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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 14:22

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Paul, treize ans, n’aime pas le docteur Costantini. Il a ses raisons, il l’a surpris en compagnie de sa mère Paula dans la chambre à coucher. Alors, Costantini a beau l’appeler du perron de la villa Le Bel oranger, Paul continue à se cacher dans sa retraite sous les lauriers-roses et les eucalyptus dans le parc du domaine.

Si le docteur Costantini l’appelle, ce n’est pas sans raison. Paul en prend vraiment conscience (mais ne le pressentait il pas déjà ?) lorsqu’il se plante devant la voiture du toubib, lequel lui apprend que Paula est morte. D’un infarctus, d’une crise cardiaque. Le voyage qu’elle projetait ne se fera plus avec elle. Le rez-de-chaussée de la maison est encombré de malles, de valises, de sacs. Ils devaient embarquer quelques jours plus tard à bord du Ville de Marseille et fuir Bougie, l’Algérie, comme beaucoup d’autres Pieds-noirs.

En ce mois de mars 1962, l’OAS fait régner la terreur et les attentats se multiplient. Les infos que Paul écoute à la radio le disent et le répètent entre deux chansons diffusées sur Europe 1. Seul dans son coin, Paul se remémore les années passées avec sa mère qui l’avait surnommé Mon bébé. Il n’appréciait pas trop car de constitution malingre cela le rabaissait auprès de ses camarades d’école. Camarades étant un bien grand mot. Lui n’avait jamais pu dire à sa mère Maman, cela ne voulait pas sortir. Et puis son père n’est plus là, n’effectuant que de courtes apparitions, juste pour récupérer quelques livres. Paul n’aime pas les éclats de voix qu’il surprend.

Autrefois Le Bel Oranger était un domaine prospère, mais Marcel, le père, représentant en machines agricoles et coureur de jupons, avait tout dilapidé. Une fortune en terrains que les parents et grands-parents de Paula avaient accumulée durant de longues décennies. Ne reste plus que la demeure et le parc. Et au fond du parc, le cimetière où sont enterrés les membres de la famille de Paula.

Dans la pièce principale trône la caisse de mort de Paula que Tahar vient de fabriquer. Fatma, la vieille servante dévouée pleure tout en préparant la nourriture qui peut-être ne sera jamais mangée. Raymonde Cardina, une amie de Paula, arrive, puis Marta, la sœur de Paula. Paul est déboussolé par ces allées et venues, et il se réfugie comme toujours dans son repaire secret à taquiner le varan, un complice

Paul ressasse encore et encore sa jeunesse, les après-midis ou les soirées au cours desquelles sa mère l’emmenait à Bougie, ayant soi-disant rendez-vous avec Raymonde, sa dernière soirée en compagnie de Paula, lové contre elle sur le lit, et regarde impuissant les préparatifs du départ sur le Ville de Marseille. Il se projette en pensée sur son arrivée à Toulon chez Marta et son mari. Fatma n’est pas reste et rumine elle aussi ses souvenirs. Quarante deux ans qu’elle y travaille.

Avec sa tendresse habituelle, Jean-Paul Nozière incite le lecteur à partager le désarroi de Paul, le gamin de treize ans qui ne comprend pas bien ce qui arrive autour de lui. Sur fond de guerre d’Algérie il navigue entre hier et aujourd’hui, c'est-à-dire sa proche enfance et le mois de mars 1962, et se pose bien des questions sur les rapports entre adultes, entre lui et sa mère, sur son devenir, sur les événements qui secouent le pays. Ecrit simplement mais avec force, ce roman est un vibrant hommage aux habitants d’une région, d’un pays, débordés par les troubles qu’ils ne comprennent pas toujours et dont ils ne se sentent pas partie prenante. Mais Jean-Paul Nozière traduit la déchéance d’une famille en butte à des conflits internes. Paula vit en totale contradiction avec elle-même, refusant les frasques de son mari et en même temps les provoquant. Héritière du Bel Oranger, elle ne parle que de Sa ferme, de Son domaine, réduisant son mari à un simple commis voyageur.

D’ailleurs elle déclare : Ton père a dilapidé les biens que grand-père avait eu tant de mal à acquérir, puis il y a eu la guerre et les Arabes qui nous prennent notre pays… Une phrase lourde de sens, car c’est sûrement ce genre de réflexion qui a engendré les conflits.

 Un roman qui gratte où ça démange, démontrant que ceux qui habitaient alors en Algérie subissaient les désordres, mais n’étaient pas tous des assoiffés de sang, de rancœur ou d’autonomie. La guerre d’Algérie sert de décor afin de rendre encore plus tragique la mort de Laura, Laura qui préparait le départ et en même temps désirait rester sur son lopin de terre qui s’était étiolé au cours des années.

A lire également du même auteur dans la même collection : Un été algérien.

Jean-Paul NOZIERE : Le Ville de Marseille. Collection Scripto. Editions Gallimard. 160 pages. 8€. Première édition Le Seuil 1996.

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commentaires

Z
J'ai lu, mais tu te défends trop, c'est suspect !!!
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O
<br /> <br /> Il vaut mieux se défendre que subir <br /> <br /> <br /> <br />
Z
Je le note de suite.<br /> Mon cher Oncle, on parle de toi ici et ce n'est pas joli, joli ce que tu as fait !!http://lyvres.over-blog.com/article-paraphilia-106261782-comments.html#anchorComment
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O
<br /> <br /> Merci Zazy de cette info intéressante et comme c'est d'actualité avec les hommes politiques, j'ai apporté tout de suite un démenti <br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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