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23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 06:36

Araignée du matin, chagrin

Araignée du soir, plumard ?

Philippe HERIAT : L’araignée du matin.

J’avais quinze ans. J’étais vierge. J’attendais l’amour. Ce fut l’amitié qui vint d’abord.

C’est par ces lignes que le narrateur, Larive, entame son récit, alors qu’il est âgé de trente-quatre ans. Il se remémore.

Son arrivée au lycée Lakanal de Sceaux, son logement à Bourg-la-Reine, ses dimanches avec son grand-père au Châtelet, ses différentes désillusions sont décrites avec une sorte de ressentiment.

D’abord, alors que la rentrée s’est effectuée deux semaines auparavant en Première A, le professeur de français, latin et grec, un certain monsieur Niquet (je ne m’étendrai pas sur ce patronyme) demande à ses élèves de narrer leur plus belle journée de vacances. L’exemple type de rédaction proposée à l’époque et même plus tard. Larive y met tout son cœur et pense être, sinon le premier, au moins parmi les premiers. Cruelle désillusion, il est dernier et ses condisciples se gaussent devant les saillies de Niquet, en bons futurs flagorneurs. Seul un élève, un Parisien faraud du nom de Berthet, le félicite, déclarant qu’un type à l’Œuvre écrit tout bonnement pareil. Il est bon à cet âge de trouver du soutien.

Comme ses parents sont en poste à Saigon, il loge chez une institutrice qui tient également une pension pour une dizaine de collégiens. Il possède sa chambre particulière mais il est astreint à quelques contraintes d’horaires. De plus madame Hermentier, le nom de la logeuse, est réfractaire à l’électricité, aussi doit-il faire ses devoirs à la lampe à pétrole dans la salle d’étude. Il s’essaie à rimailler, et quand madame Hermentier découvre ses poèmes, c’est pour se moquer de lui devant tout le monde. Elle lui déclare même qu’il a une araignée dans la tête.

Il est déçu mais va trouver une compensation en l’amitié qu’il se découvre au contact de Max Berthet. Celui-ci s’est fracturé une jambe et la mère du gamin demande à se qu’il vienne rendre visite à l’éclopé. Le début d’une relation amicale en laquelle Larive compte beaucoup. C’est la première fois qu’il a un ami, et il le crie à tout le monde. Il philosophe et ses camarades s’esbaudissent.

Tu me fais bien rigoler, dit un de nos camarades. L’amour, l’amitié ! Dans ces bateaux-là, on ne se montre jamais comme on est, et on ne veut rien voir chez le voisin. D’abord, en amour, les femmes ne sont plus elles-mêmes, et en amitié… Tu connais, toi, une amitié absolument désintéressée ?

L’année scolaire était terminée, les vacances ont passé, et cette conversation se déroulait, alors qu’ils étaient au Lycée Louis-Le-Grand à Paris, sur la terrasse des jardins du Luxembourg. Larive enregistre sa première désillusion. Max lui annonce qu’il a une maîtresse, madame Crespelle, une veuve, et il lui propose de la rencontrer.

Alors, l’amour, ce n’était donc pas notre amitié ? Se plaint Larive le soir, seul dans sa chambre.

Effectivement, madame Crespelle reçoit chez elle les deux amis, et Larive est subjugué. D’autant qu’une lettre, qu’il doit retourner à l’expéditrice, l’informe qu’elle le préfère à Max. Il n’est qu’un jouet et cette belle amitié dont il s’enorgueillissait vole en éclats, sans bruit.

 

Retour sur l’adolescence, au moment où les sens commencent à s’éveiller, L’araignée du matin est un court roman sobre dans lequel le narrateur expose ses espoir, ses doutes, ses affres.

Sa déception est immense lorsqu’il se rend compte qu’il a été trahi. Par Max, par madame Crespelle ? Par les deux ? Et il va jusqu’à penser à se suicider mais il faut savoir que des impondérables se glissent dans les décisions mûrement envisagées. Et l’adolescent perdu dans ses illusions trimbalera durant vingt ans cette araignée qui s’est logée dans sa tête. Et qui continue à tisser sa toile car Larive ne peut échapper à ses souvenirs.

Et le passage entre l’adolescence et la maturité est ponctuée par La Grande guerre, car Berthet pour des raisons qui lui sont personnelles s’engage avant d’être appelé, et Larive en fera tout autant.

Ce volume est complété par une nouvelle, Le départ de Valdivia.

Philippe HERIAT : L’araignée du matin. Illustrations de Antral. Collection Le Livre Moderne Illustré N°222. Editions J. Ferenczi et Fils. Parution le 23 mai 1935. 160 pages.

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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 06:24

Laisse un goût de miel ?

Jonathan CARROLL : Le baiser aux abeilles

Neuf romans et trois mariages. Ratés ! Les mariages, s’entend, car pour ce qui est des romans, ce sont des best-sellers. Mais l’inspiration de Sam Bayer est depuis quelques temps aux abonnés absents et sa plume ne veut plus courir sur le papier.

Son éditeur et son agent littéraire le pressent de leur fournir un nouveau livre rapidement, mais cela ne s’écrit pas à la demande. Cela n’empêche pas Sam Bayer d’entretenir sa popularité lors de nombreuses séances de dédicaces, les lecteurs étant toujours aussi nombreux et friands de petits mots et de signatures sur les bouquins qu’ils possèdent ou viennent d’acheter.

Lors d’une séance organisée dans une librairie new-yorkaise, une jeune femme se présente à lui, avec quelques romans. Elle est collectionneuse et possède des ouvrages traduits en plusieurs langues. Sam Bayer, qui ne baille pas, est subjugué par cette beauté qui se nomme Veronica Lake. Comme l’égérie du cinéma américain des années 1940.

Rentrant chez lui dans le Connecticut, Sam Bayer ressent brusquement le besoin de retourner à sa maison. Pas celle où il vit actuellement, une grande bâtisse dans laquelle il vit seul en compagnie de son peu agréable chien Louie, mais celle de son enfance à Crane’s View. Il a quitté la petite ville trente ans auparavant, et la dernière fois qu’il y est retourné remonte à dix ans. Une bouffée de nostalgie l’étreint.

Il s’arrêt au Scrappy’s Diner, le lieu de rendez-vous des adolescents à son époque, et les souvenirs affluent. Afin de le faire patienter, la serveuse lui propose de consulter l’annuaire du lycée local. Ainsi il pourra reconnaitre d’anciens professeurs qui exercent toujours. Interloqué il aperçoit un visage inconnu mais qui est associé à un nom qui lui ne s’est pas dissolu dans sa mémoire. Pauline Ostrova.

Sa Pauline Ostrova était la tante de celle dont le portrait figure sur cet annuaire. Etait, car la Pauline Ostrova qu’il a connu est morte. Il avait repêché son corps flottant dans l’Hudson, un soir qu’il s’amusait avec ses copains, une petite bande vauriens. Il n’avait que quinze ans, et cet épisode l’avait fortement marqué. Un coupable présumé avait été arrêté, le petit ami de Pauline. Or Edward Durant, c’était son nom, avait avoué, et incarcéré à Sing Sing. Le jeune homme s’était pendu dans sa cellule ne supportant plus de servir de fille aux caïds de la prison.

Sam Bayer est persuadé tenir le sujet de son prochain roman et il en informe son éditeur et son agent. Il en fait part également à sa fille Cassandra, seize ans ainsi qu’au petit ami de celle-ci, lequel va l’aider dans ses recherches. Car il se demande si Edward Durant, malgré ses aveux, était réellement coupable Pauline étant connue comme une jeune fille volage butinant les jeunes pousses et les vieilles tiges. Il retrouve également quelques anciens amis, dont Frannie McCabe, qui est devenu le responsable de la police de Crane’s View. L’ancien loubard devenu policier, Sam Bayer n’en revient pas. Veronica Lake elle aussi apporte son soutien et sa possibilité d’effectuer des recherches sur certains des habitants de Crane’s View, ceux qui étaient susceptibles d’être à l’origine du meurtre de Pauline Ostrova.

Mais ces recherches dans le passé semblent importuner quelqu’un et Sam Bayer reçoit des messages l’invitant à calmer ses ardeurs de détective, tandis que d’autres, au contraire, sont pressés de lire son futur manuscrit. Et quelques cadavres vont parsemer ses recherches.

 

Le seul reproche que l’on peut effectuer à propos de ce roman, et encore n’est-ce qu’un avis personnel, réside dans la longueur de cette enquête particulière. En effet plus d’une année va s’écouler entre le début de la résolution de Sam Bayer de remonter le passé, et l’épilogue final qui apportera la solution.

Malgré cette petite réserve, l’intrigue de ce roman est particulièrement intéressante pour plusieurs raison. L’enquête en elle-même bien évidemment, mais aussi les rapports parfois ambigus entre les différents protagonistes. Entre Veronica Lake et Sam Bayer surtout.

Cette relation est un peu du genre Je t’aime moi non plus, car la jeune femme apporte des éléments confidentiels sur des événements passés qu’elle puise auprès de personnages peu recommandables parfois. Et Sam Bayer apprend par des moyens détournés des épisodes peu glorieux sur la jeunesse de Veronica, ce qui lui chamboule l’esprit. L’ami de cœur de sa fille Cassandra lui non plus n’est pas inactif car malgré son jeune âge, il s’infiltre dans des réseaux informatiques et soulève de nombreux lièvres.

Il existe entre Sam Bayer et l’auteur une certaine corrélation. Et la difficulté de trouver l’inspiration de la part de l’écrivain de papier est peut-être celle que peut ressentir l’écrivain de chair. Une impression qui se dégage dans les premières pages, et la rencontre entre Veronica Lake et le romancier peut se traduire par un épisode réel, vécu. Car le lecteur ne se rend pas toujours compte du travail de l’écrivain pour la promotion d’un roman.

Les tournées de promotions peuvent être exaspérantes et épuisantes. Trop de villes en trop peu de jours, des interviews avec des gens qui n’ont pas lu votre livre mais ont besoin de vous pour remplir quelques minutes d’une émission télé ou radio sans queue ni tête, des repas solitaires dans des restaurants lugubres… A mes débuts, ces tournées me semblaient excitantes et romantiques ; à présent, je m’en acquittais comme je serais allé pointer à l’usine.

Une réflexion qui sent le vécu. Et le sexe dans les romans, qu’en pensent l’auteur et son double ?

Quoique mes romans comportent beaucoup trop de scènes de sexe de bas étage, je ne tenterai même pas de décrire ce qu’a été mon expérience avec Veronica Lake. Les mots sont impuissants à traduire le sexe. Bien sûr, on peut toujours faire monter les blancs en neige afin de créer des simulacres, d’accoupler verbalement des éléments de corps, mais le résultat est aussi éloigné de la réalité que peut l’être une carte postale d’un authentique paysage.

 

Le drame de la vieillesse, c’est de ne plus pouvoir mettre en pratique le savoir qu’on a mis si longtemps à acquérir.

Le problème n’est pas de s’aimer, mais de vivre ensemble. Quand l’amour vous bâtit une maison, c’est à vous de la meubler.

Jonathan CARROLL : Le baiser aux abeilles (Kissing the Beehive – 1998. Traduction Nathalie Serval). Collection Imagine. Editions Flammarion. Parution le 20 mai 2002. 308 pages. 16,30€.

ISBN : 978-2080682642

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21 septembre 2018 5 21 /09 /septembre /2018 07:58

Miss Atomos contre le Mal blanc américain !

André CAROFF : Miss Atomos contre K.K.K. La saga de Madame Atomos volume 2.

Les Etats-uniens du sud, mais ce ne sont pas les seuls, n'aiment pas que des femmes blanches couchent avec des hommes noirs. Et les affiliés au Ku-Klux-Klan veillent.

Ils ont remarqué que Dora Wilkins, jeune journaliste blanche, recevait chez elle le matin un jeune Noir travaillant dans le même média local de Birmingham, Alabama. Cinq hommes sont chargés d'appliquer la peine prévue dans ce cas et s'introduisent dans la maison située dans une rue tranquille. Ils écoutent partiellement la conversation engagée entre les deux amants et ne font pas attention à leurs paroles. La femme explique qu'elle est différente entre neuf et dix heures le matin et que ce n'est qu'au cours de ce court laps de temps qu'elle peut le recevoir.

Les membres du K.K.K. ne s'embarrassent pas de détails et se servent de leurs couteaux pour tuer les deux amants, puis ils les pendent au balcon de la chambre. Un travail rapidement réalisé dont ils sont fiers et devrait dissuader les récidivistes.

Un trimardeur qui parcourt le pays à la recherche de petits boulots aperçoit les deux corps se balançant à la balustrade et, funeste initiative, les décroche. D'autant que, lorsque les policiers arrivent sur place, prévenus par le directeur du journal qui furieux de l'absence de sa jeune stagiaire s'était rendu à son domicile, il ne reste que le corps de Bob. Celui de Dora a mystérieusement disparu.

Peu à peu, les agresseurs de Dora sont retrouvés morts, assassinés. D'abord Greg, celui qui conduisait l'expédition punitive, égorgé. Sur son cadavre nu ont été inscrits les mots : Hiroshima, Nagasaki, avec les compliments de miss Atomos. Puis d'autres, dont Forrest, le responsable du K.K.K. local. Une jeune femme s'était présentée chez Forrest, se nommant Catherine Lomakine, alias Dora Wilkins. Elle se sert d'une sorte de stylo-laser pour se débarrasser du peu scrupuleux personnage qui se réfugie comme tous les membres du K.K.K. dans la religion. Une posture pour justifier leur ségrégation et leur racisme.

Catherine Lomakine et, en sous-main Miss Atomos, ont juré d'abattre tous les membres du K.K.K. et bientôt le nombre de défunts atteint les trois-cent-cinquante membres.

Cette affaire de vengeance ne pouvait pas passer inaperçue du docteur Alan Soblen lequel prévient Smith Befford. L'homme du FBI a pris la relève du Singe depuis le décès de celui-ci, et veille sur le cadavre de son ancien patron en se rendant tous les jours sur sa tombe dans le cimetière floridien. Il espère toujours revoir Mie Azusa qui avait rejoint l'île flottante Atomos.

C'est Mie Azusa qui le contacte par téléphone, afin de lui dire qu'elle l'aime, mais seulement une heure par jour. Tandis que Smith Beffort est lui aussi amoureux, mais vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un dilemme.

Le K.K.K. traqué décide de demander au FBI de protéger ses membres, un comble. Des événements mystérieux se produisent, des boulles traversent le pays, et une sorte de soucoupe a été aperçue. L'armée est réquisitionnée.

Yosho Akamatsu, agent de la Tokkoka, police spéciale nipponne, arrive de Tokyo, rejoignant ses amis Befford et Soblen. La soucoupe est localisée, grâce à la filature exercée sur des hommes-robots affilés à la mystérieuse organisation Atomos. Akamatsu, déguisé comme ces membres dépendants de l'île Atomos, suit Catherine Lomakine, qui a été repérée, et s'introduit dans la soucoupe, calquant ses gestes sur les personnages qui sont déjà à l'intérieur. Pendant ce temps, Beffort et Soblen s'emparent de Mie Azusa afin de la confier à un chirurgien chargé de lui ôter le micro-processeur qu'elle possède à l'intérieur du crâne. Une opération délicate qui doit être réalisée avant l'heure fatidique au cours de laquelle la jeune femme redevient miss Atomos.

 

Ancré résolument dans l'anticipation et la science-fiction, ce nouveau volume de la série Atomos nous apporte de nouvelles révélations et l'épilogue laisse présager de nouvelles aventures tout aussi rebondissantes et foisonnantes que dans ce livre.

Car les temps morts sont exclus de cette intrigue qui offre un aspect intéressant et inattendu.

André Caroff s'est très bien renseigné non seulement sur les agissements du Ku Klux Klan, sur son organisation, mais également sur ses membres sur l'échelle hiérarchique, n'hésitant pas à mettre en scène les hauts responsables. Mais plus étonnant est la mise en scène des assassinats des Klansmen, à l'aide de stylos-laser et la débandade du Klan obligé de demander au FBI de protéger ses membres. Tout en gardant l'action dans les années 1960, même si la datation n'est pas précisée, car il est fait référence à plusieurs reprises au Président des Etats-Unis de l'époque, Lyndon Johnson qui succéda à J.F. Kennedy après l'assassinat de celui-ci à Dallas. Enfin, autre aspect inattendu, ou presque, c'est l'initiative prise par un général de bombarder la soucoupe sans requérir d'ordre et dont les conséquences auraient pu être encore pire que celles décrites dans le roman.

Outre cette guerre entre Madame Atomos puis Miss Atomos, qui a pris la relève comme on a pu le lire dans l'épisode précédent, dans une vengeance nippone envers les USA et les bombardements qui ont eu lieu sur Hiroshima et Nagasaki, s'intègre une histoire d'amour entre Beffort et Mie Azusa. Cette romance amoureuse sera-t-elle contrariée ou pas, c'est ce que nous lirons dans le prochain épisode, une série qui provoque une véritable addiction.

 

Découvrez le sommaire intégral de ce volume ainsi que la chronique de Miss Atomos dans le lien ci-dessous :

Première édition. Collection Angoisse N°130. Editions Fleuve Noir. Parution 2e trimestre 1966. 224pages.

Première édition. Collection Angoisse N°130. Editions Fleuve Noir. Parution 2e trimestre 1966. 224pages.

Pour commander cet ouvrage n'hésitez pas à vous rendre sur le lien ci-dessous :

André CAROFF : Miss Atomos contre K.K.K. La saga de Madame Atomos volume 2. Collection Noire N°2. Editions Rivière Blanche. Parution juillet 2006. 428 pages. 28,00€.

Première édition. Collection Angoisse N°130. Editions Fleuve Noir. Parution 2e trimestre 1966. 224pages.

ISBN : 978-1-932983-76-0

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7 septembre 2018 5 07 /09 /septembre /2018 08:16

C’est ce que l’on appelle l’enfer ?

Jean MURELLI : Les noirs paradis.

L'esprit complètement ensuqué, Clément Bonnat se réveille dans une pièce qu'il ne connait pas. Normalement il aurait dû fêter le réveillon de Noël avec sa compagne Mariette et il est attablé parmi un véritable désordre d'assiettes, de plats, et de reliefs d'un repas copieusement arrosé.

Soudain la mémoire lui revient. La veille au soir, alors qu'il rentrait de la réception organisée pour Noël à Lorquigny par son patron - il est représentant-placier d'une marque de peinture - il aperçoit au bord de la route un homme dont la voiture a glissé dans le fossé. Il le prend à bord de son véhicule et l'accompagne chez lui à Sagemont-en-Seine. Dupré, dont la femme et les filles sont parties aux sports d'hiver, l'invite à réveillonner avec lui et Bonnat; par lâcheté, n'ose pas refuser. Dupré, entre deux verres lui a parlé d'une légende locale, un moine issu du XVe siècle qui aurait fait sa réapparition, avec cadavres à la clé.

A trois heures du matin, Dupré lui a proposé un café, et Bonnat s'est endormi sur la table. Maintenant il est six heures, et il lui faut penser à rentrer. Bonnat se rend dans la cuisine et il découvre Dupré affalé, mort, une vilaine griffure sur la nuque. Comme il n'est pas loin de Flavricourt et de Rambaud, deux patelins où il est né et a vécu, Bonnat décide de se rendre chez ses amis d'enfance, les Devolder, et de leur demander leur soutien.

En effet, lorsqu'il était gamin, il fréquentait Isoline et Joachim, son cousin qui est devenu son mari. La mère de Bonnat était bonne chez le père de Joachim, grand industriel à la tête d'une filature. Déjà Isoline était fantasque, mais il en était amoureux. Ils acceptent de dire que Bonnat avait passé la soirée avec eux, et il peut rejoindre son foyer parisien la conscience tranquille.

Mariette, sa compagne, et leurs voisins, Françoise et son mari J.B., se posaient de questions quant à sa défection au réveillon. Mentant avec aplomb, Bonnat pense s'en être tiré. D'autant qu'il traîne derrière lui dix-huit mois de cabane pour une histoire frauduleuse dont il fut la victime. Et son casier judiciaire entaché ne plaiderait pas en sa faveur s'il était soupçonné de meurtre. Seulement, il se rend compte que son calepin a disparu. Or sont consignés dessus ses nom et adresse, ceux de ses clients et une annotation de Dupré qui lui fournissait l'adresse d'un nouveau client.

Bonnat se rend à nouveau au Prieuré, le nom de la demeure de Dupré, mais aperçoit des policiers en train d'enquêter. Et parmi ceux-ci J.B. qui est inspecteur de police. Cela n'arrange pas ses affaires.

Un cycliste remet le précieux document, emballé, à sa concierge et Bonnat soupire. Pas longtemps, car l'expéditeur s'est amusé à dessiner sur une page une capuche de moine avec à l'intérieur une tête de mort.

Un nouveau meurtre similaire est perpétré dans les environs de Sagemont. Heureusement ce soir là ils étaient, lui et Mariette, invités chez leurs voisins, J.B. et Françoise, pour regarder la télévision.

 

Le début du roman commence comme une histoire à la William Irish. Un personnage qui sort d'un évanouissement, coup porté à la tête ou coma éthylique, et découvre près de lui le cadavre d'un homme qu'il ne connait pas ou depuis peu de temps. Bonnat ne cherche pas à savoir qui est le coupable, mais bien à défendre son intégrité, d'autant que son voisin policier mène l'enquête.

Donc il s'agit d'abord d'un roman d'angoisse et de suspense, ces deux ingrédients étant entretenus par la narration à la première personne.

Mais dans ce qui pourrait être une seconde partie, le thème de la sorcellerie diffuse s'installe, avec d'autres meurtres à la clé, et une ambiance relayée par les rumeurs des habitants du village. Celle d'un moine, ou de son fantôme, revenant accomplir une sorte de vengeance mais dont les motivations sont inconnues.

Le décor joue un grand rôle, celui du manoir de La Brettière, avec ses tours, ses couloirs, ses secrets, ses passages souterrains, la forêt environnante. Ainsi que ses habitants, Isoline et Joachim son mari et petit cousin. Elle est toujours pareille que dans son enfance, belle à couper le souffle, toujours aussi vive, un peu fofolle. Joachim lui n'a qu'une passion, ses serres avec ses plantes rares qu'il cultive avec amour. Sans oublier quelques personnages, peu nombreux, Juliette la servante du château, la mère de Bonnat, femme rigide qui a toujours servi le père Devolder et qui n'appréciait pas que son fils ait des relations avec les enfants du Maître.

C'était un temps où le paternalisme qui prévalait encore et Bonnat en a profité durant un certain temps. C'était le temps où la télévision se regardait entre voisins, Bonnat et Mariette par exemple étant invités à la regarder certains soirs.

 

En exergue un extrait du poème de Baudelaire, Moesta et errabunda : ... Mais les verts paradis des amours enfantines...

 

Jean MURELLI : Les noirs paradis. Collection Angoisse N°110. Editions Fleuve Noir. Parution 3e trimestre 1964. 224 pages.

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25 août 2018 6 25 /08 /août /2018 13:01

Oh la belle bleue ! Oh la belle verte !

Oh Label rouge ! Oh Label noir !

Didier FOSSEY : Artifices.

Une fois n’est pas coutume, je vais débuter ma chronique par une scène. Pas une scène de crime, ni une scène de ménage, mais une mise en scène explicite.

Un personnage empruntant au petit matin l’escalier qui le mène de sa chambre à l’étage jusqu’au salon au rez-de-chaussée, peut contempler un désordre vestimentaire prélude à une union charnelle et copulatoire, véritable inventaire à la Prévert.

Il croisait sur les marches, un soutien-gorge, sa chemise, un pull à col roulé, son jeans, un autre pantalon, un string… Arrivé au rez-de-chaussée, il chercha son slip et le retrouva négligemment jeté sur le dossier du canapé.

Cherchez l’erreur ! Si vous ne trouvez pas, la solution est en fin d’article. Il n’y a pas d’artifice.

 

Donc procédons dans l’ordre et commençons par le début :

2013. En l’hôpital psychiatrique de Cadillac, roulez jeunesse pense Mathias qui se morfond. Il est interné pour troubles psychologiques, échappant à une prison mortifère. C’est un tueur en série mais il espère bien un jour être relaxé. Tout du moins il fait tout pour se concilier les bonnes grâces du docteur Lascard et des infirmiers. Il se montre calme, obéissant, mais évite autant faire que peut d’ingurgiter les cachets qui lui sont enfoncés dans la gorge. Au début car peu à peu devant sa bonne volonté, l’attention se relâche.

2015. Promenons-nous dans les bois, refrain connu. Ce qui moins agréable, c’est de découvrir un homme, du moins ce qu’il en reste, attaché à un arbre. Un meurtre peu banal en la forêt de Rambouillet et l’affaire est confiée à la Criminelle et plus particulièrement au commandant Boris Le Guenn et à ses hommes. Une petite équipe qui compte également dans ses rangs une femme, Nathalie, qui n’a pas froid aux yeux, mais qui n’est pas encore habituée à découvrir des cadavres dans de telles circonstances.

D’après la police scientifique, l’homme aurait subi les assauts contrôlés d’une chandelle, pour le commun des mortels tel que moi une fusée, un gros pétard qui lui serait entré dans le tronc via les gonades. Du travail de professionnel apparemment, car on ne manie pas ce genre d’engin sans un minimum de connaissance. Sans oublier qu’il faut connaître des revendeurs de cet artifice détonant. L’enquête s’avère délicate, mais au moins l’identité de cet explosé révèle qu’il habitait à Méré, petit village non loin de La Queue-lez-Yvelines. Un nom prédestiné ?

D’autant qu’un second cadavre est retrouvé ayant subi le même mode opératoire ou presque. La concordance de ce meurtre avec le précédent incite les autorités à refiler le bébé à Le Guenn, malgré le désaccord de la gendarmerie. Une spécialiste des feux d’artifices, des chandelles, une lumière dans son domaine, est embauchée comme consultante.

 

Difficile affaire qui laissera des traces chez Le Guenn, d’autant que celui-ci est affligé d’un problème familial. Mais son passé le rattrape.

En parallèle, le lecteur peut suivre les démêlés d’une gamine, qui, son pot de lait à la main, se rend à la ferme. Telle Perrette, mais elle ne rêve pas en cours de route. Elle cauchemarde, et lorsqu’elle rentre chez sa famille d’accueil, elle pleure en chemin.

 

Tout en sobriété, Didier Fossey narre cette histoire navrante d’une fillette issue de la DASS, aujourd’hui ASE c’est-à-dire Aide Sociale à l’Enfance. Mais ces gamins ne sont pas vraiment aidés par cet organisme, qui fait tout pour qu’ils ne soient pas pris en charge affectueusement par les familles d’accueil à qui ils sont confiés. Et les autres élèves, ainsi que les habitants du village, ne voient pas d’un bon œil ces orphelins issus dont on ne sait quel ventre, des étrangers à la commune, de futurs délinquants qui sait.

C’est bien ce problème sociétal que Didier Fossey met en avant, tout en restant mesuré dans ses descriptions. Il décrit avec pudeur l’enfance perturbée de cette enfant qui ne peut se plaindre.

D’autres éléments entrent également dans cette histoire, dont l’histoire de Mathias, qui grâce à des subterfuges, obtient l’autorisation de se promener dans le parc de la clinique psychiatrique.

Et c’est la conjonction de tous ces problèmes qui font de ce livre une intrigue poignante, dans lequel le passé des différents protagonistes joue un rôle primordial.

Je regrette toutefois que page 218, le prénom d’une jeune femme placé dans le cours de la narration induise le lecteur en erreur.

Mais revenons à notre énigme du début. L’avez-vous résolue ? Non ?

Reprenez la disposition des vêtements telle qu’elle est décrite dans le sens du haut vers le bas, mais en reprenant du bas vers le haut. On se déshabille comme l’on veut, selon les désirs du partenaire, et dans la précipitation des aspirations des intervenants. Mais enlever son slip avant son pantalon, cela relève de la magie, de l’illusionnisme, ou d’un tour de force digne des plus grands équilibristes. Donc, l’homme qui descend l’escalier aurait dû découvrir son slip sur une marche et son pantalon sur le canapé. Bref il s’agit d’un déshabillage à l’envers, mise en scène qui n’abuserait pas un bon détective, ou un bon policier.

A moins que Didier Fossey ait voulu embrouiller le lecteur afin de détendre l’atmosphère, petit point rose dans une grande histoire noire.

Didier FOSSEY : Artifices. Editions Flamant Noir. Parution le 18 juin 2018. 390 pages. 19,50€.

ISBN : 979-1093363455.

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17 août 2018 5 17 /08 /août /2018 08:23

C’est un jardin extraordinaire…

Michel AMELIN : Dans les jardins du casino.

Goldhead est une charmante petite station balnéaire sise près de Brighton. Jusque là, tout va bien. Sauf que cette charmante petite station balnéaire se morfond et aimerait bien retrouver un peu d’entrain, un peu de vie, se rappeler au souvenir des touristes.

La découverte des cadavres de deux jeunes filles, deux sœurs, qui participaient au Bal des Débutantes va certes allumer les projecteurs sur cette aimable cité mais d’une façon plutôt incongrue.

En guise de touristes, ce sont deux policiers qui sont dépêchés par Scotland Yard. L’inspecteur Croft et le sergent Connington. E.W.J.H. Simpson-Flax, journaliste de son état, a eu le triste privilège d’effectuer cette macabre découverte, et ce n’est pas tout car les cadavres s’accumulent à plaisir pour compliquer l’enquête.

 

Michel Amelin qui s’est fait connaître des lecteurs de magazines tels que L’Evénement du Jeudi, Ça m’intéresse, ou encore Femme d’aujourd’hui et d’autres, grâce aux courtes énigmes qu’il leur propose, s’est décidé à chausser la pointure au dessus, et nous offre un roman qui ne manque pas d’humour tout en étant un hommage à la littérature policière britannique, genre qu’il préfère au roman noir.

Ayant pour maître F.W. Croft et Henrry Wade, ainsi qu’Agatha Christie, c’est tout naturellement qu’il nous propose une enquête d’énigme classique, fort bien construite et bien écrite.

Nul doute que cet instituteur de classes enfantines, aux talents éclectiques, car outre les énigmes déjà citées il a fournit de nombreux articles à des revues spécialisées et possède un bon coup de crayon comme caricaturiste, nul doute donc que Michel Amelin récidive pour la plus grande joie des lecteurs nostalgiques de ce genre littéraire méprisé de nos jours par les tenants, de plus en plus nombreux, du roman noir. Mais il a préféré par la suite s’adonner à l’écriture de romans juvéniles intéressants dans la tradition gothique.

 

Ce roman, la réédition d’un ouvrage paru au Masque en 1989, est réédité uniquement en version Kindle. Dommage que les possesseurs d’Ebook ne puissent pas le trouver dans d’autres boutiques. Ceux qui le désirent peuvent se rendre à l’adresse ci-dessous :

 

Michel AMELIN : Dans les jardins du casino.

Michel AMELIN : Dans les jardins du casino. Version numérique. Michelamelinbestsellers. Parution 12 avril 2016. 2,99€.

Première édition : Collection Le Masque Jaune N°1952. Librairie des Champs Elysées. Parution 6 avril 1989. 156 pages.

ISBN : 978-2702418796

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9 août 2018 4 09 /08 /août /2018 10:22

Hommage à Thierry Jonquet décédé le 9 août 2009.

Thierry JONQUET : La bombe humaine.

J'habite Lantigny et mon papa n'a plus d'emploi. Alors c'est dur, surtout pendant les vacances scolaires. Le magnétoscope est en panne aussi j'ai pas pu regarder mes cassettes alors que mes copains sont partis au ski.

Aujourd'hui c'est la rentrée et la maîtresse, une remplaçante, nous a demandé de raconter nos vacances de Pâques. C'est alors qu'un homme tout en noir avec une cagoule est entré dans la classe.

Il avait des explosifs qu'il a déposé sur le bureau de la maîtresse. Au début on a cru qu'il s'agissait d'une alerte à la bombe. Mais ce qu'il voulait c'était négocier avec le ministre de l'Intérieur, c'est pourquoi nous nous sommes retrouvés en otage. Nous, on ne savait pas très bien ce qu'il voulait.

En tout cas, Cécile, notre maîtresse, n'en menait pas large au début. Il a relâché quelques-uns des élèves, et nous on est resté. Même Brouillet, que j'aime pas beaucoup mais qui s'est montré très courageux avec son bras dans le plâtre. La journée a été très longue et on va coucher dans la classe.

Moi je n'ai pas trop peur, surtout que je dois réconforter Lydia. Lydia, je l'aime bien, et peut-être qu'elle va devenir mon amoureuse. Tout de même je me demande comment tout ça va finir, d'autant que l'homme en noir est assez nerveux.

Les maîtres et les policiers eux aussi ont peur de lui. C'est normal avec tous les explosifs qu'il a apporté. Mais comme dit Lydia, c'est pas un fou. Tout est préparé.

 

Malgré l'avertissement "toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé est pure coïncidence", on ne peut s'empêcher de penser à la prise d'otage d'une école de Neuilly. Pourquoi se voiler la face.

Thierry Jonquet nous livre sa vision des événements et surtout sa conception de l'épilogue de ce drame qui aurait pu dégénérer. Narré par un enfant, cette histoire possède malgré tout une certaine fraîcheur, et les soucis des enfants diffèrent parfois de ceux des adultes. Ils n'appréhendent pas le danger de la même façon et c'est aussi bien. Ils ne paniquent pas, ou moins.

 

Thierry JONQUET : La bombe humaine. Collection Souris Noire N°4. Editions Syros. Parution 25 octobre 1994. 88 pages.

ISBN : 978-2841460410

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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 08:21

Et lève-toi !

Daniel CARIO : Rappelle-toi, Eve.

Un geste banal, quotidien. Prendre son courrier dans sa boîte aux lettres. Mais, ce qui est moins commun, c’est d’y découvrir un journal avec une mention manuscrite en rouge incitant à se rendre page 9.

La destinataire, c’est Eve Blandine, mannequin de trente cinq ans, habitant une résidence grand standing dans la banlieue parisienne. Pourquoi pas, se dit-elle intriguée. Elle commence alors à lire un feuilleton disposé en colonne sur trois étages, signé Anonyme, et intitulé Le Monstre du parc. Ce n’est que le premier épisode, mais au fur et à mesure qu’elle découvre l’histoire, elle se rend compte que ce texte correspond tout à fait à son enfance, même si la protagoniste se nomme Linda Bévène.

Tout correspond, la profession du père, médecin, de la mère, sage-femme, et même la poupée ramenée de Hongrie et qui se prénommait Irina. Des souvenirs qui étaient enfouis au plus profond de sa mémoire remontent à la surface. Mais Eve est intriguée. Comment cet écrivain peut-il connaître les éléments de sa jeunesse, éléments qu’elle avait elle-même oubliés ? L’angoisse commence à monter et bientôt elle soupçonne son voisin romancier d’être à l’origine de ce qu’elle ne peut pas encore qualifier de harcèlement.

Eve a vécu toute sa jeunesse au Touquet dans une grande demeure entourée d’un parc immense ceint de hautes murailles, éloignée des autres habitations et nichée dans la forêt. Sa mère avait arrêté de travailler à sa naissance et elle ne manquait de rien. Sauf d’amies, car personne n’était invité chez ses parents. Au début elle allait aux anniversaires de ses copines, et copains, d’école, mais cela s’était rapidement arrêté. Elle pouvait se promener dans le parc au fond duquel s’élevait une petite maisonnette. Mais elle ne pouvait s’en approcher, encore moins y entrer. Un monstre y était caché, du moins c’est que l’on lui disait ou qu’elle croyait. Un monstre qui parfois venait perturber son sommeil. Et un jour, alors qu’elle n’avait que dix ans, ses parents sont décédés dans un accident.

Depuis Eve a fait son chemin comme mannequin et elle est fort prisée, fort demandée pour des rendez-vous avec des journalistes et des séances photos. Elle n’a guère d’ami, juste Clara jeune mannequin elle aussi travaillant dans la même agence, ou encore Alfred, le serveur homosexuel de sa « cantine » préférée. Pas d’amant attitré, juste des relations éphémères de passage. Elle protège sa vie privée et voilà que d’un seul coup un écrivaillon s’immisce dans sa vie intime. Un feuilleton rédigé comme un conte de fées mais qui la touche plus particulièrement.

La semaine suivante, à nouveau le journal est glissé dans sa boîte aux lettres. Et cela devient une addiction car lorsque le canard n’est plus déposé, il faut qu’elle se le procure absolument. Ce n’est plus l’angoisse qui la taraude, c’est un début de paranoïa. Elle est persuadée être suivie par des inconnus, épiée, et ses relations professionnelles s’en ressentent. Elle se rend au siège du quotidien afin de connaître le nom de ce feuilletoniste, en pure perte. Elle décide alors de rompre les ponts et de changer d’air. Elle s’installe alors dans un hôtel durant quelques jours à Etretat. Il n’y a guère de clients, pourtant elle ressent toujours l’impression d’être surveillée, épiée.

 

Une histoire intéressante qui effleure les coulisses de la mode, sans vraiment s’y insérer, et montrant les relations entre un mannequin en vue avec son patron, avec un photographe reconnu, ses collègues, son voisinage.

Eve Blandine, surnommée Myosotis, à son initiative, se révèle être un personnage fragile sous des dehors de jeune femme émancipée, sachant que son étoile dans le mannequinat commence à pâlir. Mais ce n’est pas cette facette qui intéresse le lecteur, ni l’auteur d’ailleurs, mais cette jeunesse enfouie qui lui revient subitement en travers de l’esprit.

Cette montée en puissance de l’angoisse qui étreint notre héroïne et qui confine bientôt à une forme de paranoïa entretenue par les insertions du feuilleton, montre une femme en perdition, ne sachant à quoi se raccrocher. Ce voisin qu’elle soupçonne d’être l’auteur des écrits et auquel elle aimerait pouvoir se confier, Clara sa collègue et Alfred qui tentent de l’aider dans ses déboires jouent également un rôle plus ou moins primordial. Et ce sont les révélations qui peu à peu sont dévoilées au lecteur qui apportent une explication convaincante dans une intrigue maîtrisée, ou presque.

Au-delà de quelques clichés, qui auraient pu être évités, il existe aussi une anomalie dans les écarts d’âge entre deux des personnages, des divergences qui fluctuent au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire. De petites erreurs que ne relèveront pas forcément tous les lecteurs mais qui m’ont légèrement choqué.

Mais j’ai apprécié la définition du thriller par l’auteur qui vient justement d’en écrire un et qui ironise peut-être sur lui-même.

Tu ne reconnais pas là les ingrédients assez classiques des thrillers ? Rappelle-toi, ces histoires que des détraqués écrivent dans le seul but de flanquer la trouille à d’autres tordus qui sont assez cons pour les lire. Mon rêve, c’est d’en écrire un qui devienne un best-seller.

Il existe beaucoup de prétendants, mais peu d’élus.

Daniel CARIO : Rappelle-toi, Eve. Collection 100% Groix. Thriller. Groix éditions & Diffusion. Parution le 30 avril 2018. 414 pages. 15,90€.

ISBN 978-2-37419-040-2

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31 juillet 2018 2 31 /07 /juillet /2018 08:24

Le voyeur se niche partout !

B. R. BRUSS : L'œil était dans la tombe.

Collectionneur de bateaux miniatures et d'objets curieux, Patrick Gallaghan aime flâner aux Puces de Saint-Ouen. En ce froid et brouillardeux dimanche de novembre, il croit apercevoir la silhouette d'Armand Duvivier, un jeune médecin dont il a fait la connaissance un mois auparavant. Mais il le perd de vue à cause d'un camion.

Gallaghan est fasciné et étonné par l'étalage tenu par une vieille femme et son gamin. Un véritable bric-à-brac d'objets usés mais ce qui attire son œil affûté, c'est la boule de verre que tient l'enfant. A l'intérieur il distingue un homme habillé de rouge qui semble bouger et se démener, un homunculus coiffé d'un chapeau melon rouge également. Ce n'est pas une vision car l'enfant le signale aussi à sa mère. Mais le temps qu'il transmet à sa mère l'objet, la boule de verre est redevenu parfaitement transparente. Il marchande, repart chez lui, un petit hôtel particulier qu'il possède à Neuilly, et n'en dort pas de la nuit, intrigué par cette boule qui reste désespérément vide.

Une semaine plus tard, il retrouve, dans une cave de Saint-Germain des Prés, le docteur Duvivier, aux mains glacées, auquel il porte des sentiments partagés. Il le trouve sympathique mais en même temps ressent comme un malaise indéfinissable en sa compagnie. Au cours de la discussion entre les deux hommes, il en ressort que Gallaghan, qui collectionne les navires miniatures, a été marin et qu'il aime la mer. Quant à Duvivier, il lui apprend qu'il va devenir l'assistant de Van Hooge, un psychanalyste un peu particulier.

Survient Catherine, la fiancée de Duvivier. La jeune femme de vingt cinq ans lui demande de l'inviter à danser, puis, alors qu'ils sont revenus à leur table et que le médecin est sur la piste, elle déclare l'aimer. Gallaghan est gêné, mais il ne refuse pas de la revoir un autre soir.

Effectivement peu après ils se retrouvent au club et Catherine n'hésite pas lui annoncer qu'elle l'aime et qu'elle souhaite qu'il vienne passer avec elle un week-end en province chez ses parents. C'est alors qu'une espèce de tempête, de tornade se produit dans la cave, avec des senteurs de varech. Cela se dissipe aussi vite que c'est arrivé, mais les consommateurs sont choqués et quittent pour la plupart précipitamment l'établissement.

Le même phénomène se produit chez Gallaghan, alors qu'il vient d'acquérir la maquette d'un navire, La Scintillante, chez un antiquaire. Puis encore dans la chambre qui lui est allouée chez dans le château des parents de Catherine.

Autre phénomène auquel il est confronté, celui de l'homoncule sortant de sa boule de verre et le conviant à le suivre. Gallaghan obtempère et il découvre, dans un quartier du XVIIème arrondissement parisien un immeuble tout neuf, qu'il n'avait jamais remarqué auparavant lors de ses déambulations. Le bâtiment parait inhabité pourtant dans une pièce au bout d'un couloir il est mis en présence du fameux docteur Van Hooge, dont le visage ne lui est pas inconnu. Il reviendra à plusieurs reprises et l'homme de science lui montre son activité principale, qui se trouve sur des étagères, des crânes sur lesquels il effectue des expériences.

 

En quatrième de couverture, l'accroche de ce roman tient en deux lignes : Et si ceux que nous avons faits souffrir se vengeaient du royaume des morts ?

Dès lors le lecteur se doute que le passé de Gallaghan recèle un secret qui vient le tarauder de temps à autre, lié au monde de la mer, et que des personnes ont perdu la vie par sa faute. Comment, pourquoi, et qui sont ces morts qui viennent se venger, tout se décante peu à peu dans ce roman à l'esprit fantastique mais qui possède des à-côtés science-fictionnesque tout en touchant au surnaturel.

En effet le docteur Van Hooge est à ranger dans la catégorie des savants fous. Toutefois il se défend justement de croire au surnaturel.

Les hommes d'aujourd'hui font et utilisent des choses qui auraient paru absolument surnaturelles aux hommes d'autrefois. J'ajouterai que pour ma part j'ai découvert - dans le domaine qui est le mien, c'est à dire la biologie et la médecine - quelques petites choses qui pourraient paraître surnaturelles aux hommes d'aujourd'hui, à commencer par les médecins, mais qui ne le sont pas plus que la télévision ou l'énergie atomique.

Que penser alors de toutes les innovations technologiques et médicales qui ont été réalisées soixante ans après. Mais cette histoire, parue dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'y réfère incidemment :

Les scènes effroyables qu'il avait vues dans la salle d'expérimentations de Van Hooge ne lui sortaient pas de l'esprit et lui donnaient la chair de poule. Il se rappelait les récits qu'ils avaient lus dans les journaux sur la façon monstrueuse dont certains médecins allemands, pendant la guerre, s'étaient comportés dans les camps de déportés.

Or B.R. Bruss, qui a signé également sous les alias de Roger Blondel et de Georges Brass et dont le véritable patronyme était René Bonnefoy, connut de sérieux ennuis à la Libération à cause de sa participation comme Secrétaire Général à l'Information au gouvernement de Vichy.

Sans vraiment être daté, les thèmes du fantastique sont intemporels, ce roman contient des mots ou expressions qui de nos jours sont devenus tabous.

Par exemple, le chanteur et musicien qui se produit dans cette cave est Noir. De nos jours il est de bon goût d'employer le mot vertueux de Black. A l'époque où ce roman a été écrit, le substantif nègre n'avait pas acquis le sens péjoratif qui lui est accolé de nos jours. Toutefois, l'esprit du lecteur ne peut s'empêcher de tiquer dans cette répétition qui encombre le récit dans les premiers chapitres, nègre étant cité au moins une trentaine de fois. Nul doute qu'aujourd'hui il serait mal venu et l'auteur considéré comme raciste. Pourtant nègre, d'origine ibérique, a toujours été d'usage courant, n'étant remplacé par Noir qu'à partir des années 1960.

B. R. BRUSS : L'œil était dans la tombe.

B. R. BRUSS : L'œil était dans la tombe. Collection Anticipation N°7. Editions Fleuve Noir. Parution 1er trimestre 1955 (achevé d'imprimer le 28-1-1955).224 pages.

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22 juillet 2018 7 22 /07 /juillet /2018 11:22

Rap qui leurre ?

Fred CHEREAU : Rap Killer.

Le Mab est un nettoyeur de tags. Après les avoir traqués au Polaroïd il efface avec opiniâtreté et à longueur de journées des graffitis rebadigeonnés sur les murs aussitôt après son passage.

Une de ces traces de l’art moderne le laisse perplexe - NTX. Que veut dire ce sigle accrocheur dessiné à la peinture fluo ?

Est-ce la promotion d’un nouveau groupe de rap qui fait la joie des disc-jockeys et autres animateurs de radios-libres ?

Dans la banlieue nord de Paris ainsi que dans le métro, Zonards et Zoulous se défoulent, agressant les supporters de football. La drogue change de main, un cadavre parfois se prend pour une fleur rouge dans un terrain vague.

 

Résolument moderne, écrit au rythme rapide et saccadé du Rap, ce roman nous entraîne dans les dédales des banlieues à la suite d’un laveur de graffitis et d’une journaliste qui n’a pas froid aux yeux.

Le mot angoisse n’a de sens que durant les trente dernières pages qui engendrent à son paroxysme ce sentiment de crainte et de panique. La trame joue sur l’inquiétude, sur la peur, mais pas plus que dans un thriller normalement constitué.

Il y manque l’atmosphère, matière première qui procure ce frisson dans le dos et fait le charme d’un véritable roman fantastique ou angoissant. Quant au football, il n’est qu’un prétexte parmi tant d’autres, mais l’on sait que les chercheurs de castagne prennent de plus en plus les compétitions sportives, le football en particulier, pour échanger points de vue et horions.

Cette collection qui se voulait un nouvel avatar de la célèbre collection Angoisse des années 1960/1970, n’aura vécu que le temps de neuf numéros, un échec rapidement entériné.

 

A l’époque le Fleuve Noir se cherchait de nouvelles collections susceptibles d’attirer de nouveaux lecteurs. Las, nombreuses furent celles qui périclitèrent au bout de six ou neuf mois, un an au maximum. Mais le tort des éditeurs est de ne pas laisser le temps à ces collections et à leurs romans de s’imposer. Si Le Fleuve Noir, Gallimard pour la Série Noire, la Librairie des Champs-Elysées pour le Masque Jaune, avaient baissé les bras lors de la parution de leurs premiers ouvrages, tout une vitrine de la littérature populaire française aurait été brisée, la boutique à peine ouverte.

Fred CHEREAU : Rap Killer. Collection Angoisses N°1. Editions Fleuve Noir. Parution Juin 1993. 222 pages.

ISBN : 2-265-04904-2  

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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