Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 septembre 2012 2 18 /09 /septembre /2012 15:08

possèdent-ils la lumière ?

ceux-qui-regnent.jpg

Partant du postulat qu’un romancier peut écrire une œuvre de fiction sans être obligé de respecter les vraisemblances, la réalité, et autres contraintes, cela offre un livre qui s’affranchit de toute contingence. Mais pour que le lecteur adhère, il lui faut accepter le choix de l’auteur.

Depuis qu’il a été licencié de son travail, pour cause de restructuration, que sa femme l’a abandonné parce qu’elle ne supportait plus la vie avec lui, Marek vit seul dans son appartement, face à son écran d’ordinateur. C’est l’unique dérivatif qu’il s’est découvert, ne sortant que pour des ravitaillements express. Son épouse lui a laissé dans un grand élan de générosité son ordinateur, alors il se connecte souvent sur Internet, visite de nombreux sites, effectue sa revue de presse, puis d’images en images se tourne vers les sites pornographiques, et surtout se rend sur les chats et les forums.

Il y avait toujours un chat, un forum. Il y découvrait d’anonymes internautes échangeant insultes et anathèmes sur les sujets les plus variés : l’intégrale de Bach par Glenn Gould, l’allaitement maternel, l’enseignement dans les écoles primaires. La moindre théorie, la moindre opinion était aussitôt, réfutée, ridiculisée. Les plaidoyers pleins de fougue succédaient aux réquisitoires impitoyables, tous n’ayant qu’une chose en commun : leur orthographe approximative.

Bref, s’il a de quoi s’amuser, il s’ennuie profondément, ne parvenant pas toutefois à décrocher. Jusqu’au jour où il reçoit un message. Pas un de ceux qui vantent des produits destinés à revigorer la virilité défaillante, ou supposée telle, et autres logorrhées électroniques, non. Un vrai message émanant d’un gamin nommé Cleto, âgé de cinq ans et atteint d’une maladie rare. Il lui est juste demandé de faire suivre ce message à ses contacts. Une contribution modeste puisqu’il n’y a pas d’argent en jeu, et comme son carnet d’adresse est très réduit, l’opération de transfert est facilement et rapidement réalisée. Puis un nouveau message arrive dans sa boite l’informant qu’un virus se propage et qu’il doit avertir ses contacts. Durant quelques mois ce petit jeu se déroule régulièrement puis les messages deviennent plus politiques, dénonçant les agissements d’une société secrète, le Nouvel Ordre Mondial. Un terme qui désigne des mondialistes impérialistes décidant à l’insu du peuple. Des messages qui se réfèrent à un maître nommé Barruel, lequel serait un prêtre ayant vécu deux siècles auparavant. Mais ce sont également des diatribes envers les financiers qui dirigent le monde à la place des politiques.

Un beau matin il est réveillé en sursaut par des policiers qui s’infiltrent chez lui, l’accusant de tous les maux, d’être un porc (il est vrai que son appartement jonché de papiers gras ressemble effectivement à une porcherie), le traitant de délinquant potentiellement dangereux, de conspirateur, et autres reproches qui lui valent de nombreux coups et un embarquement immédiat pour un commissariat. Il est menotté, enchaîné, réduit comme une loque et interrogé par un certain commandant Gédéon Karadzic du N.O.S. Jusqu’au jour où des hommes cagoulés viennent le délivrer, tuant et abattant ses geôliers. Marek pense avoir basculé de Charybde en Scylla et être aux mains de terroristes. C’est alors que le chef du groupe lui annonce se nommer Barruel, qu’il était aux mains d’affidés du N.O.S., Novis Ordo Sœculorum. Une nouvelle vie commence pour Marek, une vie dédiée aux entrainements façon légionnaires, en compagnie de trois autres personnages, deux hommes et une femme, et il se voit confier ensuite des missions de plus en plus difficiles et dangereuses.

Il doit combattre Ceux qui règnent dans l’ombre, car selon Barruel, celle-ci est omniprésente et pratiquement omnipotente. S’ensuit une longue diatribe envers les banques : Les banques sont nos ennemies, ce sont les ennemies de l’humanité ; les banques spolient les petites gens et accroissent les avoirs des plus riches. Les banques constituent le premier relais, les premiers et fidèles serviteurs du mal. Aucune morale, aucune humanité dans l’action incessante des cartels financiers. Les banques se regroupent, elles s’entendent illicitement et décident de qui doit s’enrichir ou de qui doit rester dans la pauvreté, non seulement chez les individus mais aussi chez les Etats.

Marek se transforme peu à peu, prenant une épaisseur psychique, absorbant les enseignements du maître mais devenant en même temps plus dur, plus volontaire, presque déshumanisé. Pour arriver à ce résultat il doit se plier aux exigences de Barruel ce qu’il fait volontiers même si parfois il se pose des questions.

Seulement, si j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, je suis perplexe quant à certaines scènes. Malgré cette déclaration Tuer un chien. Il fallait être malade pour imaginer un pareil exercice, l’auteur décrit avec une certaine complaisance une scène de torture de canidés. Or Marek, malgré sa répulsion, effectue quand même le « travail » exigé par Barruel, tout comme ses trois compagnons. Une initiation pour Marek, mais qui laisse un goût amer et l’on de demande si véritablement quelqu’un peu obéir à ce genre d’injonction sans être malade mentalement. Nonobstant, cette scène ne fait pas tout le bouquin. Il s'agit plus d'une parabole sur le combat du Bien et du Mal, sans tomber dans le manichéisme, avec des ouvertures sur la mégalomanie, la schizophrénie, les méfaits d'Internet lorsque cet outil est mal maîtrisé, et des idées malsaines qui peuvent être propagées, et engrangées par des individus faibles ou oubliant de réfléchir sur la véracité des informations colportées.

Du même auteur lire également  Colonies parallèles.

Voir aussi l'avis de Claude Le Nocher sur  Action Suspense.


Nicolas BOUCHARD : Ceux qui règnent dans l’ombre. Collection Zone d’ombres, éditions Asgard. 272 pages. 17€

Partager cet article
Repost0

commentaires

A
Pas fan des scènes de torture, et la couverture ne me dit rien.
Répondre
O
<br /> <br /> A dire vrai moi non plus. C'est pourquoi je ne pouvais passer sous silence ces deux ou trois pages. Mais il est vrai que de plus en plus les auteurs aiement inclure ce genre de traitement, qui<br /> est soit une mode, soit une demande. Quant à la couverture, j'ai oublié de signaler qu'elle est due à Philippe Jozelon, dont les amateurs reconnaissent facilement le style<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
R
je suis allé également lire la chronique de Claude et j'avoue, qu'à deux, vous avez réussi à me convaincre !<br /> Merci Paul<br /> À très bientôt
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour RIchard<br /> <br /> <br /> Deux avis valent mieux qu'un, parait-il. C'est pourquoi je n'hésite pas à inclure le lien d'un ami blogueur, lorsque je m'en souviens évidemment !<br /> <br /> <br /> Amitiés à toi<br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
  • Contact

Recherche

Sites et bons coins remarquables