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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 15:26

Hommage à Pierre Bourgeade, né le 7 novembre 1927.

save-the-di.jpg

Mais que dit Di ?

Gabriel Lecouvreur, alias Le Poulpe, est par définition un homme curieux, aussi c’est avec plaisir qu’il se rend, à l’invitation de son ami Papa Bombo, faux prêtre haïtien vaudou mais véritable charmeur, au sacrifice d’un coq dans l’enceinte du Père Lachaise. Une cérémonie au cours de laquelle le volatile est égorgé.

Deux soirées plus tard, nouvelle mise en scène et miracle, le gallinacé ressuscite comme si de rien n’était. Ce qui donne une idée à Gabriel, premièrement pour faire plaisir à Chéryl, deuxièmement pour faire la nique à la couronne d’Angleterre, troisièmement parce que ce thème n’avait pas encore été évoqué dans ses aventures. Bref, ressusciter Lady Di dont le véhicule a bêtement embrassé un pilier du souterrain de l’Alma.

Pour Papa Bombo, pas de difficultés majeures mais les deux hommes doivent d’abord se rendre clandestinement dans la propriété du comte Althorp, sur la petit île où réside le corps de la princesse. Opération réussie, pour la plus grande joie des admirateurs et fans de la ressuscitée, des journalistes, de Chéryl bien évidemment, mais tout ceci au grand dam de la maison royale qui n’avait pas besoin de ce genre de publicité.

 

Atmosphère de magie, de fantastique, images d’apocalypse également pour ce roman qui nous dévoile une nouvelle facette du Poulpe. Mais la Princesse des cœurs n’était pas de sang noble à cent pour sang, alors pourquoi ne pas défier la monarchie régnante. Après tout, il s’agit bien d’une œuvre de fiction et l’auteur a le droit de débrouiller son intrigue comme il en a envie. Et ce ne sont quand même que des personnages publics, non mais. Un petit livre charmant qui nous change du sérieux avec lequel certains s’enveloppe pour faire passer des messages.Pierre_Bourgeade.jpg


Pierre Bourgeade : Gab save the Di. Le Poulpe N° 214, éditions Baleine. 8€.

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7 novembre 2012 3 07 /11 /novembre /2012 17:13

Les souris vont-elles lessiver le chat ?

Jean-Paul NOZIERE : Le chat aux aguets.

S’appeler Mouse et avoir un père qui se prénomme Donald, il fallait peu de choses pour que le jeune Yonis soit surnommé Mickey. Et bien évidemment Mylène, le bébé avec qui il a été élevé a tout de suite eu droit elle aussi à son alias qui ne pouvait être autre que Minnie.

Les deux gamins, qui n’ont qu’un jour de différence, ont été élevés ensemble, les parents vivant les uns près des autres. Les deux maisons sont situées dans un immense parc entouré d’un mur et séparées par une rivière, l’Agon. Donald Mouse est chirurgien dentiste et sa femme écrit des romans pour enfants, qui n’ont pas grand succès mais elle persévère dans son entreprise malgré tout. Le père de Minnie est architecte et sa mère, qui travaille dans la publicité est toujours pas monts et par vaux. Ce sont les grands-parents, Louis et Joséphine, qui s’occupent en grande partie des loupiots. Des inséparables, des jumeaux, des siamois presque. Déjà dans le parc qui les empêche de vadrouiller dans les pièces, ils s’embrassent sur la bouche. Les années passant, cette fusion ne s’est pas démentie et cela amuset les parents.

Grand-père Louis, un ancien d’Algérie, vitupére contre les arabes, les fellouzes comme il dit, et cache même sous la paille dans le grenier, une dépendance à proximité des maisons, un vieux fusil de l’armée. Il apprend à Mickey à s’en servir et le gamin montre des dispositions étonnantes pour son âge. C’est Minnie qui raconte en voix off l’histoire de leur jeunesse puis du dérapage, et ce qui s’est passé après ce qui fut considéré comme un accident.

Depuis la mort de sa femme Irène et son départ à la retraite, l’ex commandant Christian Milius, alias Slo, s’ennuie à Blovac. Alors il vend son appartement, racle les fonds de tiroirs et s’achète une grande maison à Sponge, afin de créer une agence de détectives privés en association avec Yasmina Rihali, la sœur de Slimane dont nous avons pu suivre les aventures dans des romans précédents et qui devraient être réédités chez Rivages. Son ancien chef de service, avec lequel il ne s’entendait guère, le convoque et lui demande de reprendre officieusement du service. Bénédicte Latax, leur collègue, a été assassinée trois semaines auparavant et il n’a aucun début de piste. De plus dans quelques jours le Président de la République doit faire étape à Blovac et les policiers sont sur les dents. Slo n’avait pas d’atomes crochus avec Bénédicte mais il accepte néanmoins la mission qui lui est confiée. En compagnie de Yasmina il se rend sur la tombe de la jeune policière et ils découvrent une mise en scène pour le moins énigmatique. Des sujets de porcelaine ont été disposés comme s’il s’agissait d’un jeu genre Cluedo. Un chat, un agneau, un chien, un club de golf et une boite d’allumettes.

De plus un DVD a été déposé dans la boite aux lettres chez Bénédicte et au visionnage cela s’avère une véritable énigme. Une jeune femme assise dans une voiture regarde à travers la vitre et pleure. Une avalanche de larmes qui dure environ cinq minutes sans interruption. Pas d’explications en complément à ce DVD.

En poussant plus avant leurs investigations, Slo et Yasmina découvrent qu’un autre meurtre a été perpétré sur la personne d’un propriétaire d’une concession automobile. Un assassinat à l’aide d’un club de golf et en rendant visite à la famille de Christian Rotaru, le défunt, des objets similaires sont retrouvés. Aucun doute, quelqu’un s’amuse à vouloir signer ses forfaits. Un autre assassinat a été perpétré sur la personne d’un professeur, meurtre réalisé par l’attaque d’un chien et là encore des figurines, mais en nombre plus restreint.

Entre les chapitres relatant l’enquête de Slo et Ysamina, la petite voix s’intercale et peu à peu le lecteur découvre le parcours amoureux et chaotique de Mickey et Minnie.

Entre passé qui ressurgit et enquête au présent, Jean-Paul Nozière jongle et le lecteur, s’il croit tout connaître au fur et mesure de la lecture et se dit, bon je sais comment cela va finir, se trompe. En effet, une grande part du mystère n’est dévoilée que progressivement, sur la fin, mais ce n’est pas véritablement l’enquête qui prime. Jean-Paul Nozière reprend un de ses thèmes qui lui sont chers, l’Algérie et ce qui fut la guerre pour les uns, une révolte et une révolution pour d’autres, un conflit sanglant et meurtrier pour tous, et les cicatrices physiques et psychiques qui perdurent encore. Certains des combattants français envoyés au front sont revenus traumatisés à vie.

Mais ce roman fera aussi penser à ces héros enfantins de la littérature, Paul et Virginie en tête ou encore Miette et Silvère de Zola dans la Fortune des Rougon. Des amours juvéniles qui débutent comme des contes de fée, des amours attendrissantes, telles que l’on aurait aimer connaître dans notre jeunesse sans se demander ce que le verbe aimer voulait vraiment dire, une fusion exacerbée au fil des ans, des contrariétés qui se greffent, l’indulgence des parents puis leurs réticences.

Jean-Paul Nozière traite aussi de la solitude via le personnage de Christian Milius. Il forme avec Yasmina, qui n’est pas gênée de monter ses charmes à son ami qui lui l’est gêné, un couple ambigu. Le rhum blanc La Mauny (50° et un parfum qui n’a pas son pareil) les réconforte lors des moments de déprime, et le chien Bogart, qui se fait vieux, ne leur est plus de grand secours. Mais Slo est taraudé par la mort de sa femme Irène et ses enfants, un garçon et deux filles, ne lui donnent de leurs nouvelles qu’avec parcimonie.

Et comme la politique n’est jamais bien loin, intéressons nous au cas de Christian Rotaru, le concessionnaire automobile d’origine romani et qui a fait fortune. Il fait don à l’UMP de fortes sommes mais pour une fois lorsque le trésorier local du parti le sollicite, il regimbe. Ton président que tu es si fier d’accueillir à Blovac et que j’ai soutenu de mon fric pendant des années, vire les Roms de France, les présente comme des voyous voleurs, casseurs et j’en passe. Il les fourre dans des avions, trois cents euros en poche, les expédie en Roumanie. Il agit ainsi pas seulement avec les Roms. Il encourage la xénophobie. L’ennemi est l’étranger. Bref cette politique pue. Cela fait du bien parfois de vider son sac, de l’écrire, et peut-être de se sentir en phase avec une majorité de personnes qui combattent l’ostracisme, la ségrégation, le racisme. Une réussite de plus à mettre à l’actif de Jean-Paul Nozière. Mais en France on n’a pas de Sarah Palin, cela se saurait.

 

A lire du même auteur : Cocktail Molotov, Je vais tuer mon papa, Dernier tour de manège et pour les adolescents : Un été algérien et  Le ville de Marseille.

 
Jean-Paul NOZIERE : Le chat aux aguets. Rivages Noir n°890 ; Editions Rivages. 352 pages. 8,65€.

 

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7 novembre 2012 3 07 /11 /novembre /2012 15:08

Les comptes de fée !

 

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« Vous êtes bien Clinty Dabot, le célèbre handicapé ? » A cette question, posée par une charmante jeune fille, le narrateur ne peut répondre que oui. Célèbre dans son quartier, il s’appelle effectivement Clinty et est handicapé. Il n’est pas encore minuit, et Clinty se demande bien qui vient l’importuner à cette heure indue alors qu’il regarde un dessin animé à la télévision. La jeune fille, en pleurs, se présente : Je suis la fée Benninkova, j’ai envie de faire pipi, j’ai perdu ma baguette magique et je suis poursuivie par les Lutins noirs. Le premier petit problème réglé, Clinty et la fée Benninkova, qui n’a plus rien d’une fée sans baguette, commencent à discuter, surtout Clinty qui s’épanche.

Il a tant de choses à dire, à raconter, et la Fée Benninkova est si attentive. Elle peut se le permettre, d’ailleurs ce n’est qu’un geste de courtoisie, car Clinty a accepté de lui commander une baguette de remplacement. Par téléphone, avec envoi contre-remboursement, à son nom et à son adresse. Alors en attendant la réception de l’objet indispensable à tout statut de fée qui se respecte, ils papotent. Clinty était un assoiffé de documentation sur la femme, sur son anatomie, sur le mystère du charme du sexe dit faible et il a trouvé son bonheur, les réponses à toutes ses interrogations et plus avec Marylène, hôtesse de caisse.

Marylène qui va se marier avec Raoul, un gars qui ne lui arrive pas à la cheville, chef de rayon aux accessoires automobiles dans le même supermarché que Marylène. Clinty est invité à la messe de mariage mais pas au repas qui doit s’ensuivre. Et ça, Clinty ne le digère pas. La Fée Benninlova écoute religieusement, avec une patience de fée, Clinty raconter comment il a fait la connaissance de Marylène, l’opulente, la pulpeuse Marylène en effectuant ses emplettes malgré sa patte folle et son dos qui se tord. Marylène après bien des difficultés consent à venir le retrouver dans sa tanière.

Subjugué, Clinty lui a demandé après plusieurs visites qu’elle lui montre un sein. Evidemment Marylène n’est pas une femme facile, vénale, elle se récrie et devant le désarroi de son hôte, elle accepte finalement mais contre une petite rétribution : l’équivalent de vingt kilos de sucre. Proposition tout de suite acceptée par Clinty et avec enthousiasme qui plus est. Ah cette jouissance des yeux ! La visite d’après il lui demande de lui montrer l’autre sein, Marylène veut bien, toujours contre l’équivalent de vingt kilos de sucre. Enfin, la bouche sucrée il requiert de pouvoir comparer les deux, en échange de trente kilos de sucre. Et c’est l’engrenage, avec les réticences habituelles. Le nombril lui coûte six paires de draps. Mais comme il le déclare à sa visiteuse : « La femme nue est rare dans la vie d’un handicapé. Ce qui est rare est cher. Mais ce qui fait du bien n’a pas de prix ».

Lorsqu’il veut apercevoir une autre partie du corps, la partie charnue et arrière de Marylène, les pourparlers se révèlent longs, interminables. Faut la comprendre aussi cette pauvre Marylène (enfin pas si pauvre que ça depuis les bontés octroyées par Clinty subordonné par son désir, son besoin, sa soif d’explorateur charnel) Marylène qui estime que ses fesses, enfin les fesses d’une caissière, étaient soumises à d’abominables déformations professionnelles.

 

Même si la phrase sacramentelle Il était une fois ne débute pas ce récit le lecteur entre véritablement dans ce conte de fée, ou plutôt ce qui devient rapidement un compte de fée. Une histoire émouvante, poignante, attendrissante, d’un handicapé qui ne pense qu’à ça, c’est-à-dire découvrir la femme dans sa nudité, pouvoir en profiter comme un explorateur découvre une terre inconnue qui se refuse à lui. Il lui faut beaucoup d’abnégation, de persuasion, de sacrifices, d’éloquence et de dons financiers car la plantureuse caissière joue les jeunes filles effarouchées à la moindre proposition honnête. Ne la paie-t-il pas pour ce déshabillage qui se déroule sur de longs mois, et qui lui coûte la peau… de ses économies. Une histoire charmante et pas forcément morale qui met en scène les difficultés d’un handicapé à pouvoir jouir des petits plaisirs de la vie comme tout un chacun. Un roman dans lequel le mot onirisme prend toute sa signification. Franz Bartelt possède à son actif plus d’une trentaine d’ouvrages dont deux Séries Noires : Le jardin du Bossu et Chaos de famille.


Franz BARTELT : La fée Benninkova. Editions Le Dilettante. 160 pages. 15€.

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 17:30

Le vert : à moitié vide ou à moitié plein ?

 

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Le narrateur s’est fixé un but, une mission, un sacerdoce : traquer les faiseurs de guides qui dégradent le monde par leurs publicités, le dévoilement des secrets, l’envoi de nouveaux prédateurs...

Car divulguer la beauté des sites peu fréquentés et les proposer à tous engendre un afflux de touristes qui dégradent ces lieux et leur font perdre leurs charmes. Et c’est anti écologique selon le Tuard, dont le nom est le raccourci de Tueur de routard. Tout est pensé pour le plaisir des touristes et des guides sont payés pour découvrir les petits coins sympathiques, la nature sauvage afin de les offrir en pâture à des individus qui vont tout détériorer. Il est contre ces voyages organisés qui favorisent le déploiement de gaz carbonique, de vapeurs d’essence et le réchauffement climatique.

Et lorsqu’il tue un de ces guides à la recherche d’un nouveau terrain de chasse à proposer à ces prétendus amoureux de la nature, la vraie, il le fait dans les règles de l’art. Il maquille ses forfaits en accidents, et bien entendu les endroits réputés paisibles deviennent des lieux à éviter car dangereux.

Son nouveau terrain de chasse programmé se situe en Franche Comté et en Lorraine. Pour l’aider dans cette mission, Monty, jeune géant ancien sapeur des forces de l’ONU en Bosnie, dont le point de fixation est les éoliennes. Il fait Kourou, c’est-à-dire qu’il truffe d’explosifs les pieds des éoliennes afin que les engins dressés comme des fusées se prennent pour une fusée Ariane sur une base de Kourou délocalisée.

Tout ceci aurait pu durer longtemps si le grain de sable ne s’était pas glissé dans l’engrenage.

Dans cette nouvelle, Jacques Mondoloni s’amuse à mettre en avant les fausses valeurs de l’écologie, de cette mode qui veut que l’individu fasse un retour à la nature parce que c’est bien, parce que c’est tendance, parce que c’est sain, sans se rendre compte que souvent il va à l’encontre de la véritable écologie. En réalité, cela devient le nouveau poumon de l’économie, en douceur, insidieusement. D’ailleurs ne trouvons pas dans des endroits que l’on supposait vierge, là où la main de l’homme n’avait pas mis les pieds !, des emballages de sandwich, des bouteilles, des tubes de crème solaire, des déchets divers. Ce que l’on appelle peut-être le tourisme raisonné.

 

Le carton jaune est adressé à l’éditeur qui propose ce petit livre au prix de 12,95€. Un peu coûteux à mon avis, d’autant que d’autres petits éditeurs, ceci n’est pas péjoratif, offrent des livres pour le même prix ou presque avec un nombre de pages multiplié par trois ou quatre. Il me semble qu’un éditeur qui veut se faire une place au soleil et conquérir des lecteurs se doit d’être moins onéreux. Je ne suis pas un économiste, d’ailleurs ceux-ci établissent souvent des diagnostics souvent à l’encontre du bon sens, mais il vaut mieux vendre plus d’exemplaires à petit prix que moins et plus cher. Mais ceci n’est que mon avis.


A noter que cette nouvelle-roman a été prépubliée dans L'Est républicain à partir du 31/08/2011.


Jacques MONDOLONI : Le guide du tuard (Halte au réchauffement climatique) Collection Osaka, éditions Oslo. 56 pages. 12,95.

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 14:34

Attention au mal de l'air !


whale


En cette fin d’année 2065, la France et les autres états de la planète sont complètement exsangues économiquement. D’un côté, dans les villes, vivent des habitants retranchés sur eux-mêmes, se nourrissant chichement du produit des Fermes Urbaines, et du troc effectué par quelques téméraires. L’électricité est fournie par des générateurs alimentés à la force du mollet et des bonnes volontés qui pédalent sur de vieux vélos. L’argent n’existe plus, et pour acheter quoi ? Derrière les remparts érigés afin de canaliser toute tentative d’invasion survivent en bandes plus ou moins organisées les Hors-murs. Des meutes de chiens revenus à l’état sauvage traînent aux alentours.

Tom Costa est l’un de ces troqueurs. Il se déplace à bord d’un petit ULM antédiluvien, partant de Pontault, en Seine et Marne, pour se rendre à Meaux, Melun ou Coulommiers. Il en profite pour aller saluer, et plus si cela lui est possible, son amie San. Au retour d’une de ses missions, Tom tombe en panne alors qu’il est presque arrivé à Pontault. Il atterrit en catastrophe et son engin est définitivement hors service. Selon toute vraisemblance, le mécanicien lui a empli le réservoir avec du carburant frelaté. Il doit rejoindre sa base à pied et les embûches ne manquent pas. Il parvient à déjouer les pièges mais parvenu dans les faubourgs il est agressé et dévalisé.

Il ne se démoralise pas pour autant quoi que Rinaldo le maire de la commune et son fils Joao ne soient pas avares de reproches. Heureusement Tom retrouve avec plaisir ses amis Armand et Miki dit le Kid. Armand est un boulimique de livres-papiers, et il est comme un père pour Tom. Quant à Miki, c’est encore un gamin, presqu’un frère. Tom reporte son affection sur eux, car il a perdu son véritable frère il y a déjà quelques années. C’était un pilote émérite mais il n’a plus donné de ses nouvelles, peut-être parce qu’un malheur lui est arrivé.

Miki est comme tous les jeunes adolescents. Il aime jouer avec les gamins de son âge, ceux des bidonvilles environnants, pourtant des lieux malfamés. Un soir il n’est pas rentré à l’heure et Tom ainsi qu’Armand s’inquiètent. A l’aide de quelques bonnes volontés ils partent à sa recherche et selon toute vraisemblance Miki se serait égaré dans des tunnels qui auraient été construits, des décennies auparavant, pour le métro. Enfin, persévérant et ne voulant pas croire à la disparition prématurée de son jeune ami, Tom parvient à localiser Miki. Dans l’espèce de grotte où il est réfugié Miki a trouvé des vieilles cantines contenant des aliments lyophilisés ainsi que des armes. Tom ramène Miki à la surface mais seul Armand est mis au courant de cette découverte qui pourrait alimenter les convoitises et provoquer des émeutes.

Un vieil ULM est restauré de bric et de broc, baptisé Canard Boiteux, car une nouvelle mission attend Tom. Des Noirs ont été aperçus bivouaquant dans la forêt proche provoquant un début de panique. Les Noirs sont des guerriers en provenance du Nord et s’ils sont surnommés ainsi c’est à cause de leur apparence vestimentaire, de leurs uniformes noirs élaborés. Une invasion qui met en émoi toutes les petites villes de Seine et Marne : Pontault, Meaux, Melun, Coulommiers. Certaines de ces cités possèdent des appareils volants, en mauvais état, et Tom est chargé de recruter et former des pilotes et des mécaniciens. Après des réparations de fortune la grande aventure commence et les péripéties, retournements de situations, attaques diverses font florès.

Roman d’anticipation et d’aventures, Les étoiles s’en balancent ne peut laisser indifférent car au-delà de la fiction, se posent quelques questions aux lecteurs. En effet chaque chapitre, ou presque, est précédé d’extraits de dépêches issues de support divers et relatant des événements qui se sont déroulés à la fin des années 2030 début 2040. Tout est lié aux débordements capitalistes, l’argent-roi gère le monde et le recensement chiffré des pauvres explose. Petit exemple :

L’état en faillite n’est plus en mesure de verser les retraites. Les fonds de pension privés s’effondrent faute de cotisants. Nos vieux se suicident, se clochardisent. Certains en arrivent à des extrémités regrettables, comme le braquage !... Les forces de l’ordre, déjà vidées de leur substance par les plans d’austérités successifs, sont au bord de la suffocation. Les fonctionnaires, ne touchant plus leur salaire, certains commencent à louer leurs services aux agences privées…

Bien évidemment ceci n’est qu’une fiction, une anticipation dans un contexte économique qui entre en déliquescence, mais si ce problème n’est qu’évoqué dans le roman, il en est le ressort principal. Il est à l’origine d’un très bon roman d’aventures, vivantes, alertes, et par certains moments j’ai cru plonger dans des péripéties aériennes à la Biggles du Captain W.E. Johns dans un univers médiéval. Mais ce n’était qu’une impression, car l’univers de Laurent Whale lui appartient en propre. Et il serait bien évidemment exclu de rapprocher l’origine de cette aventure à ce qui se déroule de nos jours.

 


Laurent WHALE : Les étoiles s’en balancent. Editions Critic, collection Trésors de la Rivière Blanche. (Réédition de Collection Blanche N° 2081 ; Rivière Blanche). 23,90€.

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 14:20

Cayley belle, mais qu’elle est pauvre !

 

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Après de brillantes études à Cambridge, en la fameuse école de Girton, Lois Cayley se trouve fort dépourvue à cause de l’incompétence financière de son beau-père qui a dilapidé la petite fortune familiale pour régler des dettes de jeu. Alors, tout naturellement elle décide, afin de se remettre à flot, de visiter le monde. De devenir une aventurière, ce qui dénote de sa part un esprit d’entreprise et une combativité à toute épreuve, les femmes étant en cette fin de XIXème siècle plutôt reléguées dans l’intimité des boudoirs, des cuisines, et des placards à balais.

Elle s’ouvre de sa décision à Elsie Pretheridge, son amie qui l’héberge et qui pensait à tort que sa vocation se trouvait dans l’enseignement. Afin de mieux réfléchir à son avenir et comment réaliser cette envie, elle se rend dans le parc de Kensington, celui-là même qui vit naître Peter Pan quelques années plus tard. Donc Lois ne subit pas l’influence du garçon qui ne voulait pas grandir, au contraire, elle veut s’affirmer seule comme une grande fille.

Installée sur un banc, elle surprend la conversation entre deux dames et s’immisce dans la discussion. D’autant que le sujet abordé par les deux vieilles dames, enfin par celle qui monopolise la parole, intéresse fortement Lois Cayley. En effet, la Vieille Dame acariâtre, comme sera surnommée Lady Georgina Fawley par Lois en son for intérieur, doit se rendre à Schlangenbad, une ville d’eau allemande, et il lui faut trouver une accompagnatrice, une sorte de gouvernante. Et cette Vieille Dame acariâtre possède des idées préconçues sur les capacités d’une petite bonne anglaise recrutée pour l’occasion ou d’une gretchen qui ne serait disponible qu’une fois effectuée la traversée de la Manche. De plus Lady Georgina emporte avec elle un coffret à bijoux et il lui faut trouver une personne de toute confiance. Lois doit démontrer que grâce à sa parfaite maîtrise de la langue teutonne, elle est la personne adéquate pour accompagner la Vieille Dame acariâtre. Et heureux hasard ou circonstance favorable, Lady Georgina a fort bien connu le père de Lois lorsqu’il était militaire.

Dans le train qui conduit les deux femmes à Douvres, elles font la connaissance d’un gentleman qui répond au nom de Comte de Laroche-sur-Loiret. L’intuition de Lois lui souffle qu’elle doit se méfier de ce personnage. Et en effet, en gare de Malines, elle parvient à déjouer les intentions malhonnêtes de cet individu qui lorgne sur le coffret à bijoux de Lady Georgina.

L’installation à Schlangenbad se déroule sans problème majeur, sauf que Lois est interloquée par le manège d’un personnage qui semble se cacher. Il s’agit tout bonnement du neveu de Lady Georgina, Harold. Le courant alternatif passe rapidement entre les deux jeunes gens, un coup dans le cœur de l’un, un coup dans le cœur de l’autre, un mouvement perpétuel que Lois refuse pour la bonne raison qu’elle est pauvre et qu’il est riche. Alors elle décide de rompre les ponts avant même que les plans de ceux-ci soient ébauchés et de repartir à l’aventure, ce qui était, je le rappelle, son idée première.

Elle s’installe à Francfort, et loue une bicyclette afin d’explorer les environs. Elle fait la connaissance d’un homme d’affaires américain qui lui propose d’utiliser ses talents de bicyclettiste afin de promouvoir un vélocipède révolutionnaire dont le système d’entraînement est animé par un excentrique. Ce qui permet à Lois de doubler en montagne et sans effort apparent, les adeptes de la petite reine. Elle gagne une course organisée par l’inventeur, Cyrus W. Hitchcock, et devient sa commissionnaire. Pour chaque vélo vendu elle perçoit le quart du prix de vente sous forme de commission, ce qui n’est pas encore la fortune, mais un bon début.

Elsie, son amie qui est malade des bronches, la rejoint mais le climat n’est pas assez chaud alors s’effectue un nouveau déménagement. Direction l’Italie. Elles s’installent à Florence et afin de subsister elles ouvrent une échoppe d’écrivain public. Lois va taper à la machine et Elsie prendre les notes des éventuels clients en sténo. Hélas, les clients ne se pressent pas pour ouvrir la porte de l’officine. Au bout de deux semaines enfin un client se présente et Lois est gênée car non seulement il appartient à la famille de Lady Georgina mais de plus il veut rédiger son testament. La santé d’Elsie est encore fragile et réclame un climat plus chaud. Direction l’Egypte où Lois connaitra de nouvelles aventures palpitantes, puis l’Inde où elle démontrera qu’un tigre mangeur d’hommes ne lui fait pas peur. Son tour du monde n’est pas tout à fait terminé…

Mais son périple ne lui fait pas perdre de vue et de pensée Harold, toujours aussi empressé et aussi amoureux, mais le pauvre est trop riche aux yeux de Lois. Deux aigrefins, dont le comte de Laroche-sur-Loiret, qui multiplie les identités, la harcèlent et s’ingénient à imaginer diverses escroqueries en tout genre dont une captation d’héritage. Et ça, Lois ne l’admet pas, même si cela pourrait l’amener à réviser sa position envers Harold.

 

Dans ce roman qui fleure bon la fin du XIXème siècle, le roman feuilleton et l’humour ironique et mordant parfois, Allen Grant accumule les coïncidences afin de mieux mettre en évidence les traits de caractère de chacun des protagonistes. Lady Georgina par exemple incarne la référence universelle de la parfaite mauvaise foi. Lois Cayley est jeune, ambitieuse mais pauvre à cause de l’addiction de son beau-père au jeu. Elle décide donc de faire le tour du monde afin de devenir riche, en plus de connaitre des aventures palpitantes. Et ce thème du voyage était fort en vogue à l’époque. On pense naturellement aux romans de Jules Verne, Cinq semaines en ballon par exemple qui date de 1863 ou du Tour du monde en quatre-vingts jours qui a été publié en 1873. Mais Les aventures de Miss Cayley est plus à rapprocher des Cinq sous de Lavarède qui lui date de 1894 et signé Paul d’Ivoi et Léon Chabrillat.

 

Les lecteurs bien-pensants seront peut-être choqués par certains propos qu’ils estimeront xénophobes et chauvins, alors qu’il faut prendre ces assertions, ces déclarations édictées notamment par Lady Georgina ou le Comte de Laroche-sur Loiret (ou quel que soit le patronyme qu’il utilise) au second degré. Pas de leur part, mais de celle de l’auteur qui justement dénonce cette façon d’exprimer des sentiments racistes. Mais la bêtise des gens ne s’arrête pas là. A la frontière autrichienne les bagages de Lois sont retenus parce qu’ils comportent des pamphlets révolutionnaires. En réalité ces ouvrages ne sont que des manuels d’astronomie intitulés La Révolution des corps célestes. Comme quoi la liberté tient à peu de chose et à de mauvaises interprétations. Mais de nos jours, cela ne se passe plus ainsi… c’est pire dans certaines régions du monde.

Un roman plaisant à lire, un peu désuet peut-être, tout comme peuvent l’être les ouvrages de cette époque qui déjà dénonçaient sans les diatribes virulentes actuelles quelques faits de société, mais avec élégance.


Grant ALLEN : Les aventures de Miss Cayley (Miss Cayley’s adventures – 1899. Traduction de Jean-Daniel Brèque). Collection Baskerville N°9, éditions Rivière Blanche. 272 pages. 20€.

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 07:19

mascarades

Composé de plusieurs tendances, l’ETA ou Euskadi Ta Azkatazuna, ce qui signifie Pays Basque et liberté, oscille entre guerre contre l’Espagne avec actes de terrorisme et désir de paix en privilégiant toutefois l’indépendance. Mikel, libraire de profession, penche pour la seconde position. Mais si le GAL, groupe antiterroriste de libération, officiellement dissolu en 1987 et composé de truands à la solde de la police espagnole, est toujours actif, les assassinats perpétrés envers des membres influents de l’ETA ne lui sont pas forcément imputables.

Alors des Rapaces qui veulent éliminer les colombes de la Paix ? L’hypothèse est séduisante, mais dans ce cas il y aurait lieu de supposer des trahisons au sein même du groupe. Seulement ces meurtres, parfois exécutés en public, ne sont pas perpétrés par des hommes cagoulés, comme on pourrait le penser, mais par des mascarades, des personnages masqués issus du folklore basque. Le Zako Zahara, sorte de sac empli de paille ; le Momotxorro, déguisement réputé, exhibé lors des fêtes basques de février et sensé représenter un animal revêtu d’une peau de mouton un panier d’osier surmonté de cornes de taureau servant de couvre-chef ; l’Ehiztarbeltz, ou chasseur noir se déplaçant à cheval, ou encore le Zegen, un taureau noir particulièrement agressif. Seulement ces effigies emblématiques n’abritent pas des êtres humains.

Ces représentations sont vides et en même temps meurtrières, comme animées par des maléfices. Des assassinats perpétrés de façon atroce, inhumaine si l’on peut dire, comme si des zombies commettaient ces barbaries sans état d’âme. A l’origine de ces événements tragiques, l’arrestation de Indiar, l’un des dirigeants de l’ETA le plus recherché et présumé terroriste.

Pour Mikel, qui recherche sur de vieux incunables les origines des mascarades, la surprise va grandissante, tandis que ses amis ou supposés tels, servent de cible. Et que représentent ces personnages qui s’immiscent dans le décor : Bergara l’impulsif et trublion lors de réunions publiques appelant à une guerre sans merci ou encore cette jeune femme, inconnue au bataillon, qui connait son nom de code au sein de l’ETA. Et planent sur cette histoire l’ombre de Charlemagne, de Roland et du défilé de Roncevaux, page héroïque de l’histoire de France et surtout du Pays Basque, un épisode gagnant attribué à tort, selon l’auteur, aux Sarrazins.

 

Avec ce roman Philippe Ward nous propose une autre vision du Pays Basque et de sa recherche d’identité. L’ETA n’est pas uniquement le groupement d’activistes réactionnaires que veulent bien nous présenter les médias, journaux, radios et télévisions, de terroristes assoiffés de sang. La branche décidée à entamer des négociations de paix est occultée, ce n’est pas assez sensationnel, tandis que les arrestations de soi-disant chefs font les gros titres. Il est vrai que cela alimente la popularité de ministres calfeutrés dans leurs bureaux loin de la réalité du terrain, et conforte dans leurs idées préconçues les lecteurs. Et comme le fait si bien remarquer Philippe Ward via la réflexion d’un des protagonistes : « Mikel qui était épris de justice, s’était toujours demandé pourquoi on ne séparait pas les Corses les uns des autres par exemple. Eux qui tenaient les prisons en constituant de véritables gangs. D’autant que le nombre d’homicides sur l’île était sans aucune commune mesure supérieur à ceux commis pour la cause basque sur le sol français… Et qu’ils défiaient ouvertement la République, jusqu’à tuer un préfet, ce que ne faisaient pas les Basques du côté français. Et comment se faisait-il aussi que la police, même aidée de l’armée, ne trouvait jamais les Corses qui n’avaient qu’une île pour se cacher, quand on trouvait les Basques où qu’ils soient dans l’hexagone ? Il doit y avoir davantage de Corses que de Basques dans la police et dans la politique, concluait cyniquement Mikel, en trouvant la force d’en sourire ». Je suis tout à fait d’accord avec Philippe Ward, en émettant toutefois une réserve : il n’a jamais été prouvé formellement que le préfet ait été assassiné par un Corse, alors que l’incendie des paillotes était apparemment le fait de certains policiers, mais ceci est une autre histoire.

 


Philippe WARD : Mascarades. Aïtamatxi Editions. Novembre 2009. 320 pages. 17€.

 

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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 13:49

Il faut toujours se fier à son instinct !

 

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Peut-être vous souvenez-vous de Sacha Distel interprétant en 1959 cette chanson qui avait pour titre : Oh quelle nuit! Les protagonistes qui évoluent dans ce roman pourraient en dire autant, sauf que s’ils sont groggy, ce n’est pas à cause de quelques fines à l’eau, de whisky et de porto. Ce serait plutôt à cause du grand air nocturne et du sport extrême qu’ils vont être à même de pratiquer. Ce serait plus à rapprocher du tube des Avions, La nuit est chaude, elle est sauvage, quoique cette chasse se déroule durant la nuit du 17 au 18 avril.

Alors qu’ils devisent tranquillement dans leur chalet situé près du lac Mondac, dans le parc national Marquette, état du Wisconsin, Emma et Steven Feldman entendent des bruits aux alentours. Emma est avocate et elle emmène toujours avec elle quelques dossiers, malgré les proscriptions de son mari qui lui officie aux services sociaux. Et tout à coup deux hommes s’introduisent violemment dans la résidence. Steven veut appeler les policiers de la ville la plus proche, quand même située à plus de vingt kilomètres, mais il est abattu ainsi que sa femme.

L’appel téléphonique avorté inquiète toutefois le shérif qui décide d’envoyer quelqu’un sur place. Il désigne Brynn McKenzie, son adjointe en laquelle il a toute confiance. Celle-ci abandonne mari et gosse pour accomplir sa mission. Arrivée sur place elle ne peut que constater les dégâts. Elle récupère Michelle, leur amie Michelle, qui vagabondait dans les bois lors du massacre. Elle avait réussi à échapper aux deux meurtriers et est affolée, ce qui se conçoit aisément, mais les deux tueurs sont toujours dans les parages. Commence alors une folle cavale afin d’échapper à des poursuivants sans pitié.

Graham, le mari de Brynn, qui a bien du mal à gérer Joey, le fils de la policière issu d’un précédent mariage, s’inquiète et appelle sa femme. Ce n’est pas Brynn qui lui répond, mais un homme qui se déclare être un de ses collègues. Sentant un coup fourré il décide de partir à sa recherche.

Lors de leurs tribulations dans les collines qui entourent le lac de Montac, nos deux fugitives vont rencontrer un couple accompagné d’une fillette et d’un copain et dont elles espèrent une aide providentielle. Mais ces personnages ne sont pas là pour profiter de l’ambiance bucolique et des charmes de la nature.

Un autre protagoniste est également sur les routes. Il a une mission à accomplir, en relation le responsable d’un syndicat accusé de préférer faire embaucher des immigrés que des citoyens américains. Il ne paie pas de mine mais il faut toujours se méfier des plus petits et malingres que soi.

Fugitives et poursuivants affrontent toutes sortes d’embûches, liées à la configuration du terrain, nature escarpée ou ravins, à la flore et à la faune. Ils vont s’éloigner, leurs chemins se séparant, se croiser furtivement, se rencontrer même, mais à chaque fois un impondérable se dresse devant eux. Michelle est une femme de la ville, habituée au confort urbain, riche et enfant gâtée, capricieuse, habituée à vivre dans la facilité, et au début elle se traîne comme un boulet pour Brynn qui essaie de la canaliser, de la réconforter, de la bousculer aussi. De plus Michelle déclare s’être foulé une cheville, ce qui n’arrange pas leur marche souvent cahotante. Heureusement Brynn possède des petits trucs et astuces, comme les Castors Juniors, pour se repérer et se diriger vers le nord.

Jeffery Deaver nous entraîne dans une intrigue à rebondissements constants, en cascades, et lorsque l’on croit, que l’on espère qu’enfin les deux jeunes femmes vont s’en sortir, un nouvel incident, une nouvelle difficulté, se dressent devant elles. Heureusement Brynn ne cède pas facilement à l’abattement, au découragement. Elle est blessée à la joue, une balle qui n’était pas forcément perdue, mais la douleur ne lui fait pas perdre ses moyens. C’est une battante.

Bien enfoui sous votre couette vous ne pourrez pas vous endormir avant de connaître la fin, de savoir comment va se terminer cette aventure, et vous frissonnerez, vous serez tenté de vouloir aider les deux jeunes femmes à sortir de la tenaille composée par leurs poursuivants, à déjouer les pièges, à vous identifier et à souffrir par procuration. Des pérégrinations qui dureront douze heures. Au petit matin, les deux chèvres ne furent pas mangées par le loup. Au contraire elles survivent, et la horde de loups est décimée, en partie.

Mais ceci n’est que la première partie du livre, la principale, qui s’étend sur 350 pages, et l’aventure continue car tout n’est pas résolu. Et le lecteur découvre un peu mieux la personnalité de Brynn et d’autres personnages.

Prix du meilleur thriller de l’année, ce roman de Jeffery Deaver est fascinant. Pourtant le terme thriller ne m’attire pas spécialement car mis trop souvent mis à toutes les sauces et ne signifiant par le fait plus grand-chose. A mon sens il vaudrait mieux parler de suspense, mâtiné d’angoisse, et pour moi la principale référence reste Psychose de Robert Bloch, un roman adapté au cinéma par Alfred Hitchcock. Un film qui a éclipsé le livre.

 

Jeffery DEAVER : Instinct de survie (The bodies left behind – 2008. Traduction de Jean Esch; réédition de Editions des Deux-Terres. Novembre 2011). Le Livre de Poche Policier/Thriller. 528 pages. 8,10€.

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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 07:06

Quand la mer monte, j'ai honte, j'ai honte, quand elle descend...


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Le mythique 204 de la rue des Siliques à Bruges, là où est établie la Cellule spéciale de recherches, est en effervescence. Le déménagement pour de nouveaux locaux plus spacieux s’accompagne de petits tracas tels que ordinateurs déjà emballés, pièces vidées, mobilier réduit au minimum.

C’est dans cette ambiance qu’une jeune fille, Miriam Dobbelaere, se présente au commissaire Van In pour déclarer qu’elle a été victime d’un viol par un homme cagoulé. Le père, huissier de justice qui fait partie des notables de la cité, est en colère tout autant auprès de sa fille que des policiers. Et comme Miriam ne veut pas déposer plainte, Van In ne peut que laisser la jeune fille rentrer chez elle sans qu’il y ait une suite à l’affaire.

L’adolescente repousse toujours un éventuel examen gynécologique et désigne comme agresseur possible un homme qui porterait un tatouage sur le bras, tatouage qui est attribué à un certain Colombier, surnommé King-Kong. Mais le père Dobbelaere, sa femme l’a quitté depuis huit ans le laissant seul pour élever la gamine, est en proie à une fureur qui le guide depuis sa jeunesse ou presque. Il s’en prend violemment à Miriam. Résultat elle est transportée à l’hôpital pour des ecchymoses et surtout pour des marques suspectes autour du cou.

Dans le même temps ou peu s’en faut, le cadavre d’un homme est retrouvé enfoui dans le sable de la plage de Zeebrugge, petit port de pêche et balnéaire situé non loin de Bruges. Et ce n’est pas un suicide car seule la tête dépasse, la bouche est agrémentée d’un sparadrap et contient une balle servant dans les séances de sadomasochisme. Et quand les spécialistes le dégagent de sa gangue, ils s’aperçoivent qu’il a les pieds et poings liés. Il ne risquait pas de se faire la belle ou d’appeler d’éventuels secours. Un correspondant anonyme a prévenu la police judiciaire qui se présente en la personne de Bultinck, et Van In n’apprécie pas du tout que quelqu’un, fut-il de la PJ, à la réputation sulfureuse qui plus est, vienne piétiner ses plates-bandes, ou son carré de sable en l’occurrence.

Autre précision qui est apportée, Carlos Minne, le cadavre, aurait été vu dans la nuit en compagnie de Roger Daems, un importateur de bimbeloteries asiatiques. Or Daems a purgé une peine de prison quelques années auparavant, peine de prison écourtée, et il a monté sa boîte d’import du jour au lendemain, une entreprise florissante derrière laquelle pourrait se terrer un trafic juteux de contrefaçons. Carlos Minne quant à lui était ancien chef de cabinet adjoint au ministère de la justice et membre de la commission des mises en liberté conditionnelles. Chez lui, dans une pièce réservée uniquement pour son usage personnel, les enquêteurs trouvent une multitude de magazines pornographiques ainsi que des cassettes vidéo. Van In ne délaisse pas pour autant l’affaire Miriam Dobbelaere, et il subodore, à tort ou à raison que les deux affaires sont liées.

Si Maigret et son géniteur Georges Simenon sont présents à l’esprit du lecteur au début de l’intrigue, le lien entre Van In et le célèbre commissaire du 36 quai des Orfèvres est si ténu, qu’il se rompt au bout de quelques pages. Il y a bien une petite ressemblance entre les deux hommes : la boisson. Comme dit sa compagne, Hannelore qui prend une part active à cette enquête puisqu’elle est juge d’instruction, Van In est un boit-sans-soif. « Van In jeta un coup d’œil à la bouteille. De sa silhouette à l’étiquette, tout indiquait un bourgogne. Il préférait le bordeaux, mais ce n’était pas le moment de faire le difficile ».

Mais en ce mois de juillet, le soleil tape fort, et il faut le comprendre aussi, même si son adjoint et ami Guido Versavel se cantonne à l’eau. D’ailleurs Van In organise assez souvent des séances de travail en compagnie de Versavel à l’Estaminet, son bar favori. Lorsqu’il le faut Van In sait se montrer doux ou hargneux, humaniste ou vindicatif, et comme son chien, pourtant patelin, lorsqu’il a crocheté dans un os, il est difficile de le lui retirer. Il ne dédaigne pas non plus reluquer les belles jeunes femmes, mais ça cela entre dans le domaine privé. Pieter Aspe ne s’étend pas trop sur le côté touristique de la cité flamande, ni sur l’antagonisme qui existe entre les deux communautés belges, même s’il l’évoque. Il est plus prolixe sur la ville de Rome, qui accueille pour quelques heures Van In et consorts. Et comme tout bon romancier de littérature policière qui se respecte, il donne parfois de petits coups de griffe, genre : « Certains fonctionnaires sont ainsi constitués que, même s’ils sont indéboulonnables, ils ne peuvent pas s’empêcher de lécher les bottes de leurs supérieurs ». A moins qu’il s’agisse tout simplement de lucidité.


Pieter ASPE : La mort à marée basse. (Editions Albin Michel – 2010) Le Livre de Poche Policier/Thriller. 336 pages. 6,90€.

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30 octobre 2012 2 30 /10 /octobre /2012 17:11

Il faut toujours se méfier des stylos baveurs !

 

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Tandis qu’elle flâne dans le bas des Champs-Elysées, près d’une galerie marchande refuge des commerces de luxes, Anne Forestier, en farfouillant dans son sac à main, se barbouille la main avec l’encre de son stylo qui fuit. Elle avise des toilettes et tombe nez à nez avec deux hommes habillés de combinaisons noires, cagoules baissées et armés de fusils à pompe. Tout le monde est surpris mais l’un des deux individus se sert de son arme pour frapper Anne au visage, pour la molester (les policiers aiment bien ce verbe parait-il), pour la frapper violemment à coups de pieds alors qu’elle gît à terre, puis il traine le corps sur une trentaine de mètres, juste à l’entrée d’une joaillerie avant de s’engouffrer dans la boutique. Les malfrats dévalisent la bijouterie en brutalisant l’employée et la propriétaire. Anne qui était dans les vapes parvient à se trainer péniblement sur le trottoir. Des coups de feu sont échangés, pourtant Anne se relève, titube et marche comme un zombie. Les truands sont récupérés par un troisième homme qui conduit une voiture et s’échappent en arrosant les environs à l’aide de leurs armes à feu.

Ce braquage a été enregistré par des caméras de surveillance et Camille Verhœven visionne le film avec stupeur et angoisse. Car la quadragénaire qui a été pris à partie par les voleurs n’est autre qu’Anne Forestier, celle qui partage sa vie depuis quelques mois. Et quoiqu’il fasse partie de la Criminelle et que cette affaire n’est pas de son ressort, il s’en empare en avertissant succinctement la commissaire divisionnaire Michard, qui a remplacé dans le service Le Guen, son ami Le Guen qui vient d’être promu à un poste supérieur. Il argue qu’il ne s’agit pas que d’un banal hold-up mais qu’il y a eu présomption de tentative de meurtre aggravé. Et il invente une histoire invraisemblable d’indic qui pourrait, éventuellement, peut-être, lui donner, lui fournir un début de piste, etc. Il affirme ensuite au juge Pereira que la divisionnaire accepte que l’enquête lui soit confiée et vice versa.

Camille va mal. Sa femme Irène, décédée cela fait quelques années mais à laquelle il se réfère toujours, est toujours présente dans ses pensées. Son adjoint et ami Armand vient de mourir d’un cancer et il assiste le jour même à son enterrement. Et maintenant Anne passée à tabac par des voyous. Si Le Guen autorise mollement son implication dans cette affaire, il ne lui dit pas tout, ni à son ami et adjoint Louis. Il leur cache sa liaison avec Anne, on se demande pourquoi.

Anne est transportée dans un hôpital et Camille lui rend visite. Elle peut à peine parler et les médecins restent sceptiques sur l’évolution de sa guérison. Camille, et Louis, pensent que ce braquage est lié à ceux qui ont été perpétrés quelques mois auparavant, et pensent à un certain Hafner. Une infirmière aperçoit un homme déambulant dans les couloirs de l’hôpital et croit distinguer sous son vêtement un fusil. Mais elle n’est sûre de rien. Toutefois elle en informe Camille qui prend la menace au sérieux.

 

Cette histoire se déroule sur trois jours, et peu à peu la tension monte. Si le final est sous pression, il en reste toutefois une impression de préfabriqué. Le machiavélisme, le diabolisme dont avait fait preuve Pierre Lemaitre dans Robe de Marié ou dans Alex sont moins convaincants dans ce roman dont certains passages donnent un sentiment de remplissage. Ce n’est plus de la haute couture comme nous avait habitué l’auteur, ni même du sur-mesure, mais du prêt à porter, ou plutôt du prêt à lire. Plaisant mais sans plus, comme un roman formaté issu d’un atelier d’écriture américain. Mais comme il s’agit du troisième tome d’une trilogie consacrée à Camille Verhœven, peut-être Pierre Lemaitre en le rédigeant pensait à un nouvel opus plus en adéquation avec son style et son inspiration.


Pierre LEMAITRE : Sacrifices. Editions Albin Michel. 366 pages. 20€.

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