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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 06:24

Laisse un goût de miel ?

Jonathan CARROLL : Le baiser aux abeilles

Neuf romans et trois mariages. Ratés ! Les mariages, s’entend, car pour ce qui est des romans, ce sont des best-sellers. Mais l’inspiration de Sam Bayer est depuis quelques temps aux abonnés absents et sa plume ne veut plus courir sur le papier.

Son éditeur et son agent littéraire le pressent de leur fournir un nouveau livre rapidement, mais cela ne s’écrit pas à la demande. Cela n’empêche pas Sam Bayer d’entretenir sa popularité lors de nombreuses séances de dédicaces, les lecteurs étant toujours aussi nombreux et friands de petits mots et de signatures sur les bouquins qu’ils possèdent ou viennent d’acheter.

Lors d’une séance organisée dans une librairie new-yorkaise, une jeune femme se présente à lui, avec quelques romans. Elle est collectionneuse et possède des ouvrages traduits en plusieurs langues. Sam Bayer, qui ne baille pas, est subjugué par cette beauté qui se nomme Veronica Lake. Comme l’égérie du cinéma américain des années 1940.

Rentrant chez lui dans le Connecticut, Sam Bayer ressent brusquement le besoin de retourner à sa maison. Pas celle où il vit actuellement, une grande bâtisse dans laquelle il vit seul en compagnie de son peu agréable chien Louie, mais celle de son enfance à Crane’s View. Il a quitté la petite ville trente ans auparavant, et la dernière fois qu’il y est retourné remonte à dix ans. Une bouffée de nostalgie l’étreint.

Il s’arrêt au Scrappy’s Diner, le lieu de rendez-vous des adolescents à son époque, et les souvenirs affluent. Afin de le faire patienter, la serveuse lui propose de consulter l’annuaire du lycée local. Ainsi il pourra reconnaitre d’anciens professeurs qui exercent toujours. Interloqué il aperçoit un visage inconnu mais qui est associé à un nom qui lui ne s’est pas dissolu dans sa mémoire. Pauline Ostrova.

Sa Pauline Ostrova était la tante de celle dont le portrait figure sur cet annuaire. Etait, car la Pauline Ostrova qu’il a connu est morte. Il avait repêché son corps flottant dans l’Hudson, un soir qu’il s’amusait avec ses copains, une petite bande vauriens. Il n’avait que quinze ans, et cet épisode l’avait fortement marqué. Un coupable présumé avait été arrêté, le petit ami de Pauline. Or Edward Durant, c’était son nom, avait avoué, et incarcéré à Sing Sing. Le jeune homme s’était pendu dans sa cellule ne supportant plus de servir de fille aux caïds de la prison.

Sam Bayer est persuadé tenir le sujet de son prochain roman et il en informe son éditeur et son agent. Il en fait part également à sa fille Cassandra, seize ans ainsi qu’au petit ami de celle-ci, lequel va l’aider dans ses recherches. Car il se demande si Edward Durant, malgré ses aveux, était réellement coupable Pauline étant connue comme une jeune fille volage butinant les jeunes pousses et les vieilles tiges. Il retrouve également quelques anciens amis, dont Frannie McCabe, qui est devenu le responsable de la police de Crane’s View. L’ancien loubard devenu policier, Sam Bayer n’en revient pas. Veronica Lake elle aussi apporte son soutien et sa possibilité d’effectuer des recherches sur certains des habitants de Crane’s View, ceux qui étaient susceptibles d’être à l’origine du meurtre de Pauline Ostrova.

Mais ces recherches dans le passé semblent importuner quelqu’un et Sam Bayer reçoit des messages l’invitant à calmer ses ardeurs de détective, tandis que d’autres, au contraire, sont pressés de lire son futur manuscrit. Et quelques cadavres vont parsemer ses recherches.

 

Le seul reproche que l’on peut effectuer à propos de ce roman, et encore n’est-ce qu’un avis personnel, réside dans la longueur de cette enquête particulière. En effet plus d’une année va s’écouler entre le début de la résolution de Sam Bayer de remonter le passé, et l’épilogue final qui apportera la solution.

Malgré cette petite réserve, l’intrigue de ce roman est particulièrement intéressante pour plusieurs raison. L’enquête en elle-même bien évidemment, mais aussi les rapports parfois ambigus entre les différents protagonistes. Entre Veronica Lake et Sam Bayer surtout.

Cette relation est un peu du genre Je t’aime moi non plus, car la jeune femme apporte des éléments confidentiels sur des événements passés qu’elle puise auprès de personnages peu recommandables parfois. Et Sam Bayer apprend par des moyens détournés des épisodes peu glorieux sur la jeunesse de Veronica, ce qui lui chamboule l’esprit. L’ami de cœur de sa fille Cassandra lui non plus n’est pas inactif car malgré son jeune âge, il s’infiltre dans des réseaux informatiques et soulève de nombreux lièvres.

Il existe entre Sam Bayer et l’auteur une certaine corrélation. Et la difficulté de trouver l’inspiration de la part de l’écrivain de papier est peut-être celle que peut ressentir l’écrivain de chair. Une impression qui se dégage dans les premières pages, et la rencontre entre Veronica Lake et le romancier peut se traduire par un épisode réel, vécu. Car le lecteur ne se rend pas toujours compte du travail de l’écrivain pour la promotion d’un roman.

Les tournées de promotions peuvent être exaspérantes et épuisantes. Trop de villes en trop peu de jours, des interviews avec des gens qui n’ont pas lu votre livre mais ont besoin de vous pour remplir quelques minutes d’une émission télé ou radio sans queue ni tête, des repas solitaires dans des restaurants lugubres… A mes débuts, ces tournées me semblaient excitantes et romantiques ; à présent, je m’en acquittais comme je serais allé pointer à l’usine.

Une réflexion qui sent le vécu. Et le sexe dans les romans, qu’en pensent l’auteur et son double ?

Quoique mes romans comportent beaucoup trop de scènes de sexe de bas étage, je ne tenterai même pas de décrire ce qu’a été mon expérience avec Veronica Lake. Les mots sont impuissants à traduire le sexe. Bien sûr, on peut toujours faire monter les blancs en neige afin de créer des simulacres, d’accoupler verbalement des éléments de corps, mais le résultat est aussi éloigné de la réalité que peut l’être une carte postale d’un authentique paysage.

 

Le drame de la vieillesse, c’est de ne plus pouvoir mettre en pratique le savoir qu’on a mis si longtemps à acquérir.

Le problème n’est pas de s’aimer, mais de vivre ensemble. Quand l’amour vous bâtit une maison, c’est à vous de la meubler.

Jonathan CARROLL : Le baiser aux abeilles (Kissing the Beehive – 1998. Traduction Nathalie Serval). Collection Imagine. Editions Flammarion. Parution le 20 mai 2002. 308 pages. 16,30€.

ISBN : 978-2080682642

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9 septembre 2018 7 09 /09 /septembre /2018 13:20

Plus précieux que les chemises de l’Archiduchesse !

Jean FAILLER : Les diamants de l’Archiduc.

Ayant lu avec plaisir les dernières aventures de Mary Lester, la charmante policière du commissariat de Quimper n’hésitant pas à voyager pour résoudre les meurtres auxquels elle est confrontée par hasard ou par conviction dans toute la Bretagne, l’occasion me fut donnée de la découvrir dans l’une de ses premières enquêtes.

Dans Les diamants de l’Archiduc, on la découvre dans sa nouvelle affection comme stagiaire dans une intrigue qui frise le fantastique sans jamais y succomber. Elle est dévolue aux tâches subalternes, aux écritures, et ce n’est pas le genre de travail exaltant auquel elle s’attendait. Le commissaire Fabien est en vacances et c’est son adjoint, Bredan, qui le supplée. Il va aspire à une retraite bien méritée ( ?) et ne veut pas s’encombrer de dossiers litigieux. Elle fait équipe avec l’inspecteur Fortin dont l’occupation favorite est de lire le journal L’Equipe. Et pendant qu’il s’adonne à sa lecture, il ne fait pas de bruit.

Mary Lester redécouvre la capitale de la Cornouaille, préfecture du Finistère, et la vieille ville l’attire. Car jeunette, elle venait en vacance dans la cité préfectorale chez ses grands-parents, et elle en garde une certaine nostalgie. C’est ainsi qu’elle va faire la connaissance de L’Archiduc, qui se prénomme Bertrand, par hasard, alors qu’il quémande à la terrasse du café où elle déguste une boisson chaude, afin de recueillir quelques piécettes qu’il dépensera dans un litron de rouge. Il se fait alpaguer par les policiers, à défaut des punks qui avaient organisé un joyeux chambard, mais quelques jours plus tard elle retrouvera ce trouvère moderne.

Ils discutent et au cours de la conversation, il lui avoue connaître quelques éléments sur une affaire de vol de bijoux, vol qui s’est déroulé quelques temps auparavant, et surtout savoir que si deux des malandrins ont été arrêtés, que deux autres ont été tués et sont enterrés dans un endroit secret. Il ne veut en dire plus, l’incitant à se renseigner dans les archives du journal local.

Il lui confie également que trois ou quatre jours par mois, il est ainsi embastillé. Pourtant elle n’a pas trouvé trace de son nom, de ses interpellations, dans le registre des inculpations. C’est ainsi que Mary Lester est amenée à effectuer une enquête à rebours car si l’Archiduc est ainsi emmené en geôle, c’est pour une œuvre pie.

 

Court roman dans lequel Mary Lester est impliquée sur une affaire classée, mais qui sous son impulsion se retrouve au goût du jour, malgré le commissaire par substitution. Lors de ce vol de bijoux, une prise d’otages avait défrayée la chronique, et le fait qu’un gamin de quatre ans soit parmi les otages.

On retrouve avec plaisir Mary Lester à ses débuts et il manque quelques précisions dans cette histoire dont l’épilogue est assez abrupt. Le personnage de l’Archiduc reste dans le flou, on aurait aimé en savoir un peu plus sur son passé. Pourquoi il est devenu un clochard, et quelles sont ses motivations, même si un début de réponse est donné. En effet, dans la cellule où il est consigné trois ou quatre jours par mois, il cohabite avec un jeune homme atteint d’une forme de lycanthropie. Mais cela n’explique pas tout. On s’en contentera.

Mais le petit côté, disons humaniste, c’est le petit chien qui accompagne partout l’Archiduc. Banal, me direz-vous. Sauf que, lorsque l’éclopé de la vie est alpagué par les policiers, c’est Mary Lester qui prend soin du canidé, l’emmène au toilettage et le garde le temps de l’incarcération.

Ce roman, le deuxième de la série Mary Lester, écrit en octobre 1993 et publié en première édition aux éditions Alain Bargain, comporte quelques petites négligences de relecture, de ce que l’on pourrait qualifier d’erreurs de jeunesse de l’auteur, même s’il avait déjà atteint la cinquantaine.

Ainsi peut-on lire page 14 :

Elle s’assit et commanda un café.

Mais page suivante :

Sur le guéridon de marbre, un pot de thé fumait et il ne lui manquait qu’une pâtisserie pour se sentir vraiment heureuse.

Ah, ces garçons de café, ils sont vraiment étourdis, parfois !

 

Jean FAILLER : Les diamants de l’Archiduc. Une enquête de Mary Lester N°2. Editions du Palémon. Parution 4e trimestre 1998. 176 pages. 9,00€.

ISBN : 978-2-907572-13-2

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8 septembre 2018 6 08 /09 /septembre /2018 07:42

Le mystère du Carré potager ?

Anne PERRY : Le mystère de Callander Square.

Pour planter un arbre, il faut un arbre, un ou deux arboriculteurs, un emplacement adéquat, de la bonne terre avec si possible de l’humus et des engrais organiques.

Toutes les conditions sont réunies sauf que l’impondérable se produit lorsque l’un des arboriculteurs découvre un os. Et pas n’importe quel os ! Celui d’un être humain, d’un bébé, déposé là depuis quelques mois. C’est ce que confirme le légiste à l’inspecteur Thomas Pitt qui a été aussitôt prévenu de cette découverte macabre. Et comme un seul ne suffisait pas, un second cadavre est découvert sous le premier, mais enterré environ deux ans auparavant.

Selon les premières constatations, les nouveau-nés seraient morts naturellement même si le second présente une déformation crânienne.

En ce mois d’octobre 1883, le premier travail que se donne Pitt est de recenser les habitants de ces magnifiques demeures cossues de ce quartier huppé. Selon lui, la mère des gamins pourrait être l’une des servantes de ces familles qui, pour une raison ou une autre, aurait soit perdu ses gamins mort-nés, soit les avoir tués, afin de ne pas subir l’opprobre de ses employeurs.

Il rencontre successivement, Balantyne, un général en retraite, et sa famille composée de sa femme lady Augusta et de ses deux enfants Christina et Brandon dit Brandy, le docteur Freddy Bolsover, marié avec Sophie, Reggie Southeron, directeur de banque et sa femme Adelina, Sir Robert Carlton, qui est au gouvernement, et sa jeune épouse. Les autres sont soit absents, soit ne possèdent que des valets, donc théoriquement n’entrant pas dans le cercle de ses recherches.

Charlotte, la jeune épouse de Pitt, tout juste enceinte, décide d’aider son mari dans son enquête, et accompagnée de sa sœur Emily qui a épousé un représentant de la bonne société, va fouiner dans ce quartier. Elle se fait même embaucher par le général Balantyne, sous son nom de jeune fille, Ellyson, pour mettre à jour ses notes et ses archives dans le but de rédiger un mémoire sur les différentes guerres auxquels ont participé ses ancêtres. Comme ça elle a un pied dans la place et deux yeux sur le square.

Les investigations de Pitt sont tout juste tolérées, car un policier, même du grade d’inspecteur, est considéré comme un être inférieur, à classer parmi les valets et servantes. Pour autant ses rencontres avec les majordomes, valets, servantes, femmes de chambre ne se révèlent pas inutiles. Et si ce n’est pas lui qui découvre les dessous de certains secrets, c’est Charlotte qui en est témoin.

Ainsi Christina, la fille du général Balantyne se laisserait aller à quelques privautés avec Max, le majordome. A moins que ce soit le majordome qui obéirait aux désirs de sa jeune maîtresse. Il n’en est pas moins vrai que Christina serait enceinte, des nausées et autres petits problèmes indiquant un état dit intéressant. Il faudrait la marier avant que cela soit trop flagrant. Alan Ross serait le gendre idéal, même si deux ans auparavant il fleuretait avec Helena, laquelle depuis a disparu. Encore une énigme.

D’autres cadavres sont cachés dans des placards, et il ne s’agit pas toujours d’une image de rhétorique, tout au moins pour les cadavres.

 

De novembre 1883 à janvier 1884, le lecteur est invité à s’immiscer dans la bonne société et à découvrir les dessous pas toujours très nets de ceux qui se sentent supérieurs. Anne Perry, à l’aide de quelques cas, quelques familles, décrit la société victorienne sans concession. Et met l’accent sur la condition négative de la femme, surtout dans la société huppée constituée de nobles et bourgeois très aisés.

Ainsi Charlotte Pitt, qui a fait un mariage d’amour, alors que sa situation lui aurait permis de prétendre à mieux. Surtout pour ces parents. Et aujourd’hui, au moment où se déroule cette histoire, elle peut enfin lire les journaux.

Avant son mariage, son père lui interdisait ce genre de lecture. Comme la plupart des hommes de son rang, il jugeait cela vulgaire et totalement inconvenant pour une femme. Après tout, ce n’était qu’un salmigondis de crimes et de scandales, et de notions politiques impropres à la considération des personnes du sexe féminin, outre le fait, bien sûr, qu’elles étaient intellectuellement inaccessibles.

 

Les petites incartades des servantes sont considérées avec une certaine mansuétude de la part de certains. Ainsi Reggie Southeron pense, en dégustant son porto dont il abuse quelque peu :

Il y avait peu de distractions dans l’existence d’une servante, et tout le monde savait que les filles, surtout celles qui venaient de la campagne pour s’élever dans l’échelle sociale, ne répugnaient pas à se divertir. C’est bien connu, du moins de ceux qui menaient un certain train de vie. Mais il était fort possible que la police, qui ne valait guère mieux que les marchands ou les serviteurs eux-mêmes, voie les choses d’un tout autre œil.

 

Bien d’autres exemples sur la possible infériorité intellectuelle et sentimentale des femmes sont énoncés dans ce roman, des opinions émises par des hommes bien entendu, mais ceux-ci ne se rendent pas compte qu’ils sont les jouets de leurs fantasmes, engoncés dans leurs préjugés, et lorsqu’ils sont confrontés à la réalité, ils tombent de haut. Mais ce n’était pas encore l’époque où les femmes pouvaient revendiquer l’égalité et au moins le respect.

Anne PERRY : Le mystère de Callander Square. (Callander Square – 1980. Traduction de Roxane Azimi). Collection Grands Détectives N°2853. Première parution mai 1997. 384 pages. 7,50€. Cet ouvrage a été réimprimé à de nombreuses reprises sous différentes couvertures.

ISBN : 978-2264025845

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5 septembre 2018 3 05 /09 /septembre /2018 08:06

Sur les genoux ? A dada sur mon chameau, quand il trotte…

Une production Christian JACQ !

Célestin VALOIS : Faites sauter le Pharaon.

A trente ans, Basile Espérandieu, dit tout uniment Basile, est maître de recherche détaché du Centre National de la Recherche Scientifique et correspondant de l’Académie des Sciences. Ce qui en jette. Et il émarge à un service secret, un service de renseignements fondé sur les échanges des correspondants des Cinq Académies, et dont le but est de regrouper les informations recueillies auprès de chercheurs de tous horizons. Cette émanation scientifique est indépendante des pouvoirs politiques et peut ainsi voler de ses propres ailes. La finalité étant de tisser un réseau international pour sauver le monde de la dictature. Tout un programme, une utopie que l’on ne rencontre que dans les romans. Mais néanmoins on peut rêver à son existence.

Mais Basile est distrait. Il se trompe dans les dates par exemple, dans les cartes et les digicodes pour s’introduire en toute légalité et insouciance sous la Coupole de l’Institut de France. C’est ainsi que son intrusion perturbe son chef, l’un des trois plus grands physiciens français, mais comme Basile avait terminé il vient remettre son rapport sur la mission qui lui avait été confiée, avec quelques jours d’avance.

Cette mission, qu’il avait acceptée comme Monsieur Phelps, sans quoique ce soit se détruise dans les cinq secondes, consistait en la remise d’un rapport sur les relations politiques entre l’Egypte et Israël et leur potentiel scientifique. Et pour sceller cette alliance, le président égyptien doit se rendre à Jérusalem car il a un projet qui ne fait pas que des heureux. Bref, Basile se propose de retourner en Egypte afin de peaufiner sa mission.

En attendant, il se rend de nuit dans une pharmacie homéopathique où travaille Béatrice, la jeune directrice du laboratoire homéopathique de l’officine et accessoirement sa maîtresse. Il a caché dans une armoire un vase égyptien qu’il destine à son amoureuse. Il possède la clé de la porte d’entrée, mais il n’en a pas besoin, car celle-ci est déjà ouverte. Des voleurs se sont introduits dans la boutique. Ils espèrent pouvoir s’emparer du vase d’albâtre qui émet un trait violet et des rayons rougeâtres.

Les deux hommes sont éberlués, et l’un d’eux choit tandis que l’autre parvient à s’enfuir, non sans avoir violemment percuté Basile qui se retrouve les fesses par terre. Et menotté car la police vient de faire son apparition.

Conduit au commissariat, Basile est embastillé en compagnie d’un truand, Jo le Corse, qui a fondé la Société de Défense de l’Environnement du bois de Boulogne. Une société destinée à protéger ses intérêts dans ce qui dans le temps se nommait le pain de fesses. Basile à l’aide d’un petit outil, un vulgaire trombone de bureau, ouvre les menottes de son nouvel ami qui s’était fait coffrer exprès, recherché qu’il était pour une histoire de dettes avec le Grec. J’abrège.

Basile est dédouané par l’individu assommé, car naturellement il ne possédait pas ses papiers sur lui. Une distraction de plus qui aurait pu lui être fatale. Seulement l’inspecteur Lafuge n’est pas convaincu de l’innocence de notre scientifique agent secret, et il décide, sans en informer sa hiérarchie de suivre pas à pas Basile qui fidèle à son idée va embarquer pour l’Egypte.

Mais le vase égyptien n’est pas un objet unique, un autre existe et doit être remis lors d’une cérémonie entre Begin et Sadate afin de sceller l’amitié entre les deux peuples. Seulement il contient un produit nocif qui lors de l’ouverture du vase risque de provoquer la mort de très nombreuses personnes. Une petite manipulation à découvrir dans un grimoire permet cette opération d’enlèvement d’opercule sans danger. Mais encore faut-il trouver la clé.

 

Nous suivons avec amusement les tribulations de Basile le Distrait, ainsi que divers protagonistes, dans ses déplacements et ses recherches. Un roman humoristique d’aventures qui pourrait être une aimable bluette, à la façon d’agents secrets comme l’avait si bien interprété Don Adams dans la série télévisée Max la Menace de Mel Brooks et Buck Henry à la fin des années 1960.

Mais on ne peut s’empêcher de penser également à Pierre Richard dans Le Grand blond avec une chaussure noire, un film d’Yves Robert de 1972, d’autant que Basile lui aussi est blond, et que cette couleur de cheveux est anormale en pays arabe. Surtout lorsque Basile se trouve sans chapeau dans un édifice religieux.

Les gags s’enchaînent dans la joie et la bonne humeur, sauf pour quelques participants à cette aventure mouvementée. Car en sous-main d’autres protagonistes n’apprécient pas le rapprochement envisagé entre Sadate et Begin. Des marchés juteux sont en jeu. Et quarante ans ou presque après la parution de ce roman, on peut se dire que rien n’a changé ! Et même que cela a empiré.

 

Fausener faisait partie du cercle étroit de ces hommes, inconnus du grand public, qui dirigent la marche boiteuse du monde. Il laissait le devant de la scène aux présidents pantins, aux chefs corrompus des partis politiques, à la kyrielle de gugusses qu’il manipulait à sa guise.

 

Célestin VALOIS : Faites sauter le Pharaon. Série Basile le distrait N°1. Editions Plon. Parution mai 1980. 224 pages.

ISBN : 2259006175

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25 août 2018 6 25 /08 /août /2018 13:01

Oh la belle bleue ! Oh la belle verte !

Oh Label rouge ! Oh Label noir !

Didier FOSSEY : Artifices.

Une fois n’est pas coutume, je vais débuter ma chronique par une scène. Pas une scène de crime, ni une scène de ménage, mais une mise en scène explicite.

Un personnage empruntant au petit matin l’escalier qui le mène de sa chambre à l’étage jusqu’au salon au rez-de-chaussée, peut contempler un désordre vestimentaire prélude à une union charnelle et copulatoire, véritable inventaire à la Prévert.

Il croisait sur les marches, un soutien-gorge, sa chemise, un pull à col roulé, son jeans, un autre pantalon, un string… Arrivé au rez-de-chaussée, il chercha son slip et le retrouva négligemment jeté sur le dossier du canapé.

Cherchez l’erreur ! Si vous ne trouvez pas, la solution est en fin d’article. Il n’y a pas d’artifice.

 

Donc procédons dans l’ordre et commençons par le début :

2013. En l’hôpital psychiatrique de Cadillac, roulez jeunesse pense Mathias qui se morfond. Il est interné pour troubles psychologiques, échappant à une prison mortifère. C’est un tueur en série mais il espère bien un jour être relaxé. Tout du moins il fait tout pour se concilier les bonnes grâces du docteur Lascard et des infirmiers. Il se montre calme, obéissant, mais évite autant faire que peut d’ingurgiter les cachets qui lui sont enfoncés dans la gorge. Au début car peu à peu devant sa bonne volonté, l’attention se relâche.

2015. Promenons-nous dans les bois, refrain connu. Ce qui moins agréable, c’est de découvrir un homme, du moins ce qu’il en reste, attaché à un arbre. Un meurtre peu banal en la forêt de Rambouillet et l’affaire est confiée à la Criminelle et plus particulièrement au commandant Boris Le Guenn et à ses hommes. Une petite équipe qui compte également dans ses rangs une femme, Nathalie, qui n’a pas froid aux yeux, mais qui n’est pas encore habituée à découvrir des cadavres dans de telles circonstances.

D’après la police scientifique, l’homme aurait subi les assauts contrôlés d’une chandelle, pour le commun des mortels tel que moi une fusée, un gros pétard qui lui serait entré dans le tronc via les gonades. Du travail de professionnel apparemment, car on ne manie pas ce genre d’engin sans un minimum de connaissance. Sans oublier qu’il faut connaître des revendeurs de cet artifice détonant. L’enquête s’avère délicate, mais au moins l’identité de cet explosé révèle qu’il habitait à Méré, petit village non loin de La Queue-lez-Yvelines. Un nom prédestiné ?

D’autant qu’un second cadavre est retrouvé ayant subi le même mode opératoire ou presque. La concordance de ce meurtre avec le précédent incite les autorités à refiler le bébé à Le Guenn, malgré le désaccord de la gendarmerie. Une spécialiste des feux d’artifices, des chandelles, une lumière dans son domaine, est embauchée comme consultante.

 

Difficile affaire qui laissera des traces chez Le Guenn, d’autant que celui-ci est affligé d’un problème familial. Mais son passé le rattrape.

En parallèle, le lecteur peut suivre les démêlés d’une gamine, qui, son pot de lait à la main, se rend à la ferme. Telle Perrette, mais elle ne rêve pas en cours de route. Elle cauchemarde, et lorsqu’elle rentre chez sa famille d’accueil, elle pleure en chemin.

 

Tout en sobriété, Didier Fossey narre cette histoire navrante d’une fillette issue de la DASS, aujourd’hui ASE c’est-à-dire Aide Sociale à l’Enfance. Mais ces gamins ne sont pas vraiment aidés par cet organisme, qui fait tout pour qu’ils ne soient pas pris en charge affectueusement par les familles d’accueil à qui ils sont confiés. Et les autres élèves, ainsi que les habitants du village, ne voient pas d’un bon œil ces orphelins issus dont on ne sait quel ventre, des étrangers à la commune, de futurs délinquants qui sait.

C’est bien ce problème sociétal que Didier Fossey met en avant, tout en restant mesuré dans ses descriptions. Il décrit avec pudeur l’enfance perturbée de cette enfant qui ne peut se plaindre.

D’autres éléments entrent également dans cette histoire, dont l’histoire de Mathias, qui grâce à des subterfuges, obtient l’autorisation de se promener dans le parc de la clinique psychiatrique.

Et c’est la conjonction de tous ces problèmes qui font de ce livre une intrigue poignante, dans lequel le passé des différents protagonistes joue un rôle primordial.

Je regrette toutefois que page 218, le prénom d’une jeune femme placé dans le cours de la narration induise le lecteur en erreur.

Mais revenons à notre énigme du début. L’avez-vous résolue ? Non ?

Reprenez la disposition des vêtements telle qu’elle est décrite dans le sens du haut vers le bas, mais en reprenant du bas vers le haut. On se déshabille comme l’on veut, selon les désirs du partenaire, et dans la précipitation des aspirations des intervenants. Mais enlever son slip avant son pantalon, cela relève de la magie, de l’illusionnisme, ou d’un tour de force digne des plus grands équilibristes. Donc, l’homme qui descend l’escalier aurait dû découvrir son slip sur une marche et son pantalon sur le canapé. Bref il s’agit d’un déshabillage à l’envers, mise en scène qui n’abuserait pas un bon détective, ou un bon policier.

A moins que Didier Fossey ait voulu embrouiller le lecteur afin de détendre l’atmosphère, petit point rose dans une grande histoire noire.

Didier FOSSEY : Artifices. Editions Flamant Noir. Parution le 18 juin 2018. 390 pages. 19,50€.

ISBN : 979-1093363455.

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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 07:35

Au moins cela fait plaisir de voir quelqu’un sourire !

Gyles BRANDRETH : Oscar Wilde et le cadavre souriant

Parti aux Etats-Unis où il a été invité pour des conférences, auréolé de la parution récente de son recueil de poèmes publié en 1881, Oscar Wilde est aussi connu pour son excentricité vestimentaire. Il débarque le 2 janvier 1882 à New-York puis il va parcourir le pays, le succès le boudant au début de sa tournée mais allant grandissant.

A Leadville, dans le Colorado, il fait la connaissance dans une situation critique pour son portefeuille d’un professionnel des jeux de cartes. Un certain Eddie Garstrang qu’il retrouvera, à la fin de son périple, dans les bagages d’un homme de théâtre français, Edmond La Grange, dont la tournée a été triomphale. Garstrang, ayant perdu aux cartes contre La Grange, est devenu son secrétaire. Et comme le vieil habilleur de l’homme de théâtre vient de décéder, ce sera Traquair, le serviteur noir américain d’Oscar, qui le remplacera.

Mais ce qui unit Oscar à La Grange, c’est la proposition que ce dernier a faite au poète. Traduire Hamlet afin que la pièce de Shakespeare soit jouée à Paris, au Théâtre La Grange. Oscar embarque fin décembre en compagnie de la troupe La Grange afin de regagner l’Angleterre puis la France. Autour de la table, Edmond La Grange, Liselotte La Grange, sa mère qui pour tout le monde est Maman et est affublée d’un détestable caniche nommé Marie-Antoinette. Richard Marais est l’homme d’affaires de la compagnie. Il est chauve, terne, sans personnalité ni point particulier sauf celui d’être atteint de surdité. Carlo Branco, descendant d’une longue lignée d’acteurs portugais, est le plus vieil ami d’Edmond et l’acteur principal. Enfin, Gabrielle de La Tourbillon, actrice trentenaire et maîtresse officielle d’Edmond qui possède le double de son âge. Juste une petite remarque comme cela en passant et qui ne prête pas à conséquence, quoi que Gabrielle soit attirée par les hommes jeunes.

Les deux enfants d’Edmond, issus d’un précédent mariage avec Alys Lenoir, décédée, les jumeaux Bernard et Agnès, vingt ans, ne sont pas présents sur le navire, mais leur rôle dans la pièce qui sera montée à Paris est déjà défini.

Si le voyage se passe bien, l’arrivée à Liverpool est mouvementée, à cause de l’humour d’Oscar Wilde, humour pas apprécié par les douaniers. Et en ouvrant la malle du poète, ils découvrent non pas des livres comme Oscar le prétend, mais de la terre et Marie-Antoinette morte étouffée. Le premier cadavre de la liste qui sera suivi par bien d’autres, et des humains cette fois, lorsque tout ce beau monde sera arrivé dans la capitale française.

C’est au commencement du mois de février 1883 (à Paris, au début du printemps ?!) que Robert Sherard, le narrateur, rencontre par hasard dans le foyer du théâtre La Grange celui qui deviendra son ami et dont il écrira les mémoires. Mémoire peut-être défaillante ou approximative comme on peut le lire, puisque février est considéré comme le début du printemps. Ne nous formalisons pas pour si peu et continuons notre lecture.

Traquair, l’habilleur de La Grange est retrouvé décédé dans une petite pièce attenante à la loge du comédien. Il se serait asphyxié au gaz. Suicide, meurtre, accident ? La Grange et ses proches décident de ne pas prévenir la maréchaussée, et le soin de procéder aux premières constations et aux formalités administratives est confié aux bons soins au docteur Ferrand ami et médecin de la troupe. Et par voie de conséquence, Robert Sherard devient l’habilleur d’Edmond La Grange, ce qui lui permet de côtoyer l’univers théâtral de l’intérieur.

 

Et cet univers, Sherard ne le dédaigne pas, au contraire. Outre son amitié avec Oscar Wilde, et ses relations privilégiées avec Gabrielle de La Tourbillon, un véritable tourbillon, il sera amené à faire la connaissance d’autres personnages, parfois hauts en couleurs, telle Sarah Bernhardt et sa ménagerie, ses fêtes, ses exigences, sa beauté, son talent.

L’auteur, via son personnage de Robert Sherard qui a réellement existé, nous entraîne dans une histoire dont Oscar Wilde est le héros. Tandis que Wilde fête ses vingt-huit ans, Sherard lui n’en a que vingt et un et il est subjugué par le poète. Et ils vont ensemble découvrir Paris, ses quartiers louches, mais également les beaux quartiers, dont Neuilly où est située la clinique psychiatrique du docteur Blanche. L’opium et autres produits illicites sont consommés avec abondance. Et surtout l’univers du théâtre, avec ses acteurs qui subissent l’ostracisme de la plupart des gens bien pensants, même si cela reste l’occupation favorite du peuple.

L’intrigue est presque mise de côté, et ne trouve une véritable résolution que dans l’épilogue, quelques années plus tard, et qui donne véritablement son sens au titre. Le récit est enchâssé en effet dans une scène se déroulant lors de la visite chez Madame Tussaud, un musée de cire antérieur à celui du Musée Grévin, avec comme protagonistes, nos deux amis et Conan Doyle. Lequel est mystifié par le sens de l’observation et de la déduction d’Oscar Wilde.

Wilde possède bien d’autres qualités dont l’humour qui parfois lui joue de bien mauvais tours. Mais il ne peut s’empêcher de manier l’ironie. Il pratique aussi les aphorismes ce qui se trouve être le sel d’une intrigue où le côté policier est quelque peu dilué mais habilement amené.

 

Pour un poète, le plagiat est véniel et le mensonge presque capital. Mentir, c’est-à-dire formuler de belles contrevérités, est le véritable but de l’art.

 

Quelle que soit sa nationalité, la presse se contente aujourd’hui de narrer avec une avidité obscène les inconduites de gens médiocres et nous rapporte avec la minutie des ignorants le détail précis et prosaïque de l’existence de personnes absolument sans intérêt.

 

L’œil est le carnet de notes du poète, et celui du détective.

 

Il y a un sujet sur lequel les hommes et les femmes sont d’accord. Ni les uns ni les autres ne font confiance aux femmes.

 

Réimpression le 19 septembre 2013, dans une nouvelle traduction de Carine Chichereau.

Réimpression le 19 septembre 2013, dans une nouvelle traduction de Carine Chichereau.

Gyles BRANDRETH : Oscar Wilde et le cadavre souriant (Oscar Wilde and the Dead Man’s Smile – 2009. Traduction de Jean-Baptiste Dupin). Collection Grands Détectives N°4412. Editions 10/18. Parution le 4 février 2010. 416 pages. 8,10€.

Réimpression le 19 septembre 2013, dans une nouvelle traduction de Carine Chichereau.

ISBN : 978-2264046512

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20 août 2018 1 20 /08 /août /2018 08:31

L’une des rares professions où l’on peut lire sur son lieu de travail en toute impunité !

GUDULE : La bibliothécaire.

Les cours de français de monsieur Pennac ( !) seraient-ils si soporifiques pour que le jeune Guillaume s’endorme sur son pupitre ? D’autant qu’il se fait remarquer en ronflant bruyamment.

La réalité est tout autre. Si Guillaume est fatigué, c’est parce que depuis quelque temps, il espionne de la fenêtre de sa chambre, un appartement situé de l’autre côté de la rue. Une vieille dame écrit durant des heures et il se demande bien ce qu’elle peut rédiger.

Or un soir, alors que la vieille dame éteint sa lumière, peu après il aperçoit une jeune fille vêtue d’une cape sortir de l’immeuble et s’éloigner. Il décide la suivre et pénètre à sa suite dans la bibliothèque par une porte dérobée. Mais la lumière allumée et le bruit engendré par les appels de Guillaume alertent le gardien. Ils s’enfuient précipitamment et se retrouvent le boulevard désert.

Ils devisent tranquillement et Guillaume apprend que la jeune fille se prénomme Ida. Elle a de beaux yeux et il tombe sous le charme de cette adolescente qui paraît n’avoir qu’une quinzaine d’années. A sa grande surprise Ida lui révèle que la vieille dame, c’est elle. Elle avoue être âgée de quatre-vingt-quatre ans, avoir été bibliothécaire durant des décennies, et que son rêve était d’être romancière. Mais elle n’a jamais pu trouver le grimoire qui lui aurait permis de réaliser son souhait le plus cher.

Mais deux ou trois jours plus tard, pas de lumière chez la vieille dame. Il apprend que celle-ci vient de décéder. Il ne verra plus Ida. Aussi, armé de son seul courage et d’un canif, il entre dans l’appartement et découvre le fameux cahier. Il se met en tête alors de découvrir le grimoire en compagnie de son ami Doudou, un Noir qui ne parle pas mais s’exprime tel un rappeur, et d’ectoplasmes farceurs.

 

Dans une ambiance très fantastique, ce roman pour adolescent est un hommage aux bibliothécaires et aux documentalistes, à tous ceux et celles qui œuvrent afin que les adolescents se plongent dans la lecture et la littérature.

C’est frais, c’est charmant, c’est enjoué, et l’on aimerait être à la place de Guillaume lorsqu’Ida lui fait une bise sur la joue. Mais au-delà de cette intrigue menée rondement, ce sont les aveux d’Ida à Guillaume qui en font le support de l’histoire.

En effet, à la remarque de Guillaume qui demande pourquoi Ida a choisi de n’avoir que quinze ans lors de sa recherche du grimoire, la jeune fille répond :

Les seuls livres que j’ai négligés, lorsque j’étais bibliothécaire, ce sont ceux destinés aux jeunes. Je ne les trouvais pas intéressants. Adulte, il me manquait la fraîcheur d’âme nécessaire pour les apprécier. Ce fut sans doute mon erreur. Une erreur que je tente désespérément de réparer aujourd’hui… AVANT QU’IL SOIT TROP TARD !

Car elle n’a plus longtemps à vivre, elle en est consciente, malgré les dénégations de Guillaume.

Une réflexion qui conforte, s’il en était besoin, de lire ou relire des ouvrages pour adolescents, alors que je suis dans le même état ou presque que la vieille dame. Un plaisir de redécouverte, de se plonger dans une littérature d’évasion, policière, fantastique, de science-fiction, sans violence, sans psychologie de comptoir, sans étalage d’une érudition factice ou réelle, voire sans prise de tête avec certains auteurs pour adultes.

Gudule, alias Anne Duguël lorsqu’elle signait des romans pour adultes justement, nous fait revisiter, grâce aux personnages qu’elle invente pour accompagner Guillaume et Doudou dans leurs recherches du grimoire, nous permet de retrouver avec un émerveillement non feint, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Poil de Carotte de Jules Renard, Gavroche de Victor Hugo ou encore le Petit Prince de Saint-Exupéry, qui vivent leurs aventures transposées dans l’univers de nos deux adolescents.

Et comme l’affirme justement le Petit Prince à une déclaration de Guillaume qui affirme détester les livres où les gens meurent :

Ce qu’il y a de bien dans les histoires, c’est qu’on peut toujours revenir en arrière.

Que veux-tu dire ?

C’est l’avantage qu’ont les livres sur la vie réelle. Dans la vie réelle, quand un drame arrive, on se dit : comme j’aimerais retourner dans le passé, profiter du bonheur d’avant ! La lecture nous donne cette possibilité : il suffit de reprendre les chapitres précédents, et on revit les moments que l’on aime chaque fois qu’on le désire.

A tous ceux qui se sentent honteux de lire ou relire des romans dits juvéniles, se sentant trop vieux pour ce genre d’exercice, qui méprisent même ceux qui le font c’est-à dire se plongent dedans avec délectation, les jugeant attardés, ce petit roman devrait les exonérer de cette pensée déshonorante et au contraire les inciter a se plonger ou replonger dans la lecture jeunesse qui souvent se montre plus enrichissante que celle pour les soi-disant intellectuels méprisants.

La Lecture doit rester un plaisir et ne pas devenir un pensum !

GUDULE : La bibliothécaire. Le Livre de Poche Jeunesse N°547. Parution novembre 2007. 192 pages.

ISBN : 978-2013224062

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15 août 2018 3 15 /08 /août /2018 13:08

Attention aux éclaboussures !

Roland SADAUNE : Fatal plongeon.

Canal Saint-Martin, Quai de Valmy, Rue de la Grange-aux-Belles… Un quartier qui rappelle certaines scènes aux cinéphiles. Mais également un quartier qui accueillit, il y a guère, les tentes des SDF sous la houlette des Enfants de Don Quichotte, une association caritative.

Des SDF qui sont devenus des êtres solitaires, parfois solidaires à cause du chômage. Car il existe un engrenage infernal dans la descente aux Enfers de la vie communautaire.

Un SDF sur trois est divorcé ou veuf, disent les statistiques, mais combien se sont fait larguer en accédant au chômedu

Le narrateur, Philippe Fargus, quinquagénaire qui dans une autre vie fut un commercial dans une boîte située dans une tour de la Défense, a été prié de quitter son emploi, compression de personnel afin de réduire les dépenses et augmenter les dividendes des actionnaires. Il est logé temporairement par sa sœur, qui élève seule ses enfants. Et il passe sa journée à traîner, à boire des caouas arrosés, à rencontrer des collègues de la mouise.

C’est ainsi qu’il apprend par l’un des poteaux de la rue que celui-ci possède un colocataire au square des Récollets. Quand l’un est absent, l’autre surveille son soupirail. Des bouches de chaleur jalousement gardées. Il n’y a pas de loyer à payer, aussi les places sont prisées. Et ce colocataire se prénomme Benoît. Benoît comme… Les souvenirs remontent à la surface, comme autant de bulles d’aigreur, dans l’esprit de Phil.

 

Une histoire simple, banale, pourrait-on croire, mais Roland Sadaune sait faire monter et passer l’émotion des exclus de la vie. Ceux que l’on regarde parfois avec mépris, ne sachant pas ce qui se cache derrière leur déshérence, pourquoi et comment ils en sont arrivés à vivre, survivre dans la rue. La faute à l’alcool, un jugement décliné avec assurance mais souvent sans fondement.

La violence est intérieure, elle s’exprime avec retenue, avec pudeur, avec honte aussi.

Roland Sadaune n’est jamais aussi bon que dans ses textes courts, des peintures exécutées sur le vif, en bleu-nuit et traînées de rouge.

 

Et pour commander cette nouvelle, une seule adresse :

 

Roland SADAUNE : Fatal plongeon. Nouvelle numérique. Collection Noire sœur. Editions SKA. Parution le 30 octobre 2015. 12 pages. 1,49€.

ISBN : 9791023402568

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9 août 2018 4 09 /08 /août /2018 10:22

Hommage à Thierry Jonquet décédé le 9 août 2009.

Thierry JONQUET : La bombe humaine.

J'habite Lantigny et mon papa n'a plus d'emploi. Alors c'est dur, surtout pendant les vacances scolaires. Le magnétoscope est en panne aussi j'ai pas pu regarder mes cassettes alors que mes copains sont partis au ski.

Aujourd'hui c'est la rentrée et la maîtresse, une remplaçante, nous a demandé de raconter nos vacances de Pâques. C'est alors qu'un homme tout en noir avec une cagoule est entré dans la classe.

Il avait des explosifs qu'il a déposé sur le bureau de la maîtresse. Au début on a cru qu'il s'agissait d'une alerte à la bombe. Mais ce qu'il voulait c'était négocier avec le ministre de l'Intérieur, c'est pourquoi nous nous sommes retrouvés en otage. Nous, on ne savait pas très bien ce qu'il voulait.

En tout cas, Cécile, notre maîtresse, n'en menait pas large au début. Il a relâché quelques-uns des élèves, et nous on est resté. Même Brouillet, que j'aime pas beaucoup mais qui s'est montré très courageux avec son bras dans le plâtre. La journée a été très longue et on va coucher dans la classe.

Moi je n'ai pas trop peur, surtout que je dois réconforter Lydia. Lydia, je l'aime bien, et peut-être qu'elle va devenir mon amoureuse. Tout de même je me demande comment tout ça va finir, d'autant que l'homme en noir est assez nerveux.

Les maîtres et les policiers eux aussi ont peur de lui. C'est normal avec tous les explosifs qu'il a apporté. Mais comme dit Lydia, c'est pas un fou. Tout est préparé.

 

Malgré l'avertissement "toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé est pure coïncidence", on ne peut s'empêcher de penser à la prise d'otage d'une école de Neuilly. Pourquoi se voiler la face.

Thierry Jonquet nous livre sa vision des événements et surtout sa conception de l'épilogue de ce drame qui aurait pu dégénérer. Narré par un enfant, cette histoire possède malgré tout une certaine fraîcheur, et les soucis des enfants diffèrent parfois de ceux des adultes. Ils n'appréhendent pas le danger de la même façon et c'est aussi bien. Ils ne paniquent pas, ou moins.

 

Thierry JONQUET : La bombe humaine. Collection Souris Noire N°4. Editions Syros. Parution 25 octobre 1994. 88 pages.

ISBN : 978-2841460410

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8 août 2018 3 08 /08 /août /2018 09:46

A Honolulu, seuls, tous les deux sur la plage …

Steven BELLY : Le réveil du Kilauea.

Dans l’archipel des îles Hawaii, les vagues ne manquent pas pour pratiquer le surf, occupation favorite de Kira.

Ce qui n’était pas prévu au programme, c’est que Kira découvre près d’une plage le cadavre d’une jeune adolescente. Bon, si encore il avait été entier, mais non, il a été découpé, proprement qui plus est. Les vacances commencent bien !

Aussitôt alerté par Kira, le lieutenant William Keala, le policier attaché au département criminel d’Honlulu mais passant quelques jours de vacances sur son île natale de Kauai, débute son enquête. Kira lui fournit une identité, Sofia Stern de nationalité canadienne, vrai faux passeport à l’appui. Keala est dubitatif, mais hospitalité oblige, il propose à Kira d’être hébergée dans l’hôtel que tient sa femme. Funeste proposition puisque le lendemain, alors que Kira est au dehors, le bâtiment est la proie d’un incendie. Keala qui s’était absenté est abattu moralement, mais le travail avant tout.

Parti chercher du poisson pour le manger, en revenant il a aperçu une voiture dans laquelle étaient assis deux individus ne possédant pas le profil du touriste de base. Or, le cadavre disparait et il en conclu que Kira était peut-être visée à cause de sa découverte. Kira, qui maîtrise l’informatique en véritable hackeuse, contacte des amis, vérifie les images qu’elle a prises grâce à sa caméra dite d’action, effectue des recherches sur divers sites. De son côté Keala tente de déterminer, avec la police scientifique, l’identité du cadavre envolé. Et la procédure employée pour démembrer cette jeune fille porte la signature d’un professionnel, russe de nationalité ou d’origine.

Keala et Kira, la protégée de Mack Bolan plus connu sous le surnom de L’Exécuteur, vont unir leurs efforts afin de découvrir qui est ce tueur mais ils vont rapidement s’apercevoir que d’autres éléments nagent dans ce qui semble être un marigot nauséeux. Car outre le Russe, dont ils parviennent à déterminer l’identité en visionnant des images vidéos tournées dans un centre commercial, d’autres personnages, et pas des moindres sont sur leurs traces. Des hommes émargeant à des organismes occultes ou non, tels que le NSA, et d’autres beaucoup plus confidentiels.

 

Au début de ce roman, n’ayant pas lu les précédentes aventures de Kira et précédemment celles de l’Exécuteur alias Mack Bolan, personnage créé par Don Pendleton et dont les aventures se comptent environ à 600 volumes grâce à la participation d’une pléiade d’auteurs, Français et Américains, publiées en France chez Vauvenargues, donc n’ayant pas lu les précédentes aventures de notre héroïne, je me suis senti un peu perdu.

Mais au fur et à mesure de la lecture de l’intrigue j’ai réussi à me remettre les rouages de l’esprit à l’endroit et mieux discerner la psychologie de cette guerrière informaticienne.

L’informatique, là aussi j’ai coincé, car trop de détails, de technologies, de marques également sont mentionnées, ont perturbé quelque peu ma lecture, au début. N’étant pas un spécialiste ni un forcené des nouvelles technologies informatiques, je dois avouer que j’ai passé quelques passages, passages qui raviront surement les amateurs mais qui pour moi se concrétisent par des impressions de remplissage. Mais tout le monde n’est pas comme moi, heureusement, et ceux s’y connaissent râleraient avec juste raison si les explications étaient omises.

Outre les aventures trépidantes vécues par Kira et son allié de circonstance, et les diverses péripéties qui se greffent avec les membres de diverses organisations secrètes américaines, ce sont les explications sur les agissements des diverses entreprises informatiques puisant les informations dans des réseaux sociaux, et les connivences du nouveau président américain profitant des aides informatiques fournies par le NSA et autres pour berner les Américains qui se révèlent intéressantes et pas innocentes.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, si les scènes d’action ne manquent pas, celles de violence et de torture sont quasi inexistantes, de même que les scènes de sexe qui s’étalent sur deux pages tout au plus, peut-être pour respecter le cahier des charges imposé par l’éditeur.

 

Si seulement ces crétins savaient qu’à partir d’un minimum de 68 likes d’un internaute, il est possible de prédire sa couleur de peau, son orientation sexuelle ou ses convictions politiques.

 

Désormais, les algorithmes savent ce que nous faisons et ce que nous pensons. Ils nous connaissent mieux que nos propres amis, pour ne pas dire notre famille.

 

Des gens éduqués, informés, partagent aujourd’hui sans ciller des vidéos ou des news qui sont de vulgaires hoax sans s’interroger sur leur véracité.

 

La vérité est un iceberg qui flotte sur un océan de mensonges. Ce qui veut dire que 90% de son volume est sous la surface de l’eau.

 

Effarant, non ?

Peu d’informations concernant l’auteur Steven Belly ont filtré, sachons toutefois qu’il s'agit du pseudonyme d’une équipe d’auteurs de polar rompus à l’exercice de la série littéraire et télévisuelle.

Steven BELLY : Le réveil du Kilauea. Série Kira. Editions Les Saturnales. Parution le 22 février 2018. 256 pages. 7,95€.

ISBN : 978-2364010680

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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