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19 février 2015 4 19 /02 /février /2015 13:31

A déguster sans modération !

Max OBIONE : Gaufre Royale.

Issu d’un accouplement improbable entre Shrek et Obélix, Abel Salinas après avoir été policier s’est reconverti comme détective privé, spécialisé dans les minables affaires de cocufiage.

Bref il végète jusqu’au jour où une enquête qui pourrait se révéler lucrative lui est confiée par un ténor du barreau à la santé déficiente.

Maître Beausang ressent une forme de remord car de tous les nombreux procès qu’il a gagné haut la main et le verbe, un dossier n’a jamais été mené à bon terme. Une tache dans une brillante carrière.

Trois ans auparavant, la cour d’assises de Paris a condamné Edo Gradine, d’origine lituanienne, à dix ans de réclusion perpétuelle, pour le meurtre de Berverly Poulot. Or Maître Beausang est convaincu que l’inculpé n’a pas commis ce crime, d’ailleurs aucun cadavre n’ayant été retrouvé. Abel Salinas va donc remonter la filière, de Bully les mines où a vécu la jeune femme dans une famille d’accueil, jusqu’à Cabourg, en passant par Granville et autres lieux de villégiatures de la côte normande, utilisant ses méthodes personnelles, et son flair de chien pataud.

 

Max Obione dans Gaufre royale, avec une écriture bourrue, joue avec le lecteur, passant allègrement du Je au Il, le personnage s’adressant tout autant à lui-même qu’à un imaginaire compagnon, à moins que ce soit le lecteur qu’il prend pour témoin en employant aussi la deuxième personne du singulier, une tournure grammaticale particulière pas forcément recommandée par les profs de français dans la rédaction des compos, mais qui se révèle jouissive à la lecture.

Une gaufre sucrée salée à déguster sans arrière pensée de cholestérol, de diabète, une gaufre normande certifiée bio à déguster sans modération.

Max OBIONE : Gaufre Royale. Editions du Horsain (3ème édition). 168 pages. 8,00€

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17 février 2015 2 17 /02 /février /2015 14:11

Comme chantait Sacha Distel : Oh quelle nuit !

Chevy STEVENS : Cette nuit-là

Faire de la publicité, c'est agiter un bâton dans l'auge à cochons disait George Orwell, l'auteur de 1984.

Et une fois de plus preuve est faite qu'il ne faut pas se fier aux petites phrases inscrites en première et quatrième de couvertes dues par des auteurs payés pour promotionner un ouvrage et qu'ils n'ont apparemment pas lu. Ainsi Harlan Coben affirme La tension monte à chaque page, tandis que Lee Child déclare Terriblement intense : une réussite.

Il faut attendre le chapitre 14, de la page 194 à la page 204, pour véritablement entrer dans l'histoire, le meurtre de Nicole, et l'arrestation de Tonie, sa sœur aînée et de Ryan, son petit ami. Le chapitre charnière de l'intrigue car auparavant Tonie, la narratrice et personnage principal du récit, entame un long processus de description de ses années d'adolescente parmi sa famille, ses condisciples, ses amours avec Ryan, ainsi que les longues années d'incarcération au pénitencier de Rockland à Vancouver puis dans le centre de réinsertion d'Echo Beach à Victoria, sur l'ile de Vancouver.

Le lecteur fait la connaissance de Tonie à sa sortie de la prison de Rockland alors qu'elle bénéficie d'un placement en centre de réinsertion. Elle a trente-quatre ans et a déjà passé pratiquement la moitié de sa vie enfermée. Tout ça parce qu'elle est devenue au collège la tête de Turc d'une soi-disant amie.

Tonie aurait pu être heureuse entourée d'un père débonnaire, dont le métier était de remettre en état de vieilles bâtisses. Sa mère, petite souris très énergique, qui achetait les maison que le père rénovait, tenait le ménage d'une main de fer et n'autorisait aucun manquement. Quant à Nicole, c'était la préférée. Du moins de la mère. Et bien entendu à l'adolescence les conflits mère-fille ont commencé à perturber les relations entre Tonie et sa mère. Tonie est indépendante et les études ne l'attirent pas trop.

Au collège elle se lie avec Shauna qui traîne derrière elle une petite cour d'admiratrices. Cathy, Kim et deux ou trois autres. Au début elle s'entendait bien avec Shauna, jusqu'au jour où celle-ci l'a accusée de lui avoir pris son petit copain et l'obliger à effectuer quelque chose dont Tonie deviendra la principale victime. La suite ne fut que harcèlement moral et physique. Shauna, belle petit gueule d'ange savait toujours retourner la situation en sa faveur, Tonie devenant la risée des autres élèves. Et puis Shauna vivait seule avec son père, Franck MacKinney, un policier local qui lui pardonnait tout.

Tonie est tombée amoureuse de Ryan, et le jeune homme ressentait les mêmes sentiments à son égard, au point d'envisager le mariage comme avenir. Mais il leur fallait être indépendants financièrement et pour cela Ryan a trouvé de petits boulots et Tonie a été engagée comme serveuse dans un petit restaurant. Mais Shauna lorsqu'elle avait quelqu'un dans le nez ne lâchait pas si facilement sa prise, toujours souriante, le regard noir et les propos acerbes, mensongers, sachant rester maîtresse de la situation.

Nicole prend de l'âge, commence à devenir jeune fille, se maquille, sort le soir, à l'insu des parents. Et rentre ivre parfois. Des médicaments disparaissent. Dans l'esprit de la mère c'est Tonie qui est fautive, ne voulant pas écouter les explications de son aînée, prenant toujours la défense de sa cadette. Et lorsque le drame arrive, la faute en incombe inexorablement à Tonie et dans une moindre mesure à Ryan, dans l'esprit de tous ou presque.

Au pénitencier où elle est enfermée, Tonie est en butte une fois de plus face à une meneuse qui régi toutes les prisonnières sous sa coupe, en véritable tyran. Tonie n'accepte pas cette dictature, se rebelle, se révolte. Des coups sont échangés, des agressions ont lieu dans les couloirs, et Tonie est la plupart du temps déclarée coupable. Mais elle arriv eà se faire respecter.

Enfin, lorsqu'elle peut sortir de cet enfer, Tonie revient chez elle, là où elle est née, mais pas chez ses parents. Elle s'installe sur un vieux bateau mis au rebut, travaille dans un refuge pour animaux, adopte un chien, un pit-bull couturé de partout qui lui témoigne son affection, et tout irait pour le mieux si un jour, malgré l'interdiction qui leur a été signalée, Ryan ne cherchait à la revoir.

 

Construit comme un récit autobiographique déstructuré, les chapitres s'imbriquant les uns dans les autres sans véritable suivi, Cette-nuit là est autant un documentaire-fiction sur les relations tumultueuse que peut entretenir une adolescente avec son entourage qu'un reportage dans l'univers carcéral. Comme c'est Tonie qui s'exprime, et que le lecteur ne possède que sa version, il est obligé de se fier à son témoignage. Et bien entendu lui aussi se révolte en lisant les sévices subis par la jeune fille. Pourtant une question demeure : pourquoi et surtout comment Shauna peut posséder une telle emprise, une telle aura, un tel charisme auprès des autres écolières, et ne jamais être prise en défaut ? Seule Tonie se rebelle et elle focalise sur elle tous les regards, tous les reproches, toutes les inimitiés.

Et comme justement ce roman se rapproche plus d'un reportage, intéressant certes, qu'une fiction dont l'angoisse serait savamment entretenue, il en perd sa force de persuasion et la tension n'est pas au rendez-vous. Autant les précédents romans de Chevy Stevens entretenaient la peur, la crainte, le frisson, l'envie du lecteur de poursuivre sans interruption le déroulement de l'histoire, ici on décroche souvent, à cause peut-être de l'accumulation des sévices et des rejets subis par Tonie. Et l'on se demande si au fond d'elle-même elle ne cache pas quelque chose de sa personnalité. Bref, à aucun moment je n'ai vibré devant l'accumulation de malheurs de Tonie, sauf peut-être au fameux chapitre 14 et vers la fin, lorsqu'enfin éclate la vérité.

 

Chevy STEVENS : Cette nuit-là (That Night - 2014. traduction de Sebastian Danchin). Editions de l'Archipel. Parution le 4 février 2015. 400 pages. 22,00€.

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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 13:07

La philosophie est la nourriture de l'esprit !

Alimentaire, mon cher Voltaire !

Frédéric LENORMAND : Elémentaire, mon cher Voltaire.

En l'an de grâce 1734, Voltaire ne pense pas encore à Mirabeau, mais il commençait à en avoir marre des mirabelles.

Il est exilé à Cirey, en Lorraine, dans un vieux château médiéval appartenant à son amie Madame Du Châtelet, Emilie pour les intimes. Et elle en a beaucoup. Voltaire en a ras l'estomac de manger des mirabelles à longueur de repas, et de plus il s'ennuie loin de la capitale. Une simple missive, émanant du comte d'Argental, lui donne l'occasion de fuir Cirey et de rejoindre sa belle, sa chambre et son ami-valet-secrétaire, l'abbé Linant.

La dame que vous savez est aujourd'hui est en grand péril
de tomber dans les bras de certain savant de votre connaissance.

Il n'en faut pas plus pour que la jalousie perfore le cœur du philosophe et immédiatement il prépare ses affaires, au grand désarroi de la maîtresse-queux qui lui mijote avec amour lapins et sangliers qu'il ne peut plus voir en peinture. Malgré l'interdiction qui lui a été signifiée, suite à la publication des Lettres Philosophiques, il regagne la capitale où il n'est attendu par personne ce qui le rend fort marri. Ses logeurs ont loué sa chambre, déménageant et ses affaires, et il retrouve l'abbé Linant en piteux état dans le grenier. Il est vrai que Voltaire a moins de mal à coucher ses idées sur le papier qu'à gérer sa bourse.

Effectivement la belle Emilie du Châtelet est fort embarrassée. Non point parce qu'elle recherche activement la présence de Maupertuis, académicien et physicien, sur lequel elle a jeté son dévolu, mais parce qu'elle a un cadavre dans le placard. Et ce n'est pas une figure de style. Elle a envoyé son personnel effectuer quelques emplettes, avec ordre de ne pas revenir avant deux heures, afin d'être tranquille en compagnie de Maupertuis. Ils s'adonnent à des expériences et ayant besoin d'ustensiles se rendent dans la cuisine. Ils découvrent dans un réduit, debout au milieu des jambons et d'objets de cuisine, le cadavre de Margoton. Et ils ne savent que faire de ce corps encombrant. Si Voltaire était là, il nous dirait quoi faire avoue Emilie. Seulement elle ne sait pas, encore, que son ami est aux prises avec son logeur et qu'il lui faut trouver un autre point de chute.

Une indiscrétion de la part d'un membre de son petit personnel, peuvent pas se taire ceux-là !, et bientôt toute la rue est au courant et la rumeur enfle jusqu'au Châtelet où le lieutenant général de la police, René Hérault, est immédiatement averti. Et comme ses mouches ont prévenu ses gens d'arme, Voltaire et Emilie se retrouvent ensembles dans la vieille bâtisse. Si Hérault n'apprécie pas Voltaire, Emilie ne lui est pas indifférente, et il charge son plus cher ennemi d'aider sa plus chère amie.

Et c'est ainsi que Voltaire, ou plutôt Tairvol ainsi qu'il se présente dans les différents endroits où il se rend, un pseudo comme un autre, prend l'affaire à bout de bras, tout en essayant de détourner Emilie de ceux de Maupertuis.

Margoton a été assassinée malencontreusement, car apparemment ce n'était pas elle qui était visée. Et il apparait que les jouets, dont une maison de poupée, qui encombrent la pièce destinée aux enfants, n'ont pas été livrés au bon destinataire. Alors, tout en se cachant des hommes de Hérault qui le suivent à la trace comme de bons chiens qu'ils sont, il va se rendre chez une modiste, un fabricant de jouets du nom de Gépétaud (tiens cela me dit quelque chose ce nom, mais j'ai du nez, je trouverai !) ou encore chez un fabricant d'automates.

 

Pauvre Voltaire qui à cause d'écrits jugés tendancieux est contraint de se cacher, de s'exiler et de voir sa belle amie tomber dans les bras d'un concurrent et dans le même temps chargé par un haut représentant de la police d'enquêter tout en étant pourchassé. C'est vraiment à n'y rien comprendre, d'autant qu'il doit enquêter dans des lieux de perdition chez les couturières, les modistes, les fabricants de jouets, et même se déguiser en femme pour passer inaperçu, ou encore se réfugier sous un pont dans la boue. Pourtant il est reconnu de tous ou presque, sauf d'une vieille connaissance à la vue basse et un air, pas plus bête qu'un autre, puisqu'il s'agit de madame du Deffant, également épistolière. Il imagine stratagèmes sur ruses et matoiseries. Mais le chemin de Voltaire sera encombré de cadavres qu'il sèmera malgré lui sur son chemin tel un Petit Poucet. Et à voir Voltaire se démener, se montrer grognon, sautiller, l'image de Louis de Funès s'est imposée à moi.

 

Ah, si à l'école, on nous avait appris la philosophie avec l'humour de Voltaire, involontaire parfois mais corrosif souvent, et bien aidé par son biographe, nul doute que ce cela nous eut plus captivé.

Par exemple disserter sur cette affirmation voltairienne : Cher monsieur, les femmes ne mentent pas, elles voient la réalité différemment !

Un voyage dans l'histoire qui ne nous prend pas pour des pantins ou des poupées de chiffons, peut-être pour de grands gosses qui aiment les contes vivants, enlevés, enjoués, troussés, humoristiques, avec une belle intrigue à la clé (pour remonter les boîtes à musique pare exemple) et, je n'oserai pas aller jusqu'à déclarer pédagogique mais au moins instructive.

Frédéric LENORMAND : Elémentaire, mon cher Voltaire. Série Voltaire mène l'enquête. Editions Jean Claude Lattès. Parution 4 février 2015. 318 pages.

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 14:01

Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire…

Frédéric LENORMAND : Le Diable s’habille en Voltaire.

Franchement, retrouver un cadavre dans une église est pour le moins déplacé, surtout lorsque l’assassinat a eu lieu sur place, accompagné par le tintamarre des touches de l’orgue malmené. Le père Pollet, vicaire de Saint-Nicolas du Chardonnet en a été perturbé durant sa prière. Et sa perruche aussi, mais ce n’est pas elle qui est au cœur de l’histoire, même si son appui favori est l’épaule du prêtre. Le père Lestard, le maitre de scolastique, a été assassiné, pour preuve l’échancrure sanglante dans le dos de sa soutane. Une odeur de soufre plane dans l’édifice et les dictionnaires et traités anciens, jetés au sol, portent des empreintes de chèvre. Nul doute, le Diable est passé par là commettant son forfait. Pourquoi, la question est pour le moment sans réponse.

En ce temps-là, comme il est écrit dans la Bible, mais nous sommes en 1733, François-Marie Arouet dit Voltaire a décidé de se faire monter un bain. C’est un événement ! Après des préparatifs longs et laborieux, Voltaire peut enfin se glisser dans son bac d’eau chaude. Seulement l’eau lui semble grise et il en fait la remarque au porteur de bain. Celui-ci se défend, elle n’a servi qu’une fois, selon lui, et encore à une duchesse. Dans ce cas ! Assis dans le baquet, en chemise et bonnet, il s’adonne aux joies du pataugeage, comme un gamin, lorsque lors d’une chasse sous-marine, il ramène un doigt de pied. Emilie le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, qui vient lui rendre visite inopinément, lui apprend que l’organe appartenait à une femme, puisque l’ongle est recouvert d’un vernis et que la dame auquel appartenait l’orteil n’était ou n’est plus de toute fraîcheur. Mais Voltaire a aussi des projets en tête. Par exemple montrer sa nouvelle tragédie Adelaïde du Guesclin aux Comédiens-Français et leur demander, leur imposer même de jouer sa pièce. Selon Emilie il lui faut un nouveau domestique pour suppléer Linant, abbé, secrétaire, homme de ménage et homme à tout faire qui est en voyage dans sa famille.

Emilie emmène son ami embaucher un valet susceptible de convenir aux besoins du philosophe. Alors qu’ils traversent le parvis devant l’Hôtel-Dieu, ils manquent d’être renversés par un carrosse mené par deux chevaux. Ils trouvent toutefois le candidat idéal, un nommé Lefèvre, au passé de poète pauvre, ce qui n’est guère étonnant.

Il faut habiller Lefèvre afin qu’il puisse tenir avec prestance sa condition de valet, et après s’être rendu chez un fripier, il est enlevé, cagoulé et transporté en un lieu qu’il reconnait au son de cloche. Le ravisseur n’est autre que le père Pollet qui requiert les services de Voltaire. Si l’homme d’église n’est point habitué à frayer avec le diable, Voltaire lui pourra éventuellement résoudre l’énigme du meurtre de son maitre de scolastique. Des hommes du lieutenant général de la Police René Hérault frappent à la porte de l’édifice, prévenus on ne sait comment. Vite il faut cacher le cadavre, remettre tout en place, afin que les serviteurs de l’état ne trouvent rien de louche. Et Voltaire dans tout ça ? Il part par une sortie dérobée. Car comme le déclare le père Pollet : Nos pieuses communautés ont toujours deux entrées. Comme les maisons closes pense in-petto Voltaire.

En compagnie d’Emilie, Voltaire enquête auprès de l’Hôtel-Dieu, car le quartier est affolé par les cavalcades du carrosse funèbre, comme si c’était un véhicule loué par le diable. Une nouvelle surprise les attend. La servante d’une dame qui vient de décéder a aperçu avec stupéfaction sa patronne traverser l’Hôtel-Dieu, sur ses deux jambes, telle une personne valide. Plus bizarre, cette femme portait les vêtements avec lesquels elle avait été inhumée. Encore plus bizarre, cette personne qui avait pour profession jupière, était administrée par le père Lestard, le défunt. Comme il n’est jamais Lestard pour bien faire (désolé), Voltaire et Emilie décident de se rendre nuitamment en cet endroit réservé pour le repos des âmes, où ils font une curieuse rencontre. Un chevalier qui dit se nommer Krakenberg se dresse sur leur chemin, et lorsqu’ils veulent le faire arrêter pas les soldats du guet, celui-ci leur montre un sauf-conduit salvateur.

 

On retiendra de ce roman quelques scènes qui ne sont pas piquées des vers. Celle de la visite nocturne du cimetière, refuge de ces charmants lombrics, et qui plonge le lecteur dans les prémisses d’un roman d’épouvante. Mais aussi celle qui se déroule à la Comédie-Française où doit se jouer la nouvelle pièce de théâtre de Voltaire, en vers (et apparemment contre tous), lequel devient metteur en scène montrant aux comédiens comment il faut jouer, c’est-à dire selon ses souhaits, et non selon les habitudes héritées du temps de Corneille. Mais d’autres moments épiques sont proposés au lecteur. Par exemple lorsque le philosophe et sa compagne se rendent dans un cercle de jeux clandestin accueillant le gratin de la gent parisienne. L’intrusion de la maréchaussée alerte immédiatement les employés et les joueurs, et l’immeuble prend aussitôt l’aspect d’un club honnête fréquenté par la noblesse et autres personnalités. Emilie et Voltaire n’ont d’autre ressource que de s’enfuir par une porte dérobée et déambuler dans les souterrains des anciennes carrières de la capitale.

On apprend également que les os à moelle peuvent servir de moyen de transport idéal pour transmettre des messages, que Voltaire était adepte des lentilles, les légumineuses cela va de soi, et que son acrimonie envers les Jansénistes ne connait pas de repos.

Frédéric Lenormand s’est immergé dans ce qui a été surnommé le Siècle des Lumières avec bonheur, délectation même, et il nous livre un roman historique vivant, et une intrigue assez tarabiscotée pour entretenir l’intérêt du lecteur. Les déductions d’Emilie le Tonnelier nous ramènent à celles de Zadig dans le conte Le Chien et le cheval, lorsqu’il décrit l’allure des deux animaux d’après les quelques traces relevées à terre, déductions reprises par la suite par Conan Doyle pour ses aventures de Sherlock Holmes. L’auteur nous livre quelques digressions fort bien venues qui, au lieu d’alourdir le texte, l’allègent et lui permettent d’étoffer le personnage de Voltaire tout en décrivant une époque charnière située entre la fin du règne de Louis XIV et les prémices de la Révolution, alors que Diderot, D’Alembert, Rousseau, et Voltaire renouvelaient la littérature.

Voltaire se plaint parfois de ne pas être compris par ses contemporains. La belle Emilie le réconforte en lui déclarant : Tout écrivain doit se faire détester par une poignée d’imbéciles, sans quoi il manquerait quelque chose à sa réussite. Etonnant, non ?

 

Frédéric LENORMAND : Le Diable s’habille en Voltaire. Série Voltaire mène l’enquête. (Première édition Jean-Claude Lattès. 2013). Réédition Le Masque Poche N°39. Parution 12 février 2014. 340 pages. 6,60€.

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 09:18

Un roman épicé !

Frédéric LENORMAND : Crimes et condiments.

Le seul inconvénient, mais il est de taille, quand on est comme René de Launay, gouverneur de la Bastille, s'est de se trouver enfermé comme les pensionnaires de haut lignage qu'il reçoit à sa table le soir pour souper. Il se sent autant prisonnier que ceux dont il a la charge, mais comme ceux-ci le lui font remarquer, c'est volontairement qu'il est à l'abri des murs de la forteresse royale. De plus il est importuné pendant son repas par quelques représentants du guet et le procureur Duval qui veulent rendre une visite inopinée au pensionnaire de la chambre 12. Un individu dont il ne connait ni le nom, ni le visage, et qui va être libéré pour perpétré un forfait. Et monsieur de Launay a peur pour la vie de Voltaire, un client qu'il aimerait bien accueillir, surtout que quelques volumes de traités philosophiques viennent d'être saisis, la censure passant par là.

Monsieur Voltaire est loin de se douter de ce qu'il se trame, occupé qu'il est à traficoter des épices, de la laine et autres produits en provenance notamment du Pérou. Après transformation, cette laine de vigogne ou cette paille repartent sous forme de chapeau en échange d'or. Et surtout il est obnubilé par son envie d'être élu à l'Académie Française, mais s'il participe à ce jeu des chaises musicales, il est toujours perdant. Il est vrai que ses Lettres philosophiques ne plaident pas en sa faveur. D'ailleurs ce volume imprimé à Rouen, ainsi qu'en Angleterre, n'est pas encore distribué.

Lors d'un repas chez madame de Lixen, accompagné de son amie et maîtresse Emilie, marquise du Châtelet, Voltaire se montre à son avantage en résolvant le mystère de la disparition des boucles d'oreilles de son hôtesse. Il échappe à un attentat dont je ne vous en dirais pas plus mais sachez toutefois que cet épisode du pigeonnier n'est pas sans rappeler un épisode des aventures de Tintin, titre sur lequel je ne m'étendrai pas davantage afin de ne pas déflorer l'intrigue et vous en laisser goûter toute la saveur. A tout le moins je peux vous dévoiler quelque plat du menu qui est servi dont des tétines de chevreuil, blanchies à l'eau, coupées en rondelles, frites au citron, cuites en ragoût, hachées, mises en omelette, façon rognons. Bon appétit !

Il fait également la connaissance de mademoiselle de Guise, qui à vingt-deux ans n'est toujours pas mariée. Ses parents aimeraient la garder près d'elle mais en même temps lui trouver un beau parti. C'est ainsi que Voltaire va s'improviser entremetteur, et arranger une rencontre entre la jeune fille et Armand Vignerot du Plessis, duc de Richelieu, qui ne possède pas l'aura de son lointain aïeul le cardinal premier ministre et mentor de Louis XIII. Car de ce mariage dépendent les intérêts de notre philosophe qui outre les arts littéraires ne dédaigne point les arts de la table ainsi que son confort financier.

Voltaire va embaucher un mendiant, qu'il trouve sympathique malgré ses airs de truand, comme garde du corps. De même il fait enlever un cuistot sortant par la porte arrière de chez ses employeurs afin de le prendre à son service. Et c'est ainsi qu'à Chantilly la recette de la fameuse crème sera conçue, dessert qui sera loué par la suite. Mais les dangers cernent le philosophe qui ne se laissera pas tenter par des tartes au cyanure et autres ragoûts malveillants. Il échappera même, grâce à la Providence, à un lancer de couteau, puis assistera en Bourgogne au mariage de Mademoiselle de Guise avec Armand qui, s'il n'a pas de papa, n'a pas de maman, possède de nombreuses maîtresses, une mauvaise habitude dont il lui faudra se séparer, tout au moins un certain temps pour respecter les convenances.

 

Un titre en parfaite adéquation pour ce roman qui marie plaisirs du palais et l'art d'occire son prochain avec élégance, ou presque. On suit les tribulations de François-Marie Arouet avec au coin des lèvres ce petit sourire de contentement, lié à l'humour qui se dégage de ces pages et ce foisonnement d'aventures dans la reconstitution d'une époque où la censure n'admettait pas les dérapages philosophiques. Mais Voltaire n'est pas tendre non plus envers ses confrères, se montrant parfois acerbe, mais d'une humeur facétieuse.

Parmi les personnages qui gravitent autour de Voltaire, je n'aurai garde d'oublier l'abbé Linant, gastronome mais pas en culotte courte puisque c'est un homme de robe, gourmet et gourmand, goinfre même, qui avale plus qu'il déguste les plats qui se présentent à lui, et n'est jamais rassasié.

Déjà à cette époque s'opposaient cuisine traditionnelle et cuisine nouvelle. Les maîtres-queux n'hésitaient pas à mettre leur imagination au service de la créativité culinaire en confectionnant des recettes innovantes.

Un roman à dévorer sans craindre l'indigestion liée aux nourritures terrestres parfois lourdes à assimiler et qui fait la part belle aux nourritures spirituelles, spirituelles étant à prendre dans les deux sens. A déguster comme un chaud-froid sucré-salé.

 

Frédéric LENORMAND : Crimes et condiments. Série Voltaire mène l'enquête. (Première édition Jean-Claude Lattès. 3 février 2014) Réédition Le Masque Poche N°55. Parution 4 février 2015. 350 pages. 7,50€.

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 17:30

Clochemerle revisité par Marcel Pagnol et Didier Daeninckx !

Martine NOUGUÉ : Les Belges reconnaissants.

On a gagné ! on a gagné ! Nous ne sommes pas à la fin d'une match lorsque les supporters fêtent dignement avec quelques bières la victoire de leur équipe mais dans la petite ville de Castellac à la proclamation des résultats de l'élection municipale. Un résultat connu d'avance, mais la loi, c'est la loi, et il faut sacrifier aux obligations électorales afin de montrer son civisme à tous.

Depuis la fin de la guerre, la famille Galieni est maire de grand-père en petit-fils, appliquant le système du népotisme démocratique auprès des villageois, qui s'en contentent en très grande majorité. Les affidés de Ludovic Gallieni ne sont pas tendres envers ceux qui ont osé se présenter contre leur mentor. Principalement à l'encontre de Marianne Grangé, une écologiste arrivée depuis peu dans la cité et qui se bat contre l'implantation d'une décharge. Et comme pour bien lui prouver qu'elle est indésirable, quatre individus la suivent lorsqu'elle rentre chez elle et le meneur la viole. Mais elle préfère n'en parler à personne, sauf à Fred, un ami photographe qui l'aide dans ses démarches, sachant que de toute façon cela se retournerait contre elle.

Quelques semaines plus tard, le corps de Ludovic Galieni est retrouvé dans la garrigue. Chez Maurice, le cafetier, les rumeurs vont bon train. Tout le monde sait tout, surtout de la façon sont il est décédé. Certains parlent de deux coups de feu, d'autres quatre, mais ils sont loin de la vérité. Il aurait été retrouvé complètement dévêtu, à poil comme le précisent certains avinés, et il porterait autour du cou un collier, mais ça ce ne sera précisé que plus tard. Le commissariat de Sète est en charge de l'enquête, Castellac dépendant de sa juridiction, et l'inspecteur Pénélope Cissé se voit confier le dossier.

Elle a du caractère Pénélope et elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. D'ailleurs si elle est en poste à Sète, c'est par mesure disciplinaire. Son passé de policière n'interfère en rien dans le récit, ni le fait qu'elle soit né au Sénégal et que sa petite fille vit au pays. Mais il est bon de le préciser. Et si sa condition de Noire ne la dessert pas, sa carte d'identité et surtout sa plaque de police aplanissent bien des velléités de moqueries et de paroles racistes blessantes. Elle trouve en un libraire de la cité portuaire un ami qui ne cherche pas à partager son lit mais ses lectures. Quelqu'un de bien !

En compagnie d'un jeune stagiaire (non, ce n'est pas une redondance puisque de nombreux "seniors" au chômage sont dirigés vers des voies de garage sous forme de stages en entreprise), Pénélope Cissé entame son enquête en interrogeant la famille et les proches du défunt. La femme de feu Ludovic Galieni n'est guère prolixe mais aurait sûrement beaucoup de choses à dire sur son époux. Quant à Vidal, il cumule les fonctions d'adjoint au maire et de beau-frère de Ludovic. Plus quelques autres dont je vous laisse le soin de découvrir les noms et les relations avec le maire homicidé.

Drôle de personnage que ce Ludovic ainsi que le fut son grand-père, descendant d'émigré italiens. La fortune du grand-père Galieni est apparue soudainement à la fin de la guerre, lorsqu'il a commencé à racheter toutes les parcelles de vignes. Mais, car il y a un mais, il en a fait profiter ses concitoyens en les leur offrant contre un loyer, une sorte de location-vente, et tout le monde était sorti gagnant de cette nouvelle forme métayage avec accession à la propriété. D'où cet engouement à l'élire comme maire, puis son fils dans la foulée et enfin le petit-fils. L'arrière petit-fils lui ne sera pas maire, père peut-être un jour, car il délaisse la terre pour les joies de la peinture. Une exposition est même prévue à Sète, c'est dire que la renommée n'a pas encore embouchée ses trompettes.

Malgré tout certaines personnes, même parmi les villageois, rechignent à tresser des louanges à la famille Galieni.

Et les Belges reconnaissants dans tout ça, me demanderez-vous avec juste raison. Bien simple. Durant la guerre, des familles juives belges, flamandes, se sont réfugiées à Castellac. Elles ont été bien accueillies et depuis les enfants et petits-enfants reviennent assez souvent, retrouver leurs camarades de jeux pour les plus jeunes durant les vacances scolaires. D'ailleurs Anita Vidal, épouse Galieni, a eu un flirt avec l'un des ces gamins lorsqu'elle était jeune. Un voie porte même le nom de rue des Belges et une statue a été édifiée portant la suscription Les Belges Reconnaissants.

 

Cette chronique villageoise met en avant tous les défauts des ruraux qui ont tendance à accuser d'étrangers tous ceux qui ne sont pas issus du village. Même ceux qui proviennent de villages distants de quelques kilomètres sont traités d'étrangers, de horsains en Normandie, alors lorsqu'ils proviennent du nord de la Loire, ce ne sont plus des étrangers mais des envahisseurs. Marianne Grangé, n'échappe pas à la vindicte populaire d'autant qu'elle est écologiste militante, une double tare difficile à porter. Et ce sont justement ceux dont les parents, issus d'Italie ou d'ailleurs, durent fuir leur pays souvent pour des raisons politiques qui se montrent les plus enragés.

Martine Nougué nous trousse quelques belles figures, des personnages atypiques, dont Pénélope Cissé qui ne mâche pas ses mots, surtout à l'encontre de ceux qui ignorant sa profession lui manquent de respect. Les relations avec son supérieur hiérarchique et le médecin légiste ne sont guère amènes. Seuls son ami libraire trouve grâce à ses yeux.

Les dialogues sont vifs, enlevés, truculents, comme dans une pièce de Marcel Pagnol. Tandis que la référence à Didier Daeninckx se rapporte à la guerre et l'immédiate après-guerre, aux magouilles qui ont entaché certains faits de guerre, le meilleur côtoyant le pire, et pourrait s'appliquer à de nombreux villages français. Et il ne faut pas oublier l'ombre tutélaire de Georges Brassens flottant au fil des pages.

Une fois de plus les éditions du Caïman démontrent que les petits éditeurs n'ont pas de leçons à recevoir des éditeurs germanopratins.

 

Il avait emmené Pénélope à travers les époques, sur les traces de Villon et des poètes maudits et lui avait donné les clés du royaume des mots. Elle lui avait conté les légendes de son enfance africaine, quand les griots n'étaient pas encore devenus des curiosités touristiques signalées sur les guides de routards.

 

Martine NOUGUÉ : Les Belges reconnaissants. Collection Polars en France. Editions du Caïman. Parution le 9 janvier 2015. 222 pages. 12,00€.

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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 10:33

Et je dirais même mieux : Viscères ... au poing !

Mo HAYDER : Viscères

Depuis qu'il a subi une opération cardiaque, il a un caractère de cochon. Pas tout à fait, disons plutôt un cœur de cochon car Oliver Anchor-Ferrers vit maintenant avec des valves porcines à la place des siennes. Mais il lui faut quand même ingurgiter quelques médicament à heures fixes.

Lorsqu'il arrive aux Tourelles, une immense résidence campagnarde ressemblant à un manoir, d'où son nom, en compagnie de sa femme Matilda et de Lucia, sa fille âgée de trente ans, et de leur chienne Ourse, il pense enfin pouvoir se reposer et se remettre de son opération. Matilda s'occupe du jardin et Lucia passe son temps à écrire des poèmes et à dessiner ou lire des magazines. C'est une jeune fille boudeuse, ayant adopté une apparence gothique mais si cela gêne quelque peu ses parents, ils ne s'en offusquent pas à cause de son passé. Et il semblerait bien que ce passé se projette à nouveau laissant affluer des souvenirs pénibles.

Quinze ans auparavant Lucia sortait avec un adolescent de deux ans plus vieux qu'elle et elle pensait que ce serait pour la vie. Mais il l'avait délaissée pour une autre fille et elle les avait retrouvés sauvagement assassinés, mutilés, éviscérés dans un fourré au delà des jardins des Tourelles. Leurs entrailles avait été accrochés à des branchages, placés en forme de cœur. Et Matilda vient de discerner le même trophée à peu près au même endroit. De quoi les bouleverser et faire perdre la raison à Lucia. Ils pensent immédiatement à celui qui a été arrêté peu après et qui purge une longue peine de prison, méritée, mais aurait éventuellement bénéficié d'une remise de peine.

Deux hommes qui se prétendent être des policiers se présentent à eux, sous les noms de Honey et Molina. Mais bientôt ceux-ci ne se conduisent plus en policiers venus résoudre l'assassinat d'une voisine éloignée mais comme des individus acharnés à les séquestrer. Ils ne donnent aucune indication sur leurs motivations, se contentant d'humilier les trois résidents. Oliver, qui est un scientifique, un physicien spécialiste de la lumière, s'interroge et cherche à savoir s'il n'aurait pas failli à un certain moment, principalement dans le manuscrit, qu'il rédige en secret, et pourrait être un brûlot vis-à-vis de certaines personnes ou institutions.

 

Pendant ce temps le commissaire adjoint Jack Caffery est en proie a de violentes migraines. Lui aussi possède un passé douloureux, son frère Erwan, alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années, a disparu et n'a jamais plus donné de signe de vie. Un pédophile sévissait dans la région et il est actuellement écroué. D'autres membres ont aussi été arrêté, mais pas tous. Assistant à une commémoration à l'instigation d'une mère qui a décidé de faire construire un mémorial en l'honneur de sa fille victime d'un dérangé mental, Jack décide de reprendre son enquête. La femme qui est devenue alcoolique pleure sa fille, mais elle avait récupéré son corps tandis que Jack n'a jamais retrouvé celui de son frère.

En solitaire, aidé toutefois dans certaines démarches par des collègues ou des connaissances, il repart sur les traces de son enfance, interrogeant des témoins de l'époque, quémandant l'aide du Marcheur, un homme qui lui aussi peut lui apporter des éléments de réponse. Le Marcheur est accompagné d'un petit chien nommé Ourse, dont il ne connait pas la provenance. Si Ourse possède un collier, sous lequel était glissé un reliquat de papier avec la mention aidez-nous, aucune identification ne peut aider Jack Caffery à remonter aux propriétaires. Pourtant c'est bien grâce à la petite chienne que les deux affaires vont insensiblement converger.

 

Telle une sorcière qui ajouterait les condiments au fur et à mesure de la préparation d'une potion magique, Mo Hayder mitonne son suspense en incorporant petit à petit les ingrédients. Une grosse dose de terreur et une autre d'angoisse, assaisonné d'un suspense qui va grandissant et devient cauchemardesque.

Et lorsque la température désirée est atteinte dans la marmite de l'intrigue, les révélations éclatent à la surface comme des bulles pestilentielles.

Mo Hayder imbrique ces deux récits en laissant apparaître la vraie nature des personnages, principalement ceux de Honey et Molina, particulièrement retors, et lorsque l'on pense que tout est dit, des rebondissements surgissent sans crier gare. Mo Hayder manipule ses personnages et le lecteur, avec machiavélisme mais sans artifice qui pourrait laisser penser à des cachotteries. Tout est soigneusement amené, développé, et les protagonistes plongent dans le cauchemar alors qu'ils espéraient une rédemption.

Un roman étouffant, oppressant, et le lecteur ressent un sentiment contradictoire : il a hâte d'arriver à l'épilogue et en même temps il aimerait que cette histoire ne finisse jamais.

 

Mo HAYDER : Viscères (Wolf - 2014. Traduction de Jacques Martinache). Collection Sang d'encre. Editons Presses de la Cité. Parution le 15 janvier 2015. 448 pages. 22,00€.

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 11:57

Bon anniversaire à Yves Bulteau né le 10 février 1955.

Yves BULTEAU  : Julie et Smaïn.

Dans le registre les adolescents sont les héros, voici un roman en forme de road-story qui démontre le malaise certain, et non un certain malaise, des jeunes en face de la dure réalité et de l’incompréhension parfois des adultes. Tant d’exemples nous sont donnés à travers les médias relatant les vicissitudes de la vie quotidienne.

Julie est une jeune fugueuse qui n’en est pas à son premier braquage de station service. Mais cette fois, elle se fait prendre la main dans le sac et le gérant, histoire de rigoler, lui propose un petit tour dans une pièce attenante, afin de goûter aux charmes de la belle chapardeuse. Elle brandit son pistolet, un jouet en plastique mais le pompiste en possède un vrai qu’il agite comme un dément.

Smaïn, son apprenti mécano beur, tente de détourner l’arme, mais coup part. Exit le garagiste. Smaïn et Julie ne voient plus qu’une solution à leur problème : la fuite. Ils prennent la fille de l’air et se réfugient dans une grotte aux confins du Massif Central. Tristan Desmarais, qui a déjà croisé à plusieurs reprises Julie, est sur leurs talons. Il veut comprendre pourquoi la jeune fille a brutalement lâché le cocon familial.

Quant à Max, le busard, il veille sur ses petits et faudrait pas venir le déranger.

 

Le racisme primaire, le rejet, la conviction des adultes de posséder la Vérité en face d’adolescents paumés, la solitude dans un monde qui ne parle que de communication, tels sont les thèmes majeurs de ce roman qui est aussi une ode à l’amour sans barrière, sans frontière, sans a priori. En insérant quelques touches d’humour par-ci, par-là, pour mieux relancer la mécanique, Yves Bulteau a construit un roman fort et tendre qui hante le lecteur la dernière page tournée.

 

Yves BULTEAU  : Julie et Smaïn. Collection Canaille/Revolver N°184, Editions Baleine. Parution février 2000. 140 pages. 8,00€.

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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 16:03

Un étrange détective de l'étrange...

Philippe PINON : Barry Barrison et l'héritage de Tarford Castle.

Composé de quatre longues nouvelles, ce recueil nous propose de découvrir Sir Barry Barrison, de son vivant, au moment de sa mort, puis sous sa nouvelle forme de spectre. Quatre épisodes qui s'enchaînent permettant de suivre Sir Barry Barrison sous ses différentes formes et lors de ses enquêtes aussi diverses que variées et qui induisent d'autres histoires qui pourraient être développées ultérieurement ayant pour titres alléchants et énigmatiques : L'Affaire du Cendrier du Collectionneur ou encore L'Étrange cas du Pendu Aveugle.

 

La partie italienne :

Confortablement installé dans le fiacre qui l'emmène à Regent Street, Barry Barrison relit la lettre émanant de son ami Sir Henry Oldtown. Celui-ci réclame son aide car depuis quelques temps il lui semble perdre la mémoire épisodiquement. Ainsi, des personnes l'auraient aperçu dans des endroits alors qu'il est persuadé ne pas y avoir mis les pieds. Sir Henry Oldtown vit seul en son château de Tarford, avec pour unique domestique le vieil Alfred, majordome, cuisinier et homme à tout faire.

Après avoir longuement décrit ses absences, supposées ou non de mémoire, Sir Henry propose à Barry de venir partager son repas le lendemain soir. Barry, qui a déjà sa petite idée, lui demande d'inviter le père Howard, qu'il connait depuis son enfance et auquel il rend visite afin de clarifier certains points. Le lendemain Barry est accueilli par l'inamovible Alfred. Sont déjà présents pour ce repas trois ou quatre personnes dont la comtesse Van Anglowen qui outre être une éminente ambassadrice de l'Autriche possède le don de médiumnité. Mais au cours du repas Sir Henry décède dans de mystérieuses conditions.

La solution réside dans un vieux thème souvent utilisé par les auteurs de romans policiers classiques mais qui avait été mis à l'index par S.S. Van Dine dans ses vingt règles à ne pas enfreindre. A noter que la partie italienne est une ouverture aux échecs, jeu d'esprit auxquels s'adonnent avec passion nos deux protagonistes.

 

La mort lui va si bien :

Un peu plus de quinze années se sont passés depuis l'épisode précédent. En cette année 1900 Barry Barrison est toujours un passionné du jeu d'échecs. Ce matin-là il a rendez-vous avec Arthur Fell, membre comme lui du club Queen's Pawn, afin de l'affronter dans une énième partie dont l'ouverture à l'italienne est immuable.

L'inspecteur principal Lipperstone, qui déguste en toute tranquillité son thé matinal, est subitement dérangé par son adjoint l'inspecteur Eddings. Et l'information que le policier lui délivre est d'importance et triste : Barry Barrison est décédé. Son corps vient d'être retrouvé, non sans mal, dans le cabinet où devait se dérouler la partie. En effet, l'invité ayant frappé et n'obtenant pas de réponse avait alerté le directeur du club qui avait pris la décision de forcer la porte qui était fermée de l'intérieur.

Lipperstone, sans oublier son adjoint, est effondré, car il vient de perdre un ami qui l'a aidé à maintes reprises à résoudre des affaires compliquées. Et celle qui se présente à Lipperstone avec le décès de Barry est quasiment irrésoluble : son ami a été assassiné dans une pièce close sans accès de sortie, ou d'entrée, pour le meurtrier. Alors Lipperstone décide de fouiller dans les affaires du défunt à Tarford Castle. Barry Barrison a en effet hérité du manoir depuis le décès de son précédent propriétaire, juste un point de détail pour justifier le titre du recueil. Et c'est ainsi qu'invoquant la disparition de son ami, se lamentant, il entend une voix rogue lui répondre. Ce n'est que le spectre de l'aristocrate, mais cela jette quand même un froid. L'homme et le fantôme, qui ne se souvient pas grand chose des événements qui ont conduit à sa mort, vont donc essayer de résoudre, et y parvenir, ce problème par la déduction.

 

Le joyau de la Tamise :

Gros bond en avant dans le temps puisque nous sommes au vingt et unième siècle, près de la Tamise. Terry et Angla, deux amis étudiants, viennent de prendre un bon repas et avant d'aller se coucher, ils vivent ensemble et se considèrent comme fiancés mais nous n'en saurons pas plus leurs activités sexuelles celles-ci n'interférant pas dans l'histoire, donc Terry et Angela se reposent sur un banc regardant la Tamise. Ils aperçoivent deux hommes sortir d'une voiture, ouvrir le coffre en extirper un corps qu'ils balancent à la baille. Les deux jeunes gens sont édifiés et aussitôt, n'écoutant que leur courage, ils se jettent à l'eau. Ils récupèrent avec difficulté une jeune fille qui, lorsqu'elle pourra s'exprimer leur apprend qu'elle se prénomme Maureen.

Ils préviennent leur ami Mark qui se charge de récupérer tout ce petit monde et les emmène chez lui à Tarford Castle. Le fameux manoir de Barry Barrison, un de ses ancêtres en ayant hérité après le décès tragique de son ancien propriétaire, comme nous l'avons lu dans l'épisode précédent. Or justement Barry Barrison se manifeste comme à son habitude, fumant tranquillement sa pipe et comme il s'ennuie il va aider les jeunes gens à découvrir les coupables, mais surtout le pourquoi. Car Maureen qui s'est laissé aller à quelques confidences ne semble pas leur avoir tout dit, et même menti. C'est pas bien de mentir quand sa vie est en jeu !

 

Le mystère de la femme qui marche :

Nous retrouvons nos quatre complices qui sont devenus nos amis par la même occasion, à Reims, la ville du champagne et des rois, ce qui n'a rien à voir mais fera sans aucun doute à Brice Tarvel, éminent romancier, mais je m'échappe encore du sujet. Mais auparavant, précisons pourquoi notre quatuor s'est rendu dans cette aimable ville qui regorge de nombreux mystères.

Angela et ses amis font partie d'une organisation, la MA-ED c'est-à dire en français l'Académie du Mystère - Division Anglaise, résolvant pour le compte de Scotland Yard des affaires non élucidées. Angela a visionné une vidéo représentant une maison, et plus particulièrement une fenêtre où apparait une femme. Rien de bien particulier sauf que la silhouette de cette femme ne se reflète pas dans la vitre. Pour Barry Barrison, aucun doute n'est permis, il s'agit d'un spectre. Et c'est ainsi qu'ils se rendent à Reims communicant avec l'aristocrate, ou plutôt son fantôme, grâce au don de Maureen qui est télépathe.

Philippe PINON : Barry Barrison et l'héritage de Tarford Castle.

Au fur et à mesure qu'il lit ces quatre nouvelles, le lecteur en apprend davantage sur Barry Barrison et ses nouveaux amis, les épisodes s'enchainant les uns aux autres tout en étant indépendants. Aventures, mystères, détections, et fantastique, angoisse et une pointe d'humour composent ce recueil qui augure un bel avenir pour une nouvelle plume fort intéressante.

 

Les amateurs de bandes dessinées petit format se souviennent peut-être avoir lu des aventures de cet aristocrate britannique qui a côtoyé Sherlock Holmes et en possède les vertus de déduction, d'analyse et surtout d'observation. C'était dans Spécial-Kiwi du numéro 85 au numéro 88, en 1982, signés Claudio Tiziano Fuzi pour les scenarii et Luciano Bernasconi pour les dessins. D'ailleurs certaines vignettes sont reproduites dans le présent recueil. Elles ont été rééditées dans le recueil Le Gladiateur de Bronze aux éditions Rivière Blanche.

Quant à Philippe Pinon, un auteur à suivre, vous pouvez retrouver deux de ses nouvelles dans les recueils Dimension Super-Héros et Dimension Super-Héros 2.

Philippe PINON : Barry Barrison et l'héritage de Tarford Castle. Collection Noire N° 71. Editions Rivière Blanche. Préface de David Baudet. Parution Janvier 2015. 244 pages. 17,00€.

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7 février 2015 6 07 /02 /février /2015 14:00

Y'a-t-il un avocat dans la salle ?

Marie DEVOIS : Van Gogh et ses juges.

Les magistrats ne sont pas en odeur de sainteté actuellement, du moins de la part du gouvernement (ce roman a été publié en 2011), et que quelqu’un se charge de les évincer, cela suppose qu’un individu fasse preuve d’excès de zèle.

Il faut réduire les effectifs, ce sont les ordres des ministères, mais de là à les assassiner, il existe une marge à ne pas franchir. Pourtant un individu prend un malin plaisir à égorger des membres de la magistrature, dans la banlieue parisienne, puis à déposer sur les cadavres de petits sachets contenant des éclats de peinture.

Au départ les policiers de la criminelle pensaient avoir à faire à un homophobe, le premier défunt étant homosexuel. Mais ils révisent rapidement leur jugement car par la suite, les autres cadavres ne répondent pas à ce critère. Un par mois, sauf au mois de juillet où l’assassin reproduit ses meurtres par deux fois, la seconde à Vannes. Pour Fred Andersen, surnommé le Danois, cette affaire relève du casse-tête pourtant il ne ménage pas ses efforts. Son supérieur a beau être un ami, il se fait engueuler pour manque de résultat, mais il faut avouer que les ministres de tutelle tempêtent, vitupèrent exigeant que l’affaire soit rapidement résolue.

Mais il ne suffit pas dire Je veux, de taper du poing sur la table, il faut aussi se mettre à la place des enquêteurs. Andersen a beau, lui et ses hommes, gratter dans le passé des victimes, rien à priori ne les reliait, à part leur profession. Ils ne se connaissaient pas, travaillaient dans des juridictions différentes, n’étaient pas issus des mêmes promotions, bref le noir complet. La disparition de Maëlle Aubier, une ancienne policière de l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels et amie d’Andersen, qui quoi que jeune encore avait pris récemment sa retraite et se rendait régulièrement à Auvers-sur-Oise, ce village du Vexin réputé pour avoir hébergé grâce au docteur Gachet le peintre Van Gogh, donne un nouvelle couleur à l’enquête. Andersen ne croit pas à la thèse d’une disparition subite de sa petite sirène, même si elle avait projeté un voyage en Hollande.

 

Van Gogh et ses juges, dont le titre prend toute sa signification vers la fin du livre est un roman en deux temps. La première partie narre les efforts d’Andersen et son groupe à traquer un assassin récidiviste et la présentation, parfois succincte, parfois nettement plus élaborée des victimes. La seconde prend de la couleur avec l’arrivée, ou plutôt la disparition de Maëlle Aubier, et le jeu du chat et de la souris qui s’instaure entre les enquêteurs d’une part et le ravisseur d’autre part dont on connait le nom mais dont les motivations s’éclaircissent peu à peu, et s’érigeant en arbitre bâillonnée la pauvre jeune retraitée. Le final est enlevé mais l’épilogue reste dans le domaine de la fiction.

Car qui oserait imaginer que… Je vous laisse extrapoler toutes les suppositions possibles et si vous ne trouvez pas, il ne vous reste qu’à lire le livre. Et en parlant de l’objet, sa présentation est originale car les pages de garde sont entièrement noires ainsi que les tranches. Un bon roman qui nous change des œuvres actuelles dans lesquels les sérials killers sont trop complaisamment décrits, romans qui ne laissent qu’un arrière-goût d’amertume.

 

Marie DEVOIS : Van Gogh et ses juges. (Première édition Collection ArtNoir, Biro & Cohen éditeurs - 2011). Réédition COhen & Cohen. 13 mars 2014. 242 pages. 20,00€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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