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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 13:31

Vous pouvez retrouver la première partie de cet entretien Ici.
On ne peut pas évoquer le nom de Max Obione sans parler de Krakoen.

Comment est née cette entreprise, une coopérative d’auteurs, et comment cela marche-t-il ?
À plus de soixante ans, (je suis né sous Pétain, je sais, ça fait drôle, dit comme ça !)Max_seine_nb.JPG j’avais besoin d’aller vite et comme les portes des maisons d’édition à qui j’avais adressé mes tapuscrits étaient restées closes, j’ai donc décidé d’exister en créant avec deux amis une coopérative d’édition. Car la liberté d’expression est un concept creux, un leurre, sans l’accès à l’édition.
Pour expliquer Krakoen, j’évoque souvent l’organisation des coopératives vinicoles en particulier. Outre que nos auteurs ne sont pas les derniers à cracher sur le jaja, je crois que l’image colle assez bien à la réalité. Comme les vignerons apportent leurs raisins à la coopérative du village afin que celle-ci les vinifie, des auteurs apportent leurs tapuscrits à Krakoen pour en faire des livres. Mais Krakoen n’est pas une auberge espagnole, n’y rentre pas qui veut, ne devient pas micro éditeur qui veut. C’est ce qui fait l’originalité de la formule. Krakoen n’est pas non plus une officine déguisée qui vend du compte d’auteur. Car Krakoen sélectionne la vendange, il ne prend ni les textes trop verts, ni ceux de mauvaises qualités. Si le cépage est noble, on améliore le jus, on retravaille la mouture… et au final on colle l’étiquette sur la bouteille. En cette occurrence, le micro éditeur, auteur du texte, c’est le vigneron, la coopérative rend tout cela possible en mutualisant son savoir faire dans le cadre de l’autoproduction éditoriale. Je rappelle que Krakoen ne poursuit aucun but lucratif.


N’importe qui peut-il faire partie de Krakoen ?
Pour faire partie de Krakoen, l’auteur choisit de devenir micro éditeur acceptant le principe de la coopération et de l’autoproduction éditoriale ; pour ce faire, il doit être coopté par le groupe au vu de son projet. Cela étant, ma voix dans ce concert est prépondérante et au sein du collectif d’auteurs, j’assume le rôle du boss. De surcroît, le nombre de coopérateurs ayant une production régulière ne saurait grandir indéfiniment. Une vingtaine d’auteurs est un nombre optimal. Les adhésions à l’association coopérative ne sauraient dépasser cet effectif, au gré des arrivées et des départs, afin de préserver le caractère particulier de cette "maison" qui sort huit à douze polars par an. Actuellement, le plan de charge de Krakoen est rempli jusqu’en 2013. Face au succès de la formule, on n’accepte plus d’auteur jusqu’à nouvel ordre. Le but de la manœuvre est de maîtriser l’outil en restant modeste dans notre organisation, de recourir au bénévolat autant que faire se peut dans un esprit autogestionnaire (oh ! un gros mot de soixante-huitard, excuse-moi !), tout en revendiquant un professionnalisme des plus exigeant. Krakoen est une utopie en action qui ne fonctionne que grâce au bon esprit régnant entre ses membres (le gang) et à l’enthousiasme qui les anime.


pauletlestaff.JPGMais existe-t-il une ligne éditoriale propre à Krakoen ?
On n’a pas de ligne éditoriale précise, au sens de politique littéraire avérée et assumée, puisque les titres vont du noir radical au roman procédural de facture classique. Ce qui ressort de l’ensemble, c’est l’absence de formatage qu’on constate assez fréquemment dans le polar aujourd’hui. Presque tous les manuscrits édités sous l’égide de Krakoen ont été considérés au départ soit comme atypiques, soit comme inaboutis. Nous, on sort plutôt les impubliables par les maisons classiques, considérant que ce sont ceux qui rendent le genre vivant. Le côté atypique n’est pas pour nous un handicap, car il introduit de la diversité, le côté inabouti non plus, car on ne rechigne pas à accomplir une mise au point avec l’auteur qui de cette manière va progresser. Ainsi, le polar ancré dans l’Histoire côtoie-t-il le polar au style social déjanté ; le roman noir revisitant les archétypes comme Amin's blues fraye avec le roman à trame whodunit. Pour plus de détails notamment sur nos collections, je renvoie au site http://krakoen.net


Est-ce difficile de se faire une place sur la place éditoriale lorsqu’on est un nouvel et atypique éditeur ?
Nous avons eu du mal à nous faire reconnaître par les professionnels du livre qui nous renvoyaient dans l’enfer de l’autoédition. La bagarre pour se faire référencer sur la base professionnelle Electre fut épique et a duré plusieurs années. Un seul bastion résiste encore : le Centre National du Livre, toujours en retard sur l’évolution des technologies et du droit intellectuel. Il y a bien encore des petits sourires entendus ou condescendants de la part de quelques membres de la profession (éditeurs, libraires, auteurs, organisateurs divers), attestant que notre formule serait toujours sujette à caution à leurs yeux. Nous, on les laisse digérer leurs certitudes. Un contrat à compte d’éditeur serait-il une meilleure garantie littéraire contre l’invasion des auteurs médiocres qui s’éditent sans le filtre d’un vrai éditeur ? Quand on lit le nombre de daubes éditées sous l’empire de ce type de contrat, on se bidonne ! Notre réponse, elle est simple : lisez nos ouvrages et on discute après. Certes on peut se tromper de temps en temps, mais pas tout le temps, et les échos favorables donnés à nos publications suffisent à notre bonheur. Krakoen, la petite fabrique de polars, s’est progressivement imposée.


Quel est le rythme de parution annuel ?
Entre 8 à 12 ouvrages par an.


Tu as un collectif d’auteurs qui te sont fidèles. Il s’agit d’une bande de Herve-Sard.JPGcopains qui s’est formée au fil des publications, ou les connaissais-tu auparavant ?
Tout a commencé dans les années 2005 grâce au forum de Pol’art noir tenu par l’ami Patrick Galmel, sur lequel je participais aux échanges en parlant notamment de Krakoen qui venait d’être créé et des difficultés générales d’accès à l’édition pour les auteurs. Cela a intéressé quelques forumeurs dont Jeanne Desaubry, Franck Membribe, Zolma, Hervé Sard, Jan Thirion, Paul Colize pour ne citer qu’eux. Rapidement ceux-ci ont constitué un noyau dur qui est venu s’agréger aux trois membres fondateurs (Obione, Hubel et Feeny). Puis, le tamtam a résonné dans le petit landernau du polar, nos publications ont commencé à avoir de la lisibilité, et quelques bons papiers aidant, c’est ainsi que nous sommes apparus comme une alternative sérieuse et professionnelle à l’édition classique.


Certains des auteurs, je pense à Jan Thirion par exemple, sont édités par ailleurs. Parce que les ouvrages ne correspondent pas à ta ligne éditoriale ?
Non, parce que les membres de Krakoen sont entièrement libres de se faire éditer par d’autres maisons d’édition. Pas d’exclusivité chez Krakoen. Certains souhaitent n’être édités que sous le label Krakoen, d’autres proposent leurs nouveaux manuscrits à des maisons classiques. Thirion, Zolma, Membribe, Laurent, Vix, Vindy, Colize et Gillio sont (ou vont l’être prochainement) édités chez d’autres éditeurs, mais ils ont toujours la possibilité de continuer d’éditer, le cas échéant, de nouveaux manuscrits chez Krakoen. De toute façon leurs livres figurant à notre catalogue les rattachent à Krakoen. Il faut considérer que Krakoen a rempli son objet quand un auteur ayant édité chez Krakoen qui lui a donné la possibilité d’exister dans le monde des livres a été remarqué par la critique, le lectorat et qu’il commence à faire valoir son talent ignoré jusqu’alors. Dans ce cas, on peut utiliser l’expression « mettre le pied à l’étrier » pour qualifier cette autre mission de Krakoen.


lemystererkrakoen.jpgReçois-tu beaucoup de manuscrits ?
Très peu aujourd’hui, pour la simple raison que figure sur notre site la mention selon laquelle nous n’acceptons plus de nouveaux manuscrits ni de nouveaux auteurs. Gérer l’afflux de manuscrits est un travail important pour une petite structure qui souhaiterait ne pas snober les auteurs en ne répondant pas ou de manière stéréotypée. Notre effectif, limité à 20 auteurs, est complet. Malgré l’avertissement, des manuscrits nous parviennent encore. La manière d’accéder à Krakoen est plus subtile, ce sont les contacts directs, les échanges sur la formule d’édition, l’adhésion à celle-ci, à l’esprit du groupe, qui forment le préalable à toute éventuelle adhésion à Krakoen. Et bien évidemment, sera prise en compte une qualité littéraire et d’imagination de l’impétrant, que notre comité de lecture saura détecter.


Tes projets, car il me semble que l’édition t’accapare et que tu négliges un peu l’écriture ?
Oui, l’édition me dévore mais c’est passionnant ! Effectivement, le temps pour mes écritures est réduit d’autant. Je trouve encore quelques plages de temps libres durant lesquels je suis en mesure d’écrire une nouvelle, de travailler un chapitre. Gérer le temps, tous les actifs le disent, c’est un boulot à plein temps ! J’essaie de m’organiser du mieux que je peux. Le nouveau mode de distribution de nos ouvrages me donne désormais plus de disponibilités pour mes projets, la direction littéraire est entre les mains et sous l’œil expert de Jeanne Desaubry, la gestion du site est effectuée par Hervé Sard. Il est évident que si tous les coopérateurs résidaient dans le même coin, je pourrais déléguer plus facilement le travail, mais comme ils sont tous disséminés dans le pays et en Belgique, le plus gros du travail repose encore sur le pivot qui réside au siège social (mise au point, fabrication, référencement, administration, représentation, etc.). Cela remplit agréablement mes journées et parfois mes nuits.


Quel est ton programme ?
Je travaille actuellement à un roman jeunesse qui m’a été commandé : « Le maillot à Vietto » ; j’ai un autre roman en chantier « Les petites sueurs », du noir déjanté sur fond de crise monétaire explosive… Et toujours des nouvelles pour faire bon poids. A cela, il faut rajouter la direction d’un numéro spécial de la revue 813 consacré à Boxe et polar et la tenue quotidienne du blog de 813 Les amis des littératures policières…
Vive la retraite active, tu en sais quelque chose, non ?

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commentaires

P
Un sacré bonhomme, ce cher Max. j'ai eu l'occasion de le rencontrer au salon du livre, l'année dernière et je ne suis pas prêt d'oublier son accueil chaleureux ! Tous les autres aussi sympathiques.<br /> J'ai encore quelques livres à lire de chez Krakoen ... je suis en retard !
Répondre
O
<br /> <br /> Oui, une fine équipe que l'on rencontre avec plaisir ! C'est pour cela que j'ai réalisé cet entretien.<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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