C'est un cas, dis ?
Dans un chariot de supermarché, on peut entasser des packs d'eau, des packs de lait, des packs de bière, des packs d'essuie-tout papier, et bien d'autres packs comme des packs d'emmerdes.
Raphael Darmont, ancien lieutenant de police, blessé professionnellement et physiquement, voire affectivement, va s'en ramasser un plein tombereau pour avoir dépanné une jeune femme en quête d'un euro, pièce libératrice d'engin à roulettes faussement économique que plus t'en mets dedans, plus tu crois faire des économies et plus tu dépenses car plus tu jettes, date de péremption faisant foi comme autrefois le cachet la Poste.
Raphael Darmont qui devait rejoindre sa femme Véronique, préposée à l'accueil du Mammouth écrase les prix et non Mamie écrase les prouts (dixit Coluche), prête donc une pièce que Malika avec un sourire aguichant lui promet de lui rendre. Il lui donne rendez-vous pour le lendemain dans un petit restaurant du quartier et ce qui devait arriver arriva. Eberlué et surtout essoufflé Darmont, qui a monté quatre à quatre les quatre étages de l'immeuble de la cité tandis que la belle se transbahutait tranquillement par l'ascenseur vers un septième ciel prometteur. Le logement ressemble plus à une caverne d'Emmaüs qu'à une chambrette d'amour mais ce n'est pas le décor qui importe, c'est le lit propice aux galipettes.
Avec Véronique, c'est souvent Véro tout court, car après bien des années de mariage, l'entente n'est plus tout à fait la même. Véro lui reproche ses manquements, ses oublis, de petites dates d'anniversaire qui comptent pour elle et qu'il enfouit enveloppé dans ses problèmes. Bref, la gente dame lui fait le plus souvent le coup des jambes croisées que la visite de la grotte Chauvet. Petit aparté, Malika, elle, a la grotte chauve, ce n'est qu'un détail mais Raphael n'est pas habitué à ce manque de pilosité. De plus Véro reproche à son mari des passades, mais faut le comprendre aussi. Enfin, essayer.
Malika est une ancienne caissière de cinéma, et comme les multiplexes phagocytent les petites salles, elle se retrouve sans emploi, avec un minuscule pécule qu'elle entretient en étant standardiste pour une boite qui met en relation des hommes esseulés avec des femmes compatissantes, mais uniquement par téléphone. Pour le numéro de téléphone, je ne l'ai pas en tête mais il figure dans le bouquin avec le prénom Monica.
Raphaël a déclaré être directeur d'une grosse entreprise, ça en jette, en réalité il n'est que le directeur des ressources humaines, le recruteur d'une société de sécurité, fonction qui lui assure un statut alors qu'il s'est fait virer de la police deux ans auparavant pour une bavure, une rixe dans laquelle il s'est retrouvé embringué en compagnie de municipaux et d'assistants de la sécurité, son arme à feu réglementaire se retrouvant entre les mains de ses agresseurs. Non seulement il s'est récupéré sur le carreau, mais son arme dite de sauvegarde, l'officieuse que tout bon policier possède attachée à la cheville, a été également confisquée par les malandrins malhonnêtes.
Darmont ne verra Malika que deux ou trois fois, et les deux personnages qui l'abordent, des amis ou connaissances supposées de la jeune femme, la décrivent sous un jour inattendu, lui instillant le doute dans son esprit. Et c'est à l'instigation de l'un des deux hommes qui lui confie avoir lui aussi été floué, qu'il se rend chez Malika. Elle recevrait chez elle un vieux, enfin un plus vieux que Darmont, pour des séances de relaxation dont on ressort fourbu. Seulement lorsque l'ex-flic s'introduit chez Malika, il se rend compte d'un changement, que des affaires ont disparu. Poussant son investigation, il découvre Malika, ou plutôt le cadavre de celle-ci recroquevillé dans sa douche.
Darmont est mal parti et l'instinct du policier, du chasseur se réveille en lui. Il demande en prenant des gants et en gardant la plupart des informations pour lui, des renseignements auprès d'un de ses anciens collègues, le brigadier-chef Limon qui pense avec justesse qu'il est dans la boue.
Avec Un caddie nommé Désir, titre clin d'œil à la pièce de théâtre de Tennessee Williams, Un tramway nommé Désir, Roland Sadaune nous brosse un tableau sombre mais empreint parfois d'onirisme d'une vie en demi-teinte d'un flic reconverti et qui s'adonne à quelques passades pour agrémenter sa vie en déliquescence.
Cela n'aurait pu être qu'une comédie de boulevard, un vaudeville de supermarché, seulement Roland Sadaune est trop empreint de littérature noire pour laisser passer une si belle occasion de nous fournir un drame. Il y a un peu de Day Keene dans ce roman ancré dans l'est du 17e arrondissement parisien et sa périphérie. En artiste peintre talentueux il nous brosse des portraits façon Van Gogh, mais ce ne sont pas les seules analogies picturales que j'ai ressenties à la lecture de ce roman. S'il fallait transposer ses phrases, ses scènes, son ambiance et son atmosphère en toile, j'associerai Seurat pour son pointillisme dans la description, Arcimboldo pour la composition de ses tableaux qui forment un tout avec des éléments divers mais relevant de la même famille, et Turner pour la noirceur entrecoupée d'un rayon de soleil fugace de l'ensemble du roman.
Alors que l'on pense que l'épilogue va s'acheminer vers un dénouement convenu, Roland Sadaune d'un tour de pinceau renverse la situation et nous entraîne vers un final inédit et pointu.
Roland SADAUNE : Minna. - Les Lectures de l'Oncle Paul
Les tristes aventures d'une fille de joie ! Une femme qui s'enfuit par la porte de service d'un hôtel de luxe du 1er arrondissement parisien, une culotte jetée dans un container à ordures, et c'est
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Roland SADAUNE : Facteurs d'ombres. - Les Lectures de l'Oncle Paul
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Roland SADAUNE : Un caddie nommé Désir. Val d'Oise Editions. Parution juin 2015. 194 pages. 13,00€.