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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 13:35

Oncle Paul : Que faisais-tu avant d’écrire ?
Tout d’abord, j’ai toujours écrit. A dire vrai, il n’y a pas véritablement unM.-Obione---D.-Forma.JPG avant et un après. Simplement, il y a la prise de conscience, la soixantaine en vue, que ce que j’écrivais commençait à présenter un intérêt et une certaine valeur littéraire et qu’il était peut-être temps de le partager avec des lecteurs. Comme mes amis se plaisent à me le rappeler, je suis, en quelque sorte, un jeune auteur tardif.
Mon métier avant que mon activité salariée ne s’arrête ? J’étais magistrat, d’un genre particulier appartenant à l’ordre administratif, dans une juridiction financière. J’ai terminé ma carrière comme commissaire du gouvernement près d’une chambre régionale des comptes, une espèce de procureur financier. Auparavant, durant quelques années, j’ai été directeur régional des affaires culturelles, contrôleur financier, syndicaliste, percepteur, libraire.
Il se trouve que l’aridité de la matière et l’impersonnalité du style administratif n’ont pas entamé ton besoin d’écrire. Comment est venu justement ce besoin, cette envie ?
C’est un besoin que je partage avec beaucoup de gens, écrire est une pratique culturelle majeure dans notre pays notamment, une passion française, il suffit d’interroger les éditeurs qui évoquent l’afflux continu de manuscrits. Mais c’est l’amour des livres qui est à l’origine de mon orientation tardive vers l’écriture éditée. J’ai été un lecteur compulsif durant mon adolescence au point qu’une fois mon bac en poche j’ai voulu devenir libraire.
Si tes romans sont des romans noirs, dans tous les sens du terme comme dans Amin’s blues, toutefois l’humour s’invite parfois comme dans Gaufre royale. Dans lequel de ces genres tu te sens le plus à l’aise ?
Je dirais dans les deux. Cela relève certainement d’un certain éclectisme et d’un goût du plaisir d’écrire comme celui de la table qui peut varier d’un plat à un autre afin de ne pas se lasser de vivre tout simplement, car je pourrais me fixer sur un genre, c’est plus facile de se faire reconnaître lorsqu’on ne laboure qu’un seul type d’objet littéraire. Mais on aime bien caser, typer, et si l’on considère souvent comme une faiblesse artistique le fait de papillonner d’un mode d’expression à l’autre, je crois tout le contraire. Le jeu d’une palette stylistique multiforme, au-delà de l’histoire fictionnelle, m’intéresse davantage que de rouler sur des rails d’une voie sans bifurcations.
Dans Scarelife, c’est un peu un hommage à David Goodis que tu écris. Un auteur qui t’a marqué ?
Quand tu débarques sur la planète polar, tu as le sentiment que tout a étéscarelife1 écrit, et que toi, l’orgueilleux vermisseau, tu n’a sans doute pas grand-chose de neuf à inventer… C’est ce complexe paralysant que j’ai dépassé en décidant de revisiter les grands classiques du genre comme le roman de ring avec Amin’s blues, le road book avec Scarelife, les grandes figures archétypales du genre, comme le détective privé avec Gaufre royale. Quitte à subvertir les codes du genre pour mieux les pratiquer dans une contrainte féconde.
Dans Scarelife précisément, j’effectue un exercice d’admiration envers cette littérature américaine qui m’a passionné, envers Goodis en particulier. Ce n’est pas un pastiche, personne n’a trouvé de références tangibles renvoyant à de précédents romans noirs. Je me suis emparé de l’ambiance, de la lumière, du jus, si l’on peut dire, et j’ai raconté une histoire en utilisant une structure romanesque à trois étages. Le personnage Goodis m’a toujours intrigué. Les looseurs sont éminemment romanesques.
Tu n’as pas vraiment de personnages récurrents. Pourquoi ?
J’ai deux personnages récurrents qu’on trouve dans deux romans à la suite : Les vieilles décences et Le jeu du lézard. Il s’agit d’un flic et d’un juge, à la retraite tous les deux, qui ne s’embarrassent plus de procédure pénale lorsqu’ils tombent par hasard sur des magouilles criminelles. Ils appartiennent à la catégorie des nettoyeurs. Souvent, des lecteurs me réclament une suite que j’ai différée pour l’instant et peut-être pour toujours. En effet, le grand plaisir lorsque tu écris un polar (ou un autre type de roman, j’imagine) c’est la connivence qui s’installe entre l’auteur et les personnages qu’il fait vivre sous sa plume. Et ce processus est bien mystérieux surtout pour les personnes qui ne connaissent pas ce type d’expérience. Au fil de la création, il se trouve que les personnages évoluent, s’en viennent à réagir, te surprennent, tu peux les calmer, les mettre en lumière et même les zigouiller carrément. Cet aspect assez ludique participe du plaisir d’écrire ce type de littérature. Mais quand tu les fais exister de livre en livre, tu les connais par cœur en fin de compte, hormis les situations qui peuvent être différentes, leurs caractères demeurent identiques, ils ne te surprennent plus. Et simplement étoffer le plan du roman que tu as bâti avec les réactions des mêmes zigotos me rappelle trop des tâches répétitives de bureau pour me satisfaire vraiment.
Parallèlement à tes romans, cinq je crois, tu a écris de très nombreuses nouvelles, dont certaines ont été réunies en 2011 dans l’ouvrage Ironie du short. Pourtant il parait que les Français n’aiment pas la nouvelle. Le ressens-tu ainsi ?
ironiedushort11-copie-1.jpgJ’ai écrit plus d’une cinquantaine de nouvelles, regroupées en partie dans deux recueils : Balistique du désir, et le dernier L’ironie du short. Le petit véhicule de la nouvelle me convient, ce format court, cette sorte de pochade littéraire stimule mon plaisir d’écrire, car elle dit tout du geste artistique comme chez le peintre. La nouvelle est un terrain d’aventures pour les littérateurs en devenir. J’ai fait mes premiers pas, comme beaucoup, en écrivant des nouvelles. En répondant à de nombreux concours qui pullulent. On dit communément que faire court, c’est un art à part entière, je ne sais pas, je m’y sens à l’aise avec les couleurs, les odeurs, la vie, la mort, tu ne te prends pas la tête pendant des mois, en quelques pages tout est dit.
Il y a un lectorat de la nouvelle, il est limité du fait d’un certain nombre de facteurs qu’ils seraient trop long d’analyser ici. Mais beaucoup de nouvelles sont publiées, j’ai été étonné de lire à l’occasion du prix Boccace promu par l’association Tu connais la nouvelle la liste des recueils édités dans l’année et la diversité des maisons d’édition. Les récitals de nouvelles lues à haute voix se développent, le chargement sur les liseuses des nouvelles (au format numérique) est en passe de prendre. Le fond consacré aux nouvelles policières et noires, développé par Frédéric Prilleux et son équipe à Pordic, au sein de La Noiraude est exemplaire. On rêve pour la nouvelle du statut dont elle dispose dans les pays anglo-saxons. Faisons un rêve. Il suffirait peut-être d’une campagne promotionnelle à grande échelle et d’un travail plus constant dans les écoles en axant les programmes sur la lecture et l’écriture de fiction courte. Si j’ai des modèles parmi les nouvellistes, ce serait Marc Villard et son compère Jean-Bernard Pouy. Ils ont d’ailleurs tous les deux préfacés mes deux recueils.
Je profite de cette interview pour t’informer que Krakoen lance une nouvelle collection PETIT NOIR au début 2012. Ce sont des petits poches de 20 pages, comprenant une unique nouvelle à lire dans les bistrots sur le zinc ou en terrasse, le temps d’un café (ou sur une liseuse). J’inaugure cette collection avec Gun, l’histoire d’un petit maquereau qui apprendra à ses dépends que la concurrence en matière de tapin profite toujours aux gros barbeaux.

N'oubliez pas de visiter le blog de Max Obione Ici
Vous pouvez retrouver ma chronique de Scarelife Ici et celle de L’Ironie du short Ici.
La seconde partie de l'entretien est ici 

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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