main courante pour harcèlement par courrier électronique. Et depuis, elle s’est évaporée dans la nature. L’aurait-on enlevée car sa candidature gênerait des rivales ? Faut penser à tout et envisager toutes les possibilités.

En compagnie de ses deux inséparables amis, il s’introduit chez Cerise, comme un vulgaire cambrioleur. C’est le désordre, et cela ne ressemble pas à Cerise, Moussah en est persuadé. De plus son ordinateur s’est fait la belle.

Grand amateur de jeux vidéo en ligne, Fitz lance un appel à ceux qui jouent avec lui. Il recherche quelqu’un qui serait susceptible de pouvoir accéder à la boite mail de Cerise et avoir son mot de passe. Un des joueurs se propose pour l’aider, mais il apparait que ce ne sera pas sans contrepartie. Premier point acquis, Fitz contacte alors le patron de l’agence Podium. Il est surpris d’être reçu par un jeune homme, mais celui-ci connait son métier et accepte qu’il participe à une journée de stage des futurs modèles. Munis d’un appareil photo que le directeur lui a prêté, Fitz assiste à la première journée. Trente candidates, moins une, Cerise, sont là pour montrer leur savoir-faire et tenter de décrocher la timbale pour la dernière étape. Parmi les participantes, Aurélie bien sûr et quelques autres jeunes filles dont il a fait la connaissance lors de la première sélection.

Il profite d’une petite pause cigarette pour discuter à l’extérieur avec Aurélie qui lui affirme, et elle est convaincante, qu’elle n’est pour rien dans la disparition de Cerise, malgré l’avantage qu’elle peut en tirer. C’est à ce moment, Aurélie a regagné l’intérieur, qu’un malotru se montre vindicatif envers Fitz, lui tordant le bras et lui intimant de cesser ses recherches.

Fitz, de son vrai prénom John-Fitzgerald, une envie de ses parents, Fitz noctambule avéré et petit revendeur de drogue est entraîné dans une nouvelle aventure, à son corps défendant. Nous avions fait sa connaissance dans Les talons hauts rapprochent les filles du ciel, et il n’a pas changé. Ses amis non plus d’ailleurs, sauf que Moussah est amoureux. Et malgré les réticences de Fitz à se mêler de ce qui ne le regarde pas, il ne peut abandonner ses amis. Ce qui pour l’auteur est un excellent prétexte à promener le lecteur dans les méandres du mannequinat. Certains y verront des clichés, comme le directeur d’agence homosexuel, mais la réalité quotidienne comporte bon nombre de clichés. Il déshabille l’ambiance des concours qui ressemble presque à un comice agricole.

Selon Aurélie, Fitz est un cas complexe. Beau gosse certes, mais aussi boulet. Vif d’esprit, mais pas très réfléchi. Manipulateur, mais maladroit. De l’autodérision, mais aussi de l’orgueil. Une analyse qui remet les pieds sur terre. Mais Fitz n’est pas moins caustique et il se demande où allait le monde si les tops models avaient aussi un cerveau.


Un roman qui ne manque pas d’humour, alerte, enlevé, sans trop de brutalité ou de violence, un peu toutefois pour justifier le statut de roman policier ainsi que l’enquête menée par Fitz et ses compagnons. De petits coups de griffe sont donnés au passage, notamment à l’encontre des magazines féminins : Dans les magazines féminins, il y a toujours un article qui concerne le sexe. « Comment être une bombe sexuelle », « Comment assurer au lit », « Les orgasmes sont-ils nécessaires dans le couple ? », « Ce que j’ai toujours refusé de faire », « J’ai testé un plan à trois ». Autant de questions philosophiques et existentielles sur le mystère du simulacre de la reproduction.


Une scène particulièrement réjouissante se déroule dans la chambre d’Aurélie, lorsque Moussah est caché dans le placard où la jeune fille range ses vêtements, et que Déborah et Fitz sont couchés sous le lit d’Aurélie. Pourquoi en sont-ils arrivés là, me demanderez-vous avec juste raison ? Pour les besoins de l’enquête bien naturellement.


Ce roman d’Olivier Gay ne rend pas morose, et si l’action se situe dans un univers que l’on peut juger frivole, on n’en touche pas moins du doigt (vous verrez pourquoi en lisant ce roman) un aspect tangible d’une frange de la société sans lesquels la haute couture, la parfumerie, les futilités liées à la mode ou tout simplement des objets d’usage courant et bien entendu les magazines féminins dédiés à la mode ou autre support médiatique et publicitaire n’auraient plus aucune raison d’être. Ce qui mettrait tout de même du monde au chômage !


Olivier GAY : Les mannequins ne sont pas des filles modèles. Le Masque. 360 pages. 15€.

Partager cet article
Repost0
13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 06:44

Bon anniversaire à Max Obione né un 13 février.

 

gauffre-royale.gif


Issu d’un accouplement improbable entre Shrek et Obélix, Abel Salinas après avoir été policier s’est reconverti comme détective privé, spécialisé dans les minables affaires de cocufiage.

Bref il végète jusqu’au jour où une enquête qui pourrait se révéler lucrative lui est confiée par un ténor du barreau à la santé déficiente.

Maître Beausang ressent une forme de remord car de tous les nombreux procès qu’il a gagné haut la main et le verbe, un dossier n’a jamais été mené à bon terme. Une tache dans une brillante carrière.

Trois ans auparavant, la cour d’assises de Paris a condamné Edo Gradine, d’origine lituanienne, à dix ans de réclusion perpétuelle, pour le meurtre de Berverly Poulot. Or Maître Beausang est convaincu que l’inculpé n’a pas commis ce crime, d’ailleurs aucun cadavre n’ayant été retrouvé. Abel Salinas va donc remonter la filière, de Bully les mines où a vécu la jeune femme dans une famille d’accueil, jusqu’à Cabourg, en passant par Granville et autres lieux de villégiatures de la côte normande, utilisant ses méthodes personnelles, et son flair de chien pataud.

 

La nouvelle qui complète ce volume, bien qu’elle soit placée sous le signe de Gustave Flaubert, serait plutôt à ranger aux côtés des histoires cauchoises dignes de Maupassant. Avec ce cynisme et cet humour noir qui caractérisait ce chantre de la ruralité normande.

 

Max Obione dans Gaufre royale, dans une écriture bourrue, joue avec le lecteur, passant allègrement du Je au Il, le personnage s’adressant tout autant à lui-même qu’à un imaginaire compagnon, à moins que ce soit le lecteur qu’il prend pour témoin en employant aussi la deuxième personne du singulier, une tournure grammaticale particulière pas forcément recommandée par les profs de français dans la rédaction des compos, mais qui se révèle jouissive à la lecture.

Une gaufre sucrée salée à déguster sans arrière pensée de cholestérol, de diabète, une gaufre normande certifiée bio à déguster sans modération.

 

A lire du même auteur : Scarelife; L'ironie du short; Gun; Mine de rien; Le jeu du lézard.


Max OBIONE : Gaufre Royale. Suivi de Marcel Bovary ou l’épreuve par neuf. Collection Forcément Noir. Editions Krakoen. 200 pages. 9,50€.

Partager cet article
Repost0
12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 07:45

Moi je ne doute pas de mon âge. Quoique, parfois, j’ai l’impression d’avoir trente ou quarante ans de moins. Dans quelles circonstances, vous me permettrez de ne pas le préciser.

 

age-du-doute.JPG


La journée commence mal pour le commissaire Montalbano. D’abord il a rêvé qu’il était mort et qu’il assistait aux préparatifs de son enterrement. Ensuite, alors qu’il se rend à son bureau à Vigata, son véhicule est immobilisé, coincé entre deux autres voitures. Il tombe des trombes d’eau et se rendant aux renseignements il rend compte que la voie a cédé sous les caprices météorologiques. La chaussée est coupée par un mini précipice. Le véhicule de tête est sur le point de plonger dans le creux et il aide la conductrice à se dépatouiller.

Vanna Digiulio, la jeune personne en question, est âgée d’à peine trente ans. Ses lunettes en cul de bouteille lui donnent l’air d’un scaphandrier perdu dans un bathyscaphe. Pas vraiment jolie, mais comme elle semble en perdition, Montalbano la prend sous son aile tutélaire. Il l’emmène chez lui afin qu’elle puisse enfiler des vêtements secs, Livia, l’éternelle fiancée de Montalbano habitant sur le continent, disposant d’une garde-robe de rechange. Vanna, qui dit résider à Palerme, se rendait au port, ayant appris que sa tante qui voyage à longueur d’années à bord d’un bateau doit y faire escale.

 

Petit exercice de style afin que le lecteur entre dans l’univers linguistique de Montalbano par Camilleri interposé.

Il areçoit ‘n appel tiliphonique de l’acapitainerie annonçant que l’Havanna vient de signaler qu’il entre au port avec un naufragé à son bord. Enfin, pas lui pirsonnellement en pirsonne mais l’un de ses adjoints qui a une forte propension à déformer les noms propres. Le Vanna a donc arepêché un cadavre gisant dans ‘n canot.

 

Fin de la récréation, et reprenons notre présentation.

Madame Giovannini, propriétaire du yacht le Vanna, est tout étonnée lorsque Montalbano lui parle de sa nièce. Le commandant Sperli itou, mais ils prennent avec philosophie l’annonce. Le cadavre n’est pas mort noyé et l’assassin, ou les assassins, l’ont défiguré avant de le placer dans un canot. Un autre yacht entre dans le port, L’As de cœur, qui s’amarre bord à bord au Vanna. Intrigué par cette histoire de nièce, Montalbano téléphone au numéro indiqué sur l’annuaire et est tout étonné d’apprendre que la dame en question femme est décédée depuis des années.

Le cadavre devait bien demeurer sur l’île, pense-t-il, du moins depuis un certain moment. Et c’est ainsi que le propriétaire d’un hôtel luxueux lui apprend qu’en effet il y avait bien un pensionnaire qui n’a pas donné signe de vie depuis quelques jours. Une ébauche de piste surtout lorsqu’il met la main sur un passeport au nom de Lannec, passeport qui après un examen attentif semble un vrai faux papier d’identité.

Au-delà de l’intrigue, de facture somme toute classique et qui nous change un peu de la production policière actuelle, c’est le rôle dévolu à Salvo Montalbano dans cette histoire qui retient l’attention du lecteur. Osons l’écrire, ce sont les à-côtés qui donnent une dimension humaine à cette fiction, avec les bons moments, l’humour efficace, mais aussi les affaires de cœur dans lesquels il se trouve plongé ou encore la dramaturgie élaborée par l’auteur. Il est attiré par Laura, lieutenant à la capitainerie, un sentiment réciproque, mais combattu par l’un et l’autre.

Les petites tracasseries administratives auxquelles Montalbano est confronté et avec lesquelles il se dépatouille tant bien que mal tiennent aussi une place non négligeable. Sous l’impulsion de la pluie qui s’infiltre dans son bureau, ses dossiers sont trempés, bons à jeter à la corbeille. Et comme tout n’est pas mouillé, il en humidifie le reste afin d’en être débarrassé. Ce qui l’oblige à trouver des échappatoires lorsque le questeur lui demande de les reconstituer. Ou encore lorsque celui-ci, qui est persuadé à tort que Montalbano est marié et possède des enfants, lui demande des nouvelles de sa progéniture. Il joue avec cette méprise, quitte à inventer des imbroglios, des tragédies familiales.

Enfin Montalbano est un grand lecteur, surtout de Simenon, et c’est en se souvenant d’une de ses lectures, Les Pitards, qu’il met le doigt sur le défaut de la cuirasse.

Serge Quadruppani traduit depuis de longues années les romans de Camilleri, respectant autant qu’il peut l’écrit dans la forme et le fond. Certains lecteurs sont agacés par cette démarche, personnellement je trouve cette langue savoureuse. J’ai essayé d’en pasticher un petit paragraphe, mais cela ne reflète que grossièrement le texte du roman. La traduction de Serge Quadruppani est beaucoup plus subtile et aérée.

Dernière petite précision concernant le parler sicilien. Il ne faut pas oublier que les Normands se sont installés en Sicile au XIème siècle, principalement avec l’arrivée de Robert Guiscard, fils de Tancrède de Hauteville, petit seigneur de la région de Coutances. Et j’ai retrouvé certaines similitudes avec le parler normand, principalement celui de la Haute Normandie. En effet, mais peut-être n’est-ce guère plus employé aujourd’hui, les Hauts Normands avaient pour habitude d’ajouter des A au début de certains mots. D’ailleurs, il était courant de dire qu’on était d’Arouen, le pays des Aremorqueurs (on était de Rouen le pays des remorqueurs). Et donc il ne serait pas absurde de penser qu’il reste des traces linguistes de l’implantation normande en Sicile.


Andrea CAMILLERI : L’âge du doute. (L’éta del dubbio -  2008. Traduction de Serge Quadruppani) Editions Fleuve Noir. 256 pages. 20,20€.

Partager cet article
Repost0
11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 13:36

 

la-sequestree-de-poitiers

Histoire quand tu nous tiens ! Les romanciers puisent parfois dans des faits-divers réels, adaptent à leur façon le déroulement d’événements atroces, d’après des témoignages, des comptes rendus d’audience, des déclarations de témoins ou encore d’articles de journaux parus à l’époque.

Ainsi Viviane Janouin-Bénanti nous retrace la sinistre affaire de La séquestrée de Poitiers, une affaire qui vit son aboutissement en 1901 mais débuta dans une indifférence presque générale vingt cinq ans auparavant. Une histoire d’amour qui dégénère en drame pour multiples causes.

Blanche Launier est la fille de Martin Launier, professeur de rhétorique au collège royal de Poitiers et d’Henriette de Marcillat, descendante d’une vieille famille de la noblesse poitevine et d’un général d’Empire. Des parents catholiques et royalistes convaincus, imbus de leur position dans la cité. Blanche tombe amoureuse de Gilles Lomet, avocat, républicain et protestant. Les Launier sont en conflit avec le père de Gilles et bien entendu ils ne veulent entendre parler d’une liaison entre leur fille et leur ennemi.

Seulement, malgré ses appuis auprès de nobles influents et après avoir été nommé doyen de la faculté de lettres de Poitiers, Martin Launier se verra destitué. La guerre de 1870, la Commune puis les débuts timides de la 3ème République ont contrarié ses projets et il décède. Henriette devient la maîtresse de la maison, riche mais ayant peur que le mariage entre Gilles et Blanche, s’il s’effectuait malgré ses réticences, lui entame sa richesse à cause de la dot. C’est ainsi que tout dégénère.

Henriette, par tous les moyens va contrarier les projets de sa fille, ne pensant qu’au devenir du fils promis à un bel avenir au service de l’état. Elle intercepte les lettres entre les deux amants, fait croire à sa fille qui ne peut plus sortir que Gilles s’est marié, à Gilles que sa fille ne l’aime plus, le tout avec la complicité de bonnes dévouées à la famille.

Pendant vingt cinq ans Blanche restera cloîtrée dans sa chambre ou dans l’appartement, devenant peu à peu sauvageonne, ayant parfois des éclairs de lucidité, essayant de se rebeller. Mais toutes ces tentatives avortent dans l’œuf. En 1901, elle sera secourue, grâce à une petite bonne qui osera dénoncer auprès des policiers cette séquestration impensable. Blanche est squelettique et à moitié folle, poussant des cris, cloîtrée dans une chambre aux volets clos depuis des années.

Cette histoire lamentable, narrée comme un roman, restitue les clivages qui gangrènent une société provinciale, coincée entre royalistes et républicains, entre catholiques et protestants. Avec comme moteur principal l’ambition effrénée d’une famille qui aspire à jouer les premiers rôles parmi les notables et se dresse en intégristes obtus, foulant aux pieds le bonheur de leur fille au nom de principes délétères. Une histoire vrai de séquestration qui donna des idées d’intrigues de romans à bon nombre d’auteurs par la suite.


Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers. Editions L’Àpart. 272 pages + 16 pages d’illustrations en noir et blanc. 9,90€.

 

challenge régions

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
  • Contact

Recherche

Sites et bons coins remarquables