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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 17:01

Un pape pas si Benoit que ça !

 

touzeau

Le 29 novembre 1422, s’éteignait à 94 ans en sa forteresse de Peñiscola, entouré d’une centaine de fidèles, le pape Benoit XIII. Il avait été intronisé 28 ans auparavant, mais toujours contesté par une frange de plus en plus nombreuse d’opposants. Pourtant il avait été élu par l’assemblée des cardinaux mais un pape avait déjà été désigné dans des conditions particulièrement rocambolesques.

Le conclave qui suit le décès de Grégoire XI se déroule dans un tumulte organisé par la foule romaine qui exige un pape romain, à la rigueur italien. Les cardinaux pressés d’en terminer et craignant pour leur vie se livrent à un simulacre d’élection et votent à leur corps défendant pour un prélat n’appartenant pas à leur collège. Le 8 avril 1378 l’archevêque de Bari est donc intronisé et prend le nom d’Urbain VI. Mais ce pape est caractériel, insultant et menaçant.

Les cardinaux fuient Rome et nient la validité de l’élection d’Urbain IV, élection effectuée selon eux sous la menace de violences. Le 20 septembre de la même année ils élisent à Fondi le cardinal Robert de Genève qui devient Clément VII et rejoint le palais des Papes d’Avignon. C’est le début du Grand Schisme et deux papes se partagent une seule tiare. Or Urbain VI n’ayant aucun cardinal sous sa coupe nomme ceux qui sont accrochés à sa soutane. Ceux qui tentent de lui désobéir sont torturés et mis à mort.

Les cardinaux qui ont donc voté deux fois maintiennent Clément VII comme seul pape légitime. Tout aurait du se régler en destituant Urbain VI, si cela était possible, mais le roi de France Charles V dit le Sage meurt en 1380 et son fils Charles VI le Fol reconnait en Urbain VI le seul et vrai pape, en contradiction avec la plupart des autres rois qui comme celui d’Aragon, de Navarre, de Castille, d’Ecosse adhèrent au parti clémentin. A la mort d’Urbain VI, les cardinaux qu’il avait nommés élisent Boniface IX tandis que Pedro de Luna est intronisé à la mort de Clément VII et devient Benoit XIII.

Ainsi deux papes vont cohabiter pendant des décennies, et un troisième viendra durant quelque temps compléter cet imbroglio. Peu à peu Benoit XIII, qui est contraint de quitter Avignon et qui après quelques pérégrinations s’établira à Peñiscola, perd de son influence tandis que Innocent VII puis Grégoire XII qui ont succédé à Boniface IX prennent de l’ascendant. Surtout à cause du roi de France qui tergiverse, se montre instable dans ses décisions mais affiche toujours une préférence pour les adversaires de Benoit XIII. Si Innocent VII se révèle intraitable, son successeur fait montre d’un esprit temporisateur mais ne tient pas ses engagements.

 

Ceci n’est que le début des tribulations et ennuis que Benoit XIII subira jusqu’à son décès. Gérard Touzeau développe abondamment ce pontificat mouvementé et toujours contesté jusqu’à nos jours, et les arguments qu’il développe sont étayés par les nombreux documents auxquels il a eut accès. La seconde partie de l’ouvrage traite du fameux trésor des papes, qui était placé au Palais des Papes d’Avignon et que Benoit XIII rapatria peu à peu à Peñiscola dans des caisses transportées à bord de galères. Plus de six cents manuscrits, des incunables, mais également des étoffes et objets précieux, répartis dans une soixantaine de caisses. Trésor qui ne fut pas retrouvé en totalité et certains des manuscrits ont été dispersés auprès des proches de Benoit XIII à sa mort.

Une affaire pas très « catholique » dans laquelle on se rend compte qu’il ne faut pas prendre les affirmations pour « paroles d’Evangile », et qui met en doute bien des assertions ecclésiastiques diffusées encore de nos jours. Il est évident qu’il est difficile de se remettre en cause, mais la probité intellectuelle, ou spirituelle devrait s’appliquer à tous, l’Eglise en premier. Après tout ne doit-elle pas montrer l’exemple ? Une autre réflexion pertinente de l’auteur nous démontre qu’il ne faut pas toujours se fier aux guides touristiques et autres. Ainsi le texte d’un panneau apposé sur un angle du parvis de Sainte-Marie de la Réal à Perpignan, comporte au moins trois erreurs historiques. Des méprises qui peuvent se trouver partout et surtout dans nos manuels d’histoire, ce qui est fort regrettable en alimentant des méprises qui perdurent et deviennent des dénis détournant l’authenticité historique. Et il est souvent difficile, voire impossible, de rétablir la vérité. Une forme de négationnisme du passé, de notre héritage.

Un ouvrage charpenté, documenté, agrémenté d’une iconographie intéressante, d’un chapitre qui sert d’intermède étudiant une partie du poème du Rhône de Frédéric Mistral, écrit dans un souci de rester toujours dans une atmosphère plus ou moins romanesque afin que ce document ne se révèle pas trop rébarbatif.


Gérard TOUZEAU : Benoit XIII, le trésor du pape catalan. Editions Mare Nostrum, collection Trésors. Parution 5 janvier 2010. 394 pages. 25,00€.

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commentaires

A
Il s'en passe de belles aussi au Vatican.... Dan Brown n'a rien inventé.
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O
<br /> <br /> Oh que non Alex, il n'a rien inventé, tout juste à puiser dans l'Histoire pour en raconter...<br /> <br /> <br /> <br />

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