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27 septembre 2015 7 27 /09 /septembre /2015 13:39

Un Dard qui pique toujours...

Frédéric DARD : Toi qui vivais.

Pour une fois, événement assez rare pour être souligné, si Bernard Sommet rend visite à Stéphan dans sa grande propriété en banlieue parisienne, ce n'est pas pour lui emprunter de l'argent.

Bernard, Bernie dans les bons jours, est entrepreneur en bâtiment, et il doit déjà huit briques, pardon huit millions de francs* à son ami. Quoique, à bien y penser, ce n'est pas vraiment son ami, mais l'argent crée parfois des liens qu'il défait aussitôt. Stéphan aimerait pouvoir récupérer ce qu'il a prêté, augmenté des intérêts bien entendu, et il offre même à Bernard de s'expatrier en Afrique, où il possède des mines de manganèse, et celui-ci pourrait se renflouer en construisant des bâtiments, des routes, n'importe quoi pourvu qu'il éponge ses dettes.

Bernard le détrompe rapidement, il a des projets, des appels d'offre qui devraient se concrétiser rapidement, il pense même le rembourser rapidement. Non, il a une main handicapée, pour preuve le pansement qu'il arbore, et il voudrait que Stéphan rédige une lettre à une jeune femme à sa place, sans préciser toutefois de prénoms, ni celui de la destinataire et bien entendu de l'expéditeur. Stéphan accède volontiers à la demande de Bernard, le charriant quelque peu sur une supposée liaison.

Bernard, muni de cette précieuse lettre a toutes les pièces en main pour mettre son projet à exécution. Il feint partir en déplacement à Angers où il doit signer un marché public à la préfecture, s'étant auparavant muni de son revolver, puis téléphone à Stéphane lui demandant de passer le voir muni des reconnaissances de dette, provoque un accident de voiture dont il se sort indemne près d'Etampes, et après avoir prévenu la préfecture d'Angers, rentre chez lui en train et abat sa femme Andrée et Stéphan qui sont tout étonnés de le voir surgir. Il organise une mise en scène, insérant dans un tiroir la lettre compromettante soi-disant destinée à sa femme, se débarrasse des reçus dans les toilettes avant l'arrivée des policiers.

Bien entendu il affirme aux policiers puis au juge avoir surpris les amants en pleins ébats, et dans un moment d'emportement les avoir tué. Une avocate est commise d'office et Bernard pense s'en sortir à bon compte, le mari cocu s'attirant en général la compassion du tribunal. Seulement le juge ne mord pas à l'hameçon, persuadé que Bernard a tout manigancé. Quant à l'avocate, petite souris grise démodée et naïve dont c'est la première véritable affaire d'importance dont elle est chargée, elle s'apitoie sur le sort de Bernard. Celui-ci n'est pas tiré d'affaire, loin de là mais il pense compter sur Sylvie, sa commise d'office qu'il enjôle.

 

Peu de personnages dans ce roman intimiste de Frédéric Dard qui date de 1958. Presque comme un vaudeville qui tourne au drame. Et parfois le lecteur peut, s'il oblitère le titre et le nom de l'auteur, penser qu'il lit un roman de Simenon. Une histoire resserrée qui en moins de deux cents pages montre un homme qui imagine un scénario où il a tout prévu, ou presque, au sein d'un trio Femme - Mari, et faux Amant puis la confrontation dans un nouveau trio Coupable avéré mais se défendant âprement, Juge fauché mais au raisonnement infaillible et une Jeune Avocate pas très sûre d'elle mais amoureuse et qui va apprendre rapidement. Le genre de romans dont devraient s'inspirer nos auteurs actuels qui délayent trop, perdant de vue que l'efficacité ne s'élabore pas dans des ouvrages à rallonge.

Ecrit à la première personne, Bernard étant le narrateur, Toi qui vivais met en scène un homme qui s'est fait tout seul, mais criblé de dettes, et rongé de jalousie vis à vis de Stéphan qui est riche et plus jeune. Son idée de se séparer définitivement de sa femme et de Stéphan par la même occasion lui est venue lors d'un accident sans gravité alors qu'il était en voiture avec Andrée. Il s'est rendu compte alors qu'il n'aimait plus son épouse, voire qu'elle était un fardeau.

C'est un homme issu de la terre, et même s'il est devenu un entrepreneur, il garde profondément ancrées en lui ses racines paysannes. Tout le ramène à cette terre nourricière, mais comme dit la chanson, écrite bien après, on dirait que ça te gêne de marcher dans la boue, tout en se référant constamment à cette origine qui le guide. C'est un être retors, mais il trouvera plus futé que lui.

 

*année 1958, je précise. A titre de comparaison, un roman de la collection Spécial Police du Fleuve Noir valait à l'époque 250F.

Première édition Spécial Police N°178. Editions Fleuve Noir. Parution 1958.

Première édition Spécial Police N°178. Editions Fleuve Noir. Parution 1958.

Nombreuses rééditions dont Presses Pocket Mars 1967.

Nombreuses rééditions dont Presses Pocket Mars 1967.

Frédéric DARD : Toi qui vivais. Collection Noir. Editions Pocket. Parution le 23 septembre 2015. 192 pages. 6,30€.

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