Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 16:03

La vengeance est un plat qui se mange froid ! Mais pas surgelé, on se sait jamais, une fièvre de cheval est vite attrapée !

 

froid-mortel.jpg


Un entretien d’embauche, c’est toujours périlleux, surtout lorsqu’on traîne derrière soi une petite casserole. Cela date de neuf ans auparavant, mais on ne sait jamais, les erreurs sont plus vite décelables que les bonnes actions.

Jan Hauger, à peine trente ans, a posé sa candidature pour devenir enseignant dans une maternelle à Valla, environ cent kilomètres à l’ouest de Stockholm. Il est reçu par le docteur Högsmed qui préfère qu’on l’appelle par son prénom, Patrick, plutôt que par son titre. Une coquetterie. Jan possède de nombreux certificats de puériculteur et professeur de maternelle avec de bonnes références, et il est assez confiant dans l’obtention de ce poste. Il a effectué neuf remplacements en six ans et n’est donc plus un débutant. Mais on ne sait jamais. L’examen de passage est concluant. Jan redoutait que Högsmed téléphone à Nordbro, pourtant c’est ce que fait le docteur. Bonne pioche, ce n’est pas la directrice du Lynx qui répond mais celle du Tournesol. Ouf, il est soulagé. En effet, lors de son premier emploi neuf ans auparavant, il avait égaré un gamin de cinq ans, William. Et cela aurait pu être rédhibitoire.

Le docteur Högsmed dirige un centre psychiatrique, la clinique Sainte-Barbe, que les habitants de la petite ville ont déformé en Sainte-Barge. Et Jan va rejoindre l’équipe de puériculteurs en charge des gamins à La Clairière, un bâtiment qui jouxte la clinique. Les enfants sont accueillis dans la journée puis repartent le soir dans des familles d’accueil sauf trois d’entre eux qui dorment sur place. Ce sont les fils et filles d’internés. Et Jan sera chargé, entre autres occupations, de convoyer un enfant de temps en temps afin qu’il rende visite à l’un de ses parents. Ce pourrait être une sinécure, sauf que Jan s’est fait embauché pour une raison précise.

Dans le temps il a connu Alice Rami, une jeune fille révoltée qui jouait de la guitare. Il l’aimait, sans qu’elle le sache, quoique, on ne sait jamais dans la vie. Depuis la retrouver est devenu une véritable obsession, un besoin intense. Une de ses collègues remarquant un poster d’Alice Rami avec sa guitare, alors que la jeune fille avait enregistré son premier disque et commençait à se faire un nom, déclare qu’elle est internée dans un hôpital psychiatrique. D’où sa demande d’embauche à Sainte-Barbe, lorsque Jan a découvert une petite annonce. Mais il lui faut absolument trouver un moyen pour la rencontrer.


Jan est un solitaire, il n’a pas d’amis. Pourtant il se lie avec ses collègues, Hanna et Lilian, qu’il retrouve le soir au Bill’s Bar. Lilian boit, trop, quant à Hanna, elle est plus réservée. Elles possèdent toutes deux une fêlure, une meurtrissure dont elles évitent de parler. Marie-Louise, la directrice, et Andréas son collègue masculin, il les côtoie, sans plus. Lorsqu’il est dans son appartement en sous-location, il s’attelle à sa bande dessinée, une œuvre de longue haleine dont il ne sait pas s’il la terminera un jour. Le Farouche et la Bande des Quatre, c’est le titre.

Un jour, un des gamines dont il a la charge lui demande de lire un livre qui était caché sous des coussins. Un cahier plus exactement, écrit à la main, et dont les dessins sont juste esquissés. Quatre cahiers, qu’il emmène chez lui et dont il termine les gravures qu’il colorie ensuite. Mais son idée fixe, c’est de pouvoir s’infiltrer dans Sainte-Barbe. Il a déjà pris des repères en emmenant des gamins, mais la solution lui est donnée lorsque l’un des musiciens du groupe qui joue le soir au Bill’s Bar, lui demande de servir de facteur. Le musicien et l’un de ses accompagnateurs font parie du service de sécurité de Sainte-Barbe. Jan va à l’insu de tous déposer du courrier dans la salle où les enfants sont réceptionnés et récupérer d’autres lettres afin de les poster. Bon nombre de ces missives sont adressées à Ivan Rössel, un tueur en série qui a défrayé la chronique des années auparavant. Ivan Rössel, quoi qu’il s’en défende, est accusé d’avoir tué des adolescents lorsqu’il était enseignant, et d’autres crimes. Une célébrité locale qui fait jaser dans la petite ville de Valla.


Johan Theorin souffle le chaud et le froid dans ce roman et l’angoisse qui étreint le lecteur devient progressivement impressionnante, tout en restant diffuse, troublante. Le chaud étant représenté par une scène inquiétante dans un sauna. Le lecteur est en perpétuelle attente d’éléments permettant de comprendre les motivations de Jan Hauger, mais celles-ci ne sont dévoilées qu’à petites touches. Dans le récit proprement dit de son séjour à Valla, s’intègrent les réminiscences de sa période comme débutant au Lynx, et de ce qu’il a pu tramer pour mettre en émoi l’école maternelle par la disparition du jeune William à Nordbro. Mais il faut encore remonter le temps, et le découvrir interné au PAF, pôle psychiatrique adolescents-familles. Tout est dosé en subtilité et l’épilogue est habilement mis en scène, même s’il ne correspond pas ce à quoi je m’attendais.


Johan Theorin joue avec les nerfs, il s’en délecte, et le lecteur ne peut qu’en redemander. Car le lecteur, le vrai, celui qui aime lire, est un masochiste. Il veut, à l’instar des petits-enfants, qu’on lui fasse peur. Il apprécie les frissons, ceux qui font accélérer le palpitant, mais distillés avec subtilité. Les trucs sanguinolents deviennent à la longue du Grand-Guignol et ne font plus d’effet. Tandis qu’une histoire qui procure de l’émotion touche plus intensément le lecteur. Surtout lorsque des enfants font partie intégrante dans la distribution des rôles. S’il n’y avait eu comme protagonistes que des adultes, la portée émotive n’eut point été pareille et aussi prégnante.


Johan Theorin revisite les contes pour enfants, les adaptant pour des adultes qui n’ont pas perdu leur part de rêve, comme lorsqu’ils lisaient Le Petit chaperon rouge ou le Petit Poucet.

 

A lire du même auteur : L'écho des morts et Le sang des pierres.


Johan THEORIN : Froid mortel (Sankta Psyko – 2011. Traduction de Rémi Cassaigne). Editions Albin Michel. 446 pages. 21,50€.

Partager cet article
Repost0

commentaires

F
Je le veux...et je l'aurai!!!! na!!!<br /> Des bises...
Répondre
O
<br /> <br /> On dirai les paroles de l'Amérique de Joe Dassin...<br /> <br /> <br /> <br />
Y
Salut Paul<br /> J'avoue ne pas avoir réussi à tenir ce bouquin très longtemps entre mes mains. Un auteur qui ne me réussit pas puisque c'est son deuxième que j'abandonne<br /> Amicalement,
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Yv<br /> <br /> <br /> Comme quoi tous les goûts sont dans la nature... et heureusement<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je n'arrête pas de noter des ''Theorin'' dans ma liste à lire. Et je n,ai pas encore trouvé le temps d'en commencer un. La honte !<br /> <br /> Amicalement<br /> Le Papou
Répondre
O
<br /> <br /> Mais non, juste le manque de temps...<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
C
J'ai entendu parler de ce livre hier, j'étais à une journée de sensibilisation sur les Boréales, qui se tiendront en novembre 2013 en Normandie.<br /> Je n'ai pas lu ta critique, je la lirai plus tard.<br /> Mais ce livre me tente.
Répondre
O
<br /> <br /> Les Boréales ont lieu tous les ans à Caen depuis vingt ans environ et j'y suis allé deux ou trois fois. Au début c'était un pays nordique qui était mis à l'honneur, chacun à son tour. Depuis il<br /> me semble que c'est plus généraliste.<br /> <br /> <br /> Bonne fin de journée<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
L
j'aime toujours autant tes chroniques, tes jeux de mots<br /> <br /> et là, l'auteur sait souffler le chaud et le froid !
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Lystig<br /> <br /> <br /> Les jeux de mots ? C'est une marque de fabrique mais le copyright n'est pas déposé !<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
P
Salut Paul, ma femme vient de le commencer, donc j'attendrai mon tour. Il semble très différent de ses 3 premiers, une autre facette de cet auteur très doué. A bientôt pour en reparler. Amitiés
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Colombo... Oh pardon, bonjour Pierre... Ta femme sert de test ? Si elle aime, c'est que toi aussi tu vas aimer ? Non je blague, car les goûts peuvent être différents sans qu'il y ait<br /> conflit. Et je te confirme que c'est un bon roman, dans lequel l'auteur ne joue pas, même subtilement sur le fantastique<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
P
Pas trop lent? J'ai peur avec ces Scandinaves de cela.J'ai beaucoup de mal..Mais tu me tentes tout de même...A cause de toi j'explose mon budget livres...<br /> As tu en prévision le dernier S Fitzek? Je suis plongée dedans..Efficace!
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Pyrausta<br /> <br /> <br /> Non, pas lent du tout. Un livre que l'on ne lâche pas de yeux... Quant à Fitzek je l'ai en prévision bientôt et je commence à remettre les autres en réédition<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je suis très heureux de savoir que tu as apprécié ce roman. Je m'y suis plongé dedans et n'en suis plus ressorti jusqu'à la dernière page. C'est vrai que sans doute, on regrettera cette nature si<br /> présente dans ses précédents romans, mais on y gagne en contre partie avec cette atmosphère oppressante qui enserre progressivement le lecteur. Un bon cru ce bouquin, un bon cru !
Répondre
O
<br /> <br /> Bonjour Bruno<br /> <br /> <br /> Johan Theorin a su se renouveler et le décor n'est plus du tout le même. Et il a fait abstraction de l'aura fantastique qui planait dans ses précédents romans<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
J
Bravo pour ta chronique Paul, j'ai eu moi aussi beaucoup de plaisir à lire ce livre.
Répondre
O
<br /> <br /> Merci Jacques<br /> <br /> <br /> Cela ne se voit pas mais j'en rougis ! Amitiés<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
  • Contact

Recherche

Sites et bons coins remarquables