La face cachée de Julian Barnes.
Le club de football l’Athlétic est vraiment dans une mauvaise passe. Son classement en troisième division s’en ressent fortement et s’il était relégué en quatrième division, ce serait la catastrophe. Son entraîneur, Jimmy Lister, est sur la sellette.
A la suite d’une agression envers l’un de ses meilleurs joueurs, Danny Matson, Jimmy Lister décide d’engager Duffy, un détective privé, lui-même gardien de but dans la petite équipe des Volontaires. Il est évident que Danny Matson n’avait rien à faire dans une boîte de nuit, et si à la sortie il s’est fait casser une jambe, c’était peut-être bien de sa faute. Mais Denise, la jeune femme qui l’avait dragué, disparait au moment où Danny aurait bien eu besoin de son témoignage.
Duffy enquête aux abords du stade, plus particulièrement à Layton Road dont les habitants ont engagé une procédure judiciaire. Les résidents n’apprécient guère les débordements des supporters les jours de match. C’est leur droit mais Duffy sent là-dessous une manipulation guère honnête. Les hooligans mettent leur grain de sel, déstabilisant l’ambiance, s’en prenant volontiers envers un joueur de race noire, Brendan, le meilleur joueur de l’équipe. Brendan lui non plus n’est pas épargné par le sort qui lui réserve un croc en jambe, un coup en traître.
Arrêt de jeude Dan Kavanagh est autant un roman policier qu’un clin d’œil, pas si innocent qu’il y parait, sur le football et ses à-côtés. Les magouilles financières, l’insubordination des supporters, ou supposés tels, les déboires de l’entraineur, les états d’âme des joueurs, tout est prétexte à ironie, à humour caustique, mais surtout à réflexion.
Doit-on s’étonner de ce genre d’ouvrage de la part de Dan Kavanagh plus connu sous la plume de Julian Barnes ? Cela surprendra peut-être les puristes mais Dan Kavanagh est en effet le pseudonyme derrière lequel se cache Julian Barnes, auteur entre autres de L’histoire du monde en 10 chapitres et demi ou encore du Perroquet de Flaubert et autres œuvres à succès.
Les fidèles de la Série Noire eux n’étaient plus dupes depuis 1982 et la première mouture de l’ouvrage de Claude Mesplède et Jean-Jacques Schléret : SN, Voyage au bout de la Noire paru chez Futuropolis (cet ouvrage a été réédité, revu et complété cher Joseph K). Dan Kavanagh eut l’honneur d’être traduit dans cette célèbre collection pour deux romans : La nuit est sale en 1981 et Le port de la magouille en 1982, roman dans lequel on découvrait Duffy, héros de Arrêt de jeu. Duffy qui outre son enquête dans les milieux footballistiques se voit confronté à de sérieux problèmes émotionnels et sexuels. De tendance bisexuel, Duffy a une phobie, celle d’être atteint du SIDA, le syndrome de Karposi, et souffre de son manque d’ardeur envers Carol, son amie qui couche chez lui de temps en temps.
Dan Kavanagh, la face cachée de Julian Barnes n’a pas souvent les honneurs des critiques littéraires, au contraire de son double. Ignorance des critiques, peur de mélanger les genres, qu’importe. Dan Kavanagh se suffit à lui-même et si vous avez l’occasion de découvrir Arrêt de jeu chez un bouquiniste, sachez que ce sera pour le meilleur et pour le lire.
Dan KAVANAGH : Arrêt de jeu (Putting the Boot in – 1985. Traduction de Richard Matas). Editions Actes Sud collection Polar Sud. Avril 1991. 304 pages.