Y'a-t-il un avocat dans la salle ?
Les magistrats ne sont pas en odeur de sainteté actuellement, du moins de la part du gouvernement (ce roman a été publié en 2011), et que quelqu’un se charge de les évincer, cela suppose qu’un individu fasse preuve d’excès de zèle.
Il faut réduire les effectifs, ce sont les ordres des ministères, mais de là à les assassiner, il existe une marge à ne pas franchir. Pourtant un individu prend un malin plaisir à égorger des membres de la magistrature, dans la banlieue parisienne, puis à déposer sur les cadavres de petits sachets contenant des éclats de peinture.
Au départ les policiers de la criminelle pensaient avoir à faire à un homophobe, le premier défunt étant homosexuel. Mais ils révisent rapidement leur jugement car par la suite, les autres cadavres ne répondent pas à ce critère. Un par mois, sauf au mois de juillet où l’assassin reproduit ses meurtres par deux fois, la seconde à Vannes. Pour Fred Andersen, surnommé le Danois, cette affaire relève du casse-tête pourtant il ne ménage pas ses efforts. Son supérieur a beau être un ami, il se fait engueuler pour manque de résultat, mais il faut avouer que les ministres de tutelle tempêtent, vitupèrent exigeant que l’affaire soit rapidement résolue.
Mais il ne suffit pas dire Je veux, de taper du poing sur la table, il faut aussi se mettre à la place des enquêteurs. Andersen a beau, lui et ses hommes, gratter dans le passé des victimes, rien à priori ne les reliait, à part leur profession. Ils ne se connaissaient pas, travaillaient dans des juridictions différentes, n’étaient pas issus des mêmes promotions, bref le noir complet. La disparition de Maëlle Aubier, une ancienne policière de l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels et amie d’Andersen, qui quoi que jeune encore avait pris récemment sa retraite et se rendait régulièrement à Auvers-sur-Oise, ce village du Vexin réputé pour avoir hébergé grâce au docteur Gachet le peintre Van Gogh, donne un nouvelle couleur à l’enquête. Andersen ne croit pas à la thèse d’une disparition subite de sa petite sirène, même si elle avait projeté un voyage en Hollande.
Van Gogh et ses juges, dont le titre prend toute sa signification vers la fin du livre est un roman en deux temps. La première partie narre les efforts d’Andersen et son groupe à traquer un assassin récidiviste et la présentation, parfois succincte, parfois nettement plus élaborée des victimes. La seconde prend de la couleur avec l’arrivée, ou plutôt la disparition de Maëlle Aubier, et le jeu du chat et de la souris qui s’instaure entre les enquêteurs d’une part et le ravisseur d’autre part dont on connait le nom mais dont les motivations s’éclaircissent peu à peu, et s’érigeant en arbitre bâillonnée la pauvre jeune retraitée. Le final est enlevé mais l’épilogue reste dans le domaine de la fiction.
Car qui oserait imaginer que… Je vous laisse extrapoler toutes les suppositions possibles et si vous ne trouvez pas, il ne vous reste qu’à lire le livre. Et en parlant de l’objet, sa présentation est originale car les pages de garde sont entièrement noires ainsi que les tranches. Un bon roman qui nous change des œuvres actuelles dans lesquels les sérials killers sont trop complaisamment décrits, romans qui ne laissent qu’un arrière-goût d’amertume.
Marie DEVOIS : Van Gogh et ses juges. (Première édition Collection ArtNoir, Biro & Cohen éditeurs - 2011). Réédition COhen & Cohen. 13 mars 2014. 242 pages. 20,00€.