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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 09:23

Fallait pas le dire à tout le monde !

Barbara ABEL : Je t’aime.

Un joint est un élément installé entre deux dispositifs, pour assurer une fonction d’étanchéité ou une liaison. C’est la définition donnée par les dictionnaires. Mais un joint peu provoquer également un éclatement et tout ce qui est proche est éclaboussé.

C’est ainsi que Maude découvre Alice, sa belle-fille, en train de fumer un joint dans sa chambre. Un moment d’énervement s’ensuit, compréhensible, car Maude se sent responsable auprès de Simon de l’éducation de cette adolescente un peu difficile mais qui la supplie de ne pas dévoiler cette incartade. Et Maude qui pense qu’un geste de mansuétude pourrait les rapprocher promet de ne pas en parler à Simon, son mari et père d’Alice. Une famille recomposée qui à cause d’une promesse arrachée et non tenue va se décomposer et en décomposer d’autres.

Six mois plus tard, Bruno et Alice sont mollement allongés sur le lit du garçon et s’envoient en l’air grâce à des fumettes non autorisées. La mère de Bruno entre sans crier gare, puis elle crie en découvrant le tableau. Ils sont obligés de s’habiller en hâte et Bruno raccompagne sa copine chez elle. Ils ont l’esprit embrumé et Bruno en cherchant un objet qui a glissé sous son siège perd le contrôle de son véhicule alors qu’il rentre après avoir déposé Alice.

La voiture s’encastre dans un car scolaire, et un gamin de sept ans est victime de cette rencontre inopinée. De même que Bruno. Si Bruno l’a bien cherché, le gamin lui n’avait pas demandé à rentrer chez lui par le car. Mais ses parents, pris par leurs occupations professionnelles, n’avaient pu le récupérer à la sortie des classes.

Une collision qui entraîne inévitablement des dommages collatéraux. La mère de Bruno notamment, qui vit seule et est greffière auprès d’un juge d’instruction, accuse Alice d’avoir incité son fils à consommer du cannabis. Et elle cherche à s’allier avec la mère de Thibaut, le gamin de sept ans décédé accidentellement.

Quant à Alice, n’étant pas au courant de l’accident se désole. Elle n’a aucune nouvelle de son amant et elle apprendra son décès par les réseaux sociaux, ce qui n’est pas le meilleur vecteur pour véhiculer les informations, surtout lorsqu’elles sont douloureuses.

 

Barbara Abel creuse le mental de ses personnages comme on extirperait la chair d’un crabe à l’aide d’un pique à deux doigts. Elle gratte, elle racle la moindre particule jusqu’à attaquer la coque. Elle dissèque, elle autopsie, elle s’intéresse aux antécédents, explore les à-côtés, elle remonte le temps, elle fouine dans les familles, décrit la lente mais implacable décomposition d’une cellule familiale.

Avec sensibilité Barbara Abel expose qu’entre l’amour, le grand amour, celui que l’on croit inexpugnable, indéfectible, imputrescible, et la haine consécutive à une perturbation des sentiments, à des mensonges, à de fausses appréciations, à des idées ancrées, forgées, mais erronées, la frontière érigée est mince, aussi mince qu’une feuille de papier à cigarette, ou à joint.

Barbara Abel poursuit son exploration de la famille dans la tourmente à cause de petits faits qui peu à peu grossissent, gangrènent, se transforment en cancer, explosent. Une continuité de sa vision de la famille en déliquescence comme dans Derrière la haine et Après la fin.

On pourra regretter certaines longueurs, comme ces plats trop caloriques dont on sait qu’ils sont bourratifs mais dont on reprend une part car c’est trop bon.

 

Lorsqu'une mère berce son enfant, elle imagine déjà l'homme qu'il sera plus tard. Une fois adulte, elle ne voit plus en lui que le bébé qu'elle berçait autrefois.

Barbara ABEL : Je t’aime. Editions Belfond. Parution le 3 mai 2018. 464 pages. 19,50€.

ISBN : 978-2714476333

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commentaires

A
On sait que c'est pas bon pour nous, mais on ne peut s'empêcher d'y revenir.
Répondre
O
D'y revenir ? Caïn - Caha ?

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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