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25 juin 2019 2 25 /06 /juin /2019 04:52

Bâtard est souvent meilleur fils

que l'enfant légitime.

Euripide.

Hubert de MAXIMY : Le bâtard du Bois noir.

Bénéficiant d’une permission de cinq jours, le jeune lieutenant Marius Malaguet revient au pays quatre ans après son départ pour le front.

Le pays, c’est Pontempeyrat, près de Craponne-sur-Arzon en Haute-Loire, où Marius a vécu durant dix-neuf ans, avant de tout quitter pour s’engager pour la guerre qui venait de débuter. Dans le train qui le ramène pour quelques jours, il revoit son enfance défiler dans son esprit comme le paysage derrière la vitre. Des bouffées de souvenirs qui se mélangent quelque peu, mêlant passé lointain issu de sa jeunesse et les années qui viennent de se dérouler sur le front, et peut-être une anticipation de ce qui l’attend revenu au village.

Comment un jour, alors qu’il n’avait que cinq ans, il s’était enfui de la ferme où sa mère était employée comme servante et où ils vivaient en compagnie de l’agriculteur qui les logeait et les nourrissait, pour une taloche de trop. Comment il avait fait la connaissance du Gallu, dit aussi le Vieux. Un colosse, un homme des bois, au passé énigmatique.

Puis plus tard lorsqu’à l’école, il n’avait pas de camarades, et fut affublé du surnom de Bastardou. Ce qui ne l’avait pas empêché de poursuivre ses études pour travailler par la suite aux Eaux et Forêts. Jusqu’à ce jour où par des insinuations, alors que sa mère n’avait jamais rien dévoilé de sa conception, il avait cru comprendre que son père n’était autre que le paysan chez qui ils vivaient.

Et alors qu’avec Jeanne, la jolie fille du fermier, dont la mère était décédée à sa naissance, il pensait pouvoir se marier, les projets tombent à l’eau. Il a toujours connu Jeanne et leur affection s’était peu à peu muée en amour. Mais le secret de sa naissance l’oblige à rompre un contrat moral, et il s’engage dans l’armée.

Quelques années plus tard, alors qu’il est sous-lieutenant, il a une algarade avec des gendarmes. Ceux-ci ne vont pas au front et se montrent arrogants. Comme d’habitude. Alors, il est nommé lieutenant, une fausse promotion qui cache une sanction. Il se retrouve à la tête d’un régiment de bagnards, des têtes brûlées. Une sanction disciplinaire.

Mais il parvient à s’attirer leur sympathie et une espèce de dévouement que n’auraient sûrement pas obtenu d’autres officiers. Surtout avec l’adjudant Johannes Alayel, un presque pays avec lequel il s’entretient de temps à autre en patois. Et le passé des forçats, peu lui chaut. Il n’exige que discipline, afin de préserver la vie des hommes qui sont sous son commandement.

Mais en ce mois d’août 1918, les choses ont bien changé. Jeanne s’est mariée avec celui qui fut son tourmenteur à l’école. Et Marius repart avec des bleus à l’âme pour le front, se demandant quand et comment cette guerre finira. Si elle finira un jour. Et dans les tranchées, les bellicistes jouent à saute-mouton, reprenant le terrain perdu la veille.

 

En ce temps là, être fille-mère n’était pas bien vu par les bonnes âmes pensantes, et le nom du géniteur était bien gardé, ce qui entraînait souvent des suspicions, des rumeurs, des doutes, des suppositions souvent erronées. Et cela jetait l’opprobre aussi bien sur la mère fautive que sur l’enfant.

Et si les deux avaient la chance d’être recueillis, souvent ce n’était pas dans un but désintéressé. Le jeune Marius en subit les conséquences et il est obligé de travailler à la ferme comme un forçat, tout en suivant des études qui devraient lui permettre de s’extirper de sa condition d’adolescent au père inconnu. Mais tout au long de sa jeunesse puis plus tard, il trouvera en la personne de Gallu une aide et un réconfort appréciables. Des conseils avisés également, et le Vieux lui transmettra l’amour de la nature. Jusqu’au jour où il suppose que son géniteur ne pourrait être qu’autre que le fermier.

Brisé son rêve de devenir fonctionnaire et surtout d’unir sa vie avec Jeanne qui devient de fait sa sœur, ou demi-sœur. Mais les liens du sang ne pourraient aboutir qu’à un inceste. Alors c’est le départ pour le front. Il sait, ou il croit, qu’il n’a plus rien à perdre.

Ce roman aborde également les horreurs de la guerre, et un épisode moins connu, celui de l’enrôlement forcé des forçats de Cayenne afin d’être en pointe sur les tranchées de Craonne ou autres.

Une ambiance double dans ce roman qui aborde la vie à la campagne dans une atmosphère plus ou moins pastorale, bucolique, et les affres de la guerre qui n’épargne personne mais permet de se forger de solides amitiés. Et dévoiler par la même occasion des secrets de famille.

Un roman puissant ancré dans le passé plus ou moins proche traité avec pudeur et qui recèle de nombreuses surprises, surtout vers la fin.

Réédition collection Terre de Poche. Editions de Borée.

Réédition collection Terre de Poche. Editions de Borée.

Hubert de MAXIMY : Le bâtard du Bois noir. Editions de l’Archipel. Parution le 4 juin 2008. 264 pages.

ISBN : 978-2809800586

Réédition collection Terre de Poche. Editions de Borée. Parution le 11 juin 2010. 7,60€.

ISBN : 978-2812900419

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6 juin 2019 4 06 /06 /juin /2019 04:56

La moutarde leur monte au nez !

A mort à Roma !

B. &F. DARNAUDET, G. GIRODEAU et Ph. WARD : Détruire Roma !

Tous les ingrédients de l’heroïc-fantasy, ou presque, se catapultent dans ce roman échevelé écrit à huit mains et quatre têtes pensantes.

Nous retrouvons avec plaisir les principaux protagonistes des deux ouvrages précédents, mais les auteurs leur fournissent des épisodes les mettant plus ou moins en valeur.

Posel Virt Schneesturm est surnommée le Cardinal du Nord ou le Blizzard vivant, car pour l’heure, et peut-être encore pour longtemps, son sexe alimente les débats. En effet son appartenance à la catégorie mâle n’est pas établie et il serait possible que Posel soit une femme, la papesse de la Dernière nouvelle foi. Ma foi, peu nous chaut, ce sont ses intentions qui comptent et lorsque nous entrons par effraction dans l’histoire, elle chemine vers le fief teutonik de Marienburg afin d’y trouver des alliés pour la réalisation de son entreprise.

Elle est accompagnée du sénéchal Laguerre qui lui propose de monter en Nederland afin de s’allier avec les Libéraux de Bolkestein et si cela ne l’agrée guère, elle accepte néanmoins car la parole du sénéchal est sage. Mais Simon de Malfort tempête car il se sent seul, pensant à une défection de Laguerre, alors que celui-ci se dirige vers Paris. Malfort doit couper la route aux troupes du sultan An-Nisâr. Un jeune chevalier conseille de se diriger vers Poitiers afin de couper la route aux Arabes. Il se nomme Martel.

Pendant ce temps, Xavi El Valent et ses compagnons, le Dard M’Odet, Lo Singlar et quelques autres se trouvent confrontés à une horrible bête. Xavi se défend vaillamment mettant tout son cœur à l’ouvrage, brandissant son fidèle Glaive de justice qui en rougit de plaisir, mais le Tre (c’est le nom de son adversaire) sait où donner de la tête. Elle lorsqu’elle est coupée, elle repousse multipliée par trois. L’hydre n’est pas loin.

A Roma, au Vatikan, trente vieillards vêtus de rouge, s’apprêtent à élire un nouveau pape, officiel selon leurs critères. Pedro de Luna a exigé la tenue d’un nouveau concile, promettant, s’il est élu, de recruter des milliers d’Almogovarks, d’être impitoyable envers les hérétiques et d’activer le dôme magique de Sanctus Philippus. Il est élu sous le nom de Benedictus XIII, et non sous celui de Luna Park comme certains le pensaient.

Mais les imbrications religieuses et politiques sont complexes, ce qui n’empêche pas l’amour de s’insérer dans ces pages, et les faits d’armes se suivent sans pour autant se ressembler. Ainsi, arrêtons-nous quelques instants dans l’antre de Çal’Us, le mage mi-homme, mi-ours, un nécromant qui garde prisonnière la jeune Enrekhtouès, l’Egyptienne. Xavi et ses compagnons sont accueillis, façon de parler, par Agna, sorcière et incidemment sœur de Xavi. Çal’Us possède dans un cercueil une momie et il veut la ramener à la vie, ce qu’il fait, mais il ne pensait certes pas que celle-ci allait réagir d’une façon non programmée. Il s’agit d’Abdul al-Hazred, un nécromancien auteur du Nécronomicon.

Je passe rapidement sur bon nombre de faits d’armes ayant pour protagonistes Bernadette (elle est chouette !) di Venezia, cardinale amazone de son état, Gontran le Défiguré, chef des lézards religieux et dont le mot d’ordre est il n’y a pas de lézard, Olympe de Fois, dévot, dite la Pucelle, qui manie la hachette, Jirrodo, nabot démoniaque et chef des cardinaux de la bande à Gontran, plus quelques autres, de moindre importance mais dont la présence s’avère capitale dans des épisodes hauts en couleurs. Et pour la petite histoire, sachez qu’un navire métallique va s’immiscer dans le décor, mais je n’en dis pas plus même si vous restez sur votre faim, car déjà j’en ai trop écrit.

 

Ce roman est découpé en trois chants, comme à l’époque médiévale des trouvères, à ne pas confondre avec les troubadours qui n’étaient pas d’origine occitane, titrés et signés :

Dans l’antre des Teutoniks, des trouvères Boris et François Darnaudet.

Le sort en est jeté par Philippe Ward, qui se déclare troubadour juste pour embêter ses compagnons.

Tagumpay, tagumpay ! pel narrador katalan Gildas Girodeau

 

Chaque auteur porte cette histoire quelque peu déstructurée mais possédant une logique et une continuité en jouant avec les différents personnages et en leur donnant une prépondérance ou en limitant leurs interventions. Chacun des auteurs intègre ses préférences, ses phantasmes, ses points d’ancrage, sa sensibilité, et on ne sera pas étonné, du moins ceux qui ont lu leurs romans, que chez Darnaudet père et fils une grande part est consacrée aux combats, chez Philippe Ward on retrouve le thème de l’ours, chez Gildas Girodeau la Méditerranée, Mare Nostrum, fait partie intégrante du décor même si elle ne sert que liaison, le tout étant lié à l’Occitanie.

Et l’on ne sera pas étonné non plus des nombreux clins d’yeux envoyés à d’autres auteurs, et à eux-mêmes, par personnages interposés, dont l’identité ne devrait pas échapper à ceux qui connaissent l’amitié qui les lie souvent depuis des années. Donc outre, Dard M’Odet, Laguerre, Jirrodo, les initiés reconnaîtrons sans mal qui se cache sous les patronymes de Bernadette di Venezia, Galerne de Palerme, Queudeville, Zolma…

Mais on pourra également remarquer que Lovecraft (voir ci-dessus) et la mythologie grecque ou les Contes des Mille et une nuits , avec les chevaux ailés et la présence d’Orientaux, entre autres, s’immiscent dans cette histoire qui dépasse largement le cadre de l’Occitanie.

La sorcellerie et la magie jouent un rôle primordial et l’on pourrait croire que ceci réglerait bon nombre d’actions, mais chaque protagoniste possède, là aussi, ses points forts et ses faiblesses. Et cela fait penser, un peu, au combat entre Merlin et Madame Mim dans un dessin animé de Disney.

L’épilogue laisse un peu sur sa faim, mais il faut laisser les auteurs se renouveler et leur laisser le temps, d’autant qu’ils ont d’autres préoccupations, d’autres romans en solo à écrire.

B. &F. DARNAUDET, G. GIRODEAU et Ph. WARD : Détruire Roma ! La saga de Xavi El Valent 3. Collection Blanche N°2176. Editions Rivière Blanche. Parution le 2 avril 2019. 220 pages. 18,00€.

ISBN : 978-1-61227-862-9

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26 mai 2019 7 26 /05 /mai /2019 04:11

Lorsque Ernest Pérochon, Prix Goncourt 1920, se montrait visionnaire !

Ernest PEROCHON : Les hommes frénétiques.

Si le nom d’Ernest Pérochon reste indissociable de Nêne, son plus grand succès prix Goncourt 1920, il faut avouer qu’une grande partie de sa production littéraire est quelque peu oubliée de nos jours. Et Les hommes frénétiques est la seule incursion de Pérochon dans le domaine de la science-fiction.

Pourtant dans cette anticipation, la vision qu’il donne de l’humanité est crédible car par bien des points elle reflète ce qu’il se déroule de nos jours et met en scène des événements qui se sont produits vingt ans après sa première parution en 1925. Et encore de nos jours avec des « améliorations » scientifiques et technologiques.

Lorsque débute cette histoire, nous sommes au cinquième siècle de l’ère universelle, et le jeune scientifique Harrisson, élève du presque centenaire Avérine, savant reconnu et estimé de tous, vient de créer quelque chose et il se demande comment cette découverte va être perçue. Il travaille en compagnie de deux autres scientifiques plus âgés et de la jeune Lygie Rod, déjà célèbre pour ses travaux.

Il est content et, trentenaire, il possède encore un fond juvénile qui le pousse à taquiner Samuel, un gamin métis quelque peu arriéré, qui joue avec un chat. Mais ce n’est qu’une récréation après ses heures de recherches et il aspire également à s’imprégner de l’extérieur, de l’air frais, de l’odeur des plantes.

Mais il aime également compléter sa culture de l’histoire de la planète et il se plonge dans l’un des volumes de la bibliothèque de son maître, un volume relatant comment après la guerre de 1914-1918, les progrès ont déréglés l’humanité.

Le rôle des avions dans un environnement belliciste, puis les affrontements entre Nord et Sud, les avancées technologiques des Asiatiques, les guerres qui ravagèrent la planète, les avions de plus en plus performants déversant des bombes bactériologiques sur des cibles précises et autres formes scientifiques d’attaques.

Ecrivant l’histoire de l’humanité à l’âge scientifique, l’auteur, avec une implacable logique, démontrait qu’à l’origine de tout changement dans la marche de la civilisation, on trouvait une découverte dont personne, le plus souvent, n’avait tout d’abord mesuré l’importance.

Plus loin, Ernest Pérochon, après avoir décrit succinctement la guerre de 1914/1918, puis la suite anticipative, déclare :

Jamais peut-être l’humanité n’avait manqué à ce point de clairvoyance et de bonne volonté. La science progressait rapidement, et peu de gens songeaient à s’étonner et à se méfier. L’intelligence semblait quelque peu assoupie ou désorientée.

En plus d’une contrée, de grossiers histrions se hissaient aux tréteaux populaires ; des demi-fous brandissant la matraque, réussissaient à se faire écouter.

Mais ça, c’était avant. Depuis, l’humanité vivait en bonne intelligence, comme si elle avait compris l’enseignement. Les souvenirs lamentables du crépuscule chrétien sont-ils effacés ? Il faut croire que non. Des échauffourées se dressent entre les parallèles malgré les mises en garde d’Avérine, d’Harrison et du Conseil Central qui se positionne au-dessus des nations, comme tenta de le faire la SDN et de nos jours l’ONU.

Les échauffourées se transforment rapidement en guérillas, puis en guerres entre nations, et c’est bientôt l’embrasement.

Le péril jaune était depuis longtemps dénoncé dans des romans populaires, et Ernest Pérochon emboîte le pas dans son analyse.

En face, se dressait le bloc inquiétant des peuples jaunes. Ceux-ci, la science, comme le coup de baguette d’une fée, les avaient tirés d’un long engourdissement. Le réveil avait été prodigieux. Leurs savants égalaient en réputation les savants d’Europe et d’Amérique ; leurs industriels, leurs commerçants, leurs banquiers envahissaient les marchés du globe ; en même temps, une renaissance artistique sans précédent coïncidait chez eux avec une dépravation morale qui étonnait le vieux monde.

 

Les progrès scientifiques inéluctables semblent faire peur à l’auteur.

La société moderne (celle dans laquelle vivent Harrisson et consorts) devait avant tout, surveiller étroitement les recherches scientifiques. Or, rien n’était fait. Sous le prétexte de liberté individuelle, le savant demeurait maître de ses actions tout aussi bien que le mortel inoffensif.

Le déclenchement de cette nouvelle guerre qui devient internationale, planétaire même, est issu d’une simple revendication émanant des agents des transports aériens bientôt suivis par d’autres corps de métiers dont les gens de maison, les cinétéléphonistes, les météorologistes : la journée d’une heure. Mais les revendications de ces professions ne sont pas du goût des agriculteurs, des artisans à domicile, des distributeurs qui regroupent presque toute la population méridienne.

 

Harrisson et Lygie décèlent un phénomène qu’ils isolent et qu’ils désignent sous le nom de système féérique. Mais ce n’est pas le seul sujet sur lequel Harrisson travaille. Les effets s’en feront ressentir plus tard, mais l’on peut comparer le système féérique à ce qui équivaut à ce qui s’est déroulé sur le Japon en 1945 par le largage de bombes nucléaires. Quant à l’autre aspect scientifique, il s’agit ni plus ni moins que de la stérilisation des êtres humains.

 

Les guerres, celle de 1939/1945 puis celle qui fait l’objet de ce roman avec Harrisson comme protagoniste principal, sont longuement, soigneusement, méticuleusement décrites et pourtant il ne s’agit que de l’anticipation. Mais une anticipation réaliste par bien des épisodes.

On pourrait, sans exagérer, déclarer que ce roman est un compromis entre La guerre des mondes de H.G. Wells et les romans dits préhistoriques de Rosny Aîné. En effet la guerre vécue par Harrisson et ses amis se termine de façon cataclysmique et apocalyptique et, comme l’ont fait par la suite bien des auteurs de science-fiction, il existe une résurgence de l’humanité sous forme quasi préhistorique. Mais comment, cela est décrit dans ce roman qui dénonce certains ravages provoqués par une utilisation mal maîtrisée de la science et des technologies, et naturellement des guerres qui s’ensuivent à cause du refus de la prépondérance des peuples sur les autres par chefs d’états interposés. Paru en 1925, ce roman annonçait déjà l’arrivée de dictateurs tels que Hitler et quelques autres, et si l’on veut regarder autour de soi de nos jours, on peut en trouver d’autres en exercice.

Roman d’anticipation et de science-fiction, roman social, Les hommes frénétiques est aussi et peut-être surtout un roman humaniste et une vision de l’avenir désespérée et pourtant porteuse d’espoir.

Première édition : Plon 1925.

Première édition : Plon 1925.

Réédition : Editions Marabout Science-fiction N° 388. 1971.

Réédition : Editions Marabout Science-fiction N° 388. 1971.

Ernest PEROCHON : Les hommes frénétiques. Editions SNAG Fiction. Parution le 4 avril 2019. 352 pages. 18,00€.

Première édition : Plon 1925.

Réédition : Editions Marabout Science-fiction N° 388. 1971.

ISBN : 978-2490151097

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25 mai 2019 6 25 /05 /mai /2019 04:50

Faut pas mollir Maguy !

Paul FEVAL : Les Molly-Maguires.

Plus connu pour la série d’arrestations et les procès qui eurent lieu entre 1876 et 1878 en Pennsylvanie aux Etats-Unis à cause de leur mutinerie contre les propriétaires de mines qui refusaient le syndicalisme, les Molly-Maguires étaient des Irlandais regroupés dans une société secrète qui œuvra d’abord sur leur île en rébellion contre les Orangistes Britanniques. Les Catholiques contre les Protestants.

Au moment où débute cette histoire, au mois de novembre 1844, dans la région de Galway, nous faisons la connaissance de la famille du vieux Miles Mac-Diarmid. Attablé en train de souper, il est accompagné de ses huit fils dont l’âge s’échelonne d’une trentaine d’années à dix-huit ans, d’Ellen Mac-Diarmid, une parente âgée de vingt ans, d’un homme en haillons, invité à se restaurer, d’une gamine nommé Peggy. Seule manque à l’appel, Jessy, la jeune nièce de Miles Mac-Diarmid, qui est mariée depuis peu à Lord George Montrath. Mais le vieux Mac-Diarmid s’inquiète pour Jessy dont les nouvelles ne parviennent que rarement.

Néanmoins, il leur faut rendre hommage à Ellen, que Miles Mac-Diarmid considère comme sa noble cousine. Et il est qu’elle fait partie de la famille, descendante des Mac-Diarmid qui autrefois possédaient un château, aujourd’hui en ruines, dans la région. Et ce n’est pas pour rien qu’elle est surnommée l’Héritière. Le vieux Miles Mac-Diarmid vitupère contre les Mollies, une société secrète dont les membres brûlent et pillent. Morris, l’un des fils tente bien de justifier leurs actes, démentant les pillages, mais rien n’y fait. Miles Mac-Diarmid est un fidèle de Daniel O’Connell, un Irlandais qui refusait l’implantation des Orangistes sur son sol mais considéré depuis comme une sorte de traître par les rebelles.

Il est question aussi d’un major anglais qui serait dans la ferme de Luke Neale, un fermier considéré comme un usurier, un assassin et autres qualités incompatibles avec l’honneur des Irlandais. L’évocation de Percy Mortimer, le major anglais, trouble Ellen, et l’un des plus jeunes fils de Miles s’en rend compte. Elle l’aime, se dit-il.

Au moment de se quitter, l’homme en haillons qui se prénomme Pat prend à part chacun des fils, leur glissant un petit mot en sourdine. Et tous les fils Mac-Diarmid sortent, l’un après l’autre, et se retrouvent à la ferme de Luke Neale, étonnés de se retrouver ensemble et d’appartenir à cette confrérie des Molly-Maguirres, avec comme mot de reconnaissance les Payeurs de minuit.

Ils sont venus s’emparer de Percy Mortimer, qui est blessé, et de Kate Neale, la fille du fermier, mais un homme, un chef sans nul doute, habillé d’un carrick, sauve la vie de Mortimer, car entre eux il existe une dette de sang. L’un des frères Mac-Diarmid aime Kate Neale, ils sont même fiancés selon lui, et c’est assez pour que les autres frères laissent également la vie sauve à la jeune fille.

La ferme est incendiée et au milieu des débris est dressé un panneau sur lequel est inscrit : La quittance de minuit.

Fin du prologue intitulé Les Molly-Maguire.

Débute alors l’histoire de L’Héritière qui se déroule six mois plus tard, en juin 1845 toujours à Galway et ses environs.

Dans une auberge, deux femmes et deux hommes se tiennent assis sur un banc, et buvant un rafraîchissement. L’un des deux hommes est sous-contrôleur à la police métropolitaine de Londres, et l’autre un pauvre hère qu’il soudoie afin que celui-ci effectue un faux-témoignage.

En effet, Miles Mac-Diarmid, le vieux Mac-Diarmid, est emprisonné suite à l’incendie de la ferme de Luke Neale. Les preuves manquent, et il serait bon que ses enfants affirment devant la justice que le vieux Miles était présent lors de cet incendie. Comme l’homme est pauvre et ne peut nourrir ses rejetons, la solution est toute trouvée.

Mais dans Galway, la tension est étouffante, tout comme la chaleur. Les Orangistes et les Irlandais ne manquent pas de s’invectiver, voire de se porter des gnons. Les soldats tentent de maintenir l’ordre sous le commandement du major Percy Mortimer. Mais celui-ci est un homme probe, sachant faire la part des choses, il est honnête et n’accepte aucun débordement de la part de ceux qui sont sous ses ordres. On serait tenté d’écrire qu’il ménage la chèvre et le chou. Pourtant il est la cible des Irlandais qui désirent sa mort et le lui font savoir en lui envoyant des messages sur lesquels est dessiné un cercueil.

Dans cette ambiance délétère et belliqueuse, se trament des histoires d’amour entre Anglais et Irlandaise ou inversement, de trahisons liées non pas à une approche politique mais à cause du paupérisme vécu par certains, des affrontements divers dans lesquels des enfants jouent un rôle non négligeable.

Paul Féval ne cache pas professer une attirance pour les idées du peuple Irlandais, l’envie de se débarrasser d’un envahisseur qui impose ses lois et sa religion, alors que dans certains de ses romans il met en avant une certaine supériorité des fils d’Albion. D’ailleurs bon nombre de ses romans ont en commun de mettre en scène des Britanniques, comme dans Jean Diable, La Ville-vampire, Les mystères de Londres et autres.

 

Le titre exact de ce roman qui comporte deux parties, L’Héritière et La galerie du géant, est La Quittance de minuit. Mais les éditions de l’Aube ne rééditent que le prologue, qui donne son titre à l’ouvrage, et la première partie dite l’Héritière. Ce qui peut induire en erreur les lecteurs, qui de ce fait n’ont en main qu’un roman tronqué de sa seconde partie, et les laisser sur leur faim.

Les heureux possesseurs d’une liseuse, peuvent télécharger gratuitement et en toute légalité l’intégralité de roman, La quittance de minuit, en se rendant sur le lien ci-dessous :

Paul FEVAL : Les Molly-Maguires. Collection L’Aube poche. Editions de l’Aube. Parution le 20 octobre 2016. 272 pages. 10,80€.

ISBN : 978-2815920131

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16 mai 2019 4 16 /05 /mai /2019 04:22

Remember el Alamo

Le Général Sam Houston lors de la bataille de San Jacinto

 

Pierre NEMOURS : Rouge comme le sang.

Le 23 février 1836, les soldats mexicains commandés par un nombre impressionnant d’officiers, le tout chapeauté par le général-président Antonio Lopez de Santa-Anna, un inconditionnel de Napoléon Bonaparte, arrivent à San Antonio de Bexar. Leur but, déloger les quelques cent-quatre-vingts militaires et civils qui sont retranchés dans la mission de l’Alamo, petit hameau fortifié avec en son centre son église espagnole.

Les Texans, qui aspirent depuis longtemps à leur indépendance, sont constitués de Mexicains, d’Américains, d’émigrés d’origine diverse dont des Français et des Anglais. Tous ont en commun leur désir de liberté vis-à-vis du Mexique. Depuis le 3 novembre 1835, le Texas s’est déclaré indépendant, et le gouvernement réside à Washington sur Brazos. La garnison est commandée par le jeune lieutenant-colonel Williams Travis, vingt-cinq ans, et parmi les soldats et civils qui vont défendre chèrement leur peau, les célèbres Davy Crockett et sa trentaine de volontaires et Jim Bowie qui est malade, des coureurs de prairie qui n’ont rien à perdre que l’honneur et la vie. Mais la vie, pour eux n’est qu’un accessoire, auquel ils tiennent certes, tout autant que le couvre-chef en peau de castor de Crockett.

Du 23 février au 6 mars 1836, de nombreuses échauffourées opposent les Mexicains et assiégés, ponctuées par des tirs de canons. Le général Santa Anna érige en haut de l’église de San Antonio un drapeau rouge. Rouge comme le sang. William Travis envoie quelques messagers à l’attention du général Sam Houston, à Gonzales ainsi qu’au colonel Fannin qui est en poste à Goliad avec trois cents hommes. Et dans la nuit du 5 au 6 mars, un dimanche, Santa Anna déclenche l’attaque.

Le colonel Fannin, pusillanime, a commencé à se diriger vers San Antonio de Bexar, mais a préféré faire demi-route tandis que Sam Houston tergiverse. Ce qui fait que les renforts attendus ne se présentent pas et Santa-Anna lance ses troupes à l’assaut de l’Alamo empruntant des méthodes médiévales.

Le premier à mourir sous l’assaut sera le lieutenant-colonel William Travis, mais Crockett et Bowie tomberont eux aussi sous les coups des assaillants ainsi que toute la population. Seules en réchapperont quelques femmes qui étaient réfugiées dans l’église de la mission. Mais Santa-Anna ne se contente pas de ce succès et il dirige ses troupes jusqu’à Goliad. Fannin fait une tentative de résistance puis se rend. Lui et ses hommes seront passés par les armes, Santa-Anna déclarant ne vouloir faire aucun prisonnier.

Mais des civils tentent de contrer le boucher de l’Alamo, dont Soledad Garnett, une Mexicaine mariée à Garnett, un Américain en poste à Alamo, Pacheco, son frère et associé dans le ranch avec Garnett, Horace Alsbury dont la femme mexicaine est aussi à Alamo, plus quelques hommes dont Paul Picard, le Français, le jeune Robert Gunsmith, seize ans, le docteur Sutherland…

Soledad veut venger la mort probable de son mari tandis que Sutherland convainc Sam Houston de poursuivre Santa-Anna qui continue son périple vers Galveston.

 

Pierre Nemours, s’appuyant sur des documents d’époque et les ouvrages de Walter Lord et autres historiens, décrit cette bataille de l’Alamo puis les combats qui suivront jusqu’au 21 avril 1836, la bataille de San Jacinto.

La défaite de l’Alamo et celles qui suivirent, les exactions menées par Santa-Anna et son armée, contribuèrent à soulever l’enthousiasme général et les volontaires, mais un peu tard, pour assoir l’indépendance de l’état du Texas.

De ce fait historique, Pierre Nemours met en valeur quelques figures de fiction dont Soledad Garnett qui par son action contribua à cette indépendance en montrant la voie du courage contre ceux qui étaient devenus les envahisseurs, les Mexicains de Santa-Anna.

Il met en valeur la population militaire et civile de l’Alamo qui était composée d’hommes et de femmes venus du Mexique, d’autres états de la jeune république des Etats-Unis, d’Anglais, de Français, qui vivaient tous en harmonie. Cent-quatre vingt-trois personnes, cent-quatre-vingt-trois combattants unis sous la même bannière.

Santa-Anna fut un général versatile, qui passa dans le camp des insurgés mexicains après avoir été dans celui des Espagnols, et il reproche aux Texans de se conduire comme lui-même l’a fait, c’est-à dire arracher l’indépendance. En effet l’indépendance du Mexique vis-à-vis de l’Espagne ne date que de 1824, confortée par la bataille de Tampico à laquelle il prit part, devenant le Héros de Tampico. Mais il est orgueilleux, ambitieux, fasciné par Napoléon Bonaparte, et n’accepte pas que l’état du Texas se soulève pour sa liberté envers le Mexique.

Et comme le déclare le docteur Reyes, qui suit un peu malgré lui l’état-major de Santa-Anna :

Notre indépendance à nous n’est que le résultat de la décadence espagnole. Nous n’avons fait que substituer à la société sclérosée de Madrid, la nôtre, tout aussi figée. Et nous restons entre nous. Aucun courant d’immigration ne vient apporter des énergies nouvelles.

Les Américains, au contraire, ont arraché leur liberté à une Angleterre à l’apogée de sa puissance. Chaque jour, des centaines d’Européens enthousiastes arrivent dans ce pays neuf, dont ils reculent sans cesse les frontières. La preuve c’est que n’avons pas été capables de mettre en valeur notre Texas nous-mêmes. Il nous a fallu faire appel à des étrangers.

Cela devrait faire réfléchir certains hommes politiques, qui façonnent les esprits par leurs déclarations à l’emporte-pièce, rétrogrades et obtus, qui n’ont rien compris à l’Histoire des peuples, et leur apprendre à mesurer leurs paroles concernant l’immigration. Et pas uniquement en France.

Pierre NEMOURS : Rouge comme le sang. Collection Feu N°97. Editions Fleuve Noir. Parution 4e trimestre 1968. 256 pages.

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2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 04:56

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants,

dans ces wagons plombés
Jean Ferrat.

Stanislas PETROSKY : Ils étaient vingt et cent…

Stanislas Petrosky, l'auteur, est jeune, trop jeune pour avoir connu ce camp de concentration dédié aux femmes, celles qui étaient rejetées, honnies, bannies par le nazisme, de par leur religion, leur ethnie, leurs idées politiques ou leur comportement sexuel, tout comme cela fut le cas pour les hommes.

Pourtant il nous entraîne dans ce cœur inhumain de Ravensbrück comme s'il y avait vécu, mais en tant qu'observateur, car on ne peut pas rester insensible devant les horreurs qui y ont été perpétrés, et en tant qu'artiste adoubé par les autorités militaires pour dépeindre des scènes macabres et terrifiantes.

Il se coule dans la peau de Gunther, l'auteur et son personnage ne faisant plus qu'un, et décrit avec des mots simples mais efficaces les sévices et brutalités encourus par ceux et celles qui ont vécu dans cet enfer.

 

Né en 1920, Gunther a quatre-vingts dix-neuf ans et, atteint d'un cancer, il sait qu'il n'en n'a plus pour longtemps. A l’Ehpad Jacques Prévert où il végète, les employés lui ont concocté une petite fête pour son anniversaire. Un verre de mousseux et un gâteau avec une seule bougie dressée dessus, faut pas trop dépenser non plus.

Mais les souvenirs affluent et il se remémore sa jeunesse puis ses longues années passées au camp de Ravensbrück.

Tout jeune, Gunther a été attiré par le dessin, qu'il pratique en autodidacte. Au grand désespoir de ses parents, au lieu d'aider à la ferme, il préfère s'installer dans la nature et se consacrer à mettre sur des feuilles ses impressions d'artiste en herbe. Il a vingt ans lorsque les nazis entreprennent la construction d'un camp près du lac où il habite. Son père le considérant comme une bouche inutile le donne à l'armée, et Gunther se retrouve à trimer sur un chantier qui deviendra le camp de Ravensbrück.

Les conditions sont dures, le travail est difficile, surtout pour quelqu'un qui préfère user d'un crayon que de la pelle.

Le commandant du camp, l'Hauptsturmfuher Koegel, est assisté d'officiers militaires féminins. Il en comprend la raison lorsque le 15 mai 1939, débarquent plus de huit-cents femmes en provenance du camp de concentration de Lichtenburg. Puis d'autres convois arrivent, et Gunther et ses compagnons doivent raser le crâne des prisonnières. Il assiste impuissant aux exactions commises sur les détenues. Il parvient à dégotter un crayon et un carnet et il commence à croquer ce qu'il voit, ce qui lui sert d'exutoire. Un jour la chef des gardiennes le surprend alors qu'il dessine les regards plein de désarroi et de détresse de ces pauvres prisonnières.

A son grand étonnement, elle apprécie ses dessins, et il est bombardé dessinateur officiel du camp, obligé d'être présent et représenter des scènes quasi insoutenables. Par exemple lorsque le chirurgien du camp dissèque des membres sur des prisonnières vivantes non anesthésiées.

Les mois passent. Gunther reste le même qu'à ses débuts, il n'est pas converti au nazisme, et ce qu'il dessine au contraire l'éloigne encore plus de ce régime tortionnaire.

Jouer un rôle, porter un masque, je ne pouvais pas faire autrement, question de survie. Pourtant vingt-cinq ans était un bon âge pour se révolter, mais cela m'était impossible, même avec la plus forte des convictions. Je n'avais aucune chance de m'en sortir face à ces déments en armes, alors je ne disais et ne faisais rien, mais je restais intérieurement le même, un opposant farouche à leurs idées, penchant du côté des opprimés et non de celui des bourreaux.

 

D'autres travaux sont entrepris, un four va être construit, et il cache dans un recoin de briques réfractaires une caisse contenant ses dessins, ceux qu'il a fait en double, à l'insu des SS et des soldats, tous plus virulents les uns que les autres, par idéologie ou par peur de se retrouver eux-aussi prisonniers. Car d'autres convois arrivent en permanence. Même des gamines, des Tsiganes, des Juifs, des sous-races comme définis par Hitler, des lesbiennes, des communistes, des droits communs, un mélange distingué par la couleur des insignes accrochés à leurs vêtements.

Un jour il participe à l'arrivée d'un nouveau convoi ferroviaire, une femme en descend et elle lui sourit. Aussitôt il tombe amoureux d'elle et il essaie de lui démontrer qu'il n'est pas comme les autres, qu'il n'est pas un soldat malgré la défroque dont il affublé, qu'il est du côté des détenus. Grâce à quelques relations qu'il s'est fait, il parvient à la placer comme couturière, alors qu'elle n'a jamais cousu un bouton de sa jeune vie.

 

Les tortures, les exactions, les supplices, les expériences chirurgicales diverses, les stérilisations féminines pratiquées même sur des gamines, les coups de schlague, les humiliations, les dégradations, les exécutions s'intensifient, surtout lorsque des rumeurs font état d'avancées de troupes russes.

Un livre âpre, rude, poignant, délivrant des images qui s'imprègnent dans l'esprit, comme si le romancier s'était mué en graveur sur cerveau.

Gunther décrit ce camp de la mort au jour le jour, souvent écœuré de ce qu'il voit, dessinant encore et encore. Il relate fidèlement souvenirs sans rien changer, sans minimiser ces années d'horreur. Il les restitue en son âme et conscience afin de montrer les effets néfastes d'une guerre déclenchée et entretenue par une idéologie inhumaine. Transmettre aux générations futures un tel témoignage sur le nazisme est faire œuvre pie, et malgré les déclarations répétées encore dernièrement d'un président d'honneur, d'horreur, il ne s'agit de détails dans un conflit. Les militants de ce parti Effet Haine devraient lire cet ouvrage afin de se rendre compte à quoi les entraînent ces idées idéologiques délétères.

Mais je doute de l'efficacité d'une telle démarche en constatant l'esprit obtus dont ils font preuve.

Ce roman est la réédition corrigée, revisitée, améliorée, enrichie de Ravensbrück, mon amour… paru aux éditions Atelier Mosesu en février 2015.

Stanislas PETROSKY : Ils étaient vingt et cent…

Stanislas PETROSKY : Ils étaient vingt et cent… Collection Grands Romans. Editions French Pulp. Parution le 11 avril 2019. 240 pages. 18,00€.

ISBN : 979-1025105412

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23 décembre 2018 7 23 /12 /décembre /2018 05:48

Pouce levé ou pouce baissé ?

Olivier GAY : La main de l’Empereur. Tome 1.

Elevé dans la caserne sud, au milieu des gladiateurs, Rekk ne connait que sa mère, Krylla, l’une des nombreuses catins officielles de Musheim, la capitale de l’Empire constitué de nombreux duchés civilisés.

Le combat entre gladiateurs est la seule attraction de la cité et bon nombre de spectateurs s’y pressent, venant d’horizons divers et des différentes couches de la société. Du moins ceux qui peuvent payer l’entrée et parier sur leur champion. Un gain lucratif pour les caisses de l’état qui prélève son dû. Rekk a pour ami Oblan, un jeune garçon de son âge, mais moins doué que lui pour le combat et Shar-Tan pour entraîneur. Un jour il apprend incidemment que Shar-Tan est son père et que sa mère n’est pas Krylla, mais dame Irina, la femme d’Aurélius, un riche marchand régnant en potentat.

Et lorsque Aurélius apprend, bien des années après la naissance de Rekk, l’infidélité de sa femme, infidélité provoquée par dame nature, et la non-reconnaissance de ce fils, né hors couche conjugale, à cause de la génétique, il ne prend pas de gants. L’avenir de Rekk en est quelque peu perturbé, pour autant cela ne l’empêche pas de devenir un gladiateur adulé des foules.

Jusqu’au jour où étant devenu invincible dans l’arène, il est prié d’aller voir ailleurs, c’est-à-dire en Koush, avec la charge de lieutenant. Par sa faute les paris ne sont plus rentables et l’Empereur Bel 1er décide le mettre à la tête d’une centurie et d’aller combattre les Koushites, dans le but de coloniser ce pays du Sud peuplé de nombreuses tribus constituées de Noirs. Et surtout de s’approprier les richesses en or, pierres précieuses et épices rares.

Rekk découvre un monde nouveau, une jungle moite, humide, peuplée de serpents, de moustiques et d’araignées, et de guerriers farouches. Les Koushites ne sont pas si bien armé que les combattants de l’Empereur, mais ils possèdent le courage et la valeur des peuples qui sont asservis uniquement dans des buts mercantiles. L’armée de l’Empereur est dirigée par des tribuns, des légats et des généraux qui pour la plupart n’ont jamais opéré sur des champs de bataille organisés en guérillas. Et les soldats, souvent enrôlés sans réelle formation n’exécutent pas toujours les ordres qui leurs sont donnés.

Un fiasco au cours duquel Rekk démontre sa bravoure, son sens de l’honneur et des responsabilités, et parvient à sauver une partie de sa centurie et à la ramener à Vesyria, la grande ville du Sud. Il va recevoir des mains de l’Empereur la charge de capitaine, charge qui comme celle de lieutenant est théoriquement payante par celui qui en bénéficie. Seulement ses pérégrinations ne sont pas terminées. Car des événements dramatiques vont l’amener à se conduire en véritable bête de combat, en une sorte de monstre broyant, déchiquetant, étêtant, passant au fil de l’épée tous ceux qu’il considère comme des ennemis, sans détenir toutes les données qui lui permettraient de réfléchir.

 

Roman épique, La main de l’Empereur n’est pas sans rappeler la conquête de l’Afrique par les Romains. D’un côté un Empereur omnipotent, possédant une armée organisée quoique bon nombre de ses officiers sont issus d’une société qui a plus l’habitude de déambuler dans les allées du pouvoir que sur les terrains de batailles, avec des guerriers qui n’ont reçu que des bribes de formation mais savent se regrouper en carrés et brandissant leurs boucliers afin d’échapper aux flèches ennemies.

De l’autre côté, de valeureux combattants divisés en tribus parfois rivales, admettant difficilement la soumission à un chef unique, dont les armes sont plus rudimentaires, mais portés par la vengeance et le rejet de colonisateurs doublés de pillards.

Mais ceci n’est pas le seul rapprochement que l’on peut effectuer avec la civilisation romaine, les combats dans les arènes, le pouce dressé ou baissé signifiant que le combattant vaincu doit avoir la vie sauve ou non, en sont un exemple... frappant.

Les combats épiques dans les arènes, contre les guerriers Koushites, et bien des scènes hautes en couleurs forment la plus grande part du roman, mais pas que. Les personnages sont soigneusement décrits, physiquement et psychologiquement, sans pour autant alourdir le récit. Ce ne sont pas les hommes, malgré la présence quasi constante de Rekk, qui offrent les plus belles prestations mais les femmes, comme Dareen la contrebandière, qui influent sérieusement sur cette intrigue belliciste. Car oui les femmes jouent un rôle prépondérant même si parfois elles semblent en retrait. Il faut se méfier de l’eau qui dort.

Quant à l’intrigue elle est machiavélique et La main de l’Empereur peut se montrer douce ou cruelle.

Olivier Gay s’est fait connaître par la publication de romans policiers, dont la série consacrée à Fitz, série humoristique et amorale, avec un personnage attachant au départ mais ne provoquant pas l’empathie par la suite. Avec La main de l’Empereur et ses romans de fantasy, Olivier Gay trouve véritablement sa voie et peut s’exprimer sans contrainte, dans un registre historique dénué de fantastique. Pour moi une véritable révélation qui m’incite à continuer la lecture de ses autres ouvrages, aussi bien chez Bragelonne que les romans pour adolescents chez Castelmore.

 

Olivier GAY : La main de l’Empereur. Tome 1. Fantasy. Collection Poche. Editions Bragelonne. Parution le 16 mai 2018. 480 pages. 7,90€.

Première édition : Editions Bragelonne. Grand format. Parution 16 novembre 2016. 374 pages. 20,00€.

ISBN : 979-1028110741

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11 novembre 2018 7 11 /11 /novembre /2018 05:56

Hommage à tous les fusillés pour l’exemple durant la Grande guerre de 14/18 ! Quand certains généraux avaient du sang sur les mains….

Macha SERY & Alain MOREAU : Blanche MAUPAS, la veuve de tous les fusillés.

Tout le monde, ou presque, se souvient du livre de Jean Amila, Le Boucher des Hurlus paru en 1982 dans la Série Noire dans lequel l’auteur met en scène Michou dont le père a été fusillé lors des mutineries de 1917, laissant entendre que cette histoire serait en partie autobiographique.

Il n’en est rien mais une porte était ouverte dans l’exploration de la petite histoire de France et de ses secrets militaires. A peu près à la même époque Didier Daeninckx écrivait Le Der des der, roman dans lequel l’auteur ouvrait une page méconnue de l’histoire, la répression des soldats russes qui désiraient regagner leur pays afin de participer au partage des terres, en 1917 et la conduite scandaleuse de l’état-major militaire français de cette époque.

Or le grand-père paternel de Didier Daeninckx fut lui-même déserteur après avoir vécu trois ans dans les tranchées, échappant aux recherches et aux pelotons d’exécution et enfin amnistié alors qu’il avait été condamné pour trois ans aux travaux forcés. D’autres n’eurent pas la chance de survivre aux ignominies despotiques de militaires intransigeants planqués dans leur état-major, alors que ce qui leur était reproché équivalait à peu de chose, pour ne pas dire à rien.

 

Instituteur, tout comme sa femme, au Chefresne, petit bourg situé entre Percy et Villedieu les Poêles dans la Manche, Théophile Maupas apprend en lisant le journal l’assassinat de Jaurès. Nous sommes le 2 Août 1914. Quelques jours plus tard, le tocsin résonne dans le village. C’est la mobilisation générale. Malgré ses quarante ans et sa situation d’instituteur, Théophile est incorporé, avec en compensation le grade de caporal. Direction Souain dans la Marne alors que tout le monde pensait qu’il serait affecté à l’arrière. De septembre 1914 à mars 1915, sa compagnie croupit dans les tranchées, avançant de quelques mètres ou stagnant la plupart du temps, dans la pluie, la boue, le froid, le gel, ayant pour objectif un moulin ou une crête. Reprendre du terrain à l’ennemi, idée fixe des gradés qui délègue des sous-officiers chargés non pas de leur remonter le moral mais les bretelles. Lors du commandement du déclanchement d’une attaque quelques hommes grognent. Ils n’en peuvent plus. Ils sont fatigués, harassés, exténués, ils ont le moral dans les bandes molletières.

Pendant ce temps au Chefresne, comme ailleurs, les femmes accomplissent les travaux des champs en plus d’élever leurs enfants, qui pour certains n’auront jamais le plaisir de voir leur père décédé avant leur naissance. Blanche fait office de secrétaire de mairie et rédige les lettres de celles qui ne savent ni lire ni écrire. Jusqu’au jour, courant mars 1915, où elle reçoit un courrier officiel lui annonçant le décès de son mari. Non pas mort pour la France, ce qui eut été une piètre consolation, mais fusillé pour l’exemple. Elle ne peut y croire mais pourtant la réalité est là. Et tout le monde autour d’elle se détourne. Elle luttera contre vents et marées pendant dix-neuf ans afin de réhabiliter la mémoire de Théophile, recherchant des témoignages auprès de soldats ayant soit connu son époux, soit auprès de ceux qui auraient eu connaissance des faits.

 

Malgré l’administration, malgré les mauvaises langues, malgré l’inertie ou la mauvaise foi militaire, elle va démontrer un courage à toute épreuve, réussissant à mobiliser des associations, des personnes qui se sentent impliquées dans son combat, car Théophile ne fut pas le seul à être « fusillé pour l’exemple ».

Un livre écrit comme un roman, ménageant le suspense, et instillant une révolte dans le cœur du lecteur devant l’abjection, l’infamie, la bassesse des officiers militaires qui non contents d’avoir envoyés au peloton d’exécution des hommes innocents, paradèrent à l’armistice et reçurent la Légion d’Honneur. Un livre émouvant qui donne à réfléchir sur les déclarations des instances officielles.

Ce livre a fait l’objet d’une adaptation cinématographique, réalisation de Patrick Jamain, scénario et dialogues Alain Moreau, avec dans les rôles principaux Romane Bohringer et Thierry Frémont.

Macha SERY & Alain MOREAU : Blanche MAUPAS, la veuve de tous les fusillés. Editions de l’Archipel. Novembre 2009. 236 pages. 22,50€.

ISBN : 978-2809802320

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25 septembre 2018 2 25 /09 /septembre /2018 07:24

Une autre facette littéraire du créateur

d’Arsène Lupin !

Maurice LEBLANC : La frontière.

Quarante ans ont passé depuis la défaite de Sedan, mais Morestal, maire et conseiller de Saint-Elophe dans les Vosges, examine chaque jour de chez lui la frontière avec l’Allemagne.

Ancien entrepreneur et propriétaire d’une scierie florissante il a fait construire une grande demeure au hameau du Vieux-Moulin d’où il peut surveiller la région, et principalement la partie des Vosges devenue allemande. Il remarque ce matin-là à l’aide de son télescope sur pied qu’un poteau allemand marquant la frontière vient d’être mis à bas. Et ce n’est pas la première fois qu’un tel incident de ce genre se produit.

Un homme arrive en catimini le prévenant qu’un déserteur doit passer la frontière le soir même. Mais Morestal n’aime pas trop ce Dourlowski à la mine chafouine. D’autant que son fils, professeur quadragénaire et sa femme Marthe doivent arriver bientôt. Ils résident à Paris et ne se sont pas vus depuis un certain temps. Justement ils sont aux portes du jardin. Les retrouvailles vont toutefois se teinter d’acrimonie.

En effet, autant Morestal est un revanchard, n’acceptant pas la spoliation d’une partie du territoire français par l’Allemagne, autant Philippe est un pacifiste convaincu, ayant déjà deux ouvrages à son actif. Il vient d’en publier un troisième, La Paix quand même, sans nom d’auteur. Bientôt la conversation tourne autour de ce sujet qui divise les deux hommes, mais Morestal ignore que c’est son fils qui a publié cet ouvrage qu’il déclare tendancieux et antipatriotique.

L’arrivée de Jorancé, le commissaire spécial, et de sa fille Suzanne, clôt les débats. Philippe est content de retrouver la jeune fille qui vit seule avec son vieux père, sa mère étant partie en goguette à sa naissance. Suzanne a vécu quelques temps avec Marthe et Philippe à Paris, le professeur la promenant dans la capitale à la découverte des monuments et l’emmenant à des spectacles.

Mais entre Suzanne et Philippe se sont tissés des liens qui pourraient faire éclater le ménage. Philippe tente de résister aux assauts de la belle Suzanne, mais avec de plus en plus de difficultés.

Morestal a le malheur de dessiner un croquis sur lequel il dessine un passage dans la frontière, puis qu’il jette dans une corbeille. Alors qu’il a le dos tourné Dourlowski s’empare du document. Morestal et Jorancé se rendent de nuit dans le bois où doit passer le déserteur, et ils sont accompagnés pendant un certain temps de Philippe qui les quitte afin de rejoindre Suzanne. Mais erreur ou pas, ils sont faits prisonniers par des Allemands qui leur reprochent d’avoir franchi la frontière.

 

Toute l’intrigue de ce roman tourne autour de la personne de Philippe Morestal et propose deux histoires passionnantes. La confrontation entre le père qui prône la revanche en aidant les déserteurs dans un esprit belliqueux envers les Allemands et le fils pacifiste convaincu, et l’amour qui s’instaure entre Philippe et Suzanne sous les yeux de Marthe.

Ce fait divers marque d’une façon négative les relations franco-germaniques. Morestal est libéré mais est obligé d’être soigné par le docteur de famille à cause d’un cœur défaillant. Cela ne l’empêche pas de vilipender les Uhlans qui détiennent son ami Jorancé. Cet incident remonte jusqu’aux plus hautes instances gouvernementales, aussi bien du côté français que du côté allemand. Et le spectre de la guerre est ressenti différemment. Comment réagira Philippe dans ce conflit qui se prépare ? Un cas de conscience qui le divise.

 

La Frontière est un roman prémonitoire car publié en 1911, il anticipe certains événements qui vont précéder la guerre de 1914/1918. Evidemment la déclaration de guerre n’est pas sujette à cet épisode, mais c’est la confrontation entre les esprits belliqueux et les pacifistes qui est ici analysée. Et il faut bien reconnaître que la frontière entre les deux pays était une véritable passoire. Et les soldats Alsaciens intégrés de force dans l’armée allemande n’avaient qu’une envie, celle de franchir la ligne bleue des Vosges.

Roman de guerre, roman d’anticipation non scientifique, roman de paix et roman d’amour également, La Frontière n’a pas subi les outrages du temps, et se lit avec plaisir. Ce roman pourrait très bien avoir été écrit par un auteur actuel, seul le style littéraire différencie car aucune fausse note n’est à relever, aucune vulgarité, aucune grossièreté, aucune scène équivoque n’est à déplorer. C’est également un reportage, un témoignage sur l’état d’esprit d’une partie de la population française.

 

Ceux qui regardent en avant peuvent encore comprendre les croyances d’autrefois, puisqu’elles furent les leurs quand ils étaient jeunes. Mais ceux qui s’accrochent au passé ne peuvent pas admettre des idées qu’ils ne comprennent pas et qui heurtent leurs sentiments et leurs instincts.

Mais la chasse mon garçon, c’est l’apprentissage de la guerre.

Toutes les douleurs individuelles, toutes les théories, tout disparraissait devant la formidable catastrophe qui menaçait l’humanité, et devant la tâche qui incombait à des hommes comme lui, affranchis du passé, libres d’agir suivant une conception nouvelle du devoir.

Le monde aura entendu la protestation de quelques hommes libres, de professeurs comme moi, d’instituteurs, d’écrivains, d’hommes qui réfléchissent et qui n’agissent que d’après leurs convictions, et non comme des bêtes de somme qui vont à l’abattoir pour s’y faire égorger.

Si vous préférez la version pour liseuse, vous pouvez télécharger gratuitement le texte de La Frontière sur le site suivant :

A découvrir également :

Maurice LEBLANC : La frontière. Collection Mikros Classique. Editions de l’Aube. Parution 5 avril 2018. 296 pages. 14,00€.

Première publication dans L’Excelsior du 16 décembre 1910 au 23 janvier 1911. Publication en volume chez Lafitte en septembre 1911.

ISBN : 978-2815927949

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20 mai 2018 7 20 /05 /mai /2018 09:06

En Bretagne, il ne pousse pas que des choux-fleurs et des artichauts…

Des cadavres démembrés également !

Frédéric PAULIN : Les cancrelats à coups de machette.

Des cadavres éparpillés un peu partout dans la nature, un bras ici, une jambe par là et quelques têtes qui accompagnent le tout. Un constat macabre effectué par les gendarmes de la brigade de Sens-de-Bretagne. D’autant que ces cadavres, des Noirs, sont inconnus de la population. Comme s’ils étaient venus par la voie des airs.

Deux autres affaires similaires ont été recensées, une dans l’estuaire de la Gironde, l’autre dans un terrain vague de la région parisienne. Une vengeance ? Cela se pourrait car trois personnages sont immédiatement dépêchés sur place afin d’enquêter et de fournir une identité à ces morceaux humains.

A bord du véhicule de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale, voyagent le colonel Dante de la BLAT, Anton Tue-mouche, probablement affecté à un service secret, et Dafroza Rwigyema, une Rwandaise d’origine Tutsie, présidente de l’association Contre l’oubli. Dafroza a mis un nom sur chacun des cadavres retrouvés dans les mêmes conditions, et il en va de même en Bretagne. D’anciens Hutus, au passé sulfureux.

Tout débute le 6 avril 1994. Un avion amorce sa descente sur Kigali avec à bord le président Habyarimana et son homologue burundais. Dans la brousse se terrent des hommes, des Rwandais et des Blancs. Sur l’ordre d’un des Blancs un missile est envoyé abattant l’avion. C’est le point de départ officiel du soulèvement Hutu et des exactions qui seront commises par la suite dans la capitale et dans le pays. Plus de 800 000 morts sont recensés ou estimés. Pillages, incendies, massacres, actes de barbarie, sont à l’ordre, ou désordre, du jour et des semaines qui vont suivre.

Dans les faubourgs de Kigali, François Gatama a quitté son amie Dafroza pour affronter sur le ring un boxeur surnommé le Maillet. Un Hutu tandis que François Gatama et Dafroza sont Tutsis. Ils sont jeunes, à peine vingt ans pour lui, dix-sept pour elle, et la vie devant eux. Un avenir prometteur pour François car c’est un boxeur qui compense son physique par son élégance pugilistique. Même si sa garde est un peu basse. Il gagne son match, au grand dam des spectateurs Hutus, et il se retrouve plongé en enfer. Dafroza aussi, emmenée par des rebelles.

L’enfer va durer 100 jours, au cours desquels Hutus et Tutsis s’affrontent dans des combats de rue violents, Hutus violant les femmes et décapitant leurs adversaires. Les Tutsis reprenant peu à peu l’avantage et se montrant aussi féroces. L’armée française, obéissant à des ordres venus d’en haut se contente de regarder les affrontements, de leur base aérienne, ayant pour ordre de n’évacuer que certaines personnes.

 

Frédéric Paulin narre l’enquête d’aujourd’hui et les atrocités, les combats, les affrontements ethniques qui se sont déroulé vingt et un ans auparavant, et dont Dafroza est la figure principale, ayant été physiquement et moralement impliquée dans ces deux périodes. Le colonel Dante, alors capitaine, et Tue-mouche aussi ont vécu ces événements tragiques à divers stades.

En alternance nous suivons donc le parcours cahoteux de Dafroza et François Gatama, avec quelques descriptions de combats de boxe, et d’autres protagonistes également, pour une histoire de vengeance hors norme et pourtant compréhensible.

Seulement, l’ONU et la France ne peuvent, malgré les déclarations politiques mises en exergues, qu’elles proviennent de François Mitterrand alors président de la République, ou d’Alain Juppé quelques mois plus tard, affadir cette guerre interne, intestine, aux relents de génocide qui se traduit par une hécatombe.

En effet, s’il est difficile de s’immiscer dans les affaires internes d’un état, il est tout aussi difficile de supporter ce genre d’exaction et d’établir une préférence, surtout lorsque cette préférence est économique et commerciale. Les enjeux financiers devraient passer outre les guerres or justement c’est le contraire qui se passe la plupart du temps. Il ne faut pas se leurrer, un jour, le bâton revient comme un boomerang dans la figure de ceux qui l’ont ignoré. Enfin, devrait car ils ne sont plus aux rênes d’un pays mais c’est bien l’héritage qu’ils laissent, et c’est une honte indélébile qui est laissé à tout un peuple, par dommage proche ou collatéral.

Roman, récit, docu-fiction, quelle que soit l’appellation que l’on peut donner à cet ouvrage, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un reportage poignant sur des événements atroce qui ont bouleversé une partie de l’opinion publique, mais pas la classe politique. D’ailleurs, à aucun moment n’apparait la mention Roman, que ce soit sur la couverture ou à l’intérieur du livre, ni cette petite phrase qui dédouane en général l’auteur : Ce roman est une œuvre de pure fiction. Toute ressemblance avec des personnages ou des événements…

 

Dernière petite précision, les cancrelats, c’est ainsi qu’étaient surnommés par les Hutus, les Tutsis. Ce qui montre à quel point la nature humaine peut se révéler méprisante envers elle-même. Même les bêtes ne réagissent pas ainsi. Et il parait que l’homme est plus intelligent que les animaux. Il parait…

 

-Tu ne lis pas de polars, hein ? raille gentiment D’entrerroches.
-Non, ça m’emmerde : il y a toujours un sérial killer, des complotistes francs-maçons ou nazis, et un vieux flic bourru qui mène l’enquête accompagné d’une jeune fliquette reubeu qui le trouve terriblement sexy. Ça m’emmerde, si tu savais.
-Tu as dû lire de mauvais polars.
-J’ai pourtant essayé de me fader ceux qui se vendent le mieux, les trucs qui font la une des magazines chaque année.
-C’est bien ce que je dis : tu as lu les mauvais polars.

Frédéric PAULIN : Les cancrelats à coups de machette. Collection Goater Noir N°24. Editions Goater. Parution le 26 avril 2018. 240 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2918647485.

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