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8 août 2019 4 08 /08 /août /2019 03:53

On s'est connu, on s'est reconnu,
On s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vue
On s'est retrouvé, on s'est réchauffé,
Puis on s'est séparé.

Robert GAILLARD : Guayaquil de mes amours.

Agent d’une compagnie fruitière panaméricaine, Henri Chaudet est fort étonné d’ouvrir l’huis de sa chambre d’hôtel à deux policiers, dont l’intendant de police Emilio Moraldo.

L’intendant de police, ou inspecteur, lui annonce qu’Evelyne Deloste est décédée, et il invite (fermement) Chaudet à lui fournir de plus amples précisions sur cette quadragénaire.

Chaudet est en poste à Guayaquil depuis cinq ans et il tombe des nues. Il a fort bien connu Evelyne, vingt ans auparavant, leurs chemins s’étaient séparés, puis croisés à nouveau cinq ans auparavant à Paris, au Ritz. Mais il ne savait pas que son ancienne maîtresse habitait la même ville que lui. C’est une lettre qu’il avait adressée à Evelyne, il y a fort longtemps, déposée sur une table avec un début de réponse, qui a fourni aux policiers son nom.

Lorsqu’il se présente le lendemain au commissariat afin d’apporter moult précisions, Chaudet aperçoit une jeune fille, légèrement métissée, qui attend elle aussi. Moraldo lui apprend qu’Evelyne Deloste a été assassinée et que son corps a été retrouvé pendu à la fenêtre de sa chambre alors que toutes les ouvertures, porte et fenêtres, étaient closes. Evelyne avait reçu un coup de poignard dans le flanc et le sang avait abondamment coulé. Pour Moraldo, il s’agit sans conteste possible d’un meurtre et non d’un suicide. D’ailleurs l’arme blanche n’a pas été retrouvée.

La jeune fille qui est reçue ensuite par Moraldo se nomme Diana Sajon, et est, ou plutôt était, l’amie et l’employée d’Evelyne. C’est elle qui a découvert le drame en compagnie de voisins appelés à la rescousse. Elle dormait dans la maison d’Evelyne mais n’a rien entendu.

 

Attablé à la terrasse d’un café, à la sortie du commissariat, Chaudet aperçoit la jeune fille et il l’aborde. C’est ainsi que Diana lui apprend qu’Evelyne a eu un garçon Tony, et surtout, comment elle a connu celle qui était devenue son amie lorsqu’elle avait treize ans à Port-au-Prince. Mais Diana est dans le collimateur de Moraldo qui la fait suivre par ses hommes. Pourtant elle parvient à leur échapper. Dans quel but ? Peut-être une histoire d’héritage.

 

C’est une plongée dans les souvenirs de Chaudet qui se remémore où et quand il a vu pour la première fois Evelyne à la fin de la guerre. Sur un navire qui le transportait vers les Antilles. Elle était seule, altière, et l’un des voyageurs avec lequel il sympathisa l’avait surnommée la Reine de Saba. Puis leur attirance alors que Chaudet était en poste à Fort-de-France, déjà agent pour la Compagnie fruitière. Comment ils se sont aimés, puis perdus de vue, retrouvés bien des années plus tard. Comme dans la chanson interprétée par Jeanne Moreau.

 

Ce récit, narré à la première personne par Chaudet, puise dans ses souvenirs ainsi que dans la narration de Diana Sajon. L’histoire d’Evelyne, devenue prostituée sous la férule d’un maître-chanteur et d’un maquereau, et qui connut bien des vicissitudes mais ne se départit jamais de sa fierté.

Une histoire qui emprunte à des épisodes durant la dernière guerre, et s’étale sur un peu plus de vingt ans. Avec de nombreuses interrogations. Celles de Chaudet notamment qui connaissant le racisme d’Evelyne, son appréhension envers les Noirs, eut toutefois un enfant de couleur.

Une histoire qui imbrique les différents parcours de Chaudet, dans ses différents postes dans les Antilles et en Amérique Latine, celui d’Evelyne que l’on découvre grâce aux révélations de Chaudet et de Diana, et le dernier, celui de Diana lorsqu’elle fut confiée jeune à Evelyne et ce qui s’ensuivit.

Guayaquil de mes amours est tout autant un roman historique, un roman policier, un roman d’aventures qu’un roman d’amour. La partie policière réside en ce meurtre en chambre close dont l’intendant Moraldo pense avoir résolu l’énigme. Et en dernière partie de roman, il explique même comment cela a pu se dérouler. Sa démonstration est simple, claire, logique, irréfutable… et pourtant elle est fausse. Car une autre solution existe, et c’est tout l’art de Robert Gaillard de nous la fournir d’une façon incontestable.

Quant à la partie historique, elle prend sa source durant la seconde guerre mondiale, avec l’accointance d’Evelyne avec la Résistance. Puis lors de la Libération, lorsque tout se décanta, mais pas toujours en faveur de ceux qui jouèrent un rôle obscur mais parfois primordial.

Peu de personnages dans ce roman, mais des personnages forts, dont la présence s’impose malgré leur statut de bons ou de méchants. Et le fantôme d’Evelyne est tenace, avec sa part d’ombre et de lumière. Elle resplendit et pourtant il demeure toujours un côté de sa personnalité dans l’ombre.

Et lorsque Robert Gaillard avance des explications sur certains épisodes, elles sont contredites un peu plus tard, car Chaudet, le narrateur, ne possède pas toutes les clés et les portes s’entrouvrent peu à peu. Le lecteur a l’impression de s’aventurer dans une suite de pièces qui s’éclairent au fur et à mesure, d’une lumière vive ou atténuée.

De Paris à la Martinique, d’Haïti jusqu’en Equateur en passant par la Jamaïque, Robert Gaillard nous emmène sur les traces des agents chargés de négocier l’achat de fruits exotiques, principalement des bananes, mais également de ceux qui trouvèrent des points de chute fructueux.

 

Je me disais qu’en amour aucune des femmes que j’avais connues n’avait eu le même comportement qu’une autre ; elles présentaient des différences plus ou moins sensibles. Comme les visages humains ne se ressemblent pas, bien qu’ils aient deux yeux, un nez, un front, une bouche.

Robert GAILLARD : Guayaquil de mes amours. Collection Grands Romans. Editions du Fleuve Noir. Parution le 3e trimestre 1968. 380 pages.

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