Qui ne sont pas forcément des simples d'esprit...
Apprenant par son médecin qu'il n'a plus que quelques semaines à vivre, Harry Mercer, publicitaire, se transforme du jour au lendemain d'agneau bêlant en lion rugissant.
Il accepte de rencontrer Grace, une jeune femme atteinte du même mal incurable que lui et ils se donnent rendez-vous dans un restaurant. A la fin de la soirée, alors qu'ils regagnent l'appartement de la jeune femme, ils mettent en fuite deux malfrats qui tabassent un professeur de musique, propriétaire d'une boulangerie. Ramsey refuse de vendre sa boutique à Kolynos, un malfrat milliardaire racketteur bien connu des services de police, car il veut réaliser un projet qui lui tient à cœur: transformer son magasin en salle de concert dans laquelle les pauvres du quartier pourraient écouter de la musique classique sans pratiquement rien débourser.
Regan, un officier de police ami de Mercer, les éconduit en leur expliquant que sans preuves véritables, la loi ne peut rien contre ce genre d'intimidation. Les deux condamnés par la médecine décident en chœur de contrer Kolynos par leurs propres moyens. Sachant qu'il se trouve en possession de billets de 1000 $ provenant d'un hold-up, Harry et Grace imaginent un moyen pour l'obliger à les produire devant un policier et signer ainsi son forfait.
Kolynos, d'origine grecque, s'est élevé à la force du poignet, mais il exige toujours ce qu'il y a de mieux: le meilleur secrétaire, le meilleur chauffeur, la plus belle femme, etc... et les embauche sous la contrainte. Harry et Grace contactent Osborne, le secrétaire qui souffre de cet enrôlement forcé. Il accepte de trahir son patron en simulant un faux kidnapping. Le cuisinier français est ainsi enlevé et pour pallier cette défection Osborne propose à Kolynos de le remplacer par le numéro 2 dans la liste des meilleurs. En réalité c'est le plus mauvais des cuistots qui est engagé.
Kolynos refusant de payer la rançon, le chauffeur, le maître d'hôtel et la call-girl sont eux aussi pris en otages, à leur plus grand plaisir. La réception donnée par Kolynos à un malfrat du racket tourne à la catastrophe et il accepte à contrecœur de payer la rançon. Harry prévient Regan que la transaction aura lieu dans son bureau.
En prenant pour postulat un sujet grave Tony Kenrick le traite avec légèreté et humour, enchaînant les gags et les situations les plus dingues, tout en gardant en réserve les moments sensibles.
Ce qui donne, comme Michel Lebrun l'écrit si bien dans l'Année du Crime 1980, un livre en porte à faux. Aux moments de franche rigolade succèdent des passages émouvants. Ainsi lorsque Harry et Grace se rendent compte qu'ils sont tombés amoureux l'un de l'autre et qu'ils ne pourront pas avoir d'enfants.
Les avatars subits par Kolynos à cause de ses nouveaux employés relèvent de l'anthologie humoristique, même si certaines situations sont démesurées. Quant à l'épilogue, lui aussi est en porte à faux et l'on peut ressentir une certaine frustration.
Je cesse de fumer, c'est décidé. Je l'ai déjà fait plusieurs fois et je le ferai encore.
Curiosité :
La cuisine française est à l'honneur. Le chef cuisinier est Français et son remplaçant américain, qui accumule les erreurs à cause de sa myopie, ne jure que par Escoffier.
Tony KENRICK : Heureux les condamnés ! (Two lucky people - 1978. Traduction de Jane Fillion). Série Noire N°1744. Parution septembre 1979. 256 pages. 4,90€, disponible sur le site de la Série Noire.