Cette collection créée en 1949 par Armand de Caro et Guy Krill est sabordée en décembre 1987. Le dernier titre, signé Michel Quint, porte le numéro 2075 s’appelle “ Bella Ciao ” une forme de clin d’oeil pour saluer l’arrêt de la collection. Le premier volume de la collection était dû à Jean Bruce qui inaugurera également la collection Espionnage, avant d’émigrer ensuite aux Presses de la Cité. Spécial Police reste la troisième collection française en longévité et en nombre de titres édités. Elle inaugure, avec la collection Noire et Rouge (dite La Flamme, plus spécialisée dans les romans à tendance érotique), la maison d’édition Fleuve Noir. Essentiellement consacrée à des auteurs français, seuls trois étrangers, un Allemand, Herman Hillegendorf, un Américain, Joseph Rosenberger avec sa série Le Marchand de mort et un Russe, Albert Likhanov, figureront au catalogue. Elle débute timidement avec 2 titres en 1949, 10 en 1950, et progresse doucement pout arriver à 80 titres par an en 1980. Si incontestablement San Antonio/Frédéric Dard fut la vedette de cette collection, avant de se voir éditer dans des séries spécifiques, d’autres auteurs tirent leur épingle du jeu, soit au sein même du Fleuve Noir tel que Georges-Jean Arnaud, soit chez d’autres éditeurs, comme Gilles Perrault alias Sidney Vania, Thomas Cervion qui deviendra Louis C. Thomas, Julien Sauvage plus connu sous le nom de Claude Brami, Michel Quint, Jean Paul Dubois ou Tonino Benacquista, sans oublier Michel Audiard. Parmi les prolifiques la palme revient à André Lay avec 122 titres, suivi de Peter Randa 104, Mario Ropp 96 puis San Antonio 78. Toutefois, contrairement à la collection Espionnage, Spécial Police publie un nombre important d’auteurs éphèmères ne produisant parfois qu’un seul titre. Mais à ses débuts quelques auteurs utilisèrent de nombreux pseudonymes, tels que Frédéric Dard qui outre San Antonio signa également Kaputt et les “ Kenny ” qui produisirent sous les noms de James Haley ou Jack Litton.
S’il fut reproché au Fleuve Noir d’avoir débauché des auteurs de la Série Noire, il faut constater que les Presses de la Cité se servirent en la personne de Jean Bruce avant de se restructurer et de “ caser ” des auteurs tels que Gilles Morris-Dumoulin, Richard Caron, Roger Faller, Michel Carnal, Fred Noro.... Avec la disparition de l’Arabesque, c’est l’arrivée de nouvelles plumes comme Alain Page, G.J. Arnaud. Dans les années 70/80, les transferts furent importants, d’un sens comme de l’autre : Jean Mazarin signait Emmanuel Errer à la Série Noire, Gérard Delteil fit ses premières armes avant de naviguer chez divers éditeurs, Serge Brussolo, Pierre Pelot qui avait déjà produit sous le nom de Pierre Suragne, ou encore Thierry Jonquet et Eric Kristy firent des passages, parfois brefs, mais remarqués. Léo Malet dans les années 60 se refit une santé en livrant de nouveaux Nestor Burma. Mais il ne faut pas oublier les auteurs “ maison ” comme Claude Rank, Adam Saint Moore, André Lay ou M.G. Braun qui créa le couple d’aventuriers Sam et Sally, interprétés à la télévision par Georges Descrières dans le rôle de Sam et Corinne Le Poulain puis et Nicole Calfan dans celui de Sally, dont quasiment toute la production fut éditée par le Fleuve Noir.
Le succès de cette collection est non seulement dû à ses auteurs vedettes comme, outre San Antonio/Frédéric Dard, G.-J. Arnaud et Peter Randa, André Lay, Serge Laforest, Pierre Nemours, Pierre Courcel, Jean-Pierre Ferrière et bien d’autres, mais également à son dessinateur : Gourdon fit en effet les beaux jours du Fleuve Noir, dans pratiquement toutes les collections (sauf Anticipation qui était le domaine de Brantonne) jusqu’en 1978 où le dessin fut remplacé par des couvertures photographiques (pas toujours heureuses). Ce fut le début du déclin et le retour aux illustrations (pas toujours fameuses elles non plus) en1985, alors que Spécial Police devenait Polices tout court et ne redressa pas la barre. Au milieu des années souixante, chaque titre était vendu à plus de 100 000 exemplaires et de nombreuses options furent prises par le cinéma.
François Richard, outre ses activités d’écrivain, en collaboration notamment avec Henri Bessières, ce que celui-ci réfute, en sera le directeur de collection jusqu’en 1975, dirigeant également les autres fleurons de la maison, Anticipation, Espionnage, Angoisse, Aventurier, et Grands Romans. Il a comme adjoint Patrick Siry durant trois ans, lequel le remplacera, avec Suzanne Beaufils comme secrétaire, avant de fonder sa propre maison d’édition qui fit long feu.