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21 mars 2016 1 21 /03 /mars /2016 13:41

Un romancier berger qui n'en faisait pas tout

un fromage !

THIRION Louis : Un portrait.

Né le 25 octobre 1923 à Neufchâteau dans les Vosges, Louis Thirion s'est éteint le 9 décembre 2011 à Paris.

Après une enfance qui l'entraîne des Vosges jusqu'à Dieppe en passant par les Basses-Alpes (devenues Alpes de Haute Provence) Louis Thirion sera marqué par la tentative sanglante de débarquement Anglo-Canadien le 19 août 1942, qu'il voit d'une fenêtre de la maison familiale. Ce jour là il passe du statut d'adolescent à celui d'adulte.

A cette époque il s'intéresse surtout au "bricolage" scientifique utilisant pour cela l'imposant matériel abandonné par son père, pionnier de la radio et collaborateur aux premières émissions de Radio Tour Eiffel. Ce qui l'amène à monter des postes émetteurs clandestins, établissant des liaisons radio avec des chalutiers navigant dans la Manche, ce qui se traduitt par une certaine confusion et engendre quelques enquêtes gênantes. Ce qui l'a amené à devenir interprète pour l'armée américaine, pour le 195 Rail of Batellion, en 1944.

Mais laissons la parole à Louis Thirion qui s'exprimait ainsi :

Plus tard, cette manie devait me créer des problèmes et je me souviens d'un certain soldat allemand venu imprudemment seul et sans arme acheter des œufs, qui me trouva écouteurs aux oreilles, en pleine zone interdite. Je ne sais pas lequel eut le plus peur des deux, mais je crois bien que cette maison, perdue dans le lacis inextricable des chemins creux normands, fut abandonnée par notre équipe en moins de dix minutes.

Plus tard, la paix revenue, je voyageai avec optimisme en Europe, à la recherche d'un moyen de gagner ma vie sans m'ennuyer. Mais de la pêche au thon pour laquelle je n'étais pas doué, en passant par le forage de puits de mine et la vente de calendriers polychromes, j'accumulais des expériences plus ou moins réussies.

Puis décidant d'utiliser quelques diplômes qui traînaient dans mes dossiers, je collaborai pendant quelques années avec un laboratoire. Initié aux secrets de la recherche biologique moderne, je découvris cet infini à la fois merveilleux et inquiétant qu'est le bouillonnement de la vie. J'eus brusquement envie de réfléchir et quittant le laboratoire, je devins berger. Seul sur les flancs austères des Pré-Alpes du Sud, en présence de l'infini cosmique, j'écrivis mon premier roman de science-fiction.

 

C'est ainsi que de 1960, étant agriculteur fromager dans la Drôme, puis son retour à la ville en 1970, travaillant dans la publicité pharmaceutique, puis un mariage tardif en 1972 conclu par la naissance de trois enfants, Louis Thirion écrivit des romans et des pièces de théâtre.

Son premier ouvrage, Waterloo morne plaine, fut publié en 1964 aux éditions du Scorpion et chroniqué dans Le Canard enchaîné le 20 mai 1964. L'article se terminait ainsi : un récit truculent, enlevé à la pointe de la baïonnette bic, suavement irrespectueux et contraire aux plus solides enseignements de l'école de guerre. A conseiller aux associations d'officiers de réserve.

THIRION Louis : Un portrait.

Suivirent deux romans d'espionnage aux éditions S.E.G. Un guépard pour Olga et Le guépard se mouille, respectivement en 1966 et 1967, puis Les résidences de Psycartown chez Eric Losfeld en 1968, qui eut l'honneur d'être chroniqué par Jacques Chambon dans la revue Fiction N°184.

1968, année turbulente mais également prolifique pour Louis Thirion qui entre aux éditions Fleuve Noir.

Parmi les auteurs de la Collection Anticipation, Louis Thirion est un peu l'électron libre méconnu coincé parmi une horde de romanciers issus du sérail, même s'il ne fut pas le seul a intégrer la digne vieille dame de la Science-fiction française à cette époque et à n'avoir produit quasiment uniquement que des romans relevant de ce genre.

Non seulement il n'est pas astreint à produire quatre romans par an, comme la plupart de ses collèges, mais de plus s'il inscrit ses ouvrages dans le space opera, ou opéra de l'espace, genre privilégié à l'époque, le traitement et ses sources d'inspiration divergent profondément.

Son premier roman, Les Stols, parait en juin 1968, date hautement symbolique puisque suivant les fameux débordements et les contestations du mois de mai.

En octobre 1998, Louis Thirion me précisait dans un courrier la genèse de ses romans de science-fiction et plus particulièrement la saga de Jord Maogan :

Ce fut un jour d'hiver des années 60 qu'accoudé au comptoir de zinc d'un bistrot minable de la rue Saint-André des Arts, aujourd'hui transformé en piège à touristes, que je me suis entendu dire par l'un des intellectuels de base de cette époque que les propos que je tenais à propos du monde en général et de l'évolution de la pensée moderne en particulier étaient superfétatoires.

Rendu modeste par cette affirmation péremptoire, je décidai de ne pas me mesurer aux géants mais de distraire le plus grand nombre. Cette décision a marqué ma vie car l'on parle encore de Sartre alors que personne ne parle jamais de moi mais qui dira le plaisir secret que l'on éprouve de se voir lire dans les autobus, les véhicules de livraisons en stationnement et les trains.

Il est vrai que Jord Maogan antihéros maladroit et emprunté auquel le Fleuve Noir (sans doute abusé sur sa véritable nature) a donné vie était un personnage peu banal. Principalement occupé à faire entrer les boules les plus grosses dans les plus petites, il a parcouru l'univers en translations instantanées (procédé emprunté depuis avec succès par nombre de suiveurs). Miracle on a parlé de moi pour me chercher des parrains; l'on a cherché des sources d'inspiration étrangères là où il n'y avait que cogitation personnelle. J'avais peut-être le droit de porter la barbe comme Karl Marx (ce que je me suis bien gardé de faire) mais je n'avais pas le droit d'avoir autant d'imagination que Van Vogt. Pire encore, je ne savais pas exploiter les filons par la production intarissable de clones. J'ai donc tué Maogan. La suite a été anarchique. Une succession de romans touts différents les uns des autres. Pourtant des bouquins comme Le temps des rats ou Cette chose qui vivait sur Véra sont restés bien actuels et en Amérique l'on a pris beaucoup de plaisir à lire Réalité 2.

THIRION Louis : Un portrait.

A la question bateau et pourtant incontournable : Comment vous sont venus le besoin, l'envie, le plaisir d'écrire et pourquoi de la littérature populaire, Louis Thirion m'avait répondu :

Parce qu'à notre époque les autres auteurs se prennent trop au sérieux.

 

Et s'il fut impossible aux critiques spécialisés d'accoler le nom de Louis Thirion à un célèbre précurseur, cet auteur atypique a suscité toutefois quelques vocations dont Roland C. Wagner. D'ailleurs, Roland C. Wagner, qui signe la postface de l'ouvrage Dans les espaces déjantés (éditions Critic), un long article consacré à la collection Anticipation avant Louis Thirion et présente l'œuvre de Thirion, ne tarissait pas d'éloges sur ce romancier qui lui fit découvrir à l'âge de dix ans la science-fiction en général et la mythique collection du Fleuve Noir en particulier.

 

Fin 1983, début 1984, paraissait le numéro 2 d'une revue au titre quelque peu provocateur : Le Singe revue cynique, qui était dirigée par Philippe Godard. Au sommaire la première partie d'un roman de Louis Thirion : Le bonheur est pour demain, titre apparemment resté inédit. Mais notre auteur signait également des articles de fond, dont : Tentative d'explication rationnelle de l'utilisation du fœtus humain dans une société post-reaganienne mécanisée, sous le pseudonyme du Docteur Mabuse-Lambioffier. Combien d'années fut éditée cette revue, combien de numéros furent publiés ? Seul Philippe Godard, qui par la suite collabora avec Louis Thirion pour l'écriture de quatre romans jeunesse pourrait nous le préciser.

 

Sources : Correspondance personnelle avec l'auteur et Fleuve Noir Info N°56 de septembre 1969.

 

Anticipation

354 - Les Stols

377 - Les Naufragés de l'Alkinoos

393 - Les Whums se vengent

427 - Ysée-A

456 - Sterga la noire

543 - Le Secret d'Ipavar

590 - Métrocéan 2031

599 - Chevaliers du temps

998 - Chez temporel

1182 - Le Répertoire des époques de cette galaxie

1204 - Expérimentation alpha

1283 - Ticket aller-retour pour l'hyperspace

1339 - Lorsque R'Saanz parut

1348 - Galactic paranoïa

1442 - Que l'éternité soit avec nous !

1455 - Le Temps des rats

1509 - Accident temporel

1644 - Réalité 2

1673 - Les Guerrières de Arastawar

1701 - Cette chose qui vivait sur Vega

1734 - Ysee A (rééd. de 427)

1800 - Requiem pour une idole de cristal

 

Super Luxe

62 - Sterga la noire (Rééd. de Antic. 456)

 

Autres publications :

Sigurt le Viking, Hachette Jeunesse, avec Philippe Godard. (2004)

Sigurt le Viking et la montagne d'argent, Hachette Jeunesse, avec Philippe Godard.(2005)

Sigurt le Viking: Le pur-sang des vagues, Hachette Jeunesse, avec Philippe Godard. (2005)

Passeport pour la 5e dimension, Rivière Blanche. (2005)

Helios, Rivière Blanche.(2007)

Adam, L'Enfant-Monde suivi de Solaise, Rivière Blanche. (Ouvrage posthume - 2012)

 

Dans les espaces déjantés : réédition de Les Stols, Ysée-A et Sterga la noire. Editions Critic novembre 2015.

 

Pièces de Théâtre :

Les Pilules jouée au Théâtre de l'Epée de bois

Les orgues du vent; Eudes l'enfant venu d'ailleurs; Le petit bonhomme de San Francisco; Appartement 6000, toutes jouées au Théâtre de l'étrange sur France Inter, avec notamment Roger Hanin et Pierre Tornade.

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commentaires

B
Amusant, hier tu diffusais un article qu Jan Thirion et aujourd'hui sur Louis Thirion. Évidemment sans aucun rapport entre eux. Ne me dis pas que ça n'est pas fait exprès, ou alors tu en es à la lettre T dans tes fiches et Jan est avant Louis ;-)
Répondre
B
Amitiés Paul
O
Amusant oui, et je ne m'en suis aperçu qu'après avoir publié le portrait de Louis Thirion. Car je suis en train de lire le recueil Dans les espaces déjantés qui reprend trois tires de Louis Thirion chez Critic<br /> Amitiés

Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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