Félix ne faisait pas de potins…
Contrairement à l’affirmation de certains qui énoncent avec componction que ceci ne nous rajeunit pas, je déclare que justement ceci nous rajeunit, nous permettant de nous replonger dans une enfance qui ne connaissait pas les soucis des adultes.
De mes souvenirs d’enfance surnagent quelques bandes dessinées. Naturellement les aventures parues dans Spirou, Tintin et Le Journal de Mickey, de petits fascicules surtout consacrés à des héros fictifs ou réels du Far-West tels que Hopalong Cassidy, Kit Carson et combien d’autres.
Mais jamais, ou alors je n’en ai pas souvenance, d’historiettes consacrées à Félix, le précurseur de Gil Jourdan, deux héros créés par Maurice Tillieux.
C’est avec un plaisir indicible que j’ai découvert ce personnage dans des historiettes qui ne dépassent pas les douze pages. Mais elles étaient publiées dans une revue belge entre 1949 et 1956, Héroïc-Albums, magazine dont la diffusion devait être confidentielle en France, et qui accueillit en son sein des auteurs qui par la suite devinrent des légendes de la bande-dessinée : Greg, Tibet ou encore Jidehem…
Ce qui m’a marqué au premier abord, c’est la sobriété des histoires (ce qui se comprend étant donné le nombre restreint de planches), mais surtout des dessins. Un style ligne claire, sans fioriture, sans détails excessifs, très simples. Pourtant ces dessins sont explicites, soignés, et seuls les détails indispensables à la compréhension de l’histoire sont présents sans être envahissants.
Comme le font remarquer Daniel Depessemier et Etienne Borgers dans les dossiers consacrés à Maurice Tillieux et à Félix en prologue de cet ouvrage, souvent l’auteur a puisé dans ses lectures de romans policiers, qu’ils soient américains et de tendance Hard-boiled, ou dans les ouvrages de ses compatriotes tel Stanislas André Steeman, le Simenon belge comme l’avait écrit étourdiment un critique littéraire, mais sans pour autant les copier, les plagier.
Si ces histoires possèdent un fond déjà exploité par ailleurs, il a su se défaire du contexte et leur donner un tournant qui en font des nouveautés. D’ailleurs, les romans policiers, tout comme la littérature générale ou dite blanche, emploient la plupart du temps, pour ne pas dire toujours les mêmes ressorts, et les mêmes thèmes. Ceux-ci ne sont pas extensibles, seule la manière de les cultiver, de les améliorer, de leur fournir de nouveaux débouchés, offrent ce qui s’avère une nouveauté. Et l’imagination et la créativité de l’auteur permettent à ces histoires de se renouveler.
Chaque histoire est précédée des programmes non stop, ou bandes annonces, qui étaient inclus dans les numéros précédents sa parution dans le magazine et donnaient le ton de l’intrigue. Ces histoires se suivent chronologiquement et offrent à chaque fois un nouveau décor.
Dans 50 degrés sous zéro, Félix et ses inséparables compagnons, Allume-gaz et Cabarez, quittent Temple, lieu de l’épisode précédent, pour se rendre à Chicago où une affaire de vols de fourrures les attend. Mais le nœud de l’intrigue se trouve à Milwaukee et en marge de cet épisode, Allume-gaz sera amené à se confronter à une terreur du ring, un catcheur nommé Le Gorille d’Oklahoma, prenant la place du Serpent d’Arizona bien malgré lui.
Dans L'argent est au fond, nos trois amis sont toujours à Chicago. Dans une salle des ventes, Allume-gaz achète un tableau estimé à 50$, une marine XVe signée d’un peintre italien, offrant 1000$. Et un acheteur se présente trop tard. Allume-gaz est fier de son acquisition, portant le tableau non emballé, face tournée vers les passants qui sont horrifiés. Et il y a de quoi. Pourtant en arrivant à leur appartement le vrai tableau est déjà là. C’est Félix qui l’avait échangé et l’acheteur déçu est lui aussi sur place. Un nommé Mike Curtis qui est amateur de vieilleries possède un document stipulant que sous la peinture se cache une carte au trésor. L’aventure commence avec pour but la récupération d’un trésor situé dans les eaux méditerranéennes. Plus précisément dans une baie de la Sardaigne. Mais quelques imprévus surgissent et Maurice Tillieux en profite pour placer quelques gags dont il a le secret.
A la fin de cet épisode marin, l’éditeur place un encart dénonçant les agissements d’un étudiant qui revend les anciens numéros trois fois leur prix d’achat. Ce qui l’amène à fustiger les mercantis de la brochure d’occasion… ! Alors, l’achat de ce collector est-il un investissement ? A vous de voir !
Mais ce n’est pas fini et je vous laisse le soin de lire les autres épisodes, dont la liste figure ci-dessous, ne désirant pas passer pour un défloreur d’intrigues.
Toutefois j’aimerai terminer mon petit article en vous faisant part d’une impression tenace qui m’a saisi dès les premières planches. Et peut-être serez-vous de mon avis si vous regardez attentivement les dessins figurant sur la couverture de l’album ou en vous rendant sur le site des éditions de l’Elan. J’ai été frappé (aie, pas sur la tête) par une certaine ressemblance graphique entre Félix et Tintin. Un Tintin qui porterait lunettes et béret mais sans Milou.
Ce volume comprend :
50 degrés sous zéro
L'argent est au fond
Le souffle du diable
Sabotage
Contrebande
Le Roi et le colonel
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Ohé, ohé, capitaine abandonné Ohé, ohé, mets des ailes à ton voilier... Il suffit d'un articulet paru dans un journal et retrouvé quelques années plus tard pour fournir la genèse d'un roma...
Maurice TILLIEUX : L’intégrale Félix N°8. Editions de L’élan. Parution le 19 mai 2019. 136 pages. 29,95 €.
ISBN : 978-2960185973
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