Claude Mesplède à livre ouvert !
Il est toujours difficile pour un chroniqueur littéraire, ou supposé tel, de rédiger un article sur un ouvrage de ses confrères, qui plus est si celui-ci est un ami. Ne va-t-il pas en faire trop ? Être trop louangeur, encenseur, flatteur, voire flagorneur ? Va-t-il se montrer objectif, impartial ?
La tentation serait, comme l’exécutent brillamment certains préfaciers, de parler de soi, au travers de l’autre, celui dont ils sont censés présenter l’ouvrage et deviennent les porte-paroles de leurs propres œuvres.
La tâche était rude mais à plume vaillante… tout est possible !
Comme la moindre des politesses, lorsqu’on arrive chez quelqu’un, exige que l’on se présente, Claude Mesplède ne faillit pas à la tradition dans un préambule en quatre volets : En bref, qui suis-je ? Ce polar qui a changé mon existence, En guise de présentation et enfin Pourquoi lire des polars ? Ce dernier étant un petit texte qui réconfortera dans leur passion ceux qui lisent des romans populaires, et pas seulement des romans policiers et qui se sentent parfois honteux face aux diatribes de pseudos intellectuels sectaires ou ségrégationnistes. Le tout est complété d’un articulet humoristique de Jan Thirion.
Ensuite petit retour arrière sur deux événements qui ont contribué à la reconnaissance de la littérature policière. Le festival de Reims de 1981 et celui houleux de 1986 relatés dans Nuits Noires et La Vie ouvrière. Si je connaissais pour les avoir vécus quelques pans de cette ultime réunion champenoise, Claude Mesplède nous en délivre d’autres. Je ne peux m’empêcher de m’immiscer dans cette chronique afin de mettre en garde les organisateurs ou futurs organisateurs de salons et festivals : surtout ne confiez pas vos intérêts à des agences de communications parisiennes mégalomanes et politisées, votre manifestation pourrait en pâtir. En 1986 au lieu du sacre de Reims nous avons connu une guerre des tranchées. Avec en apothéose l’annonce que le Grand prix de littérature policière avait été remis en catimini la veille par Alain Delon, qui toujours grand seigneur, avait été royalement rétribué pour sa prestation.
Claude Mesplède, pour qui la Série Noire reste la collection phare, celle dans laquelle il s’est imprégné, les fonds baptismaux de sa passion, nous propose une histoire de ce phénomène littéraire, avec des témoignages des directeurs (Duhamel puis Soulat) et collaborateurs directs qui étaient relégués dans une cave de l’immeuble Gallimard et officiaient en leur âme et conscience.
En avril 1985, la revue Antoinette diffusait un article intitulé La Femme dans la Série Noire. C’était l’occasion pour Claude Mesplède de démontrer que les clichés largement diffusés et entretenus de la femme fatale, garce et tout autres qualificatifs désobligeant que vous voudrez bien y accorder, n’étaient pas forcément à prendre au pied de la lettre. Les clichés ont la peau dure, comme les héros qui gravitent dans ces ouvrages, mais la Femme peut se montrer responsable, courageuse, audacieuse, lucide. Certes les stéréotypes marquent plus facilement l’inconscient, mais comme le démontre fort bien Claude, ceci n’est pas l’apanage du roman policier et l’on trouve bien d’autres exemples de ces deux facettes de la Femme en littérature générale, comme dans la vie quotidienne.
Autre article, paru dans la revue Mouvement en 2011, Du roman noir au film noir, recadre la définition même du roman noir, label qui est aujourd’hui attribué à tout et à n’importe quoi, tout comme celui de thriller d’ailleurs. Suivent quelques portraits d’auteurs et des entretiens dont je vous laisse découvrir les noms, mais sachez qu’ils ne sont pas des moindres. Suivent un florilège de chroniques parues dans la revue mensuelle Option depuis 1993, plus quelques autres écrits, disséminés ici ou là dans lesquels on retrouve la sympathie, l’amitié, l’empathie qui lie Claude Mesplède aux auteurs, et vice versa.
Ces articles ont pour la plupart été publiés dans diverses revues et il eut été dommage qu’elles restassent reléguées dans des tiroirs ou d’obscurs classeurs. Au sommaire également la nouvelle version revue et corrigée du Cantique des cantines, un Poulpe.
Hier la littérature policière se confinait dans une chapelle dédiée à quelques saints (et je pense pas uniquement à Leslie Charteris) et fréquentée par des fidèles qui le restèrent malgré les nombreux anathèmes proférés par des littérateurs jaloux ou des garants de la bonne littérature investis d’une morale élastique. Aujourd’hui, grâce à des exégètes soucieux de porter la bonne parole et d’infatigables apôtres tels Claude Mesplède, elle emplit des cathédrales. Oui la Messe plaide en faveur de cette littérature qui n’est plus obligée d’être célébrée dans des catacombes mais officie en plein air en présence d’une assemblée de plus en plus compacte et n’hésitant pas à clamer à la face du monde entier, en une ferveur communicative :
Le polar c’est vraiment la classe
on le dévore, jamais on ‘s’en lasse
Au roman noir, levons nos quarts
Vive le polar, vive le polar
Sur l’air de Vive le pinard, aimable bluette entonnée en chœur par des polardeux guillerets lors des salons et festivals.
A lire également l'avis de Claude Le Nocher sur Action Suspense
Claude MESPLEDE : 1982 – 2012, 30 ans d’écrits sur le Polar. Volume 1. Collection Court-lettrages. Editions Krakoen. 378 pages. 18€. Couverture cartonnée.