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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 09:47

Bon anniversaire à François Barcelo né le 4 décembre 1941 !

 

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Plouffe, Plouffe, ce sera toi qui seras l’arrière-petit-fils de Théophile. Cela fait si longtemps qu’il attend un arrière-petit-fils, Théophile Plouffe, que pour fêter ses quatre-vingt-dix ans, Guillaume a décidé de lui faire un beau cadeau. Toute la famille Plouffe sera rassemblée, peut-être pour la dernière fois, mais pour les quatre-vingts ans du doyen la tante Cécile avait énoncé la même réflexion, alors il faut marquer le coup. C’est qu’il a de la ressource Guillaume à défaut d’être père.

Il « emprunte » le fils de sa logeuse, Jonathan, âgé de dix-huit mois officiellement, neuf mois officieusement, Guillaume n’en est pas à un mensonge près. Le comble réside en ce que l’arrière-grand-père lui trouve des traits de ressemblance, faut dire qu’atteint de cataracte, Théophile n’y voit plus guère. Les explications fournies par Guillaume leurrent les autres membres de la tribu et tout se passerait bien s’il n’avait l’idée saugrenue de coucher le gamin dans un tiroir de la commode qui trône dans la chambre qui lui est allouée.

Après une soirée bien arrosée, Guillaume entre dans sa chambre sans vérifier si le gamin repose toujours dans son caisson confortable puisque agrémenté de deux oreillers. Il a en tête de rejoindre sous sa tente sa cousine Marie-Laine, jeune fille au charme prometteur. Hélas il ne faut pas se fier aux apparences, et Guillaume tombera sur un bec, genre comédie de boulevard, et sera aussitôt catalogué comme dévoyé sexuel par sa parentèle. En pleine on peut se tromper n’est-ce pas ? Il subira un autre problème, outre l’affront nocturne, au petit matin. Jonathan a disparu, il n’y a plus de gamin dans le tiroir, parti, envolé, ce qui suscite une inquiétude légitime.

C’est un humour féroce qui prédomine dans ce petit roman ponctué de quelques expressions québécoises qui sentent bon le terroir. Mais ce roman aux personnages plus ou moins déjantés qui est un hommage au célèbre Fantasia chez les ploucs de Charles Williams, oscille entre deux mondes, celui de la ville et celui de la campagne, avec son lot de rebondissements propices à entretenir le suspense. Quand le hasard défie les plans les mieux préparés, ou presque, cela engendre inévitablement des quiproquos pleins de saveur. En réalité seule la couverture est sobre.


François BARCELO : Fantasia chez les Plouffe. Editions La Branche. Collection Suite Noire N° 36.

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 16:46

L’Evangile selon Saint Marc : Je te lessiverai…

 

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Avoir un mal de tête carabiné après s’être adonné à une soirée trop arrosée entre amis, c’est courant. Mais découvrir une femme nue sur la plage de Benidorm en Espagne, où Daemon vient de se réveiller l’esprit embrumé, cela l’est moins. D’autant que cette apparition tient entre ses mains la tête tranchée d’une autre jeune femme aux cheveux roux.

Tandis qu’à Paris, Patrick Boudou, le patron du magazine Paris Flash et trois autres de ses collaborateurs, dont Katie Jeckson la photographe, regardent avec horreur une vidéo qui vient de leur parvenir, Marc Torkan, l’ancien journaliste est en mission en Thaïlande, à Bangkok.

Dans les locaux de Paris Flash, le poids des mots le choc des photos, la vidéo reçue sous forme de fichier montre une jeune femme à la bouche distendue par un bâillon en forme de boule de caoutchouc de couleur rouge vif. Seul son visage apparait à l’écran mais en fond sonore les spectateurs peuvent entendre un moteur électrique similaire à une perceuse et une voix féminine prononcer en anglais Tuez-moi, tuez-moi. Un court message accompagne la vidéo et Patrick Boudou pense qu’il est destiné à Marc Torkan : mon nom est légion car nous sommes beaucoup. Un extrait de la Bible et plus précisément de l’Evangile selon saint-Marc.

L’informaticien de service, pourtant expérimenté, ne peut remonter à la source et Katie pense alors à l’un des amis hacker. Elle essaie de joindre par téléphone Marc mais celui ne répond pas à ses premiers appels. Enfin elle l’obtient et lui narre l’horreur qu’elle vient de voir sur l’écran de l’ordinateur, tandis qu’il lui annonce qu’il se trouve à Bangkok. Paris Flash est branché sur les émissions d’informations télévisées espagnoles. C’est ainsi qu’ils apprennent le drame qui s’est déroulé sur la plage de Benidorm. Aussitôt Katie est envoyée sur place accompagnée de Nathalie qui doit rédiger le texte. Circonstances aggravantes, peu après le tueur présumé est retrouvé mort, suicidé dans une maison ainsi que le cadavre de la jeune femme à la tête coupée. Katie et Nathalie parviennent à s’infiltrer dans la maison et prennent en photo une étrange inscription figurant sur un mur : Teknokillers. Comme l’homme que Marc et elle avaient traqué un an auparavant. Mais au pluriel. D’ailleurs une affaire similaire se produit en Hollande.

Pendant ce temps Marc, accompagné de Kiefer, un garde du corps imposé par une richissime femme d’affaires israélienne se démène à Bangkok. Elle a créé une association nommée Uriel, chargée d’enquêter sur les violences faites aux femmes de par le monde. Elle-même a perdu sa fille un an auparavant par la malveillance du Teknokiller. Le corps d’une jeune femme a été retrouvé flottant dans les eaux du Chao Praya, le fleuve qui traverse Bangkok. Sur place, Marc et son ombre Kiefer apprennent en soudoyant un haut gradé de la police qu’il s’agit d’une prostituée russe qui aurait voulu voler de ses propres ailes. Ils s’attachent les services d’un fixeur, un homme sensé les conduire où ils désirent, et rencontrer des personnes susceptibles de leur apporter des éléments de réponses ou des précisions. C’est ainsi qu’ils se rendent sur l’autre berge du Chao Praya, dans le quartier de Thonbury. Ils tombent dans un guet-apens dressé par des policiers mais grâce aux réflexes et à l’art de la guerre de Kiefer, ancien commando des forces spéciales israéliennes, ils parviennent à éliminer leurs agresseurs. Mais la partie n’est pas terminée. Et d’autres aventures mouvementées les attendent, d’autant qu’ils ne peuvent pas rejoindre leur hôtel cerné par les forces de l’ordre. Tout en fuyant à bord d’un taxi, Marc ne cesse de songer à la clé USB reçue quelques mois auparavant, contenant l’image de Jillian, présumée disparue à Bali lors de l’incendie d’une boite de nuit, incendie dans lequel aurait péri Ulrich Ladik, le Teknokiller. Un message était joint à la clé : ATTENDS. REGARDE. ECOUTE… ET REJOUE.

Point n’est besoin d’avoir lu la première aventure de Marc Torkan et Katie Jeckson, Le chant des âmes, pour comprendre cette intrigue mouvementée, puisque Frédérick Rapilly la remémore peu à peu au fil des chapitres. Mais il est intéressant de la lire, même après ce roman, tout en connaissant ou supposant connaître l’épilogue, car cela permet de mieux appréhender les différents personnages qui gravitent dans cette histoire.

Frédérick Rapilly est un spécialiste des thrillers, et il connait bien son sujet. Le chasseur présumé n’est-il qu’un appât, et pourquoi ?

Aussi les scènes d’action, de violence, les pérégrinations en tout genre, les rebondissements, les petits secrets concernant les personnages dévoilés peu à peu, l’imbrication de deux affaires n’ayant apparemment aucun corrélation, font que le lecteur ressort de cette histoire complètement abasourdi, d’autant qu’il ne peut lâcher, ou difficilement, le livre avant de connaître l’épilogue.

Le tout est empreint d’une musique techno ou rock. Chaque chapitre est annoncé par un extrait de compositions des Rolling Stones, Sympathy for the devil, Paint it black par exemple, Bob Sinclar y fait de la figuration intelligente et une playlist est déclinée et proposée en fin de volume.

Retrouvez Frédérick Rapilly sur son site : Thrillermaniac


Frédéric RAPILLY : Le chant du diable. Collection Thriller. Editions Critic. 252 pages. 16€.

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1 décembre 2012 6 01 /12 /décembre /2012 14:30

 

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Alors qu’ils pensaient bénéficier d’une journée de repos au calme, dans la détente d’une complicité amoureuse et dinatoire, le commissaire Pieter Van In et sa compagne la juge Hannelore Martens sont dérangés par des coups répétitifs sur la sonnette de la porte d’entrée. Le petit-déjeuner composé d’une belle côte à l’os cuite sur le barbecue et d’un bordeaux bien frais est remisé à une date ultérieure. Ce visiteur impromptu n’est autre que Versavel, l’adjoint et ami de Van In.

Un triple meurtre vient d’être découvert dans une maison située sur les berges du canal de Damme, le quartier chic de Bruges. Louise Hoornaert et ses deux enfants ont été selon toutes vraisemblances assassinés. Un drame familial à première vue qui s’est déroulé quelques heures auparavant. C’est le jardinier qui a découvert les corps le lundi matin et le drame a eut lieu le dimanche dans la soirée. Louise a été abattue à l’aide d’un pistolet retrouvé près de son corps. Les enfants gisent dans leur chambre. La petite fille est en position assise dans un coin de la pièce, le petit garçon, le crâne fracassé à l’aide d’un marteau, allongé devant la fenêtre.

Le père de Louise est sur place, effondré, toutefois il ne tarit pas d’éloge sur son gendre Wilfried Traen, ce qui est suspect aux yeux de Van In qui a connu Traen à l’école primaire, un gentil garçon selon ses dires. Mais depuis il n’en avait plus eu de nouvelles jusqu’au jour du drame. Traen est considéré comme le présumé meurtrier mais son corps est retrouvé par les hommes de la Scientifique, dirigés par Vermeulen dans le grenier, pendu. La chaise sur laquelle il serait monté est renversée. Un suicide après le triple meurtre ? Pourtant, le couple s’entendait bien selon le père de Louise. Traen dirigeait une petite entreprise de recyclage informatique qui prenait au fil des ans de l’essor, avec l’aide financière de son beau-père.

Le légiste Zlotkrychbrto, d’origine polonaise, examine les corps avec sa minutie habituelle, plus habitué à palper, en tout bien tout honneur, les défunts, qu’à s’exprimer en bon flamand. Mais les éléments dont il dispose et encore pas tous car il faut du temps pour faire parler, façon d’écrire, les corps n’aident guère Van In.

Les journaux s’emparent bien évidemment de l’affaire et l’un d’eux titre même : Un altermondialiste extermine toute sa famille, photo prise lors d’une manifestation à l’appui. Altermondialiste Traen ? Première nouvelle. Il serait même l’auteur de deux ouvrages concernant l’économie. Fausse bonne nouvelle. Un journaliste avoue à Van In qu’il est l’auteur des deux ouvrages mais travaillant dans un journal qui ne manque pas de faire l’éloge du capitalisme, son nom en couverture aurait fait bondir les actionnaires.

Une prostituée, une respectueuse comme aurait dit Jean-Paul Sartre, aux charmes indéniables, et répondant au doux nom de Kitty Jouy, s’adresse directement à Hannelore en son cabinet pour se plaindre du manque de respect financier d’un homme politique et de Traen qui avaient eu recours à ses services et lui devaient de l’argent. Elle n’avait vu Traen que quelques semaines auparavant mais l’homme politique, dont le nom figure sur l’agenda de Traen est lui un client régulier.

Suite à un appel téléphonique anonyme, celle-ci est retrouvée morte dans son appartement, et cela obscurci l’horizon de Van In mais pas celui de son voisin habitant l’immeuble en face et qui possède un télescope pour admirer les oiseaux. C’est lui le drôle d’oiseau.

Cela ne résout en rien l’enquête et Van In ne manque pas, afin d’humecter ses neurones et permettre à leurs rouages de fonctionner librement, d’ingurgiter moult bières, des Duvel, précision pour les amateurs et les connaisseurs.

En épluchant la comptabilité de Traen, Van In et consorts se rendent compte que les comptes financiers du mort ne sont pas aussi florissants qu’il est parait. Pourtant, des boites de caviar ont été retrouvées dans son réfrigérateur et une réception était prévue pour le vendredi suivant.

Une piste se profile avec la découverte qu’un employé a été mis à la porte peu de temps auparavant et qu’il pourrait ressentir de la haine envers son ex patron. Mais ce qu’ignore Van In, c’est que la CIA, elle aussi, est sur le coup. De toute façon, la CIA est partout.

Si l’on peut comparer Van In à Maigret, la vie de couple du commissaire flamand est nettement plus riche en péripéties que celle du héros de Simenon. Van In croque, ou plutôt boit la vie avec gourmandise, tandis qu’Hannelore possède une aura, une présence indissociable auprès de la vie professionnelle et familiale de Van In. Ils vivent en couple, s’amusent beaucoup ensemble, ne négligent pas les moments d’intimité, traitent les affaires et les enquêtes ensemble mais les petits accros mettent parfois la pression, comme la bière, sur le couple. Van In professe envers les journalistes une certaine méfiance : Si Van In se méfiait des journalistes, c’était moins à cause des hommes eux-mêmes, car il s’entendait bien avec la plupart d’entre eux, qu’à cause de l’arrogance de l’institution. Mais il devrait se méfier surtout de ses réactions, surtout de ses réparties, lorsqu’il a abusé de la bière. Il est vrai que cette enquête se déroule alors que les conditions climatiques incitent plus à se désaltérer qu’à autre chose.

Versavel lui aussi possède sa vie privée. Il est homo, et se demande si la petite coucherie d’un soir avec un bel inconnu ne va pas influer sur sa santé. Quand au médecin légiste, Zlotkrychbrto, ce n’est pas tant sa pratique de sa profession qui est intéressante, mais sa façon de parler qui apporte la touche d’humour indispensable dans les moments tragiques.

 

Je ne sais pas si c’est le meilleur roman de la série Van In, mais c’est assurément, parmi tous ceux que j’ai lu, celui qui m’a le plus enivré… je veux dire intéressé, qui m’a le plus intéressé et est le plus abouti.


A lire également de Pieter Aspe : Pièce détachée, Le tableau volé, La mort à marée basse.


Pieter ASPE : Le message du pendu (Onder Valse Vlag – 2002. Traduit par Emmanuèle Sandron). Collection Van In 11. Editions Albin Michel.304 pages. 18€.

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 13:54

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Long poème en prose, ce recueil est scindé en six parties principales passant en revue les créatures imaginées par Howard Phillips Lovecraft avec en tête de liste la plus connue et la plus immonde : Cthulhu.

La magie des mots scandés, slamés, en une déclamation répétitive et lancinante dans de longues phrases dont les virgules sont absentes la plupart du temps, juste suggérés par des soupirs. L’importance est dans la recherche des sonorités, et des mots qui sortent de l’ordinaire comme les créatures qu’ils décrivent. Des vocables qui obombrent le texte en fumées sombres, en marques obscures, en visions déformées ou déformantes, en hallucinations mystiques.

Cthulhu est ainsi décrit : Onirique titan jaune-vert indéfini cerveau d’azur noyé sous les eaux intangibles et multidimensionnelles de l’océan Pacifique dans la cité de R’lyehla morte aux moellons de sardoine et de jaspe englué de fins goémons ; emprisonné dans la mythique cité de R’lyeh aux frontons de cornaline aux innombrables tours et tourelles festonnées de dentelles d’algues polychromes…

On se laisse emporter par la magie des expressions comme sur une vague frangée d’écume, mais on plonge également dans les profondeurs ténébreuses de l’onde énigmatique.

Azathoth rouge et noir au fin fond des gouffres blancs qui sont le cœur des mondes ; au fin fond des gouffres blancs qui sont le cœur des mondes le cœur de nos songes et du royaume des ombres Azathoth rouge et noir bavote et bave obstinément au son strident et grêle de flûtes ivoirines qui furent jadis humérus ou fémur cubitus ou tibias bavoche et bave opiniâtrement au son monotone et voilé de tambours piriformes dont les peaux grisâtres et tendues furent anciennement l’enveloppe extérieure de milliards d’êtres vivants et pensants…

Penchons nous maintenant rapidement sur l’incohérent messager Nyarlathotep et ses déclamations incantatoires : je suis le vide vif-argent et l’absinthe sidérale dans quoi s’égarent en permanence vos âmes nauséeuses…

On ressort de ce recueil comme abasourdi, anesthésié, l’esprit embrumé sous l’influence d’une drogue lexicale éthylique et hallucinogène, et pourtant on ne peut que s’esbaudir à ces phrases itératives, emplies de couleurs polychromes foncées sublimées dans une déclinaison verdâtre, comme le plongeur gisant au fond de la mer regarde avec fascination tout ce qui l’entoure, objets en décrépitude, faune et flore entrelacées.

Un exercice de style habilement maîtrisé qui a dû demander à son auteur des heures et des heures d’écriture, de réécriture, d’absorption des écrits du maître afin de pouvoir enfiler les phrases les unes après les autres et transposer son univers onirique emprunté à HPL.

Comme il le signifie en début d’ouvrage :

Juste un peu de ses rêves avec des mots à moi

Juste un peu de mes rêves avec des mots à lui.


Christophe LARTAS : HPL Bloc d’éternité. Collection NOKHTHYS N°8. Editions de La Clef d’Argent. 52 pages. 7€.

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 08:59

Mais sans le docteur Alpha...

 

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Avec le recul, certains livres d’anticipation semblent un peu désuets, pour ne pas dire naïfs, candides dans leur expression écrite et dans le propos abordé. Ainsi Docteur Oméga, écrit en 1906, par Arnould Galopin, dont le patronyme renvoie à l’âge présumé de ses lecteurs, conte les tribulations d’un savant énigmatique, le docteur Oméga, et de ses deux compagnons, Fred et Denis Borel le narrateur, écrivain à succès qui s’est retiré dans un petit village de Normandie, fatigué de la vie trépidante parisienne.

Le docteur Oméga est un personnage mystérieux, dont les expériences tirent le bourg d’une certaine léthargie. Les deux hommes se rencontrent fortuitement, disons un hasard fortement aidé par Borel dont la curiosité avait été éveillée, et Oméga propose à Borel de l’aider dans ses recherches. Le savant vient de mettre au point un métal, la stellite, dont les propriétés défient la pesanteur. Un projet insensé germe dans le cerveau fertile du savant : grâce à ce métal, il va pouvoir aller sur Mars, en compagnie de ses deux disciples.

Evidemment lorsque l’on a connu les péripéties des lancements de fusées, des mises en orbites, des premiers pas de l’homme sur la Lune, les tribulations de nos trois amis semblent pour le moins farfelues. Les précisions scientifiques sont balayées d’un revers de plume, le narrateur précisant que le savant, ce n’est pas lui mais le docteur Oméga et que tout ce qui découle du domaine scientifique ne sont pour lui que données abstraites. Ce qui lui ôte une épine du pied, et lui permet de continuer à raconter son histoire sans que le lecteur puisse lui faire le moindre reproche ou relever des anomalies quelconques.

Pourtant les anomalies foisonnent comme la mauvaise herbe dans un jardin non entretenu. Il ne faut retenir que le côté merveilleux, étonnant, aventureux, dans le récit de cette exploration et lire avec une âme d’enfant, celle qui accepte mieux que les adultes les histoires fantastiques, où le fabuleux se le dispute à l’invraisemblable et qui charme les nuits blanches. Arnould Galopin usait de ficelles, comme le marionnettiste, mais les voit-on vraiment, ou alors si l’on garde les yeux fixés sur ces cordelettes qui agitent les membres des pantins fait-on abstraction du spectacle ? Les Américains et les Anglo-saxons ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont calqué leur Docteur Who sur le modèle du docteur Oméga. Arnould Galopin, comme la plupart de ses confrères feuilletonistes, se montrait aussi xénophobe, ce qui à l’époque ne dérangeait guère les esprits bien pensants. Et l’on pourra aussi remarquer les contradictions du narrateur qui laisse appliquer par le Docteur Oméga une action dont lui-même ne veut pas être la victime.

Ainsi, page 169, vitupère-t-il contre les Martiens : “ Qui sait …si nous ne serons pas réduits au rôle humiliant d’ilotes, de misérables domestiques ? On nous montrera sans doute comme des bêtes savantes… Nous irons de ville en ville enchaînés, tels des ours, muselés peut-être, et la maigre nourriture qu’on nous donnera, il nous la faudra gagner par notre docilité, notre soumission à nos maîtres !… ”. Je me garderai bien d’aller plus loin de peur de déflorer l’épilogue.

Au roman d’Arnould Galopin sont joints quatre textes mettant le savant dans parfois de périlleuses situations écrits par Chris Roberson qui met en scène également Albert Einstein, Travis Hitz, Matthew Baugh et Serge Lehman. Enfin le plaisir ne serait pas complet si ne figuraient pas de très nombreuses illustrations, signées Bouard et extraites de l’édition originale. On lira ce roman avec ce petit pincement au cœur qui surgit toujours lorsqu’on évoque son adolescence.

 


Arnould GALOPIN : Docteur Oméga. Rivière Blanche, Hors Série. Illustration de couverture : Gil Formosa. 300 pages. 20€.

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:50

Joseph BIALOT est décédé le 25 novembre dernier.

En forme d'hommage je vous propose de lire ce document poignant.

 

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Il est des épisodes dans notre existence que l’on aimerait pouvoir effacer, mais ils sont tatoués dans notre cerveau à l’encre indélébile. Mettre un couvercle sur le bouillonnement de notre crâne serait l’idéal, mais la fermeture n’est pas hermétique, et il s’en dégage des fumées délétères qui nous empoisonnent tout notre vie, du moins celle que nous vivons après ces événements. On les cache soigneusement, comme des faits honteux, mais il arrive un moment où pour les exorciser, il faut en parler, les coucher sur le papier, les réduire à de simples phrases, afin d’en extirper les rares incidents positifs.

Ouvrant son album de mémoires, révélant dans un désordre organisé ses pérégrinations et sa vie quotidienne à Birkenau et à Auschwitz, Joseph Bialot invite le lecteur à partager avec lui des moments éprouvants mais au cours desquels l’auteur ne perd jamais espoir. Renoncer c’est mourir par anticipation.

L’ouvrage débute par un nouveau chapitre Et après… qui constitue l’ajout à cette réédition nécessaire, et pose la question qui se trouve de plus en plus présente sous les feux de l’actualité. Et après… les êtres humains se sont-ils inspirés de cette partie nauséabonde de l’histoire pour s’améliorer ? Force est de constater que non. L’intégrisme, le sectarisme, l’intolérance, le négationnisme, le rejet de l’autre pour des raisons raciales, religieuses, mercantiles, sont toujours en vigueur, exacerbés par des individus, quelque soit leur place dans la société, sans scrupules, ignorants, jaloux.

Un exemple frappant : en 1947, deux ans après Auschwitz, dans la ville de Kielce, en Pologne, l’annonce du retour d’une centaine de Juifs survivants, originaires de la région, répand la terreur. Et la rumeur repart : ils vont reprendre leurs biens ! Résultat ? Un pogrom. Dois-je préciser que le mot Pogrom, d’origine russe, désigne un assaut avec pillage et meurtres. Il signifiait à l’origine des actions violentes préméditées, menées à l'instigation de la police tsariste avec l'aide de populations locales contre les communautés juives d'Europe. Les pogroms sont parfois menés contre d'autres minorités telles que les Tziganes. Ces actions s'accompagnent aussi de destructions des biens personnels et communautaires et d'assassinats. Plus jamais ça ! C’était ce que les survivants, probablement naïfs, déclaraient. Soixante cinq ans après, que reste-t-il de des résolutions, des déclarations émises par des personnalités de toute obédience politique ?

Après cet aparté, reprenons l’album photos, ou plutôt la succession de courts-métrages que délivre Joseph Bialot. Première image, les couleurs qui se reflètent dans la mer et que peuvent admirer les survivants, qui ont embarqué à bord du Bergensfjord, en port d’Odessa. Plus de mille deux cents kilomètres parcourus entre Auschwitz et Odessa, puis direction la France. Ces couleurs dispensées par le soleil changeaient des dégradés de noir et de gris auxquels ces anciens détenus étaient habitués. Et peu à peu les souvenirs s’enchainent, retour en arrière sur les conditions de vie, de survie à Birkenau, puis à Auschwitz, les maltraitances, les brimades, les humiliations, les restrictions alimentaires et vestimentaires, les coups portés avec violence et sadisme par les Kapos, les petits-chefs plus brutaux que leurs supérieurs.

Une image parmi tant d’autres : une paire de chaussures à semelle de bois, sans lacets, sensées protéger les pieds et que le détenu, Joseph Bialot en l’occurrence, perd en déplaçant des pavés, porté sur son épaule, sur deux cents mètres, lapin tentant d’échapper à un lévrier nazi. Soit il parvient au but en échappant aux coups de matraques et surtout rejoint la procession de détenus, s’infiltrant dans le groupe, et échappant ainsi à la vindicte de son poursuivant, les pieds en capilotade, soit il se baisse pour ramasser la chaussure fichée en terre et risque de rester définitivement à terre.

Ou cette veille de Noël, qui tombe un lundi. Distribution des rations de vivre le samedi, et comme les détenus sont affamés, tout est englouti dans la journée. Le dimanche et le lundi sont synonymes de famine. Ironie du sort, les échanges se paient en cigarettes. A l’époque, le slogan le tabac tue n’avait pas cours, d’autres se chargeaient de votre santé qui partait en fumée. Même entre eux les prisonniers raillaient, peut-être inconsciemment. L’un d’eux, prenant le poignet décharné de l’auteur lui confia : Toi, tu brûleras sans problème, tu es bien sec !

Tous ne sont pas logés à la même enseigne et pour mieux être reconnus, ils sont affublés de triangles sur leurs vêtements. Un triangle rouge : c’est un politique ; un vert, un tueur auxiliaire ; un noir, un fainéant, un saboteur de travail ; un rose, un homosexuel ; un violet, un témoin de Jéhovah, un objecteur de conscience.

 

Si les romanciers trichent avec l’histoire, si les historiens élaborent leurs ouvrages d’après des témoignages et d’autres écrits, Joseph Bialot est un témoin direct, ayant vécu personnellement et directement ce qu’il décrit. Et son livre, son récit, en possède d’autant plus de force que le romancier et l’historien ne pourront jamais traduire l’émotion ressentie par l’acteur malgré lui de cette mise en scène macabre. Au lieu de vouloir reconduire les sans-papiers aux frontières, et souvent les offrir en otages ou victimes aux exactions de ceux qu’ils ont fuis, nos politiques devraient lire cet ouvrage et réfléchir. Mais peut-être est-ce trop leur demander.


Joseph BIALOT : Votre fumée montera vers le ciel. Editions de l’Archipel. Version augmentée de C’est en hiver que les jours rallongent (Le Seuil – 2002).

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:36

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Tom, le jeune détective de l’étrange de l’agence HPL se rend en compagnie de Dominique, un ami rencontré à la Convention de la B.D. d’Angoulême, à Venise. Un dérapage sur l’autoroute et la moto chasse. Tom parvient à stabiliser l’engin puis à s’arrêter sur une aire. Il est abordé par un étrange bonhomme vert qui lui remet une missive l’enjoignant de se rendre à un endroit donné de Venise. Les deux compères embarquent à l’heure dite sur un vaporetto les conduisant à l’île de Torcello en compagnie de trois autres personnes.

Ils apprendront peu après leur identité : Le professeur Flax, Fantomès et miss Brunner. Ils sont suivis de près par deux aventuriers, le Commandant Robert et William le géant roux. Suivant leur guide, un homme vert, les cinq “ touristes ” rencontrent sur leur chemin de nombreuses embûches. D’abord un ver immense, puis des mercenaires en armures, en réalité des vampires, se dressent sur leur route.

Heureusement le Commandant et William arrivent à leur rescousse. Tandis que la bataille fait rage, et que Dominique est blessé par une morsure de vampire, Tom reconnaît en Miss Brunner Maria, une employée de l’agence. Mais elle l’ignore. Puis c’est l’apparition de L’Homme Mort. Flax veut faire le malin mais L’Homme Mort lui brise la nuque. Les survivants lui font ses poches et lisent le billet qu’il avait reçu. Bissolatti y dévoile avoir découvert le sérum de longévité. Mais les surprises s’enchaînent. Le guide se transforme soudain en loup-garou et Fantomès lui transperce le cœur de sa canne-épée. Des rhinocéros bipèdes, des jonglômes, se lancent à leur poursuite.

 

François Darnaudet joue avec les héros notre enfance, les réunissant dans une aventure ébouriffante, proposant mille pièges conçus avec une machiavélique détermination. Héros humains mais aussi monstres de tous poils issus de la littérature populaire fantastique. Tom, de l’Agence HLP, sigle évident pour Howard Philipps Lovecraft, subira mille avatars en compagnie d’ersatz de Bob Morane et Bill Balantine, de Fantômas et de bien d’autres. Un jeu et un tour de force pour agglomérer tout ce petit monde dans une histoire cohérente et fantastique. Mais d’autres clins d’yeux parsèment cet ouvrage, dont un certain Gal’Ern. Un hommage en forme de pastiche dans lequel François Darnaudet se parodie lui-même.

 

François DARNAUDET : La lagune des mensonges. Rivière Blanche N°2003. 128 pages. 14€.

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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 14:59

L’Enfer d’un Paradis fiscal !

 

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Attendant d’être reçu par Monseigneur Di Roggero en son bureau du Vatican, le père Swift, Jonathan Swift, ressent l’impression d’incarner Gulliver au pays de Brobdingnag, le pays des géants, lui qui n’est qu’un modeste missionnaire dans une paroisse située au fin fond du Burkina-Faso.

Swift, dont son père Irlandais revendiquait une filiation lointaine avec l’auteur d’Instructions aux domestiques et L’art du mensonge politique, a connu avant de passer une quinzaine d’années dans la brousse un parcours chaotique. Proche de son père il n’a jamais aimé sa mère. A peine sorti de l’adolescence, il est devenu un activiste, un terroriste, recherché par la police. Il s’est réfugié dans un couvent puis, converti par un religieux, ayant trouvé sa voie dans la foi, il est devenu missionnaire en Afrique, sous une nouvelle identité. Et voilà qu’un haut dignitaire de l’église veut bien le réhabiliter, mais à une condition.

Sa mission, s’il l’accepte et il n’a guère les moyens de la refuser, est de démontrer que Lisa Lytton, la femme de René IV, décédée dans un accident de la route et ancienne actrice de cinéma ayant côtoyé les plus grandes stars masculines, ne possède pas la réputation de sainte que la Principauté de San Bernardo veut lui attribuer. Et donc de trouver le moyen de refuser le procès en béatification qui a été demandée auprès du Saint-Père.

La Principauté de San Bernardo est une île rocheuse méditerranéenne, un véritable paradis… fiscal. René IV, Renato pour les intimes, gère son domaine avec une apparente bonhomie, les affaires courantes de police et de sécurité étant confiées au colonel Ferrandi, ancien mercenaire responsable de la garde du Palais et Graglia responsable de la sécurité. Sans oublier Monseigneur Pippo, qui possède ses antennes au Vatican. Des antennes efficaces car il vient d’apprendre qu’un enquêteur doit venir sur l’ilot afin de déterminer si le procès en béatification est justifié. Il en informe immédiatement Renato lequel répercute le renseignement auprès de ses hommes de confiance et de sa secrétaire particulière. Parallèlement il a reçu un télégramme l’avertissant qu’un certain Jonathan Swift doit arriver. Or en effectuant des recherches il apprend que Swift a été amnistié de tout ce qui pouvait lui être reproché et même plus. Nonobstant tout doit être mis en œuvre pour intercepter en douceur le délégué du Vatican.

Swift a prévu que son arrivée comme diplomate du Vatican ne serait pas vue d’un bon œil. Aussi il demande à Marco, un de ses anciens compagnons, de l’accompagner à San Bernardo. Tous deux débarquent sur l’aéroport de San Bernardo, en s’ignorant, Swift habillé en banquier respectable, costume de marque, Marco en curé de brousse, soutane mitée et brodequins avachis. Tout naturellement Ferrandi et Graglia vont s’attacher à suivre les faits et gestes de Marco, tandis que Swift est accueilli au Palais par Renato.

Accueilli à bras ouverts même, car Renato et Swift sont cousins, et comme Swift est très riche, il a pu récupérer son héritage paternel en même temps que son amnistie, s’il pouvait placer une forte somme à la banque Espirito Santo, banque d’obédience religieuse dont une agence est implantée sur l’île, cela arrangerait le Prince.

Il est évident que toute ressemblance avec des lieux ou des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite et le lecteur qui oserait établir une comparaison devrait réviser son jugement sous peine d’excommunication.

Renato a perdu sa femme dans un accident de voiture, il a trois enfants, un garçon effacé, deux filles dont une est avide de la vie et conduit à merveille, sa principauté est un paradis fiscal, trouvez-vous une analogie avec quoi que ce soit qui pourrait faire les grands titres des médias ? Non, bien sûr.

Penchons-nous plutôt sur le personnage de Swift qui ressemble à s’y méprendre à un baroudeur et s’avère un homme distingué, distingué d’apparence mais distingué aussi par quelques personnes de l’entourage du Pape et de Renato. Et en bon héros de romans d’aventures, il picole sec (on devrait plutôt dire mouillé dans ce genre de situation, mais bon, passons). Il est abonné à la vodka, ce qui au lieu de l’inciter à se blottir dans les bars de Morphée, le tient éveillé certaines nuits. Et pour échapper à ses pensées, dont celles qui le ramènent à sa jeunesse lorsqu’il avait connu Lisa, il essaya de se réfugier dans la prière, mais l’alcool le faisait déraper comme si son cerveau tout entier n’était plus qu’une immense plaque de verglas sur laquelle ses pensées glissaient dans tous les sens et partaient en tête-à-queue chaque fois qu’il tentait de les retenir.

Dans ce roman cocasse et irrévérencieux, à prendre au premier ou au second degré selon les sensibilités des lecteurs, Patrick Raynal garde la fraîcheur d’esprit qui animait ses premières œuvres, et il use des métaphores pour garder une once d’humour dans un sujet qui pourrait être grave.

Il était aussi dépourvu d’humour qu’un pit-bull à jeun. Le genre d’image que vous pouvez placer n’importe où dans une conversation, en parlant par exemple de votre chef, du policier qui vient de vous dresser une prune, de votre belle-mère (en plaçant la phrase au féminin) ou toute autre personne à votre convenance.

Car il ne faut pas oublier que la réalité n’est qu’une hallucination provoquée par le manque d’alcool.

A lire également de Patrick Raynal : Nice-est


Patrick RAYNAL : Au service secret de sa Sainteté. Editions L’Ecailler. 288 pages. 17€.

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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 07:35

peres-et-fils

La langue française est riche. Elle possède de nombreuses locutions toutes faites, de proverbes, de maximes, d’aphorismes, en tout genre. Seulement parfois ceux-ci se contredisent. Ainsi affirme-t-on facilement Tel père, tel fils. Mais on peut également énoncer : A père avare, fils prodigue. L’une de ses deux assertions convient-elle à cette longue nouvelle, ou faut-il en trouver ou en inventer une autre pour expliquer les relations entre deux êtres humains ?

Franck, le narrateur, aime la boxe. Normal, c’est un fils de boxeur et lui-même a pratiqué ce sport, noble parait-il. Un héritage génétique qu’il n’a pas transmis à son fils Théo, dix ans.

Le coup de foudre avec Laure, la mère, le mariage puis après la naissance de Théo, la rupture. Depuis Franck peut accueillir Théo un week-end sur deux. Il ne sait pas quoi faire pour l’intéresser à sa passion, la boxe. Il lui propose de regarder sur DVD des matches de boxe, mais Théo n’est pas réceptif. Ce qui l’intéresse, c’est le modélisme. Les maquettes d’avion de guerre qu’il assemble, colle et peint avec minutie.

Depuis quelques temps, Théo est renfrogné, quasiment mutique. Il répond à peine lorsque Franck l’interroge sur ses notes, qui ont tendance à baisser, il ne veut pas aller au cinéma, regarder la télévision. Il s’enferme dans sa chambre et le dimanche soir Franck le reconduit chez sa mère, déçu, triste de ces deux jours gâchés.

Le père de Franck était boxeur mais il est mort alors qu’il était tout gamin. Lui non plus n’appréciait pas la boxe mais ce décès fut un déclic, et il s’est investi dans ce sport comme une brute. Atteignant même un niveau honorable. Mais la vie possède ses exigences qui balaient celles de l’être humain.


Trois générations, le grand-père, le père, le fils, dont le destin n’est pas linéaire et peut-être antinomique. Eric Scilien remonte le parcours de chacun avec comme pivot central Franck. Mais un père peut-il répéter les erreurs, si erreurs il y a eu, de son propre géniteur ou appliquer les préceptes inculqués ? Doit-il faire abstraction de la façon dont il a été élevé, ou effectuer un parallèle éducatif ? Quelles sont les valeurs réelles qu’un père peut ressentir et les transmettre à son fils ? Telles sont les interrogations qu’Eric Scilien pose au lecteur d’une façon détournée, sans vraiment les énoncer, mais qui remuent profondément l’inconscient, qui émeuvent, qui remettent en question bien des idées sur la pédagogie parentale.

Ce pourrait être également une parabole sur la lâcheté. Qui se montre le moins le moins courageux ? Celui qui fuit devant l’adversité ou celui qui se contente de donner des ordres sans vouloir se mouiller ?


Eric SCILIEN : Pères et fils. Collection Côté court. Editions Jacques Flament. 50 pages. 4,50€.

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 15:32

Comme disait ma grand-mère, toute vérité n'est pas bonne à dire ! Pourquoi ?

 

girodeau paix


Ecrivain, journaliste, Yarnald Colom ne refuse jamais de participer à une conférence. Ce qui a l’heur de faire plaisir à son éditeur, et les séances de dédicaces qui suivent permettent d’écouler quelques romans policiers. Les piges qu’il effectue pour La Semaine, journal catalan basé à Perpignan lui permettent de subsister, sans plus, mais il ne se plaint pas. Il n’a que peu de besoins, surtout depuis que sa femme Rachel l’a quitté et qu’il se retrouve seul dans son appartement aux pièces quasiment vides.

Invité par Valenti, le président de l’association des Catalans de Marseille, il se prête volontiers au jeu des questions et réponses, jeu qui déborde largement du cadre du polar et au fur et à mesure des échanges les Catalans présents dans la salle s’intéressent aussi, mais peut-être n’étaient-ils venus que pour cela, à la Catalogne actuelle, la langue, l’économie, le social, le nouveau statut d’autonomie. Toutes informations qui intéressent ceux qui vivent éloignés de leur pays natal.

Lors de la séance de dédicaces qui s’ensuit, une jeune femme l’aborde. Elle se prénomme Montserrat et aussitôt Yarnald lui demande si elle est catalane, mais celle-ci se défend. Elle est Française et rétorque que la Catalogne n’existe pas et qu’il devrait cesser de rêver, de revenir à la réalité. Une remarque qui le refroidit, surtout lorsqu’il apprend que Montserrat n’est autre que la fille de Valenti. Mais ce n’est qu’un épisode, car Valenti, avait autre chose en tête lorsqu’il lui a lancé l’invitation. Il lui remet une lettre et lui raconte son histoire.

En 1939, Valenti avait quinze ans. Son père s’était engagé dans les armées de la République et est décédé lors de la bataille du Sègre. Sa mère et son frère durent s’exiler. Leur maison considérée comme abandonnée fut réquisitionnée par les miliciens des troupes franquistes sous les ordres d’un certain Bialet. Entré en France en 1948, poursuivi par la police espagnole pour rébellion contre les autorités militaires, il avait refait sa vie à Marseille. Il avait pu revenir en Catalogne du Sud en 1977, une sorte de pèlerinage qui l’avait amené jusqu’à son village d’Illavrana, près de Girona. Tout avait changé, la maison familiale n’existait plus. Désirant avoir des renseignements sur le cadastre, il se retrouve nez à nez avec le responsable qui n’est autre que Bialet. Il revient peu après afin d’obtenir la liste de l’inventaire qui aurait dû être établie. Bialet promet mais la demande est restée sans suite. Depuis Bialet est mort.

Antoine, le rédacteur en chef de La Semaine, journal où Yarnald effectue des piges, lui confie un reportage, justement à Girona. Une cérémonie au vieux cimetière va se dérouler afin de rendre hommage aux cinq-cent-dix victimes, des Républicains fusillés entre 1939 et 1945 par les Franquistes et ensevelis dans une fosse commune. Lors de cette commémoration, une jeune femme harangue la petite foule, demandant toute la vérité sur le franquisme, pourquoi une stèle a été érigée en faveur du Caudillo, et autres questions élémentaires qui n’ont pas l’heur de plaire aux policiers de la Guardia Civil. Ce ne peut que se terminer par un affrontement. Un point positif est cependant à mettre à l’actif de la présence de Yarnald devant cette fosse commune. Il retrouve Aleix, journaliste au quotidien local. Mais le plus étonnant dans cette affaire réside en la personnalité de Carme, surnommée Llum (lumière), militante d’un parti d’extrême-gauche et petite-fille de Bialet. Grâce à Aleix, Yarnald remonte la piste Bialet, qui est décédé d’un accident de chasse. Soi-disant, car le père Arnau, un familier de la fille de Bialet qui mène d’une main de fer l’entreprise familiale, avoue, comme s’il était à confesse et sous le sceau du secret, que Bialet n’a pas été victime d’un accident mais qu’il s’est suicidé.

 

Yarnald est seul, désabusé d’un mariage raté. Il essaie de s’arrêter de fumer, et pour compenser le manque il ingurgite de petits verres de rhum. Et il envisage de quitter son appartement, afin de couper définitivement les ponts, et de s’acheter une petite maison de campagne avec un petit jardin. Un homme comme bien d’autres.

Mais, au-delà du personnage, Gildas Girodeau s’attache à reconstituer cette époque délétère du franquisme, que des Espagnols regrettent. Car comme tous ceux qui ont connus des dictatures, ils se trouvent perdus lorsqu’ils acquièrent la liberté de pensée. Des dates significatives comme 1939, 1973, 1975, et quelques autres sont mises en scène et des personnages qui ont marqué ces périodes sont évoqués, dont Puig Antich, arrêté en septembre 1973 et membre du MIL (Movimiento Ibérico de Libéración) ou encore l’amiral Luis Carrero Blanco, membre de l’Opus Dei, victime dans l’explosion de sa voiture, explosion provoquée par l’ETA, organisation basque qui alors n’était qu’un groupuscule en balbutiement.

D’autres faits, d’autres événements sont relatés, et surtout l’auteur démontre qu’il est plus difficile pour un état de rester dans un esprit démocratique que de se tourner vers une dictature qui bâillonne les paroles, les idées, les pensées, les actions. Et pour ceux qui ont connus de loin, comme nous les sexagénaires, certains de ces remous, cela nous permet de retrouver la mémoire. Quant aux jeunes générations, cela peut être un exemple à ne pas suivre. Mais il y aura toujours et partout des nostalgiques des dictatures, ne pensant pas par eux-mêmes mais écoutant béatement la voix de son maître. Nous en avons de multiples exemples, ne serait-ce qu’en France.

Et comme j’aime bien relever les petites erreurs, de datation principalement, j’ai tiqué lorsque page 9, j’ai lu que Valenti avait soixante-dix ans au moins et page 45 qu’en 1938, à l’âge de quatorze ans… Or l’histoire se déroule en 2009. Mais ceci n’est qu’ergotage, car pour moi ce roman est l’un des meilleurs lus cette année.

A méditer : Llum déclare dans un entretien : l’Etat, comme les marchés financiers et les grands groupes privés étaient par essence des facteurs d’oppression. Autre sujet de réflexion, qui concerne les consommateurs, des élevages géants sont installés en Catalogne. Les porcs naissent aux Pays-Bas, sont engraissés en Espagne dans des conditions intensives, interdites dans leur pays d’origine, avec des aliments que les Hollandais ne peuvent utiliser, puis lorsque les porcins sont à point, ils reviennent au pays pour être abattus et commercialisés avec le label Porc hollandais. C’est beau l’Europe des échanges.

Et la question fondamentale posée par Gildas Girodeau dans son titre, faut-il pour préserver la paix faire abstraction ou taire la vérité, trouve tout son sens dans ce roman que je ne peux que conseiller.


Gildas GIRODEAU : La paix plus que la vérité. Editions Au-delà du raisonnable. 208 pages. 15€.

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