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1 mai 2018 2 01 /05 /mai /2018 09:25

Mais cet ouvrage est bien réel, lui !

Jean RAY : Le livre des fantômes.

Après une érudite préface modestement signée Les éditeurs, et dont la paternité est révélée dans la postface, préface qui se veut l’historique du Roman noir, lequel n’a rien à voir à cette appellation qui est une forme moderne du roman policier social, et est dénommé de nos jours roman gothique, peut-être à cause d’une origine germanique, nous entrons dans le vif du sujet

Publié en 1947 par une petite maison d’éditions belge qui fit faillite, cet ouvrage, qui ne comportait que des textes originaux, tentait de redorer un blason littéraire mis à mal après les années de guerre. Ce n’est pas tant qu’il s’occupa de politique durant l’Occupation, mais le fait qu’il collabora à des revues, dont Cassandre, qui étaient d’obédience germanique.

Or, et même si Arnaud Huftier fournit une explication selon laquelle Jean Ray pratiquait l’antisémitisme à travers ses personnages pour fournir un aspect scientifique, il est dommage que juste après guerre l’on puisse lire dans M. Wohlmut et Franz Benschneider, ce genre de phrases :

M. Wohlmut ne s’en étonna pas : les juifs polonais qui fréquentaient les marchés d’Holzmüde, affreux bonshommes gluants de crasse et de plique, offraient souvent en vente les plus étonnants objets.

Plus loin M. Benschneider affirme :

Ces juifs polonais, que Dieu confonde pour leur rapacité et leur malhonnêteté, ont parfois de bonnes choses.

C’est peu et c’est beaucoup dans un contexte qui se relevait difficilement des années nazies, et que les Juifs, Français et Polonais, avaient particulièrement soufferts de leurs exactions. Bien sûr on peut prétendre que Jean Ray ne se faisait que le porte-parole d’une partie de la population, et qu’il s’agit de fictions, mais quand même cela gêne aux entournures. De nos jours cet aspect est ressenti de manière plus prégnante, voire outrageante qu’il y a trente ou quarante ans. Les temps changent, les mentalités aussi.

Ce petit malaise évacué, malaise que ne ressentiront pas forcément tous les lecteurs, visitons quelques-unes de ces nouvelles, ou contes, dans lesquelles les fantômes font leur apparition de manière plus ou moins évanescente, des impressions dues à diverses circonstances.

Qui de nous, en effet, n’a jamais aperçu un individu que personne d’autre dans notre entourage distinguait. C’est ce qui produit dans Mon fantôme à moi, conte dans lequel Jean Ray se met personnellement en scène, revenant sur des épisodes marquants de son enfance ou de son adolescence, au cours desquels il voit, ou croit voir, un homme au foulard rouge. Les personnes à qui il en parle refusent de le croire ou au contraire sont apeurées, or peu après un incident dramatique se produit.

Maison à vendre est une histoire qui lui aurait été rapportée par un démonographe éclairé. Un fieffé voleur sauve un jour de la noyade le vieux chien d’un juge intègre et intraitable pour qui les circonstances atténuantes n’avaient pas cours dans les procès qu’il instruisait. Or lors du procès qui oppose ce détrousseur au juge, celui-ci ne pratique pas le reconnaissance, et il punit le sauveteur d’une peine de prison. Le juge habitait une vieille maison et lors de son décès, de nombreuses années plus tard, Merrick, le condamné, sorti de prison et qui s’est enrichi, achète cette demeure puis la met en location. Mais c’est un homme rancunier qui a mûri sa vengeance et l’histoire se perpétue après le décès du juge.

Les fantômes peuvent également revenir et hanter, sinon plus, les prisons et le bourreau qui officie à Pentonville ne se plaint pas car il arrive à sa centième victime. Une histoire narrée dans La nuit de Pentonville.

Dans La choucroute, Jean Ray nous offre deux interprétations de la Bible. Celle du Buisson ardent avec cette choucroute que veut déguster le narrateur qui se retrouve dans une taverne située dans une petite ville déserte, aux volets qui s’ouvrent sur des murailles, et dont il est l’unique client. Or cette choucroute flambée par les soins du serveur qui ensuite s’éclipse, devient brûlante et le narrateur n’a d’autre recours que la fuite, tentant toutefois de boire. Il casse une bouteille mais dépité se rend compte qu’elle est constituée de verre plein. Un éclat atterrit dans ses vêtements. L’épilogue pourrait être une parodie de cette parabole entre Jacob et Esaü, le droit d’aînesse vendu contre un plat de lentilles.

Complétant le recueil initial du Livre des fantômes, titré également Gost book, des contes éparpillés et des poèmes sont proposés au lecteur qui découvrira une autre facette de Jean Ray. Mise à part ma petite réserve initiale, voici un nouvel opus digne de figurer dans la bibliothèque de tout amateur d’étrange et de mystérieux.

 

 

Sommaire :

Notice

En matière de préface par Jean Ray.

Mon fantôme à moi.

Maison à vendre.

La Choucroute.

M. Wohlmut et Franz Benschneider.

La Nuit de Pentonville.

L'Histoire de Marshall Grove.

La Vérité sur l'oncle Thimotheus.

Ronde de nuit à Koenigstein.

Le Cousin Passeroux.

Rues.

Après...

 

Autres publications :

J'ai tué Alfred Heavenrock.

Monsieur Sarrigue et le diable.

Dents d'or (Gouden tanden).

Nicolas Abdoon et feu son père.

L'Ombre casquée.

La Hantise des carrefours.

London News. Poésie

Sonnet au passant de minuit. Poésie

Transmutation. Poésie

Le Sonnet du beau crime. Poésie

Arnaud HUFTIER : Postface et Bibliographie.

 

Cet ouvrage a connu plusieurs rééditions qui sont présentées sur le site de NooSFère :

De Jean Ray, le lecteur curieux pourra également lire :

Jean RAY : Le livre des fantômes. Nouvelles. Postface et bibliographie établies par Arnaud Huftier. Alma éditeur. Parution 22 mars 2018.

ISBN : 978-2362792595

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commentaires

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J'ai ce livre dans l'édition Marabout, qui contient également le court roman "Saint Judas de la Nuit" mais je sens que je vais repasser à la caisse pour la maquette et l'appareil critique. <br /> Pour ce qui est des passages antisémites, je ne veux certes pas paraître accabler le pays de mes ancêtres mais il faut bien reconnaître qu'ils sont assez typiques de la culture populaire belge de l'époque. Pratiquement tous les auteurs que je connais ont succombé à la tentation judéophobe, sans parler des autres formes de racisme: même Steeman a brossé un portrait peu flatteur de boutiquier juif (qualifié de "fils de Sem") dans Le Mannequin assassiné, passage qu'il a conservé dans l'édition définitive.
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O
Bonjour<br /> Ce genre de phrases et d'appréciations négatives étaient courant dans la première moitié du XXe siècle. Pour autant l'éditeur doit-il les supprimer lors de rééditions. Je ne pense pas. Seul l'auteur a le droit de se censurer, de se corriger... Mais peut-être eut-il été bon que l'auteur précise qu'il n'est en rien responsable des propos tenus par ses personnages, comme cela arrive pour certains romans.

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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