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24 février 2020 1 24 /02 /février /2020 05:08

Curiosité ou supercherie littéraire ?

L’énigme Janet Lee BEATON.

De nombreux auteurs, pour des raisons différentes liées à des contrats éditoriaux, à des demandes pour étoffer les catalogues, pour éviter de mélanger les genres, pour changer de registre et pour certains, s’immiscer dans la littérature populaire alors qu’ils sont déjà reconnus dans d’autres domaines, ont emprunté des alias.

On se souvient de Boris Vian qui signait des romans pseudo-américains sous le nom de Vernon Sullivan, traduits par lui-même, ou encore Romain Gary qui obtint le Prix Goncourt deux fois sous son nom et sous celui d’Emile Ajar. Et la liste pourrait s’échelonner ainsi sur des pages.

 

Alors qui est Janet Lee Beaton, romancière prétendument américaine ?

Penchons-nous sur le descriptif de la quatrième de couverture :

Confessons notre embarras : le mystère dont s’est entouré l’auteur du Pêcheur de Miracles, nous ne pouvons pas le dévoiler ici. Tout ce qu’il nous est permis de dire, c’est que Janet Lee Beaton est une grande, une très grande romancière, qui, un jour, avec une volonté de vérité entière, a décidé de raconter sa propre histoire. Mais cette histoire était si riche, si vivante, elle comportait tant d’acteurs divers, dont quelques-uns étaient si célèbres que, malgré les précautions qu’elle avait prises pour brouiller les pistes, Janet Lee Beaton n’a pas cru pouvoir révéler sa véritable identité.

Elle ne s’oppose pas, pour autant, à ce que l’on dise que ce roman est, pour une bonne part, autobiographique ; qu’elle a, comme Laura Nelson, son héroïne, passé son enfance et une partie de son adolescence dans une petite ville américaine ; qu’elle s’en est enfuie pour « vivre sa vie » et surtout pour écrire ; qu’elle a fait dix métiers avant de pouvoir enfin terminer, et qu’elle a été mêlée aux aventures les plus déconcertantes de la « bohème » qui hante les ateliers d’artistes de Greenwich Village.

Janet Lee Beaton, malgré son importante production littéraire a quand même trouvé le temps de faire aussi de la peinture, de se marier et d’avoir un enfant. Elle dit volontiers que, de toutes ses œuvres, c’est encore son fils qu’elle préfère.

 

C’est beau ! Comme un conte de fée ! On y croirait presque.

Mais continuons notre découverte en nous intéressant aux premières pages. On apprend que ce roman s’intitule à l’origine The Beachcomber et que la traduction est due à Michel Saint-Loup. On avance.

Car pour les curieux, les traqueurs de pseudonymes, les amateurs de littérature populaire, il s’agit bien d’un cas d’école.

En effet, sous les noms de Janet Lee Beaton et de Michel Saint-Loup, par ailleurs auteur dans la même collection Grand Roman, se cachait un romancier qui changeait d’identité selon les collections, et les éditeurs, pour lesquels il fournissait des ouvrages, seul ou en collaboration.

Ainsi pour la collection L’aventurier, on le trouve sous le nom de Jérôme Belleau ou Steve Stork. Dans la collection Feu, il signe des romans sous l’alias de Mark J. Trennery. Seul ou en collaboration avec José-Louis Lacour, il signe dans la collection Anticipation sous le pseudonyme de Christopher Stork et dans la collection Espionnage sous celui de Marc Avril. En compagnie de Claude Joste, toujours dans la collection Espionnage, sous celui de Marc Revest. Enfin il se cache sous le pseudonyme collectif de Benoît Becker en compagnie de Jean-Claude Carrière, José-André Lacour et Christiane Rochefort. Et dans la collection Femme Viva, publiée au début au Fleuve Noir, puis aux Presses de la Cité, deux romans sous les noms de Boris Ouravel

Est-ce tout ? Que nenni ! Puisqu’il a également utilisé pour divers éditeurs les noms de Claude Eymouche, de Dominique Jourier, d’Emmanuel Eyries ou encore de Michel Sernoz. Peut-être en oublie-je… Et enfin au début des années 50, sous son presque nom, il publie des romans signés Stéphane Jourat. D’ailleurs il reçoit le prix Victor Rossel en 1958 pour Entends, ma chère, entends, signé Stéphane Jourat et publié chez Julliard.

De son vrai nom Stéphane Jouravleff, cet auteur protéiforme est né le 4 décembre 1924 à Liège (autre natif de cette ville belge : Simenon) et est décédé le 8 avril 1995.

 

Mais l’accumulation de ces pseudonymes n’est pas vraiment une supercherie, puisque toutes les maisons d’éditions populaires pratiquaient ce subterfuge pour augmenter leur catalogue en nombre d’auteurs. Ferenczi, Tallandier, et bien d’autres pratiquaient ce stratagème et on ne le leur jamais reproché. Sauf les chercheurs de pseudonymes naturellement.

Et à l’époque, les lecteurs des diverses collections du Fleuve Noir et des divers éditeurs populaires, achetaient, lisaient, oubliaient souvent, ne s’intéressant guère aux noms des auteurs. Encore moins à celui des traducteurs. Nombreux sont ceux qui ne souvenaient avoir lu tel livre populaire que grâce à l’illustration de couverture, étant souvent incapable de se rappeler du nom des auteurs, et encore des titres de leurs romans. Sauf les passionnés, évidemment.

 

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22 octobre 2019 2 22 /10 /octobre /2019 04:49

Le fantastique, c’est chic…

Francis LACASSIN : Mythologie du fantastique. Les rivages de la nuit.

Dès son enfance, le petit d’homme aime se faire peur, frissonner, à l’écoute des histoires de fantômes, de sorcières, de fées, de magie, de sorcellerie.

Il s’invente un monde onirique, ludique, dans lequel le fantastique joue un grand rôle.

Il n’y croit pas, et pourtant, dans le noir, il ressent les effets délicieusement pervers enregistrés dans son esprit. Les contes, les légendes, les histoires de grand méchant loup d’ogres et de chat botté ne sont pas si enfantins qu’ils paraissent de prime abord.

Et, arrivé à l’âge adulte, l’homme continue à vibrer à la lecture de ces histoires largement vampirisées par le cinéma. Il agit, ou plutôt réagit, comme s’il voulait exorciser les vieux démons de ses ancêtres pour qui tout phénomène surnaturel, ou prétendu tel, annonçait la colère des Dieux et de nombreux malheurs.

 

Le fantastique en littérature revêt des formes multiples selon l’inspiration ou l’état d’esprit de ces créateurs de l’imaginaire que Francis Lacassin nous présente parfois sous un jour nouveau ou méconnu.

Si la littérature fantastique obtient aujourd’hui ses lettres de noblesse, pour beaucoup ce n’est que littérature populaire, dénuée d’intérêt, et même franchement méprisable aux yeux de pisse-froids imbus d’eux-mêmes et de leur incompétence ou leur dictature intellectuelle.

Pourtant des « classiques » comme Balzac, Erckmann-Chatrian, George Sand, Henry James, Pouchkine ou Jack London ont contribué à l’édification de ce genre, apportant leurs pierres à côtés de faiseurs d’histoires tels que Lovecraft, Robert-Louis Stevenson, Conan Doyle, Alexandre Dumas et bien d’autres.

Rien n’échappe à la sagacité de Francis Lacassin, et il se vautre avec délices dans cette littérature populaire si décriée. Son éclectisme n’a d’égal que sa compétence et son érudition. Il traite avec bonheur et passion les faces cachées ou bannies de la littérature, s’instaurant le grand-prêtre du fantastique et du roman policier.

C’est un réel bonheur et de le lire et de présenter cet ouvrage.

 

Pour le plaisir de la découverte cet alléchant sommaire :

Introduction : Les itinéraires de la peur.

Quand les statues saignaient du nez.

Frankenstein ou l’hygiène du macabre.

Le vampire ou le sang vainqueur de la mort.

Walter Scott ou le miracle en liberté surveillée.

Charles Nodier ou les portes secrètes du sommeil.

Balzac ou sortie du diable et entrée du fantastique social.

Pouchkine ou le fantastique au service du destin.

Alexandre Dumas ou un courant d’air frais dans les ténèbres.

Gogol ou le diable contre les fées.

George Sand ou la nature contre les fées.

Erckmann-Chatrian ou les liens secrets de l’homme et l’univers.

Lafcadio Hearn ou le grand tourbillonnement fantôme de la naissance et de la mort.

Kipling ou quand les demi-dieux s’en vont, les dieux arrivent.

Guy de Maupassant ou le fantastique à durée limitée.

Henry James ou le surnaturel derrière la porte.

Robert-Louis Stevenson ou le fantastique de l’expiation.

Conan Doyle ou la défaite de la mort.

Jack London ou le rationaliste porte-parole de l’au-delà.

Jean Lorrain ou le bal des fantasmes.

Sax Rohmer ou Aladin et la lampe incendiaire.

Jean-Louis Bouquet ou les ténèbres de l’au-dedans.

Howard Phillips Lovecraft ou les fantômes du cosmos à la reconquête de la Terre.

 

Francis LACASSIN : Mythologie du fantastique. Les rivages de la nuit. Editions du Rocher. Parution novembre 1991. 392 pages.

ISBN : 978-2-268-01231-5

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10 septembre 2019 2 10 /09 /septembre /2019 04:02

La Normandie, terre d’accueil des écrivains…

Gérard POUCHAIN : Balzac en Normandie.

De l'œuvre de Balzac, les scolaires retiennent surtout des extraits d'Eugénie Grandet, Le cousin Pons et quelques autres romans qu'ils durent disséquer, analyser, expliquer. Des romans dont l'action se déroule principalement en Touraine ou à Paris.

Et ce qui prévaut dans l'esprit des lecteurs, c'est cette unité de lieux dans les scènes de l'œuvre qui compose La Comédie Humaine.

C'est oublier un peu vite, ou même ignorer, qu'Honoré de Balzac fut un grand voyageur et qu'il engrangea, surtout dans sa période d'écrivain en devenir, des images qu'il restitua, dans pratiquement tous les romans qu'il écrivit, plaçant ça et là de nombreuses réminiscences géographiques, contextuelles, situationnistes, portraiturant quelques uns des personnages qu'il côtoya.

Ainsi au cours de l'année 1822, alors qu'il a vingt trois ans, Balzac rend visite à sa sœur Laure, mariée à un sieur de Surville, ingénieur des Ponts et Chaussées, et installée à Bayeux. Il y reste deux mois, se rend à Cherbourg, puis rentre à Paris. Arrivé en tant qu'étudiant en droit, comme l'atteste le registre des visas, il repart investi de la profession d'écrivain.

Un changement qui déterminera de façon notable son avenir.

Il avait écrit quelques romans sous pseudonyme, le succès tarde à poindre, n'empêche il a trouvé sa voie. Par la suite il se rendra à Alençon, à Rouen en tant que président de la Société des gens de lettres, au Havre. Un parcours dont il nourrira son œuvre plus qu'il y paraît.

Un ouvrage de référence, attrayant à plus d'un titre, comportant outre une riche iconographie d'époque ou actuelle, d'abondants exemples, qui redonne le goût de redécouvrir Balzac à travers des romans tels que Modeste Mignon, Le cabinet des antiques ou autre César Biroteau.

 

Il existe une version numérique de cet ouvrage à 6,49€.

 

Gérard POUCHAIN : Balzac en Normandie. Editions CORLET. Parution mars 1997. 178 pages.

ISBN : 9782854805505

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18 août 2019 7 18 /08 /août /2019 04:44

Sur l’écran noir de mes nuits blanches…

Deux ouvrages du siècle dernier sur Quentin Tarantino.
Deux ouvrages du siècle dernier sur Quentin Tarantino.

Deux livres consacrés à Quentin Tarantino sont parus à quelques semaines d'intervalle chez Méréal et au Fleuve Noir en 1998.

Le premier est signé Yannick Surcouf, descendant du fameux corsaire d’empire et grand reporter-photographe - information donnée par l’éditeur -, le second est écrit par Jean-Pierre Deloux, que les habitués de la revue Polar connaissent bien pour ses articles fouillés, sérieux et précis.

Quentin Tarantino, phénomène éphémère ou gloire durable, nous le verrons et saurons à l’usage. En quelques films il est devenu une véritable coqueluche, soit comme réalisateur, soit comme acteur.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Quentin Tarantino sans avoir jamais osé le demander, vous l’apprendrez dans ces deux études différentes et complémentaires, quoique parfois des similitudes existent.

Construit comme un dictionnaire, l’ouvrage de Yannick Surcouf se décline en trois parties principales comportant de nombreuses illustrations.

Celui de Jean-Pierre Deloux se divise en séquences axées sur une importante biographie, l’étude des films que Q. T. a réalisé ou dont il est le scénariste et un article de fond suivi d’un entretien.

Mais il est bizarre de retrouver certaines analogies dans la manière d’expliquer le phénomène Tarantino dans ces deux livres. Jusqu’aux remerciements qui sont adressés pratiquement aux mêmes personnes dans un style similaire.

Faut-il en déduire que Jean-Pierre Deloux et Yannick Surcouf seraient le même et unique auteur ? Et oui ! .

 

Jean-Pierre Deloux : Quentin Tarantino, fils de pulp. Editions Fleuve Noir Hors Collection. Parution 22 juin 1998. 270 pages. ISBN : 978-2265065208

Yannick Surcouf : Quentin Tarantino, d’Alabama à Killing Zoé. Collection Mything. Editions Méréal. Parution mars 1998. 192 pages. ISBN : 9782909310701

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3 août 2019 6 03 /08 /août /2019 04:34

Maurice Limat, 53 ans de carrière et 472 titres recensés ! Cela représente quelques millions de mots….

Collectif : Maurice LIMAT, l’entreprise du Rêve.

Coïncidence ou non, peu après la mort de Maurice Limat, l’un des piliers des collections Anticipation et Angoisse du Fleuve Noir, en janvier 2002, est paru un ouvrage consacré à ce maître de la littérature populaire.

Décrié par bon nombre de plus ou moins jeunes écrivains de S.F. française qui se prennent pour des intellectuels, s’immiscent dans ce genre de littérature mais ne parviennent pas à véritablement construire une histoire qui tient en haleine, décriée également par bon nombre de lecteurs, Maurice Limat était donc mis à l’honneur.

La biographie de Maurice Limat, titrée L’homme aux millions de mots, a été établie, d’après un documentaire tourné par les Productions de la Lanterne. Sont évoquées les années Fleuve Noir, mais aussi les années Ferenczi, là où il fut peut-être le plus prolifique, narrant moult anecdotes savoureuses. Il jette un regard critique sur toutes ces années de production effrénées, passant d’un éditeur à un autre, éditeurs qui changeaient souvent la donne sans prévenir les auteurs. Et des traces d’amertume suintent au détour des lignes. Suivent deux textes rédigés par Maurice Limat, Travailler chez Ferenczi, regrettant la disparition de cette maison d’édition supplantée par les magazines dits du cœur, terminant son article par ces lignes :

Mais les millions et les millions d’exemplaires diffusés, vilipendés par certains (ne parlait-on pas de littérature au kilo ?) ont apportés tant de rêves, tant de joies saines et simples à d’innombrables lecteurs aux moyens financiers limités (comme les auteurs) qu’il faut donner un souvenir reconnaissant de ce que fut la maison d’édition Ferenczi.

Une lettre de Teddy Verano, le héros mythique, le détective de l’étrange et de l’impossible, à Maurice Limat, complète cette première partie avec un regard de Claude Hermier qui dissèque quelques petits romans parus dans de petites (par le format) collections populaires telles que Mon Roman d’Aventure.

La deuxième partie, est consacrée à divers textes de Maurice Limat, des contes et nouvelles, des poèmes et même une pièce de théâtre, un drame en un acte, Les yeux de l’autre, dont la première représentation eut lieu au Théâtre du Grand-Guignol le 14 décembre 1948.

 

En fin de volume, c’est une recension de la bibliographie exhaustive de Maurice Limat, Bibliographie établie par ordre chronologique, Bibliographie par éditeur et par collection et enfin Bibliographie par titre. De quoi s’y retrouver parmi les 472 romans signés Maurice Limat, Maurice d’Escrignelles, Lionel Rey, Lionel Rex ou encore Jean Scapin sans oublier des contes et nouvelles et des scénarios de bandes-dessinées.

Bref un formidable outil de travail pour les chercheurs et les amateurs de Maurice Limat (si, il y en a !) qui peuvent établir ainsi une liste de recherche des titres qui leur manquent, si leur moyen financier le leur permet.

 

Pour ceux qui seraient intéressés par cet ouvrage, il est toujours disponible à l’adresse ci-dessous :

Quelques chroniques d’ouvrages de Maurice Limat :

Collectif : Maurice LIMAT, l’entreprise du Rêve. Collection La Bibliothèque d’Abdul Alhazred N°4. Editions Œil du Sphinx. Parution 10 mars 2002. 264 pages. 16,20€

ISBN : 978-2914405089

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30 juillet 2019 2 30 /07 /juillet /2019 04:43

Félix ne faisait pas de potins…

Maurice TILLIEUX : L’intégrale Félix N°8.

Contrairement à l’affirmation de certains qui énoncent avec componction que ceci ne nous rajeunit pas, je déclare que justement ceci nous rajeunit, nous permettant de nous replonger dans une enfance qui ne connaissait pas les soucis des adultes.

De mes souvenirs d’enfance surnagent quelques bandes dessinées. Naturellement les aventures parues dans Spirou, Tintin et Le Journal de Mickey, de petits fascicules surtout consacrés à des héros fictifs ou réels du Far-West tels que Hopalong Cassidy, Kit Carson et combien d’autres.

Mais jamais, ou alors je n’en ai pas souvenance, d’historiettes consacrées à Félix, le précurseur de Gil Jourdan, deux héros créés par Maurice Tillieux.

C’est avec un plaisir indicible que j’ai découvert ce personnage dans des historiettes qui ne dépassent pas les douze pages. Mais elles étaient publiées dans une revue belge entre 1949 et 1956, Héroïc-Albums, magazine dont la diffusion devait être confidentielle en France, et qui accueillit en son sein des auteurs qui par la suite devinrent des légendes de la bande-dessinée : Greg, Tibet ou encore Jidehem…

Ce qui m’a marqué au premier abord, c’est la sobriété des histoires (ce qui se comprend étant donné le nombre restreint de planches), mais surtout des dessins. Un style ligne claire, sans fioriture, sans détails excessifs, très simples. Pourtant ces dessins sont explicites, soignés, et seuls les détails indispensables à la compréhension de l’histoire sont présents sans être envahissants.

Comme le font remarquer Daniel Depessemier et Etienne Borgers dans les dossiers consacrés à Maurice Tillieux et à Félix en prologue de cet ouvrage, souvent l’auteur a puisé dans ses lectures de romans policiers, qu’ils soient américains et de tendance Hard-boiled, ou dans les ouvrages de ses compatriotes tel Stanislas André Steeman, le Simenon belge comme l’avait écrit étourdiment un critique littéraire, mais sans pour autant les copier, les plagier.

Si ces histoires possèdent un fond déjà exploité par ailleurs, il a su se défaire du contexte et leur donner un tournant qui en font des nouveautés. D’ailleurs, les romans policiers, tout comme la littérature générale ou dite blanche, emploient la plupart du temps, pour ne pas dire toujours les mêmes ressorts, et les mêmes thèmes. Ceux-ci ne sont pas extensibles, seule la manière de les cultiver, de les améliorer, de leur fournir de nouveaux débouchés, offrent ce qui s’avère une nouveauté. Et l’imagination et la créativité de l’auteur permettent à ces histoires de se renouveler.

Chaque histoire est précédée des programmes non stop, ou bandes annonces, qui étaient inclus dans les numéros précédents sa parution dans le magazine et donnaient le ton de l’intrigue. Ces histoires se suivent chronologiquement et offrent à chaque fois un nouveau décor.

Dans 50 degrés sous zéro, Félix et ses inséparables compagnons, Allume-gaz et Cabarez, quittent Temple, lieu de l’épisode précédent, pour se rendre à Chicago où une affaire de vols de fourrures les attend. Mais le nœud de l’intrigue se trouve à Milwaukee et en marge de cet épisode, Allume-gaz sera amené à se confronter à une terreur du ring, un catcheur nommé Le Gorille d’Oklahoma, prenant la place du Serpent d’Arizona bien malgré lui.

Dans L'argent est au fond, nos trois amis sont toujours à Chicago. Dans une salle des ventes, Allume-gaz achète un tableau estimé à 50$, une marine XVe signée d’un peintre italien, offrant 1000$. Et un acheteur se présente trop tard. Allume-gaz est fier de son acquisition, portant le tableau non emballé, face tournée vers les passants qui sont horrifiés. Et il y a de quoi. Pourtant en arrivant à leur appartement le vrai tableau est déjà là. C’est Félix qui l’avait échangé et l’acheteur déçu est lui aussi sur place. Un nommé Mike Curtis qui est amateur de vieilleries possède un document stipulant que sous la peinture se cache une carte au trésor. L’aventure commence avec pour but la récupération d’un trésor situé dans les eaux méditerranéennes. Plus précisément dans une baie de la Sardaigne. Mais quelques imprévus surgissent et Maurice Tillieux en profite pour placer quelques gags dont il a le secret.

A la fin de cet épisode marin, l’éditeur place un encart dénonçant les agissements d’un étudiant qui revend les anciens numéros trois fois leur prix d’achat. Ce qui l’amène à fustiger les mercantis de la brochure d’occasion… ! Alors, l’achat de ce collector est-il un investissement ? A vous de voir !

Mais ce n’est pas fini et je vous laisse le soin de lire les autres épisodes, dont la liste figure ci-dessous, ne désirant pas passer pour un défloreur d’intrigues.

 

Toutefois j’aimerai terminer mon petit article en vous faisant part d’une impression tenace qui m’a saisi dès les premières planches. Et peut-être serez-vous de mon avis si vous regardez attentivement les dessins figurant sur la couverture de l’album ou en vous rendant sur le site des éditions de l’Elan. J’ai été frappé (aie, pas sur la tête) par une certaine ressemblance graphique entre Félix et Tintin. Un Tintin qui porterait lunettes et béret mais sans Milou.

 

Ce volume comprend :

50 degrés sous zéro

L'argent est au fond

Le souffle du diable

Sabotage

Contrebande

Le Roi et le colonel

Maurice TILLIEUX : L’intégrale Félix N°8.

A lire également :

Maurice TILLIEUX : L’intégrale Félix N°8. Editions de L’élan. Parution le 19 mai 2019. 136 pages. 29,95 €.

ISBN : 978-2960185973

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27 juin 2019 4 27 /06 /juin /2019 04:43

En ces temps de canicule, un peu de fraîcheur

normande, ça vous tente ?

Didier CORNAILLE : Promenades et Randonnées dans le Cotentin & Promenades et Randonnées dans le Pays d'Auge.
Didier CORNAILLE : Promenades et Randonnées dans le Cotentin & Promenades et Randonnées dans le Pays d'Auge.

La Nature, telle une femme un peu coquette et consciente de ses charmes, ne se laisse découvrir qu'avec patience, lenteur, et amour.

Celui qui désire détecter, débusquer ses attraits doit la contempler avec l'œil d'un amoureux. Pour en apprécier les courbes et les déliés, il doit parcourir ses vallonnements, effleurer ses crêtes, épouser ses renflements, glisser dans ses creux, avec des caresses tendres, ne pas la polluer par d'intempestives émanations d'hydrocarbure. Il doit communier.

Didier Cornaille vous invite, à l'aide de petits guides faciles à transporter, d'aller à la rencontre de la nature, au pays du pommier dans le Pays d'Auge, ou dans cette excroissance semblable au nez de Cyrano qui s'appelle le Cotentin.

A pied, à cheval ou en VTT, il propose des parcours simples, détaillés, commentés. Il en indique la difficulté, les petits coins sympathiques, la situation géographique, comment y accéder, quels sont ses intérêts historiques, ses curiosités, la possibilité éventuelle d'un hébergement, de quelle façon jouer les nouveaux explorateurs.

Une foultitude de renseignements divers et précieux, complétés par un index des noms de lieux, qui feront le bonheur du randonneur amateur ou chevronné.

C'est également le plaisir de rencontrer des personnages intéressants qui œuvrent pour la protection du patrimoine.

Et lorsque vous aurez épuisé tous les itinéraires présentés par Didier Cornaille, pourquoi ne pas vous offrir d'autres évasions, en établissant vos propres circuits !

Didier CORNAILLE : Promenades et Randonnées dans le Cotentin. Guide du randonneur N°19. Editions SOLAR. Parution 1er avril 1996. 120 pages. ISBN : 978-2263023767

Promenades et Randonnées dans le Pays d'Auge. Guide du randonneur N°22. Editions SOLAR. Parution 1er avril 1996. 120 pages. ISBN : 978-2263023774

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16 mars 2019 6 16 /03 /mars /2019 05:35

Pour parodier un célèbre et ancien slogan

publicitaire pour une eau minérale :

1 foie, 2 reins, 3 raisons de lire cet ouvrage !

Olivier KOURILSKY : La médecine sans compter.

Les romanciers issus de la vénérable corporation des médecins sont si nombreux qu’il est difficile de les comptabiliser. Citons pour mémoire, Arthur Conan Doyle, A.J. Cronin, Franck Slaughter, Robin Cook l’Américain, Georges Duhamel, Louis-Ferdinand Céline, et dans des domaines plus particulier de la littérature dite populaire, Jean-Pierre Goiran alias Jean-Pierre Garen, Robert Clauzel et combien d’autres qui ne sont pas souvent répertoriés.

Sans oublier André Soubiran et sa saga des Hommes en blanc qui joue dans le même domaine que ce récit (ou inversement) mais était consacré à l’apprentissage d’un futur médecin généraliste et dont le texte était plus romancé.

Si Olivier Kourilsky, docteur K., s’est fait connaître par sa dizaine de romans policiers édités chez Glyphe, il se plonge avec cet ouvrage dans ses souvenirs d’étudiant en médecine, narrant ses débuts comme jeune élève, fils de parents œuvrant dans le domaine de la médecine, sixième enfant d’une fratrie qui se consacra elle aussi à non pas un travail mais à une vocation. Je ne reviendrai pas sur Raoul Kourilsky, le père d’Olivier, mais sachez que le petit (il a bien changé maintenant !) Olivier fut à bonne école. Puis son séjour prolongé, dix ans, à l’hôpital Tenon et son long séjour à Evry dans un établissement qui venait tout juste de sortir de terre lors de sa nomination.

Un récit qui oscille entre bonne humeur, blagues de potaches - il faut bien que jeunesse se passe et évacuer le stress des interventions médicales - entre sérieux des diverses opérations, relations avec les patients et leurs familles, et réquisitoire diplomatique envers les nouvelles méthodes de responsabilisation du personnel, méthodes qui privilégient l’aspect comptable à l’aspect humain.

Les souvenirs se réduisent parfois à des vignettes qui s’enchaînent comme des images, des diapositives montrant souvent la détresse des malades, leurs attentes, celles, détresse et attentes, des familles, les petites joies et les grandes peines. Les noms des divers médecins, internes, professeurs et spécialistes qu’Olivier Kourilsky a été amené à côtoyer au cours de sa carrière, plus principalement à l’hôpital Tenon puis au nouvel établissement d’Evry dans sa carrière de néphrologue, lui sont familiers et il les décline avec amitié la plupart du temps. Des noms qui ne diront rien la plupart du temps aux profanes comme moi qui ne connaissent que certains mandarins ayant fréquentés les plateaux télévisés tel les professeur Hamburger (le père de Michel Berger) et Cabrol. De même que le jargon médical employé pour décrire des interventions peut perturber le profane (dont toujours moi) mais cela n’entrave en rien la lecture qui joue avec la bonne humeur, ce petit goût de farces entre collègues. Olivier Kourilsky étant né un 1er avril, ceci explique sûrement cela.

Mais il s’agit également d’un réquisitoire et d’une diatribe envers les psychorigides qui n’acceptent pas que la déontologie ou l’éthique puissent être détournés au profit de l’humanisme. Concernant un problème d’éthique ayant un lien avec l’avortement (dans les années 1970, c’était non seulement un sujet tabou mais une pratique interdite quoi que de nos jours des praticiens refusent encore ce genre d’intervention sous couvert d’une morale chrétienne), Olivier Kourilsky écrit :

Je ne veux prendre aucun parti dans cette histoire, juste témoigner de mon malaise et rappeler ma conviction que toute position rigide dans ce domaine délicat fait fi des situations individuelles.

L’auteur pointe également du doigt certaine campagne médiatique qui n’aurait pas eu lieu d’être, déclenchée par le Canard, qui pour une fois s’était trompé de cible et mis la plume dans l’œil, relayée par des journaux pourtant prétendument sérieux.

Il est plus facile de stimuler des polémiques infondées que de reconnaître que l’on s’est trompé.

Il revient également sur la loi Caillavet de 1976, loi qui démontre l’importance des mots dans un texte et surtout l’interprétation qui peut en être faite, selon des critères, encore une fois, journalistiques erronés. Et il faut se souvenir qu’entre le fond et la forme, il existe souvent un gouffre qui ne peut être comblé.

 

Olivier KOURILSKY : La médecine sans compter.

Enfin, je ne résiste pas à citer cette phrase extraite de la préface de Pierre Ronco :

Ce livre offre l’opportunité de mettre en avant les innombrables difficultés engendrées ces dernières années par des lois tatillonnes et des personnels administratifs parfois condescendants, portés au premier rang par la loi HPST et par la création des pôles dont le principal objectif est la gestion financière sans grande considération pour les malades et leurs besoins. Si l’objectif de contrôle des dépenses est évidemment louable, les injonctions paradoxales dont les médecins et le personnel non médical sont la cible vont souvent à l’encontre de l’objectif souhaité.

Naturellement, il faut associer ces deux phrases à des directives administratives et comptables qui sont de plus en plus appliquées, notamment la fermeture de lits et surtout la fermeture de maternités, plus particulièrement en milieu rural, obligeant les parturientes à se déplacer plus loin, plus longtemps, avec les risques que cela implique. Et je ne pense pas uniquement aux accidents de la route qui peuvent être préjudiciables, mais aussi aux frais, à la fatigue, aux perturbations engendrées. Les technocrates qui pondent ces dérives vivent à Paris et ne sont pas assujettis à ce genre de problèmes.

 

Un livre qui devrait se trouver sur la table de chevet de bien des hommes (et femmes) politiques et de ceux qui, se flattant d’être bien portant, seront amenés un jour à être les hôtes d’hôpitaux comptant des bouts de chandelles et qui pour gagner quelques euros vont en dépenser dix fois plus en restructurations diverses. Mais ceux qui décident ne voient pas la plupart du temps plus loin que le bout de leur nez et les aberrations de leurs décisions. Mais je suis hors sujet. Quoi que…

Il ne faut pas oublier que pour soigner des affections plus ou moins graves, souvent chroniques, l’emploi de médicaments à base de corticoïdes est la norme alors que justement ces corticoïdes entraînent l’apparition de diabète chez des patients qui n’en étaient pas atteints. Alors on se cache derrière ce slogan, mangez moins gras, moins sucré, moins salé… Une façon de culpabiliser le malade et de se retrancher derrière des arguments fallacieux. Et des médicaments préconisés afin de soulager un patient et qui déclenchent une autre maladie, cela fait bien les affaires des laboratoires pharmaceutiques. Mais ce n’est que mon avis.

 

Je ne peux que vous encourager à visiter le site d’Olivier Kourilsky et à découvrir, si ce n’est déjà fait, quelques-uns de ses romans.

 

Olivier KOURILSKY : La médecine sans compter. Préface de Pierre Ronco de l’Académie de médecine. Editions Glyphe. Parution le 2 mars 2019. 254 pages. 16,00€.

ISBN : 978-2358152532

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15 novembre 2018 4 15 /11 /novembre /2018 06:12

Quand le jazz est
Quand le jazz est là…

Pascal ANQUETIL : Portraits légendaires du jazz.

Un célèbre dicton affirme qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Personnellement je préfère l’inverse : il n’est jamais trop tôt pour bien faire.

Par exemple, Noël se fêtera dans quelques semaines, pourtant il n’est pas interdit d’anticiper, de commencer une liste à soumettre à votre conjoint, à votre famille ou à vos amis. Une liste ne comportant qu’une seule ligne, ou si vous êtes gourmand, plusieurs lignes.

Mais je vous conseille de mettre bien en évidence, en priorité absolue, ce livre qui ne ravira pas uniquement que les amateurs de jazz mais aussi tous ceux qui aiment les beaux ouvrages, à placer près de votre discothèque personnelle et à compulser régulièrement.

 

Dans ce recensement de soixante-dix figures marquantes du jazz, seulement oserais-je écrire car il est bien connu que le lecteur avide n’est jamais satisfait, l’auteur de cette nouvelle Bible propose un classement original par genres. Huit genres qui se répartissent ainsi : Les Génies décisifs, Les Maîtres chanteurs (et chanteuses ! c’est moi qui ajoute l’élément féminin car ce sont bien elles qui ont enregistrées les plus belles plages musicales), Les Bâtisseurs de mondes, Les Virtuoses du bonheur, Les Anges déchus du lyrisme, Les Maîtres célibataires, Les Chefs de file et enfin les Musiciens intimes.

Dans les Génies décisifs, génie étant un mot à prendre dans le sens d’aptitudes innées, de dispositions naturelles, et qui concerne les personnes qui possèdent ces aptitudes, sont recensés sans que l’on puisse contester ce choix : Duke Ellington, Louis Armstrong, Django Reinhardt, Thélonious Monk, Charlie Parker, Miles Davis, John Coltrane et Bill Evans. Tous ces interprètes ont en effet apporté et imposé leur souffle, leur doigté, leur sonorité, leur innovation, leur empreinte, leur conception du jazz. Ils sont aussi, chacun dans le genre qui les a rendus célèbres, des pères fondateurs, des références immuables du monde musical. Ils sont devenus des icônes, dont le nom est inscrit au firmament et dont l’étoile brillera longtemps.

Mais ce sont d’autres figures légendaires, bien connues des amateurs de jazz mais pas forcément des profanes, de ceux qui ne possèdent qu’une approche approximative de ce type musical, qui ont retenu mon attention parce qu’elles méritent un détour appuyé.

Jimmy Lunceford, par exemple, chef d’orchestre rigoureux dont on disait qu’il conduisait son ensemble d’une baguette de fer dans un gant de velours. Il concurrença même dans les années 30 Duke Ellington, débutant en 1934 avec le bigband d’élèves d’une école de Memphis et investissant le célèbre Cotton Club. Le départ de Sy Oliver, trompettiste et arrangeur, sonna le glas de cette formation tout autant auditive que visuelle.

Autre artiste atypique, multi-instrumentiste, homme orchestre et barde visionnaire malgré ou à cause de sa cécité, Roland Kirk pouvait jouer de plusieurs instruments à vent à la fois. Malheureusement ses prestations scéniques, alors qu’il était harnaché d’instruments de son invention, ont occulté son talent de musicien.

Si j’ai cité deux cas typiques du jazz, j’aurais pu également parler de Michel Petrucciani, Jelly Roll Morton, Charlie Parker, Barney Wilen, Chet Baker, Clifford Brown, Fats Waller, Art Farmer, Lennie Tristano, Wes Montgomery, Albert Ayler, Horace Silver… Et parmi ceux-ci combien de destins brisés à la fleur de l’âge…

Les artistes masculins, instrumentistes et interprètes sont représentés majoritairement mais les femmes sont également présentes, très peu, trop peu, avec en tête Billie Holiday, Ella Fitzgerald. Mais des fiches sont aussi consacrées à des chanteuses anciennes ou modernes, telles que Anita O’Day, Sarah Vaughan, Abbay Lincoln, Shirley Horn ou encore Diana Krall.

Chaque fiche est accompagnée d’une, ou plusieurs très belles photos en noir et blanc, pleine page.

 

Pascal Anquetil, amateur (dans le sens de connaisseur) éclairé du jazz si l’on en croit son Curriculum Vitae, président du jazz club de Dunkerque, membre de l’académie du jazz, administrateur de l’Orchestre national de jazz, collaborateur à Jazz Magazine-Jazzman, et autres casquettes tout aussi avouables, Pascal Anquetil aime le jazz et sait le faire aimer.

Il écrit avec une plume trempée dans l’encrier du savoir et de la passion, du lyrisme et de l’affectif. Et n’étant qu’un modeste chroniqueur non appointé, je me garderai bien de gloser, comme certains des confrères de Pascal Anquetil, sur un style parfois emphatique, car tous ces musiciens le valent bien. Ce livre est un véritable plaisir des sens, à lire et à regarder, à offrir et à s’offrir (si il en reste !).

Pascal ANQUETIL : Portraits légendaires du jazz. Tana éditions. 224 pages. Parution le 29 septembre 2011. 222 pages. 45,00€.

ISBN : 978-2845676985

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11 novembre 2018 7 11 /11 /novembre /2018 05:56

Hommage à tous les fusillés pour l’exemple durant la Grande guerre de 14/18 ! Quand certains généraux avaient du sang sur les mains….

Macha SERY & Alain MOREAU : Blanche MAUPAS, la veuve de tous les fusillés.

Tout le monde, ou presque, se souvient du livre de Jean Amila, Le Boucher des Hurlus paru en 1982 dans la Série Noire dans lequel l’auteur met en scène Michou dont le père a été fusillé lors des mutineries de 1917, laissant entendre que cette histoire serait en partie autobiographique.

Il n’en est rien mais une porte était ouverte dans l’exploration de la petite histoire de France et de ses secrets militaires. A peu près à la même époque Didier Daeninckx écrivait Le Der des der, roman dans lequel l’auteur ouvrait une page méconnue de l’histoire, la répression des soldats russes qui désiraient regagner leur pays afin de participer au partage des terres, en 1917 et la conduite scandaleuse de l’état-major militaire français de cette époque.

Or le grand-père paternel de Didier Daeninckx fut lui-même déserteur après avoir vécu trois ans dans les tranchées, échappant aux recherches et aux pelotons d’exécution et enfin amnistié alors qu’il avait été condamné pour trois ans aux travaux forcés. D’autres n’eurent pas la chance de survivre aux ignominies despotiques de militaires intransigeants planqués dans leur état-major, alors que ce qui leur était reproché équivalait à peu de chose, pour ne pas dire à rien.

 

Instituteur, tout comme sa femme, au Chefresne, petit bourg situé entre Percy et Villedieu les Poêles dans la Manche, Théophile Maupas apprend en lisant le journal l’assassinat de Jaurès. Nous sommes le 2 Août 1914. Quelques jours plus tard, le tocsin résonne dans le village. C’est la mobilisation générale. Malgré ses quarante ans et sa situation d’instituteur, Théophile est incorporé, avec en compensation le grade de caporal. Direction Souain dans la Marne alors que tout le monde pensait qu’il serait affecté à l’arrière. De septembre 1914 à mars 1915, sa compagnie croupit dans les tranchées, avançant de quelques mètres ou stagnant la plupart du temps, dans la pluie, la boue, le froid, le gel, ayant pour objectif un moulin ou une crête. Reprendre du terrain à l’ennemi, idée fixe des gradés qui délègue des sous-officiers chargés non pas de leur remonter le moral mais les bretelles. Lors du commandement du déclanchement d’une attaque quelques hommes grognent. Ils n’en peuvent plus. Ils sont fatigués, harassés, exténués, ils ont le moral dans les bandes molletières.

Pendant ce temps au Chefresne, comme ailleurs, les femmes accomplissent les travaux des champs en plus d’élever leurs enfants, qui pour certains n’auront jamais le plaisir de voir leur père décédé avant leur naissance. Blanche fait office de secrétaire de mairie et rédige les lettres de celles qui ne savent ni lire ni écrire. Jusqu’au jour, courant mars 1915, où elle reçoit un courrier officiel lui annonçant le décès de son mari. Non pas mort pour la France, ce qui eut été une piètre consolation, mais fusillé pour l’exemple. Elle ne peut y croire mais pourtant la réalité est là. Et tout le monde autour d’elle se détourne. Elle luttera contre vents et marées pendant dix-neuf ans afin de réhabiliter la mémoire de Théophile, recherchant des témoignages auprès de soldats ayant soit connu son époux, soit auprès de ceux qui auraient eu connaissance des faits.

 

Malgré l’administration, malgré les mauvaises langues, malgré l’inertie ou la mauvaise foi militaire, elle va démontrer un courage à toute épreuve, réussissant à mobiliser des associations, des personnes qui se sentent impliquées dans son combat, car Théophile ne fut pas le seul à être « fusillé pour l’exemple ».

Un livre écrit comme un roman, ménageant le suspense, et instillant une révolte dans le cœur du lecteur devant l’abjection, l’infamie, la bassesse des officiers militaires qui non contents d’avoir envoyés au peloton d’exécution des hommes innocents, paradèrent à l’armistice et reçurent la Légion d’Honneur. Un livre émouvant qui donne à réfléchir sur les déclarations des instances officielles.

Ce livre a fait l’objet d’une adaptation cinématographique, réalisation de Patrick Jamain, scénario et dialogues Alain Moreau, avec dans les rôles principaux Romane Bohringer et Thierry Frémont.

Macha SERY & Alain MOREAU : Blanche MAUPAS, la veuve de tous les fusillés. Editions de l’Archipel. Novembre 2009. 236 pages. 22,50€.

ISBN : 978-2809802320

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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