Aucune corrélation avec une prochaine campagne électorale !
Les hommes du shérif du comté de Blossom sont à l'affût. Ce qui n'empêche pas l'oncle Sagamore de déguster sa production locale détenue dans un pot à confiture. Une provocation délibérée et il enterre immédiatement son bocal sous un tas de bois.
Dans douze jours, de nouvelles élections vont avoir lieu afin de choisir un nouveau shérif. Ou reconduire l'ancien, puisqu'il est seul pour l'instant à se (re)présenter. Personne n'envie sa place et pourtant les habitants du comté ne tarissent pas de critiques négatives sur sa façon d'administrer et de gérer les problèmes de production illicite d'alcool.
Les adjoints du shérif déterre le bocal mais lorsqu'ils apprennent qu'il contient de la nitroglycérine, ils repartent la queue entre les jambes, ce qui morphologiquement n'est pas faux mais qui traduit une peur rétrospective à l'idée de s'envoyer en l'air dans avoir pu prendre du plaisir. cela amuse l'oncle Sagamore et Pop, le père du jeune Billy. A part eux, à la ferme Noonan réside également l'oncle Finley, mais il ne compte pas, trop occupé qu'il est par son idée fixe de construction d'arche.
Oncle Sagamore, Pop et son fils Billy partent pour la ville, et ils se ravitaillent en cours de route à une pompe à essence. Tandis que les hommes procèdent à des besoins naturels, Billy entend le garagiste déclarer à un de ses amis qu'il va vendre des pneus rechapés sans difficulté à ceux qu'il prend pour des ploucs. Billy en informe son oncle et commence alors un curieux échange de billets contre pièces d'argent, ce que l'on appelle couramment le vol au rendez-moi. L'oncle Sagamore repart plus riche qu'il était en arrivant, avec en prime les pneus.
Le shérif tient absolument à prendre sur le fait Sagamore et compagnie alors que l'oncle se prépare à une nouvelle séance de distillation. Mais comme il ne peut le faire clandestinement, il va réaliser cette opération en plein air, devant un attroupement de villageois curieux et attendant du shérif qu'enfin il mette fin à ces pratiques.
Sacs de maïs et sacs de sucre sont entassés dans la cour et la bouillotte est installée dans une petite cabane. Théoriquement il va produire de l'alimentation pour cochons, ainsi que de la térébenthine grâce à de la résine prélevée sur les pins environnants. La poudre de maïs et le sucre sont mis à macérer dans des cuves, mais cela ne tourne pas comme le souhaitent Sagamore et Pop. La fermentation provoque des bulles et les cuves sont vidées à terre, le sol engloutissant le liquide. Le shérif et ses adjoints sont présents et ne peuvent que constater que le résultat produit ne peut servir de pièces à conviction.
Le garagiste se lance lui aussi dans la course électorale, contre le shérif actuel, et déclare que s'il est élu, il mettra l'oncle Sagamore en prison. Un programme ambitieux qui est calqué sur celui du shérif. Qui gagnera ?
La question est posée, mais l'oncle Sagamore s'érige en arbitre, et cela nous donne quelques scènes du plus haut effet comique, surtout lorsque madame Horne et ses nièces, qui ne sont pas ses nièces vous l'aurez compris mais des jeunes femmes de petite vertu, sont invitées à participer à ce simulacre de campagne électorale.
Narrée par Billy, un gamin de huit ans, cette histoire complètement loufoque reprend les personnages de Fantasia chez les ploucs, dans de nouvelles aventures délirantes.
Bien sûr Billy, vu son jeune âge, ne comprend pas toujours ce que font les adultes, et plus particulièrement son oncle Sagamore. Mais il lui fait confiance de même qu'à Pop, son père. Seul l'oncle Finley est à part, mais incidemment il se trouve au bon endroit au bon moment pour compléter certaines scènes de panique élaborées par les deux hommes, à l'encontre du shérif, de Curly la garagiste vindicatif et sûr de lui, ou les badauds qui affluent de plus en plus à la ferme Noonan.
Mais sous des dehors naïfs, l'oncle Sagamore, et dans sa foulée Pop, est nettement plus retors, matois et roublard que sa dégaine pourrait le faire croire. Il marche pieds nus, ce qui n'est pas rédhibitoire, et agit comme s'il était simplet. Or c'est tout le contraire et il possède une intelligence à faire pâlir d'envie bien des ministres.
Mais sous des dehors de comique façon Branquignols, Charles Williams édicte des propos, sans en avoir l'air, à l'encontre des ligues de vertus, le pouvoir et la façon de procéder des candidats pour gagner des électeurs, l'hypocrisie et le fanatisme religieux. Un roman publié en 1960 et qui n'a rien perdu de son charme, de son humour mais surtout des enseignements que l'on veut bien y trouver, d'autant que de nos jours, ce sont toutes ces dérives qui sont portées parfois à leur paroxysme. Il y a du Rabelais revisité par Voltaire en Charles Williams.
Charles WILLIAMS : Aux urnes, les ploucs ! (Uncle Sagamore and his girls - . Traduction de C. Wourgaft). Série Noire N°602. Parution novembre 1960. 256 pages.