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13 novembre 2015 5 13 /11 /novembre /2015 09:08
Auguste Le BRETON : Le rouge est mis.

Le rouge et le noir ?

Auguste Le BRETON : Le rouge est mis.

Le hold-up d'une banque près du boulevard du Temple a été minutieusement étudié durant deux mois par Frédo.

C'est le grand jour et Louis Bertain, le chauffeur, Frédo dit Quesquidi, Raymond le Matelot et Pépito le Gitan, sont prêts, les outils de travail, des armes à feu, en mode fonctionnement. Lorsque l'encaisseur et le convoyeur arrivent avec une mallette à la main, l'opération subtilisation est entamée. Seulement, quelques coups de feu, Frédo qui panique, et un policier trop près du lieu de vol, font que l'affaire ne se déroule pas exactement comme prévu. L'encaisseur est blessé et le flic reste sur le carreau. Il recevra une médaille à titre posthume. Puis ils regagnent leurs pénates, mais il y a de la tension dans l'air. Une cinquième part est prévue pour l'encaisseur qui leur a fourni les tuyaux.

 

Deux jours plus tard, un homme rôde dans une petite rue du 18e arrondissement, près de Montmartre. Il s'agit de Pierre Bertain, le jeune frère de Louis le Blond, qui rend visite à Hélène, sa maîtresse. Il a purgé quelques mois de prison et aujourd'hui il est assigné à résidence à Lagny en Seine et Marne. Mais cela fait deux mois qu'il n'a pas vu la belle Hélène qui le prend pour une poire. Il travaille dans un garage, a réalisé quelques économies qu'il lui remet et au petit matin, il quitte l'appartement. Nous serons évasif sur ce qui s'est déroulé durant la nuit. Seulement des policiers l'attendent à la porte de la rue et il se fait arraisonner et emmené au commissariat le plus proche. Ce sont des policiers de la P.J. et ils aimeraient bien que Pierre Bertain serve d'indicateur sur les relations de son frère. Il refuse et se retrouve dans une geôle où notamment est enfermé un jeune homme.

 

Louis le Blond rend visite à sa mère, une marchande des quatre saisons, et il apprend par le voisin de cellule de son frère les incartades de celui-ci. Peu après il surprend Hélène sortant de son travail et attendue par un bellâtre. Il voulait savoir si par hasard elle ne serait pas à l'origine de l'interpellation de Pierre. Et il la moleste, assez pour que celle-ci lui en garde rancune. Mais ce n'est pas tout, il a du travail sur la planche : remettre les idées en ordre de Frédo et préparer un nouveau casse à Dourdan.

 

Avouons-le tout de suite, ce roman, fortement ancré dans son époque, le début des années 1950, a pris quelques rides qui, si elles ne sont pas rédhibitoires, le rendent toutefois un fade.

Evidement Auguste Le Breton utilise comme ses confrères de l'époque l'argot, la langue verte, ou encore le manouche, mais au lieu d'un glossaire en fin d'ouvrage, ce qui est pénible à compulser car dans ce cas on perd du temps, mais en bas de page, ce qui facilite la lecture.

 

Louis Bertain alias le Blond est un truand qui possède ce dont certains se vantent : le code de l'honneur. Il ne boit pas, ne fume pas, ne touche pas à la drogue personnellement et comme activité illégale, et n'apprécie pas les maquereaux :

S'il méprisait les sœurs, il ne les dépouillait pas. Et si quelque chose le débectait encore plus que les sœurs, c'étaient les maqs. Il ne comprenait pas qu'on puisse s'abaisser à se faire entretenir. Se mouiller en homme, oui ! Risquer sa vie, sa liberté, oui ! Mais encaisser le pognon des nanas? Dépendre d'elles ? Plus souvent. Pourtant s'il l'avait voulu...

C'est un dur, mais ses relations avec sa mère sont des moments privilégiés. Elle ne veut pas qu'il termine comme son père, avec un surin planté dans le corps. Bertin est un truand au grand cœur, comme les romanciers aimaient les décrire dans les années 50, n'étant pas complètement pourri contrairement à ceux qui sont mis en scène la plupart du temps de nos jours.

Mais au final Le rouge est mis se révèle quelque peu ennuyeux, à la trame simpliste. Auguste Le Breton est nettement plus crédible et intéressant avec sa série des Rififi publiée dans la collection Un Mystère des Presses de la Cité, ou encore Le clan des Siciliens, et ses ouvrages inspirés de son enfance comme Les hauts murs chez Denoël. D'ailleurs Le rouge est mis sera le troisième et dernier roman de Le Breton à la Série Noire, son premier étant Du rififi chez les hommes.

 

Ce roman a été adapté au cinéma par Gilles Grangier sous le titre éponyme en 1957, avec dans les rôles principaux, Jean Gabin, Lino Ventura, Marcel Bozzuffi, Jean-Pierre Mocky, Annie Girardot et Paul Frankeur.

 

Réédition Carré Noir N°232. Parution avril 1976. 192 pages. 3,80€.

Réédition Carré Noir N°232. Parution avril 1976. 192 pages. 3,80€.

Auguste Le BRETON : Le rouge est mis. Série Noire N°213. Parution octobre 1954. 190 pages.

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 08:15
Alain BELLET & Frédéric LARSEN : Les anges meurent aussi.

Il suffit de leur rogner les ailes...

Alain BELLET & Frédéric LARSEN : Les anges meurent aussi.

Entre le 30 mars, jour de la Saint Amédée, et le 12 avril, celui de la Saint Jules, un couple, ou plutôt une équipe d'inspecteurs va traquer le sadique qui s'en prend aux enfant de la banlieue parisienne.

Et ce n'est pas parce que ces gamins sont d'origine maghrébine qu'il faut prendre cette affaire à la légère.

C'est Jean-Marie Sauveur, un Antillais, qui est chargé de l'affaire avec pour adjoint Van den Vliet. Sauveur entend mener son enquête à sa façon, en s'intégrant dans le paysage, en abandonnant son costume de policier, en essayant de capter l'attention, l'amitié des jeunes de la Cité des Cahouettes et des responsables du Foyer des jeunes, en se conduisant en sous-marin, selon sa propre expression.

Quant aux jeunes beurs, ils décident de régler eux-mêmes leurs problèmes, de se faire justice sans l'aide des forces de l'ordre, engeance qu'ils n'apprécient guère.

Les tags fleurissent sur les murs, le bitume, et même les voitures.

 

Ce milieu de tagueurs, Alain Bellet le connait bien pour l'avoir fréquenter et écrit des reportages sur cette confrérie de peintres modernes mais éphémères.

Avec Frédéric Larsen, il nous propose un roman sur la banlieue et ses difficultés, un de plus allais-je écrire. Cependant ce sujet mettant sous les projecteurs la jeunesse, l'intégration raciale et la désespérance, le mal de vivre des adolescents, leurs coups de cœur et leur sens de l'entraide, de la fraternité, est traité de telle façon que le roman ne tombe jamais dans l'outrance, le misérabilisme, la crédo du racisme ou de l'antiracisme racoleurs.

Un saut périlleux, de haute voltige parfois, mais les deux compères savent retomber sur leurs pieds. Le moindre faux pas peut être fatal dans ce genre où les auteurs sont rapidement catalogués, même entre eux, et se tirent à boulets rouges pour une idéologie dans laquelle tolérance et intolérance se confondent, quelques soient les couleurs politiques affichées.

D'autant que la médiatisation de certains événements ne refroidit pas toujours les esprits.

Alain Bellet et Frédéric Larsen prennent parti, mais pas n'importe lequel : la reconnaissance de l'être humain en tant que tel, quelle que soit son origine, raciale ou sociale.

 

Alain BELLET & Frédéric LARSEN : Les anges meurent aussi. Série Noire N°2273. Parution juin 1991. 192 pages. 6,05€.

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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 09:58
Tonino BENACQUISTA : La commedia des ratés.

Lorsque le vin est tiré...

Tonino BENACQUISTA : La commedia des ratés.

Il y a des services qu'on ne peut refuser à un ami, même si cette amitié s'est effilochée au fil des ans. Et c'est alors qu'on se dit qu'on aurait mieux fait de ne jamais avoir appris à lire et à écrire.

Lorsque Dario demande à Tonio de lui rédiger une lettre d'amour destinée à une certaine madame Raphaëlle, pensait-il aux conséquences, et supposait-il que Tonio allait être entrainé dans un engrenage infernal ? Surement pas, et Tonio encore moins.

Bon prince Tonio rédige donc cette missive pour apprendre quelques jours plus lard non seulement le décès de son ami, mais de plus qu'il en est l'héritier. D'un petit lopin de terre en Italie, d'un mauvais vignoble dont le vin n'est même pas buvable. Les raisins, c'est bien connu, renferment des pépins et ceux-ci tombent sur le coin de la tête de Tonio sous forme de pruneaux. Alors Tonio décide de partir en Italie, de retourner aux sources en quelques sortes. Là-bas le fils de l'émigré Rital sera accueilli comme un touriste, un étranger. D'autres que lui s'intéressent à ces quelques arpents de terre. Il ne faut, pas oublier que l'Italie, outre 1es pâtes. a exporté également des truands. Et ceux-ci lorsqu'ils sentent, l'odeur de l'argent frais n'hésitent pas à retourner sur la terre de leurs ancêtres.

Tonio en fera les frais, mais lorsque le vin est tiré il faut le boire. Tonio ne sait plus à quel saint se vouer.Peut-être à Sant'Angelo, dont une chapelle dédiée à sa mémoire a été élevée sur l'un des vignobles de Tonio. El il n'est pas dit que Tonio aura effectué le déplacement en vain. En vin, serait plus exact.

 

Tonino Benacquista était un peu mon auteur fétiche. Celui qui a débuté en littérature alors que je balbutiais mes premières chroniques devant un micro. Et, depuis je l'ai suivi avec un intérêt croissant.

Parce que Tonino Benacquista s'améliore à chaque roman. Mais parce que ses romans reflètent une justesse de ton rarement utilisée. Tonino Benacquista puise dans le réel, dans le vécu pour y imbriquer sa portion d'imaginaire. Les personnages qu'il met en scène sont crédibles.

Tonino est tout ou partie du héros et les protagonistes ne sont uniquement issus de son imagination. L'histoire qu'il raconte est imprégnée de faits réels, qui sont arrivés à lui ou à sa famille. De son expérience, de ses souvenirs il alimente la trame de ses ouvrages, et il est difficile de dissocier l'imaginaire, la fiction de la réalité, tant ceux-ci sont en symbiose.

D'où le parfum d'authenticité qui s'en exhale. De plus Tonino Benacquista écrit pour le plaisir, même s'il accouche dans la douleur. Il prend son temps, peaufine ses phrases, tout en restant sobre dans la narration.

Lire Benacquista est un réel plaisir, une dégustation que l'on savoure, comme ses recettes de pâtes ou son café. Je pourrais vous entretenir de Tonino pendant des heures, mais à quoi bon, le talent parle pour lui et nettement mieux que je ne saurais le faire.

Ce roman a obtenu le Grand Prix de Littérature Policière 1992.

 

Réédition Folio policiers N°12. Parution octobre 1998. 240 pages. 6,40€.

Réédition Folio policiers N°12. Parution octobre 1998. 240 pages. 6,40€.

Réédition en volume quadruple. Folio Policier N°340. Parution mai 2004. 896 pages. 12,40€.

Réédition en volume quadruple. Folio Policier N°340. Parution mai 2004. 896 pages. 12,40€.

La commedia des ratés a également bénéficié d'une adaptation BD par Tonino Benacquista et Olivier Berlon en deux volumes de 72 et 76 pages, à 14,99€ chaque volume.

Tonino BENACQUISTA : La commedia des ratés.
Tonino BENACQUISTA : La commedia des ratés.

Tonino BENACQUISTA : La commedia des ratés. Série Noire N°2263. Parution avril 1991. 256 pages.

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 08:49
MARIE & JOSEPH : Le piège au jardinet.

Un jardinet peut parfois se transformer en jungle...

MARIE & JOSEPH : Le piège au jardinet.

La lecture d'un nouveau roman de Marie & Joseph était pour moi, à chaque fois, un régal, un enchantement, une invitation au rêve, à visiter le pays de la poésie policière.

Ils écrivaient dans un style personnel, se démarquant complètement de la manière parfois terre à terre de leurs confrères. Un voyage permanent dans l'onirisme.

De leurs personnages, on ne connait pas grand chose, ils débouchent dans le récit d'une façon abrupte et repartent en faisant un pied de nez à leur destin. Seule importe leur intrusion dans l'histoire, le temps de planter le décor et tout de suite l'action est lancée. Et comment ils vont vivre, réagir pendant cette tranche extraite de leur existence.

 

D'où ils viennent, où ils vont, là n'est pas le problème. Comme enveloppé d'un brouillard. D'ailleurs le lecteur ne connait même pas le nom du héros narrateur du Piège au jardinet. Peu importe.

Notre héros trimbale dans sa tête des images de voyage, de dépaysement. Pourtant sur le quai de la gare où il passe ses matinées, il se contente de fixer l'horizon, de suivre des yeux les rails, cette longue ligne droite de rails qui prend tout à coup des allures de pistes à merveilles, deux fils de funambule affutés d'argent fin, et tout l'or du monde au bout.

Mais il n'ose pas franchir le Rubicond. Lorsque Renard surgit à l'improviste dans sa vie, il va le suivre comme il aurait suivi une étoile. Mais fini le rêve et même la tranquillité. Il va le seconder dans une histoire en forme de règlement de compte.

Pas vraiment passif, il ne se pose guère de questions. Il suit presqu'en aveugle, trop content de voir enfin un accroc dans une existence monotone.

Marie & Joseph nous apportaient avec chacun de leurs romans comme une bouffée de fraîcheur et nous incitaient au dépaysement.

 

MARIE & JOSEPH : Le piège au jardinet. Série Noire N°2235. Parution juin 1990. 192 pages. 6,65€.

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9 novembre 2015 1 09 /11 /novembre /2015 12:08
Don TRACY : Tous des vendus !

Et pas un pour racheter l'autre...

Don TRACY : Tous des vendus !

La boxe n'est plus ce qu'elle était, ayant laissé la place au catch. Des combats qui paient moins, des blessures au nez et à un doigt, et Benjamin S. Neischtadt plus communément appelé Johnny Thompson a raccroché les gants. A vingt-trois ans il s'est reconverti comme convoyeur d'argent et il voyage sous la chaleur dans un fourgon blindé en compagnie d'Old Mac, Bailey étant le chauffeur, dans Baltimore et les environs.

Il gagne sa vie, sans plus, et habite chez Man avec son jeune frère Spade. Il accepte de servir parfois de partenaire d'entraînement dans son ancien club, et prodigue ses conseils pour quelques dollars de plus. Seulement il s'est entiché d'Anna, laquelle exerce le chaud et le froid avec lui.

Il rencontre dans un bar Slim lequel est accompagné de Mickey. Johnny connait Slim depuis longtemps mais ils naviguent dans des eaux différentes. Slim barbote dans des eaux troubles, se plaçant de l'autre côté de la barrière, du mauvais côté. Ce n'est pas ce qui interloque Johnny, mais le fait que Slim lui annonce qu'il sort avec Anna.

Anna est attirée par l'argent, et n'a jamais accordé ses faveurs à Johnny, sauf quelques baisers sans importance de temps à autre. Toutefois Johnny continue son travail dans l'entreprise de location de camions blindés. Avec bonheur même, car il parvient à déjouer une attaque, pour le plus grand plaisir de son patron qui lui octroie ainsi qu'à ses collègues une prime. Et Slim propose même à Johnny de trouver du boulot à son frère Spade. Une bonne nouvelle compensée par une mauvaise. Slim annonce son mariage avec Anna.

Bertha est une prostituée, et pourtant Johnny et elle s'entendent bien. C'est une amie à laquelle il se confie volontiers. Mais ce n'est qu'une amie et Johnny pense toujours à Anna, Anna dans les bras, dans le lit de Slim. Pourtant il ne peut s'empêcher d'accepter de rencontrer le couple chez eux, de déguster un verre, voire plus. Et lorsque Slim part en voyage pour affaires, il retrouve Anna, laquelle lui fait part de son plaisir de le retrouver. Très plaisir. Johnny se demande jusqu'à quand Slim ignorera son infortune. Sait-il ou ne sait-il pas, Johnny est dans le doute, surtout lorsque Slim lui demande de collaborer au braquage de son propre fourgon blindé. Johnny ne peut refuser, et il se demande comment il va pouvoir se sortir de cette impasse.

 

Ce premier roman de Don Tracy, publié aux USA en 1934, comporte tous les éléments, les thèmes du roman noir, devenus des classiques et qui seront largement exploités par la suite par les romanciers américains et français. Anna s'érige comme la vamp, personnage indispensable de ce genre littéraire, et Johnny le naïf qui se fait gruger, mener par le bout du nez. Ce qui par ailleurs ne justifie pas son surnom de Nez-plat, son appendice ayant été écrasé lors d'un combat de boxe.

Johnny, malgré cette ingénuité, se montre toutefois moins candide au fur et à mesure des événements, essayant de rester dans le droit chemin tout en voulant monter dans l'échelle sociale pour conquérir sa belle.

Certaines scènes ne pouvaient manquer d'intéresser les cinéastes, ce qui fut fait, puisque ce roman a été adapté au cinéma sous le titre, trop explicite, Pour toi j'ai tué. Réalisation de Robert Siodmak, avec Burt Lancaster, Yvonne de Carlo et Dan Duryea.

Parmi les protagonistes qui composent cette tranche de vie, le personnage de Bertha, la prostituée, est particulièrement touchant. Ce que l'on appelle non sans raison une respectueuse. Un peu comme la fille du port dans Milord interprété par Edith Piaf.

 

Toutes les femmes sont des menteuses et des salopes, lui répétais-je (Johnny).
Pas moi, dit-elle. Je suis une putain.
Toi, c'est différent. Je parlais des femmes convenables.

C'est dur d'avoir à se contenter d'une mauvaise imitation d'une chose qu'on a désirée si longtemps.

Réédition collection Carré Noir N°149. Parution octobre 1973.

Réédition collection Carré Noir N°149. Parution octobre 1973.

Don TRACY : Tous des vendus !

Don TRACY : Tous des vendus ! (Criss Cross - 1935. Traduction de Marcel Duhamel et Patrice Dally). Série Noire n°14. Parution octobre 1948. 188 pages.

Nouvelle édition parue en juin 1995. 208 pages. 6,65€.

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8 novembre 2015 7 08 /11 /novembre /2015 09:37
Caryl FEREY : Mapuche.

Je n’aime pas qu’on m’appelle ma puce !

Caryl FEREY : Mapuche.

Oups (ça fait bien, ce n’est pas vulgaire, et démontre une certaine contrition de la part de celui qui prononce ce mot) ce n’est pas ma puce, mais Mapuche. Et qu’est-ce que cela signifie ?

Je ne m’intéresse aux quatrièmes de couverture qu’après avoir lu le roman. A cause du lieu où se déroule l’intrigue ? L’Argentine, je le sais parce que je l’ai appris en glanant ici et là quelques renseignements, souvent par hasard, et en m’intéressant à autre chose. Mais en règle générale je ne suis pas plus intéressé par les histoires se déroulant dans les pays d’Amérique du Sud, que par ceux qui ont l’Europe du Nord pour cadre.

Et puis j’ai entamé la lecture. D’abord avec ce regard de l’entomologiste qui pense n’avoir découvert qu’une espèce d’insecte déjà recensée, puis après un examen approfondi se rend compte qu’il examine un cas rare.

Déjà, dès les premières pages, mais j’y reviendrai, je me suis senti en osmose avec quelques réflexions énoncées par Caryl Ferey, et de savoir que nous abondions dans le même sens, fit que je me suis laissé allé à continuer ma lecture balayant mes premiers préjugés. Ensuite l’histoire en elle-même, ou plutôt les personnages décrits avec réalisme, humanisme, empathie, et bien loin de la caricature.

 

Jana ne vit que par l’art. Elle est sculptrice et peintre, et la vente de ses œuvres lui suffit pour survivre. Elle est seule, n’est pas dispendieuse, mais elle est libre. Et cela vaut toutes les richesses du monde. Alors qu’elle s’escrime sur ce qu’elle pense être son chef d’œuvre, la carte du cône Sud de l’Argentine dressé sur un socle de béton et dont elle défonce à l’aide d’une masse les anciens territoires. Jana est une Mapuche, une ethnie qui a été dépouillée et quasiment décimée par les chrétiens lors de l’invasion espagnole.

Elle est dérangée en plein travail par un appel téléphonique émanant de son amie Paula. Paula est inquiète, elle n’a pas de nouvelles de Luz, un travesti comme elle qui tapinait avec elle sur les quais depuis six mois. Luz avait laissé un message vers une heure et demie, lui donnant rendez-vous à cinq heures. Il est sept heures et Paula est alarmée. Rendez-vous est pris au Transformer, une boite où Jana n’a pas mis les pieds depuis des années. Mais l’ambiance n’a pas changé, toujours aussi glauque.

Luz est retrouvée, son corps émasculé flottant parmi les immondices qui stagnent sur les eaux du Richuelo. Les policiers sont sur place et interrogent Jana et Paula. Mais cette dernière ne peut apporter que de vagues renseignements. Elle ne connait que le véritable prénom de Luz, Orlando. C’est tout.

Ruben Calderon est un rescapé des geôles clandestines de Videla, dans l’école de Mécanique de la Marine. Il avait été incarcéré, adolescent, puis après avoir végété quelques mois en cellule, libéré un jour de juillet 1978, sans aucune explication, lorsque l’équipe nationale d’Argentine avait gagné la coupe du monde de football. Son père, Daniel Calderon, poète de renommée internationale, avait quitté l’Europe où il séjournait pour rejoindre son pays, mais il avait été arrêté à son arrivée puis avait disparu de la circulation, tout comme sa jeune sœur. Elena, la mère de Ruben, avait alors pris la tête des Grands-mères de la Place de Mai. Ruben qui s’était tourné provisoirement vers le journalisme s’est alors installé comme détective, afin de retrouver les responsables des disparitions, d’hommes, de femmes, d’enfants. Et ce sacerdoce se fait dans la douleur, car la grande majorité des juges, des militaires qui officiaient sous la dictature ont été reconduits dans leurs fonctions.

Trente ans ont passés. Son ami Carlo, journaliste d’investigation ce qui n’est pas sans danger non plus, lui apprend qu’une de ses amies, Maria Victoria Campallo, photographe, avait essayé de le joindre sans résultat, lui annonçant qu’elle avait quelque chose d’important à lui montrer. Mais elle n’a plus donné signe de vie. Or Maria est la fille d’un important homme d’affaires de Buenos Aires, principal soutien du maire. Ruben veut bien, par amitié, essayer de retrouver la jeune femme.

Les chemins de Ruben et de Jana vont se croiser et remuer la boue. Les vieux fantômes ne sont pas loin et le voile qui recouvre les forfaits et les exactions des militaires durant les années de sang va peu à peu se déchirer. Mais les religieux ne sont pas non plus en odeur de sainteté, oubliant ce pour quoi ils se sont engagés, bafouant la vocation de charité, d’amour, de paix, de fraternité. Mais ceci s’est vérifié tout au long de l’histoire. Des enfants arrachés à leurs parents et adoptés par des personnes influentes sont au cœur de l’intrigue. Mais également les anciens militaires qui ont réussi à camoufler leurs méthodes sanguinaires et leurs responsabilités dans la dictature.

 

Mapuche est certes un roman noir car les événements décrits relèvent de l’histoire la plus glauque de l’Argentine, mais également un thriller car certaines des scènes proposées s’inscrivent dans la plus pure tradition du roman d’aventures.

Spectaculaires elles sont narrées avec fougue, virtuosité, délire, enthousiasme, frénésie, violence, sauvagerie et le lecteur les vit, les ressent en étant littéralement au plus près de l’action.

J’allais oublier : La politique néolibérale de Carlos Menem avait conduit le pays en une spirale infernale à la banqueroute, avec à la clé accroissement de la dette, réduction des dépenses publiques, exclusion, flexibilité du travail, récession, chômage de masse, sous-emploi… le tout sous les encouragements du FMI. Et la tendance s’était inversée lorsque justement cette politique avait été abandonnée. Cela ne vous rappelle rien ? La Grèce par exemple, non ? Il est vrai que le FMI œuvre dans l’intérêt des financiers et non dans celui des pays.

Curiosité :

Juste une petite erreur, à mon avis, dans une description de bagarre, de tentative de meurtre à laquelle est confrontée Ruben. Un homme derrière lui tend sur sa gorge une corde à piano. Pour se défendre Ruben attrape les testicules du tueur dans son dos et les tord. Sous la douleur l’homme recule. Je ne veux pas essayer cette figure de combat mais il me semble que l’homme qui tenait la corde à piano en reculant aurait dû trancher la gorge de Ruben. Or il n’en est rien. Tant mieux pour Ruben, sinon, l’histoire tournait court. Cela me laisse sceptique, mais comme je vous l’ai dit, je ne veux pas essayer.

Réédition Folio Policier N°716. Parution janvier 2014. 560 pages. 8,50€. Format Epub 8,49€. Une grosse économie !

Réédition Folio Policier N°716. Parution janvier 2014. 560 pages. 8,50€. Format Epub 8,49€. Une grosse économie !

Existe également en format audio, 2 CD. Lu par Fédor Atkin. Environ 14 h 20 d'écoute. 24,90€.

Existe également en format audio, 2 CD. Lu par Fédor Atkin. Environ 14 h 20 d'écoute. 24,90€.

Caryl FEREY : Mapuche. Série Noire. Editions Gallimard. Parution avril 2012. 462 pages. 19,90€.

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7 novembre 2015 6 07 /11 /novembre /2015 12:36
Jean-Paul DEMURE : Aix Abrupto.

Aix...empt de tout reproche ?

Jean-Paul DEMURE : Aix Abrupto.

Caissière dans un supermarché de la région parisienne, Sandrine Pereire décroche un contrat de cantatrice pour le festival d'Aix en Provence où elle doit interpréter le personnage de Papagena dans La Flûte enchantée de Mozart. A Aix, c'est la grande effervescence pré-électorale des municipales. Jibé, instituteur et militant du groupe la Brosse à chiendent, colle des affiches contestataires un peu partout dans la cité en compagnie de Vincent. Les deux hommes sont pris à partie par de gros bras. Dans le coma, Vincent est emmené à l'hôpital.

Le conseiller Pigasse, brigue la place de premier adjoint, sachant que la tête de liste ne tiendra pas la route et que son chemin de premier édile de la cité est tracé. Il assure ses arrières avec l'aide de Mr Prosper, tenancier d'une boite de nuit en cheville avec des truands marseillais et un inspecteur de police, Durbé, qui sait fermer les yeux quand ses intérêts sont en jeu. Patrice, animateur dans une radio-locale, se fait un malin plaisir de dénoncer sur les ondes les magouilles, les travers commis par les édiles et les personnages influents de la cité.

Il reçoit Jibé, lequel raconte la rixe les ayant opposés Vincent et lui aux nervis d'un candidat, décrivant même l'un de ses agresseurs, vite repéré comme le videur de la boîte de nuit de Mr Prosper. Maginus, un simplet, à l'incitation de sa mère, traine dans la ville et essaye de se faire un peu d'argent, déguisé en Papageno, jouant de la flûte. Il est photographié en compagnie de Sandrine à la terrasse d'un café.

Pigasse surprend Béatrice, sa maîtresse, dans les bras d'un gamin, ce qui l'atteint dans son orgueil de mâle. Il la révoque mais elle possède des photos compromettantes.

Maginus, attiré par des gémissements, découvre dans la cave du cabaret Le Salomé un moribond. Il prévient l'inspecteur Durbé, ignorant que celui-ci est de connivence avec le patron de l'établissement. Les illusions de Sandrine fondent comme neige au soleil. Elle n'a plus le rôle principal de Papagena et le directeur lui offre en compensation la doublure de la Preguntas, une cantatrice vieillissante hôte de Pigasse. Elle se confie à Patrice lequel lui raconte que le propriétaire de la radio est un avocat, ami du Baron, truand marseillais. Pigasse décide de ne pas céder au chantage de Béatrice et de son petit ami, Ahmed, et demande en vain à l'inspecteur Durbé de lui donner un coup de main puis se résigne à solliciter l'aide de Mr Prosper.

Le patron de la boîte de nuit confie le travail à l'un de ses hommes, Alex. Alex reconnait sur un journal Maginus et Sandrine. Le corps du truand a été évacué de la cave mais il faut se débarrasser du musicien des rues. Alex et deux gros bras s'occupent d'abord d'Ahmed. Béatrice, à l'avenir assuré en Amérique du Sud, assiste au tabassage de son amant et donne les négatifs que Mr Prosper garde par devers lui. La mère et la sœur d'Ahmed signalent la disparition de l'adolescent mais Durbé n'en a cure.

 

Les nombreux personnages qui s'entrecroisent, l'action sans cesse renouvelée, les scènes grandioses telles celle de l'Opéra, font de ce roman un succédané de feuilleton. Jean Paul Demure se déchaine et laisse éclater son talent tout en dénonçant le laxisme de certains policiers et le racisme dont ils font preuve.

On notera la présence de deux noms connu des amateurs de littérature policière : Pigasse, qui fut le créateur de la maison d'édition La Librairie des Champs Elysées, et de la collection Le Masque, ainsi qu'un certain Jibé, qui fait référence à Jean-Bernard Pouy, romancier qui a également mis le pied à l'étrier de nombreux écrivains, leur permettant d'être publiés.

Réédition collection Folio N°2717. Parution mai 1995. 208 pages. 6,40€.

Réédition collection Folio N°2717. Parution mai 1995. 208 pages. 6,40€.

Jean-Paul DEMURE : Aix Abrupto. Série Noire N°2082. Parution janvier 1987. 288 pages. Nouvelle édition mai 1996.

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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 09:26
Jean AMILA : La Lune d’Omaha.

Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des bœufs !

Jean AMILA : La Lune d’Omaha.

Colleville sur mer, Saint Laurent sur mer, Vierville sur mer. Cinq kilomètres de plages. Le 18 juillet 1956 eut lieu la cérémonie d'inauguration du cimetière et du mémorial d'Omaha Beach. Février, Mars 1964, les journaux régionaux ne parlaient pas encore du 20ème anniversaire du débarquement et des réceptions prévues. Février 1964. Parution du roman de Jean Amila, La Lune d'Omaha et pour l'auteur une nouvelle occasion de brocarder la guerre et ses cortèges d'horreur.

Il prend pour théâtre ce petit bout de terre (70 hectares) concédé à perpétuité par le gouvernement français au gouvernement américain. Et d'imaginer une histoire de déserteur qui au lendemain de la guerre se serait fait passer pour mort avec la complicité d'un paysan normand, le père Delouis. George Hutchins devient George Delouis, livret de mariage falsifié d'Amédée Delouis à l'appui. A la mort du père Delouis en 1963, lequel était employé à l'entretien des parterres, des plantes, de la tonte du gazon, des jardins du cimetière américain d'Omaha, ce secret est enfoui dans la tombe avec le corps du jardinier.

C'est sans compter avec l'avidité du fils légitime du père Delouis. S'ensuivent tractations, marchandages guidés par la haine, l'hypocrisie et la roublardise. Hutchins le déserteur qui éprouve le désir de réendosser, non pas son uniforme mais son identité devant la bassesse d'une famille attirée par l'héritage, quitte le village de Seine et Marne où il est installé avec Jeanine sa femme, institutrice, et ses trois enfants, et révèle son origine et la supercherie lors d'une confrontation appelée par euphémisme, familiale.

Seulement il menace de se dénoncer auprès des gendarmes, mettant ainsi fin au versement d'une rente mensuelle qu'appréciait son frère d'adoption. Il est reconnu par le sergent Reilly, le responsable de l'entretien du Mémorial, lequel se propose de l'aider, ainsi que le capitaine Mason, à lui trouver des excuses dans son comportement lors du Débarquement. Hutchins ne serait que déserteur par négligence, après avoir été prisonnier et s'être évadé. Retentirait la douce mélodie du bonheur et de la tranquillité si la femme de Hutchins ne s'était pas si impliquée dans la fabrication de l'identité de son époux et si celle de Reilly, une petite paysanne avide de plaisir, un peu pute sur les bords (lesquels ?), d'une vingtaine d'année sa cadette, ne venaient perturber cet agencement viril dans lequel on reconnaît la mansuétude du héros américain.

 

Guy de Maupassant, dans ses contes normands, ne s'était pas privé de dévoiler les travers d'une certaine paysannerie rapace, retorse, madrée, donc jusque là rien de réellement provocateur de la part d'Amila. A priori cette histoire de déserteur aurait pu susciter une certaine indignation de la part de ceux qui prônent les vertus rassurantes de mots tels que Patrie, Noble Cause, Valeur, Idéal, Honneur. Mais Jean Amila va plus loin dans la bravade et l'audace de ses dénonciations romancées.

 

Il ose insinuer que certaines magouilles auraient eu lieu lors de l'aménagement du cimetière. Par exemple un trafic de fumier dont le père Delouis serait à la tête, ce qui contrarie le sergent Reilly. “ Car hélas! tous les arbrisseaux, les parterres, les buissons de roses galliques et les pépinières ne se contentaient plus de l'humus symbolique américain, il fallait du fumier français! ”

Une fois par semaine environ le sergent Reilly rend un hommage à ses camarades de combat. “ Il faisait en zigzag ce qu'il appelait l'appel de l'escouade. D'un bout à l'autre du grand cimetière, il se promenait selon une ligne brisée, mais invariable. ” “ Il remontait vers le centre, autour de la chapelle ronde. Et presque avec tendresse, il touchait en passant les croix de Harry, de Gordon, de Hann... Il s'arrêtait plus longuement devant la croix de James R. Bancroft, le râleur... Au delà du grand Agénor de bronze du Mémorial, il rendait visite au mur des disparus où le dernier homme de l'escouade, Cornell, avait son nom au milieu d'autres, pulvérisés, jamais retrouvés ”.

Il traque comme le font encore aujourd'hui les jardiniers français employés à l'entretien, le moindre brin d'herbe risquant de jeter une note discordante de laisser aller incongru. “ Il avait eu l'honneur de faire un stage à Arlington avant de venir au cimetière d'Omaha Beach. Il lui en était resté la haute conscience du gazon absolument irréprochable. Chasse féroce à l'ignoble pissenlit, au sournois laiteron, au vulgaire pâturin! Mètre par mètre, d'un bout de l'année à l'autre, le gazon était ausculté, tondu, noyé, roulé, piqué... Pas une trace de mousse aux endroits d'ombres. Pas la moindre éclaircie aux surfaces brûlées par le soleil de juillet et d'août! Les bords nets! La tonte au ras des croix! 

Une profession de foi que l'on retrouve en bonne place dans le dépliant fourni à l'entrée du Mémorial: “ L'alignement parfait des tombes sur la pelouse vert émeraude merveilleusement entretenue inspire un sentiment inoubliable de paix et de sérénité ”. Et il valait encore mieux passer par le père Delouis, officieux adjudicataire des fumiers et composts, que de se voir livrer un “ fumier farci de pourridié malade, ou truffé de tonnes de vers blancs qui compromettaient tout la végétation ”.

Il y avait toujours la solution de porter plainte. Seulement “ Ça menait loin et ça prêtait le flanc à la rigolade de la sympathique population ”. Et puis entre nous, cette façon de faire son beurre et d'écouler sa production, cela a toujours existé et existera toujours, quoique l'on dise ou fasse. Pas de quoi fouetter un bœuf, ou un chat, et encore moins matière à un article. Allons plus loin dans l'horreur et l'absurdité dénoncées avec une force tranquille, goguenarde et irrespectueuse de la part de Jean Amila qui va bientôt nous camper quelques scènes et dessiner des portraits caricaturaux propres à soulever la réprobation générale, l'indignation dans la presse locale, l'irritation des édiles, le mécontentement onctueux du clergé assorti d'une menace d'excommunication, la colère des autochtones.

 

Envisager une telle pratique blasphématoire et irrévérencieuse envers la mémoire de héros qui le 6 juin 1944 avaient mouillé leurs pantalons aussi bien au propre qu'au figuré ne pouvait que soulever une poignée de hallebardes prêtes à fondre sur l'iconoclaste anarchiste. Plus que le courage, la témérité et le plaisir de combattre, (Lafayette, nous voici !) c'était la peur de mourir qui obligeait nos libérateurs à mettre un pied devant l'autre et de grimper les falaises.

L'apaisement et la communion que ressent le sergent Reilly vont en prendre un sacré coup lorsqu'il apprend par le curé de Saint Laurent sur mer que les vaches du père Delouis auraient été enterrées dans l'immense charnier en compagnie des cadavres des soldats américains. Bien sûr “ Reilly n'avait guère d'illusions sur la façon dont l'Armée avait pu traiter les cadavres. Et il était bien placé pour savoir que les croix alignées, le gazon impeccable, la bannière étoilée, les mots IDEAL, VALEUR et PATRIE gravés sur le Mémorial et le grand Agénor au coup de pied à la lune, ne recouvraient qu'une immense fosse commune ... Mais le coup des vaches, il ne l'avait jamais soupçonné. Et parce qu'il éprouvait du ressentiment pour Claudine, ce matin-là, il trouva cela aussi normand, aussi français, aussi dégoûtant que le croissant trempé dans du café au lait ”.

 

Devant cette marque flagrante d'irrespect Reilly ne peut qu'exprimer sa fureur à son supérieur qui se montre pour le moins philosophe et balaie par une citation empruntée à Alexandre Dumas (on peut pisser dans un fleuve, aucune importance!) ce qu'il considère comme une blague, traitant le curé de farceur ou le père Delouis d'avoir voulu se rendre intéressant... L'attitude des paysans à son égard, la subordination de ses jardiniers teintée d'ironie, trouvent explication à ses yeux. “ Brusquement il se souvint de la curieuse manière qu'avaient les gens de par ici de prononcer Omaha, en le traînant, en le veulant jusqu'à en faire un meuglement : Omeuheuuu!... ”

Extrait de l'article publié dans la revue Polar N°16, 3e série, octobre 1995.

Nouvelle édition mai 1995.

Nouvelle édition mai 1995.

Réédition Carré Noir N°424. Parution avril 1982. 3,80€.

Réédition Carré Noir N°424. Parution avril 1982. 3,80€.

Réédition Folio policier N°309. Parution septembre 2003. 5,80€.

Réédition Folio policier N°309. Parution septembre 2003. 5,80€.

Jean AMILA : La Lune d’Omaha. Série Noire N°839. Parution 1964.

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5 novembre 2015 4 05 /11 /novembre /2015 13:08
Richard MATAS : Folies douces.

Une folie douce qui m'enchantait un moment,

en suçant mon pouce..

Richard MATAS : Folies douces.

Un entrefilet du Monde des Livres du 16 octobre 1992 nous apprenait la disparition de Richard Matas, dans une petite maison de la banlieue de Barcelone.

Auteur d'une pièce de théâtre (Milan), de quelques nouvelles, et de deux romans, Mauvais sang chez Fayard en 1981, puis de Folies douces chez Actes Sud en 1990, Richard Matas était aussi, et peut-être surtout, connu comme traducteur. Notamment il avait traduit Sailor et Lula de Barry Gifford paru aux éditions Rivages.

La Série Noire a eu l'excellente initiative de rééditer de cet auteur authentique et secret Folies douces en avril 1993.

 

Qui est Fitzpatrick ? Un scénariste de cinéma en quête de sujet ? Peut-être. Mais le catalyseur, le prétexte pour Mendel et Vagey de se confier, de se déboutonner par enregistrements interposés.

Comme une mise au point pour ces deux amis, ces deux-demis frères aujourd'hui séparés, l'un sortant de prison, ayant purgé une peine de prison de quarante mois, l'autre en fuite, en exil dans un hôtel minable de Madrid.

Une séparation due à un crime dont l'un serait responsable et l'autre coupable ?

Roman policier, Folies douces ne l'est certes pas.

Roman noir, assurément.

Roman de deux destins qui basculent comme une voiture le long d'une corniche.

Roman de deux acteurs dans la vie qui jouent au cinéma et font leur métier.

Roman de deux fils de chiffonniers dont l'amitié se chiffonne, se brouille, pour un amour brouillon.

Au fur et à mesure que Mendel et Vagey se confient, se confessent à tour de rôle, recherchent la vérité en remontant le temps ou l'autoroute, en sublimant ou dégradant leurs actions, leurs pensées, se reconstitue un puzzle entre sourd et muet.

 

Première parution 1990. Collection Polar Sud. Editions Actes Sud. 156 pages. 12,30€.

Première parution 1990. Collection Polar Sud. Editions Actes Sud. 156 pages. 12,30€.

Richard MATAS : Folies douces. Série Noire N°2318. Parution avril 1993. 160 pages. 5,55€.

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4 novembre 2015 3 04 /11 /novembre /2015 09:04
Bill ALBERT: Et Rodriguez, alors ?

C'est pas le Pérou...

Bill ALBERT: Et Rodriguez, alors ?

David Rodriguez, Américain d'origine mexicano-juive, pompiste qui aimerait devenir journaliste, débarque à Lima dans le but d'écrire une série d'articles afin d'obtenir ses galons de reporter.

Une rencontre fortuite, de longues jambes bronzées, un sourire doux, un regard vert, une caresse sur la main, il ne lui en faut pas plus pour l'inciter à accourir au rendez-vous que lui a fixé à Piura, au cœur du Pérou, Anna. Le voilà bientôt pris en tenaille entre Carrillo, le représentant local de la Junte Militaire qui désire lui montrer les aménagements de la révolution agraire, entre les guérilleros menés par un certain Vasquez ou encore les Brigades de la mort.

Hempal, un journaliste, déguste même dans l'épaule une balle qui lui était destinée. Christa, la compagne d'Hempal lui en veut, ce qui ne l'empêche pas coucher avec lui. Rodriguez s'enfuit, aidé par Anna et passe la nuit avec elle dans un taudis, en tout bien tout honneur. Au petit matin la jeune femme a disparu et Rodriguez est invité par des soldats à les suivre. Carrillo lui propose de visiter une coopérative agricole afin de lui démontrer les avantages de la Réforme. Vasquez et ses hommes investissent la place. Carrillo est abandonné dans le désert et Rodriguez prié de se joindre à la petite troupe.

A la faveur d'un dérangement intestinal il fausse compagnie à ce beau monde. Il arrive à Catacaos, après avoir échappé aux recherches militaires, et se réfugie chez un prêtre dont il a fait la connaissance à bord de l'avion le menant de Lima à Piura. Hempal et Christa les rejoignent et Rodriguez apprend qu'il est recherché, accusé d'avoir tué Carrillo dont le corps a été découvert dans une rizière. Rodriguez et Christa trouvent asile dans un hameau, tandis que le prêtre et Hempal tombent entre les mains des soldats lancés à sa poursuite. Les bruits courent que Hempal serait mort. Rodriguez cherche à joindre Vasquez afin de passer en Equateur.

Les soldats approchent et les deux jeunes gens sont obligés de fuir à nouveau. Ils ont pour guides deux envoyés de Vasquez. Après de multiples avatars, dont la traversée d'un ancien cimetière pré-inca, le passage sur une passerelle de bois, la disparition de leurs guides, ils arrivent enfin dans le refuge de Vasquez et retrouvent Anna. La réputation de Rodriguez, en tant qu'envoyé de la CIA et meurtrier de Carrillo, les a précédés. Vasquez qui était le cousin de Carrillo semble en vouloir à Rodriguez et le retour au bercail des deux guides détend légèrement l'atmosphère.

 

Ce roman picaresque bourré d'humour et de références cinématographiques, d'ailleurs Rodriguez se fait son cinéma personnel, traite d'un sujet beaucoup plus grave qu'il y parait : la condition des paysans péruviens face à la Junte militaire en place. L'on pourra regretter une fin, en queue de poisson pour certains, ouverte pour d'autres, d'un roman dont le héros est le petit-fils d'un révolutionnaire zapatiste et d'un Russe trotskyste. L'on pourra regretter également l'abandon en cours de route de certains personnages, à moins qu'une suite soit prévue à ce roman. Mais on ne le saura pas ce roman étant le seul de Bill Albert à avoir été traduit en France.

Comme ils ne se supportaient pas, les deux hommes étaient inséparables.

Bill ALBERT: Et Rodriguez, alors ? (And what about Rodriguez ? - 1990. Traduction de Daniel Lemoine). Série Noire N°2281 Parution octobre 1991. 320 pages. 7,80€.

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