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21 juillet 2015 2 21 /07 /juillet /2015 13:17

Bon anniversaire à Joseph Périgot né le 21 juillet 1941.

Joseph PERIGOT : Le bruit du fleuve.

C’est fou ce qu’il peut se passer comme choses la nuit dans un taxi !

Lucien n’est même plus étonné, lui qui sillonne la ville de Rouen toute la nuit à écouter des airs de Vivaldi ou des chansons de Brassens. A conduire avec, aux pieds, des charentaises et, à portée de main, une flasque de whisky.

Lucien est indépendant, et même s’il a chargé un client, il aime à s’arrêter au petit matin, près des berges du fleuve, à regarder le soleil se lever. Puis il rentre chez sa sœur, Thérèse, atteinte d’un cancer qui inexorablement lui ronge la gorge, ou bien chez lui, une petite maison coincée entre deux usines. De l’autre côté du fleuve, il peut apercevoir la maison de Flaubert transformée en musée. Voilà ! Sa vie se résume à ça ! Taxi de nuit, le jour chez sa sœur, parfois chez lui en compagnie d’un infarctus qui guette la moindre faiblesse. Le mardi, c’est le jour de Fernand, l’amant de sa sœur, un juge d’instruction, qui n’arrive jamais les mains vides.

Une nuit, Lucien charge à la gare un client que refuse Raymond, le taxi 92. Une course qui le mène jusqu’au Parc départemental des nomades. Il repart vers la ville, les lumières, le bruit, la vie et distingue dans le noir une forme humaine qui s’accroche aux grilles de ce parc zoologique pour humains. Une jeune fille se tient le ventre et fuit dans la nuit. Il la prend à bord de son véhicule, et là, sur la couverture, patchwork de soixante-quatre pièces amoureusement assemblées par Thérèse, sur cette couverture qui en a vu bien d’autres, naît un petit enfant. Pélina, la Gitane, quitte précipitamment le véhicule pour rejoindre les siens et Lucien hérite d’un joli bébé que Thérèse et lui gardent jalousement, malgré les conseils de Fernand, et qu’ils prénomment Rémi.

Rémi, c’est du baume dans leur vie, dans leur existence étriquée, du sang neuf qui vagit entre une cancéreuse pratiquement au bout du rouleau et un cardiaque qui guette sa propre défaillance. Ces deux célibataires qui n’ont jamais eu d’enfants à élever, à aimer, se réfugient dans la maison de Lucien près du fleuve. Les voici père et mère, poussant le jeu jusqu’à s’aimer d’amour, charnellement. Leur premier crime envers la morale. Mais ce n’est pas le seul, car Lucien est amené, par amour pour Rémi, pour le protéger, pour protéger Pélina, la mère venue vivre avec eux, par amour pour sa sœur Thérèse, Lucien est amené à tuer.

 

Le bruit du fleuve peut choquer les moralisateurs qui s’érigent en censeurs parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que l’amour. L’amour de son prochain. Le plaisir, la joie de rendre service, sans en tirer gloire ou fierté. Uniquement par bonté d’âme et non par calcul.

Un roman qui, c’est certain, aurait dû paraître dans la défunte collection « SOS Racisme », victime non pas de son succès, mais de l’incompréhension, de la défiance de tous ceux qui pensent que les bons sentiments ne peuvent se traduire que par une récupération politique. D’un côté ou de l’autre. Un roman qui malgré son thème un peu provocateur n’en est pas moins d’une extrême pudeur.

En toile de fond, comme une obsession, Flaubert et son chef-d’œuvre Madame Bovary, imprègnent la vie, les pensées, les réflexions, les attitudes de Lucien qui déteignent sur Pélina et Rémi. Flaubert et sa maison, refuges de l’âme et du corps. Et lorsqu’il ne s’agit plus de l’écrivain normand, référence en est faite à Julian Barnes, alias Dan Kavanagh, et auteur du Perroquet de Flaubert. Autre référence indirecte, l’un des breuvages préférés de Lucien, hormis le whisky, est le vin, mais pas n’importe lequel : le Château Mesplède.

 

Joseph PERIGOT : Le bruit du fleuve. Editions Calmann-Lévy. 1991.

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commentaires

J
Bonjour Oncle Paul,<br /> Je tombe par hasard sur votre blog. Petit coup au cœur plus de vingt ans après la sortie de ce bouquin ! Merci ! De l'eau est passée sous le Pont Mirabeau, l'édition n'est plus ce qu'elle était et j'y ai perdu tous mes contacts. Résultat, trois romans dorment dans mes tiroirs. J'ai décidé de les autoéditer, à prix coûtant en impression papier, gratuitement en version numérique, histoire de leur donner un peu d'existence – sans me faire d'illusions bien entendu. Je travaille en ce moment à un site intitulé "Ma petite librairie". Je vous enverrai l'adresse quand il sera actif.<br /> Bien cordialement, Joseph.
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O
Bonjour Joseph<br /> Cela me fait plaisir d'avoir de vos nouvelles, car nous ne nous sommes pas rencontrés depuis... Un Saint-Nazaire, 199? en compagnie de Patrick Mosconi. Quand à l'édition de nos jours, il faut de plus en plus de sensationnel et les éditeurs sont plus portés vers les Américains et les auteurs nordiques que vers les Français. A se demander s'il ne faut pas reprendre ce que Boris Vian avait fait aux éditions du Scorpion : signer d'un nom américain et son propre patronyme comme traducteur. Une solution peut-être en choisissant un nom à consonance islandaise ou norvégienne...<br /> A bientôt de vous lire<br /> Amicalement
S
Bonjour Paul.<br /> Je garde un grand souvenir de ce roman. Ainsi que, il y a bien longtemps, d'une rencontre festive avec J. Périgot (flanqué de son compère Patrick Mosconi) lors d'un salon dans une MJC auboise...<br /> Amitiés.
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O
Bonjour Serge<br /> Moi aussi, la preuve, mais également de quelques Souris Noire. J'ai eu le plaisir de rencontrer Joseph Périgot, toujours accompagné de Patrick Mosconi, à Saint Nazaire... C'est vieux tout ça...<br /> Amitiés

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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