P comme Pouy... V comme Villard...
Les auteurs de la littérature policière et du roman noir sont joueurs ! Ils apprécient tout particulièrement les lettres, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient indifférents aux chiffres, mais ce n'est pas leur préoccupation première.
Marc Villard et Jean-Bernard Pouy se sont installés autour d'une table, surveillés de près par José Correa qui faisait l'arbitre avec son fusain. Dans un sac, les vingt-six lettres de l'alphabet inscrites sur un papier plié en quatre qu'ils ont tirées chacun leur tour, soit treize lettres par tête de pipe, puis essayé trouver un mot commençant par les lettres attribuées ainsi à leur vis-à-vis. Amphétamine pour A, Balance pour B, Copropriétaires pour C et ainsi de suite jusqu'à Zone pour Z. Et pendant qu'ils planchaient à rédiger une nouvelle correspondant à chaque mot, José Correa mettait en image leurs résultats.
Bon d'accord, ce n'est peut-être pas ainsi qu'ils ont conçu cet ouvrage, mais j'aime bien extrapoler. Vous sentant impatient, je dévoile donc la première lettre qui n'est autre que le A, attribuée à Jean-Bernard Pouy, lequel nous offre quelques Amphétamines.
Patrick a voyagé dans les Etats-Unis, se liant avec une bande de motards dans le Nouveau-Mexique puis lorsque qu'il est reparti vers le Texas, un endroit plus civilisé, il a caché dans un sachet d'acide acétylsalicylique deux grammes de Crystal meth, une drogue dure réservée aux hommes, aux vrais. A ce qu'il paraît. Il avait ramené sa fraise et sa dose en France et ayant rendez-vous avec un banquier, il a pensé qu'il lui fallait un petit remontant pour se calmer, ce genre de rencontre portant en général sur les nerfs.
Tout au bout de l'alphabet, se trouve la lettre Z, Z comme Zone. Pas vraiment une trouvaille pour Marc Villard, habitué de ces quartiers dits difficiles qu'il arpente régulièrement tout au long de ses romans et nouvelles.
Depuis quelques jours Henri a remarqué le manège d'une petite voleuse dans le métro parisien. Elle paraît vingt ans, il l'appelle Laura, et il l'observe passer entre les voyageurs, leur dérobant en catimini leurs portefeuille. Laura, cela remonte à loin, et les souvenirs surgissent en pagaille et en désordre dans l'esprit perturbé d'Henri à la vue de celle qu'il appelle Ma fille, mon amour.
Présenter des nouvelles qui s'étalent sur trois ou quatre pages n'est pas un exercice facile, à moins bien entendu de tout dévoiler, mais le charme de la lecture en serait alors oblitéré. Tout réside dans la chute qui réserve des surprises, des retournements de situation ancrés dans un registre humoristico-dramatique.
Sachez toutefois que Jean-Bernard Pouy et Marc Villard ne dérogent pas à leurs marques de fabrique. La dérision pour l'un, quelque soit le thème choisi par l'auteur, Paris et le plus souvent le XVIIIe arrondissement avec dans la besace de la drogue pour l'autre. Et pourtant, malgré tout ils savent se renouveler offrant des textes pétris d'humanisme.
Petit sommaire par auteur :
Jean-Bernard Pouy est donc l'auteur de
Amphétamines, Copropriétaires, Daïquiri, Evasion, Flic, Jivaro, Kafka, Outing, Quéquette, Satanique, Vivisection, Warhol, Xylophone.
Marc Villard s'est amusé à décliner
Balance, Gériatrie, Hold-up, Immigrés, Lame, Maniaque, Nibards, Panique, Rafle, Taxi, Uchronie, Yakusa, Zone.
Si certains titres collent à l'auteur qui les traite, d'autres au contraire sont interchangeables. Ainsi Xylophone aurait pu être dévolu à Marc Villard, vu son penchant pour la musique tandis que j'aurai bien vu Nibards sous la plume de Jean-Bernard Pouy.
C'est ce qui fait le charme de ce recueil qui aurait pu figurer dans vos achats de Noël. Mais d'autres fêtes se profilent à l'horizon, la Saint-Valentin par exemple. Et pourquoi pas une petite historiette chaque soir avant le câlin prélude à une bonne nuit de sommeil.
Jean-Bernard POUY & Marc VILLARD : L'alphabet du polar. 26 histoires inédites illustrées par José CORREA. Editions IN8. Parution le 23 octobre 2014. 160 pages.25,00€.