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5 janvier 2020 7 05 /01 /janvier /2020 05:21

Lorsque économie et écologie ne font pas bon

ménage !

Alain BILLY : Maaga la Scythe.

Sur Maaga la Scythe, une terrible épidémie a décimé la population.

Seuls quelques survivants se terrent dans Triah-Reine, la capitale.

Parmi ces rescapés, Ryl, l’Impéror et ses quatre femmes. L’arrivée d’un vaisseau extra-galactique revenant de mission et comportant quelques mille-deux-cents hommes d’équipage, inquiète Ryl. Il se méfie de Chor, le responsable du vaisseau et chef de mission, à tort car c’est Buluck, le second, qui lui donnera du fil à retordre.

Tandis que les hommes d’équipage repartent à bord du Dramar trouver une planète plus accueillante, Ryl, Vyne, l’une de ses femmes, et Buluck essaient de rejoindre la planète-mère, la Terre, à bord de Cathédra, un engin spatial entièrement robotisé et pourvu d’intelligence.

Le voyage retour et l’exploration de Cathédra afin d’acquérir la Sagesse seront contrariés par l’esprit d’un ancien Impéror nommé Zequiel.

 

Ce roman d’Alain Billy ne possède pas la fougue, l’épisme, l’exotisme qui prédominaient dans L’orchidée rouge de madame Shan.

Mais il recèle des accents plus graves et sous couvert d’une littérature considérée parfois comme futile, les problèmes de l’écologie, de l’industrialisation à outrance, d’un déséquilibre aussi bien écologique qu’industriel sont abordés.

Ainsi page 83, lorsque Ryl, parti à la découverte de Cathédra, franchit une porte et entre de plain-pied dans un paysage inconnu, composé de végétaux et d’animaux. Il écrase une fourmi délibérément.

« Peux-tu reconstruire cette fourmi ? demanda la voix de Cathédra.

Ryl, les sourcils froncés, se débarrassa du minuscule cadavre. Cathédra insista.

Attention ! Chaque élément dépend du tout.

Il ne faut pas exagérer, s’indigna Ryl. Une fourmi n’est qu’un grain de poussière, autant dire rien.

Tu as détruit une molécule du grand édifice. Et tu as participé avec la même légèreté à la détérioration de Maaga la Scythe. Tes lois ont privilégié l’économie au détriment des impératifs biologiques.

Des programmes industriels et militaires étaient nécessaires à l’équilibre de Triah-Reine, objecta Ryl.

Tu n’as jamais cherché à freiner l’exploitation outrancière des ressources de ta planète. L’épidémie de choradra est un résultat de la pollution.

La caste des industriels faisait pression sur moi.

Tu pouvais t’opposer au démantèlement des rapports humains comme au mépris de la nature… »

 

Conversation qui amène à réfléchir sur l’opportunisme de certaines technologies, dites de progrès, qui détériorent insensiblement mais de façon profonde l’environnement biologique et spirituel de l’humanité.

Le roman de science-fiction est peut-être le support d’une nouvelle philosophie, tout au moins le moyen de transmission d’une mise en garde, une manière de dire Attention, danger.

Le modernisme à outrance peut se retourner contre les apprentis sorciers.

 

Alain BILLY : Maaga la Scythe. Collection Anticipation N°1636. Editions fleuve Noir. Parution juillet 1988. 192 pages.

ISBN : 2-265-03862-8

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4 janvier 2020 6 04 /01 /janvier /2020 05:26

Pour gouverner il faut avoir
Manteaux et rubans en sautoir.
Nous en tissons
Pour vous grands de la terre,
Et nous pauvres canuts
Sans drap on nous enterre

Aristide Bruant

Charles EXBRAYAT : Le chemin perdu.

En cette année 1816, le petit village de Tarentaize, situé à environ une quinzaine de kilomètres de Saint-Etienne, est, comme bien d’autres communes de France, coupé en deux. D’un côté les Bonapartistes qui n’acceptent pas l’exil de leur Empereur, de l’autre les Royalistes qui fêtent le retour sur le trône d’un Bourbon affilié à Louis XVI, Louis XVIII. Ce roi qui s’est allié aux étrangers est considéré comme un usurpateur par de nombreux villageois ayant servi dans l’armée impériale, malgré les stigmates qu’ils ont récoltés sur les champs de bataille.

Armandine, six ans, vit avec son grand-père Ambroise Mantel, ex-lieutenant aux voltigeurs, amputé d’une main depuis 1806 alors qu’il participait à l’une des nombreuses guerres engagées par Napoléon, ce qui ne l’empêche pas d’être toujours fidèle à l’empereur; sa grand-mère Elodie; Louise, sa mère, dont la tête, si elle est toujours sur ses épaules n’a plus tout à fait conscience de ce qu’il se passe autour d’elle depuis l’assassinat de son mari Honoré.

Armandine joue avec ses petits camarades d’école, entretenant une dévotion envers celui qui est mort car il avait refusé de crier Vive le roi ! Trois jeunes issus de la bonne société l’avaient fait passer de vie à trépas à cause de leurs convictions royalistes attisées depuis le retour de Louis XVIII sur le trône.

Alors le village est partagé entre les tenants de la royauté représentée par Louis XVIII et ceux qui professent une quasi adoration envers Napoléon malgré les centaines de milliers de soldats tombés aux champs d’honneur.

Pour autant, entre Ambroise Mantel et Landeyrat le Vieux, le nouveau maire qui a ceint l’écharpe lorsqu’Ambroise a dû lui céder, il existe une amitié sincère, et un profond respect. Leurs opinions diverges mais elles ne sont pas un obstacle entre eux. Ce sont des sages. Et entre eux le curé Mauvezin qui tente d’apaiser les tensions qui animent de temps à autre les villageois.

 

Armandine vit dans cette atmosphère qui déteint sur son caractère. Elle est amie avec Eugénie ainsi qu’avec Mathieu, le petit-fils de Landeyrat le Vieux. Mais les anicroches ne manquent pas de prétextes pour se batailler contre d’autres garnements, principalement contre Sophie, jolie gamine mais pimbêche.

Les années passent, Mathieu est amoureux d’Armandine, alors que Sophie le guigne et voudrait pouvoir le voler à son ennemie. Mais Armandine n’en a cure. Il n’est juste qu’un compagnon de promenades dans les bois, même si tout le village les voit mariés. Ambroise décède, Elodie est obligée de recruter du personnel, le jeune couple Christine et Gustave ainsi que la déjà âgée Agathe. Bientôt ils seront considérés comme appartenant à la famille.

Une tante d’Eugénie, la tante Marthe, vit à Saint-Etienne et tient une boutique de confection. Eugénie s’y rend tous les ans et en revient éblouie. Elle ne tarit pas d’éloges devant Armandine et lui vante les charmes de la ville. Et elle va quitter Tarentaize pour devenir modiste chez sa tante et bientôt se marier avec Charles.

Sophie peut bien tourner autour de Mathieu, Armandine n’en a cure. Elle aussi devient petite main chez la tante Marthe, et conquiert les clientes par son charme et sa diplomatie, trouvant toujours les mots justes pour les flatter et vendre des chapeaux encombrés de feuillages et d’oiseaux.

Armandine vit chez Eugénie et Charles et fait la connaissance de Nicolas, un ami qui prend ses repas chez le couple. Il est passementier dans la même usine que Charles mais il ne fait pas attention à la jeune fille qui tombe amoureuse de lui. Il ne pense qu’à se révolter contre les patrons, prônant la révolution des canuts lyonnais. C’est un Républicain convaincu et il n’hésite pas à se rendre dans la capitale de la soie pour combattre les royalistes, les patrons, l’armée et les forces de l’ordre.

 

Roman de terroir comme aimait Charles Exbrayat à mettre en scène des personnages vivant dans la Loire et la Haute-Loire quelques dizaines d’années auparavant, Le chemin perdu est aussi un roman historique et un roman social, le tout englobé dans une histoire d’amour.

De 1816 à 1846, l’auteur décrit une période de l’histoire qui traverse les règnes de Louis XVIII jusqu’à celui de Louis-Philippe, en mettant en évidence les nombreuses révoltes ouvrières. Une période beaucoup plus mouvementée que celle qui est narrée succinctement dans nos manuels scolaires, lorsqu’il y en avait, avec les nombreuses revendications ouvrières secouant cette région. Certes la révolte des canuts y est évoquée, mais aussi celle des mineurs de Rive-de-Gier.

Ils devinaient que ces hommes-là savaient de quoi ils parlaient quand ils maudissaient les patrons sans âmes, une police à la solde des riches, une magistrature qui se déshonorait par sa servilité envers le pouvoir.

 

Publié au début des années 1980, mais inscrit dans une période de la première moitié du XIXe siècle, ce roman pourrait très bien décrire notre début de siècle avec tous les mouvements sociaux qui se développent un peu partout. Un contexte historique immuable.

Il s’agit également de mettre en avant l’attrait de la ville avec son modernisme et la relative paix des champs, deux aspects qui se croisent et se révèlent en complète opposition de style de vie.

Tu préfères ton atelier sans air où un chef surveille l’esclave que tu es devenu plutôt que de vivre dans la liberté des champs.

 

Du jour où Nicolas découvre Tarentaize et une certaine forme de vie, il devient amoureux de ce coin de campagne. Un sujet de discorde entre Armandine et lui, la jeune femme préférant vivre à Saint-Etienne, rejetant tout un pan de son enfance.

Roman politique où l’idée du socialisme se forgeait dans les esprits :

En gros, les socialistes voudraient que les riches soient moins riches et les pauvres moins pauvres.

Une utopie car l’on sent bien qu’au contraire c’est l’inverse qui se produit.

 

Mais il s’agit également d’un roman d’amour, qui met longtemps à se déclarer, de par les ambitions et les revendications d’Armandine et de Nicolas. Et l’obstination d’Armandine à vouloir rester à Saint-Etienne, malgré tout, fait dire au curé de Tarantaize qu’elle a perdu le chemin, d’où le titre de ce roman fort, en préférant les artifices urbains au chemin de la vraie vie.

 

Première édition : Editions Albin Michel. Parution 7 avril 1982. 384 pages. Réédition décembre 1992.

Première édition : Editions Albin Michel. Parution 7 avril 1982. 384 pages. Réédition décembre 1992.

Charles EXBRAYAT : Le chemin perdu. Les bonheurs courts 2. Réédition Editions de la Seine. Parution mars 1990. 384 pages.

ISBN : 9782738202918

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3 janvier 2020 5 03 /01 /janvier /2020 05:15

Cet épisode est toujours d’actualité !

ANDRE-MICHEL : La danse du sang.

Jeune rédacteur au journal La Grande Presse, Jean Nervier est mandé par son patron afin de se rendre en Afrique, ayant été remarqué par la qualité et la précision de ses articles concernant ce continent.

Une tentative révolutionnaire vient d’éclater en Afrique française, fomentée par un Noir fanatique qui a réussi à soulever les populations du Haut-Sénégal. Et Jean Nervier, de par ses connaissances, est l’envoyé spécial idéal. Un tremplin pour se faire un nom et une place dans la profession, se dit-il.

Jean Nervier s’envole donc pour Dakar. A l’escale de Casablanca, presque tous les passagers descendent. Seuls restent dans l’avion Jean Nervier et un autre jeune homme, un Américain, qui se présente comme Lionel O. Patrick, envoyé spécial de l’American-Morning de Baltimore. Seulement les nouvelles en provenance de Dakar ne sont guère rassurantes, l’état de siège est déclaré et les passagers sont informés qu’ils ne sont pas les bienvenus. A Port-Etienne, étape programmée sur la ligne africaine, les deux confrères parviennent à échapper au contrôle des autorités et s’enfuient dans la nature.

Après un voyage en auto-stop à bord d’une voiture conduite par un Noir, ils parviennent enfin à Dakar, malgré l’interdiction. Ils échappent aux rondes. Nervier connait un compatriote qui accepte de les héberger et le lendemain ils se rendent à la poste afin d’envoyer des câbles narrant leurs premières péripéties. Seulement, ils sont arrêtés par deux tirailleurs prévenus par les employés qui avaient reçus des ordres, puis menés devant le gouverneur général.

Le diplomate leur expose la situation : Un indigène, originaire du Sahara, un fanatique, El Hadj Mayor, a prêché la guerre sainte ; il a envoyé des agitateurs un peu partout ; mais le centre de son action se trouve dans les parages de Kayes, à la limite du Sénégal et du Soudan. Nous avons formé des colonies militaires, des émissaires civils également. Nous espérons en terminer rapidement.

Nervier et Patrick défiant l’interdiction qui leur est signifiée de se déplacer, se rendent dans un poste avancé. Les nouvelles vont vite en Afrique et lorsqu’ils arrivent dans un petit village, ils apprennent qu’ils étaient attendus. Ce que leur révèle le chef de poste les surprend fort. L’armée d’El Hadj Mayor se tient sur une hauteur proche, dans des constructions en pisé. Mais défense est faite à l’officier d’utiliser l’artillerie. Les deux armées se campent face à face, comme si une trêve avait été signée. Des émissaires avaient été envoyés, proposant à EL Hadj Mayor de capituler, mais ils ne sont pas revenus.

 

Ce court roman nous plonge dans l’époque coloniale montrant l’Afrique déjà en ébullition contre l’occupant, dans une guerre sainte. Le déploiement de force est destiné à impressionner l’adversaire, qui s’en moque royalement. L’officier pourrait tenter une offensive mais c’est un soldat qui obéit aux ordres sans toutefois les comprendre ou les approuver.

Comme le déclare Nervier, Un bon journaliste ne connait pas les obstacles. Et ils se rendront sur le terrain au cœur du village ennemi.

L’on ne peut s’empêcher de rapprocher la situation décrite dans cet ouvrage à celle qui se déroule au Mali, et d’autres pays africains, avec la guérilla fomentée par Al-Qaïda au Maghreb.

L’époque a changé mais la mentalité reste la même et la France joue toujours, est-ce un bien ou mal, l’arbitre dans ses anciennes possessions africaines. Un arbitrage que certains déplorent alors que d’autres le souhaitent, mais qui équivaut pour beaucoup à une nouvelle forme de colonisation, le père surveillant ses fils majeurs.

ANDRE-MICHEL : La danse du sang. Collection Le Petit Roman d’Aventures N°85. Editions Ferenczi. Parution le 14 septembre 1937. 32 pages.

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2 janvier 2020 4 02 /01 /janvier /2020 04:35

Ce matin, un lapin…

Gaëtan BRIXTEL : Rabbit Run.

Un chien ? Trop gros et puis, il faut le sortir, quelque soit le temps.

Un chat ? Il prend trop de place aussi et il faut accepter qu’il griffe les fauteuils.

Et il faut s’en occuper de ces bestioles, être à leur disposition. C’est encombrant dans un studio, bruyant parfois.

Pourtant un animal, pour un jeune homme solitaire, à défaut de femme, c’est un gentil compagnon, qui ne parle pas trop.

Dans une animalerie, une gentille dame, c’est toujours gentil une vendeuse lorsqu’elle veut vous refourguer quelque chose, une gentille dame présente à notre narrateur un lapin. Pas n’importe lequel. Un lapin bélier au front têtu, aux oreilles tombantes, calme, docile, affectueux.

Si, si, un lapin peut se montrer affectueux. La preuve, lorsque le futur acquéreur le prend, Jeannot Lapin se niche dans ses bras.

Rectification : il ne va pas se prénommer Jeannot mais Gustave. C’est bien Gustave, cela sent le terroir, ça rime avec betterave…

 

Papa c’est pris d’affection pour Gustave qui est presque comme un gamin pour lui. Gustave possède sa cage, Papa lui a installé un parc tout autour pour que son lapin bélier puisse se promener, s’ébattre, comme s’il était en liberté. Parfois Adélie vient voir Papa, s’inquiète de sa santé. Lui il s’inquiète de Gustave, surveillant ses petites crottes noires, semblables à des olives desséchées.

Jusqu’au jour où…

 

Débutant dans la douceur, ce roman rose devient bientôt d’une noirceur torride.

Avec Gaëtan Brixtel, aucune nouvelle ne se ressemble, et pourtant il existe une continuité dans son œuvre. L’auteur nous plonge dans un quotidien, son quotidien, implacable. Peu de personnages dans ce conte animalier, mais une ambiance familiale qui peu à peu devient étouffante.

Il est simplement dommage que, obéissant à une mode non écrite que l’on retrouve dans les titres de films ou de romans, Gaëtan Brixtel ne nous offre pas un titre français mais emprunte à une manie de plus en plus prégnante d’intituler cette nouvelle, de l’affubler pourrais-je écrire, d’un titre anglo-saxon.

Je lui pardonne, car j’aime bien le style de Gaëtan Brixtel, son univers parfois décalé et pourtant situé dans un quotidien dans lequel chacun pourra se retrouver.

Mais il aurait pu donner comme titre : La course du lapin bélier à travers le studio… Un clin d’œil à Sébastien Japrisot.

 

Gaëtan BRIXTEL : Rabbit Run. Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions Ska. 20 pages. 1,99€.

ISBN : 9791023407969

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28 décembre 2019 6 28 /12 /décembre /2019 05:49

Une main de fer dans un gant de velours !

Philippe BOUIN : Au nom du père et du crime.

Cette locution n’a jamais été aussi vraie, aussi appropriée pour le commandant de police Charlotte Auduc, en poste à Limoges. Et il ne faudrait pas prendre cette quadragénaire pour une poupée de porcelaine.

Ancienne du RAID, ayant sauvé la vie de qui vous savez, elle a perdu la main gauche dans une opération, une tentative d’assassinat. Et lorsque l’on est gauchère, c’est un fait rédhibitoire, surtout lorsque l’on se défendait honorablement au piano.

Depuis cet incident fâcheux, elle est affublée d’une main myoélectrique, la Chose, cachée aux yeux des âmes sensibles par des gants. Ce qui ne l’empêche pas de mener ses enquêtes avec dextérité. Elle a été mutée, sur sa demande, à Limoges, alors qu’elle pouvait prétendre mieux. Elle vit seule avec Rap, son beauceron qui bave devant elle et frétille de la queue. Un chien tout dévoué et qui comprend tout, ou presque.

Ce matin-là, Charlotte se rend à G*, charmante petite cité limousine, justement en voiture, en compagnie de Chevillard, légiste patenté. Car il ne s’agit pas d’une promenade touristique qu’elle effectue, ni même un pèlerinage, même si elle s’arrête deux minutes au cimetière local, mais bien parce qu’un crime vient d’être découvert dans l’église du village. Deux en réalité, mais le second cadavre importe peu. Il s’agit d’une nonagénaire qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Ça arrive.

Donc le premier cadavre était un homme tout en étant curé, et par ses sermons dominicaux, il avait réussi l’exploit de remplir dimanche après dimanche, une église promise à la désertitude. Et ses paroissiens devenus fidèles se pressaient afin de l’entendre vitupérer envers mais pas contre tous. Il avait ciblé un notable de la cité et sans citer de nom, tous savaient qu’il s’agissait de Victor Juillet, le maire de la commune depuis des décennies.

Victor Juillet régit tout dans sa commune. Il possède des usines, des commerces, fait la pluie et le beau temps, et surtout il emploie ses concitoyens dans ses affaires. Alors quand on a du travail, sur place qui plus est, on ne regimbe pas. Ou presque. Donc le curé Piffaud, le maire ne pouvait pas le piffer. Mais ce n’est pas pour autant qu’il fallait s’abaisser à se débarrasser d’un Don Camillo local.

L’inconnu armé d’un couteau s’est amusé à se prendre pour le nouveau Jack l’Eventreur et a perpétré son forfait dans l’église. C’est l’organiste albinos qui a découvert les deux défunts et a prévenu la gendarmerie qui elle-même s’en est référée au préfet qui mandé à la Police Judiciaire de Limoges de diligenter un enquêteur discret. Et c’est comme ça que Charlotte Auduc a pour mission d’aider le capitaine Trajan et ses hommes dans une enquête délicate. Seulement Charlotte est chaussée de pataugas, et elle n’hésite pas à mettre les pieds dans la boue et le reste. Question discrétion assurée, on repassera. Mais au moins cela à l’avantage de faire bouger la fourmilière.

Car bientôt d’autres cadavres sont découverts. Des jeunots qui traficotaient dans les produits illicites. Et d’anciennes affaires remontent à la surface des souvenirs. Des disparitions enregistrées trente ans auparavant. Deux jeunes hommes dont plus personne n’a eu de nouvelles et une affaire classée un peu trop rapidement au goût de Charlotte. Une jeune fille aussi disparue sans laisser de traces. De même que les rapports de police qui ont été effacés. Et puis quelques mois auparavant ces disparitions, la mort accidentelle des parents de Charlotte. Lui médecin apprécié de sa patientèle, elle infirmière fort estimée. Charlotte n’avait que dix ans.

 

La présence de Charlotte à G* semble indisposer quelqu’un. Mais qui ? Car au début elle s’est bien gardée de dévoiler son appartenance familiale. Seule sa hiérarchie connait ses antécédents, ainsi que Yoyo, un braconnier qui vit essentiellement de rapines forestières. Et pour braconner, il faut savoir se mouvoir en silence, épier les environs, traquer les lièvres et les faisans, se méfier des malfaisants.

Les habitants de cette petite cité si tranquille bientôt se montrent sous un jour pas si aimable, bienveillant, naïf, calme, pudique, sans histoires, auquel on pourrait penser. Car sous le tapis de feuilles automnales, se cachent quelques pratiques qui n’ont rien d’honnêtes. Seuls quelques adolescents se déplaçant bruyamment à motos sont pointés du doigt. L’arbre pourri qui cache la forêt véreuse.

On retrouve dans ce roman l’humour parfois caustique de Philippe Bouin (il me manquait !) et son regard sans pitié sur une communauté bien sous tous rapports. Rapports que Charlotte ne manquera pas de mettre au jour parmi une population composée de personnages atypiques et pour certains attachants. Certains seulement.

Mais, personnellement, je déplore que Philippe Bouin se soit cru obligé d’emprunter des locutions anglo-saxonnes ou un vocabulaire de jeunes fâchés avec la langue française afin d’en truffer son texte. Cela me fait penser à un visage angélique parsemé de comédons disgracieux.

 

Les chiens c’est pareil que les Hommes, ils ne peuvent tout avoir, la liberté et le confort.

 

Avec toutes les lois qui tombent sur le dictionnaire, j’ai pris mes distances avec les mots. Je ne suis même pas sure que ministre ne soit pas une injure.

 

Philippe BOUIN : Au nom du père et du crime. Collection Moissons noires. Editions La Geste. Parution 10 septembre 2019. 400 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2490746071

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19 décembre 2019 4 19 /12 /décembre /2019 06:45

Et je cours, je cours
Après quoi je cours,
Mais j'aimerai bien que l'on me dise un jour,
Après quoi je cours.

Peter LOVESEY : La course ou la vie

Les romans de Peter Lovesey, lorsqu’ils furent publiés en France, se démarquaient de la tendance du roman noir qui à l’époque envahissaient, et envahissent encore, les étals des libraires. Des ouvrages particulièrement intéressants par le ton, le style, l’humour discret  et implantés dans la fin du XIXe siècle qui fut marquée par l’affaire de Jack l’Eventreur.

Mais Peter Lovesey explora cette période sans emprunter au célèbre criminel, proposant des situations insolites qui avec le recul ne sont pas éculées ou désuètes.

Dans ce roman, situé dans le Londres de 1879, le sergent Cribb doit découvrir le meurtrier d’un coureur à pied, puis de son entraîneur, avec en toile de fond l’ambiance d’un sport bien particulier : une course d’endurance, à pied, durant six jours, dans une halle transformée pour ce concours en complexe sportif.

Comme dans toute compétition, matchs ou réunions sportives, il y a des favoris et des tocards, des professionnels et des amateurs, mais à qui cela peut-il profiter ? Peut-être l’argent, clé de voûte de ce genre de réunions. Les gains de la course, les enjeux, les paris des spectateurs, des bookmakers, des investisseurs, et des dettes qui peuvent en résulter.

 

La course ou la vie, titre de ce court roman, aurait peut-être gagné en consistance en développant un peu plus les phases de la course proprement dite, l’ambiance régnant dans les tribunes, les différentes réactions des spectateurs, les heurs et malheurs des différents concurrents.

Mais il est vrai que c’est le premier roman policier de Peter Lovesey, lauréat d’un concours organisé en 1969 par l’éditeur McMillan/Panther.

 

Peter LOVESEY : La course ou la vie (Wobble to Death – 1970. Traduction de Jean-André Rey). Le Masque Jaune N°1798. Edition Librairie des Champs-Elysées. Parution septembre 1985. 128 pages.

ISBN : 9782702416464

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14 décembre 2019 6 14 /12 /décembre /2019 04:51

Sans cœur et sans reproche ?

Max-André DAZERGUES : Mam’zelle-sans-cœur.

A cause d’un collègue éconduit dans ses approches, Yvette Dumenges a été ainsi cataloguée. Pourtant ce surnom ne lui convient guère, elle qui honnête, sérieuse, travailleuse, s’occupant de sa mère maladive et de son frère, Robert, un peu plus âgé qu’elle, qui malgré son travail rue du Sentier passe des nuits blanches à sortir en boîtes.

A vingt-deux ans, Yvette est manucure à l’Institution Palatine, du nom du patron qui gère cette petite entreprise sise aux Champs-Elysées. Elle fait partie des quatre manucures qui officient dans des cabines ou chez des particuliers. Marthe est sa copine, tandis que France se laisse monter le bourrichon par Louise, la mauvaise langue de l’institution. C’est le chef-masseur qui lui a collé cette étiquette de Mam’zelle-sans-cœur, parce qu’elle a refusé ses avances.

Nonobstant, monsieur Palatine, un bon patron qui ne s’intéresse guère aux affaires privées de ses employés, demande à Yvette de se rendre chez un client, Maurice de Cibeins, grand nom, grosse fortune, évoluant dans la haute société, trentenaire célibataire, celui-ci vaguement malade ne pouvant se déplacer.

Yvette s’occupe consciencieusement des mains fines de Maurice, tandis qu’il la regarde, la dévore même des yeux. Entre eux deux s’établit une sorte de courant alternatif sentimental par mimines interposées. Collectionneur, il lui montre même ses objets précieux dont une bonbonnière, un drageoir. Mais Yvette ne peut s’attarder, d’autres clients l’attendent, et tous ne sont pas aussi aimables que Maurice. Sa journée finie, elle rentre chez sa mère rue d’Alésia.

Robert est un oiseau de nuit, qui joue, s’enivre, se drogue parfois, ayant pour compagnon Jean Simonin, un garçon peu fréquentable qui l’entraîne dans des boîtes, lui présentant des individus peu recommandables, lui fournissant des produits prohibés. Robert est sous son emprise et cela risque fort de mal se terminer. Et d’ailleurs c’est ce qui se produit.

A L’araignée rose, une boîte de nuit, il s’est amouraché d’Aïda la Marocaine, surnommée ainsi à cause de son hâle récupéré au soleil provençal, et ce soir là il se prend d’algarade avec Pablo Carlyse, un malfrat qui sert de trop près la belle danseuse, dont Jean Simonin fait partie des familiers.

Or, Pablo Carlyse entretient quelques relations avec Maurice de Cibeins, connu lors des soirées mondaines dans des cabarets, et un jour qu’il rend visite au riche collectionneur, il se retrouve seul dans le salon où sont exposés les précieux objets. Maurice de Cibeins, étant allé chercher un carton à dessin contenant quelques estampes, Pablo Carlyse en profite pour subtiliser la précieuse bonbonnière, pensant ainsi l’échanger contre une dette de jeu.

Lorsqu’il part, Maurice de Cibeins ne se rend compte de rien. Puis Yvette, devenue presqu’une habituée, se présente pour soigner les mains de son amoureux. C’est après son départ que Maurice de Cibeins s’aperçoit de la disparition du drageoir. Naturellement il pense que sa manucure s’est emparée de l’objet précieux, et son amour pour elle refroidit.

Débute alors un chassé-croisé, la bonbonnière passant de main en main, Yvette la retrouvant dans la poche de veston de son frère et honteuse la rapportant à son propriétaire légitime. Mais elle est trop bonne, trop naïve, elle aime trop son frère pour le dénoncer. Comment tout cela va-t-il finir, et quelles en seront les conséquences ?

 

Ce roman est classé Roman sentimental mais il possède une entrée policière, et pas uniquement sentimentale.

Max-André Dazergues, lorsque ce roman fut publié, n’avait que vingt-huit ans, mais déjà il possédait à son actif une bibliographie imposante. Un romancier sérieux, longtemps confondu avec Georges Simenon, prolifique, œuvrant dans tous les domaines de la littérature populaire, et qui jamais ne décevra ses lecteurs, employant plusieurs pseudonymes au gré de sa production et des besoins des éditeurs pensant étoffer leur catalogue en proposant divers auteurs qui n’étaient en réalité que le même.

Mais ce fut une pratique courante, car cela donnait l’impression au lecteur de découvrir de nombreux romanciers, comme ce le fut pour Simenon, René Poupon, Henri Musnik, Marcel Priollet et bien d’autres.

Max-André DAZERGUES : Mam’zelle-sans-cœur. Collection Le Petit Livre N°971. Editions Ferenczi. Parution le 22 juin 1931. 96 pages.

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13 décembre 2019 5 13 /12 /décembre /2019 05:44

Oui, c'est nous les fameux (femmes ?) corsaires
Les rois redoutés de la mer

Barbara CARTLAND : Le corsaire de la reine

Affirmer que Barbara Cartland n’a écrit que de fades romances superficielles à l’eau de rose, serait méconnaitre une grande partie de son œuvre.

Souvent, dans ses romans historiques, elle explorait le côté sociologique de la période dans laquelle elle plaçait son intrigue.

Ainsi, dans Le corsaire de la reine, Barbara Cartland ne se contente pas d’une histoire d’amour qui d’ailleurs tarde à se révéler aux deux principaux protagonistes, mais elle jette un regard parfois acide sur la période élisabéthaine.

 

Malgré son jeune âge, Rodney Hawkins est un marin accompli ayant fait ses débuts avec le célèbre sir Francis Drake, le corsaire de la Reine Elizabeth 1ere. Mais, ambitieux, il désire commander son propre bâtiment afin de poursuivre sur les mers et les océans les galions espagnols et ramener un butin conséquent à sa souveraine. Pour cela il lui faut lever une mise de fond importante lui permettant de réaliser son rêve. Acheter un navire, l’Epervier.

Une partie de la somme est déjà trouvée, et son parrain, le secrétaire d’état de la reine lui fournit une piste : se présenter auprès de sir Harry Gilligham qui non seulement lui donnera le complément nécessaire mais lui proposera en compensation un mariage avec sa fille Anne.

Alors qu’il arrive, cheminant benoîtement sur son cheval, Rodney est agressé. Pas méchamment, juste une flèche tirée dans son chapeau. Il aperçoit une jeune fille qui s’enfuit et il la retrouvera au château. Il s’agit de Lisbeth, une gamine délurée et pétulante d’à peine dix-huit ans, qui s’amuse comme elle peut. Parmi les autres enfants de sir Harry Gillimgham, son fils Francis, un an de plus que Lisbeth, et de la même mère. Tandis qu’Anne est issue d’un premier mariage.

Sir Henry Gilligham est fier de la comparaison effectuée avec le roi Henri VIII, qui a usé d’une façon ou d’une autre de moult femmes. Et s’il possède la stature imposante de ce roi Barbe-Bleue, Sir Henry lui n’en est qu’à la troisième. Une trentenaire fort belle mais qui n’éclipse pas aux yeux de Rodney la jeune et rousse Lisbeth et surtout Anne qui rayonne. Le mariage ne sera concrétisé que lorsque Rodney reviendra de son expédition, couvert d’or bien entendu, afin de rembourser la mise de fonds.

Attardons-nous quelque peu sur ces trois enfants afin de percer leurs petits secrets. Anne se confie à sa jeune sœur. Elle ne veut pas se marier car elle s’est convertie en cachette à la religion catholique, et elle désire entrer dans un couvent, devenir nonne. Francis lui est un pleutre, un timide, qui préfère versifier, mal, et regarder les nuages s’enfuir dans le ciel. Quant à Lisbeth, c’est une intrépide qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.

 

Rodney, possédant les fonds nécessaires à son embarquement, prépare activement son voyage avec à son bord un équipage aguerri. L’Epervier est un fin voilier doté de pièces d’artilleries suffisantes en nombre pour défier des frégates espagnoles. Francis doit également faire partie de l’équipage, sur les ordres de sir Henry, qui veut aguerrir son fils, lui apprendre la vie. Le voir devenir mâture.

Francis se fait attendre, Rodney s’impatiente. Enfin le voici. Mais arrivé en pleine mer, Rodney s’aperçoit qu’il ne s’agit pas de Francis mais de Lisbeth qui a pris les vêtements et la place de son frère. Rodney est fort mécontent mais il ne peut revenir à son point de départ, aussi accepte-t-il bon gré mal gré cette présence inopportune. Les marins abusés ne se doutent pas de la mystification, d’autant que Lisbeth va bientôt se montrer indispensable. Lors de manœuvres puis du combat naval dans la mer des Antilles et l’arraisonnement d’un galion espagnol, elle se dévoue, soignant les blessés malgré la présence à bord d’un chirurgien. Mais celui-ci est dépassé par les événements.

Une surprise attend Rodney car dans ce galion dormait un jeune gentilhomme espagnol qui se réveille quelques heures plus tard, ayant cuvé ses libations. Entre Lisbeth et le nouveau venu s’établit une sorte de complicité qui attise la jalousie de Rodney. Mais il est stupéfait car ce gentilhomme dévoile une cachette dans sa cabine, mettant au jour dans un coffret de nombreux trésors, bijoux et pierres précieuses.

 

Le voyage continue avec ses aléas épiques, combats navals contre de nouvelles frégates espagnoles, et cette attirance que Lisbeth et Rodney éprouvent l’un pour l’autre, malgré l’attrait de la jeune fille envers l’importun.

Lisbeth est déterminée, une femme forte malgré son jeune âge, et en multiples occasions elle sait démontrer une force de caractère qui manque à bien des marins constituant l’équipage.

Si cette histoire d’amour prend une place importante dans le récit, c’est bien la personnalité de Lisbeth qui l’emporte. Et tout ce qui entoure l’intrigue, dans laquelle quelques ramifications interffèrent : le social et les relations entre femmes et hommes, entre Anglais et étrangers, la place de la femme dans la société et la prépondérance de la religion. Mais pour beaucoup rien n’a beaucoup changé ou évolué.

Ainsi, il est inconcevable qu’une femme puisse soigner un malade, qui plus est un blessé. Le puritanisme n’étant pas un vain mot. Et si la gent féminine a accès à la culture, à l’enseignement, ceci se ne concentre que sur les arts dits mineurs. Pourtant, c’est femme qui est à la tête du royaume en cette année 1588.

Les quelques citations qui suivent ne peuvent que mettre en exergue les propos tenus et la portée plus profonde que les romans de Barbara Cartland contiennent alors qu’ils ne sont considérés que comme d’aimables bluettes.

 

Quelle honte d’attaquer la réputation d’honnêtes gens, bons patriotes, sans autre preuve que la couleur de leurs cheveux !

Les sentiments religieux s’affrontaient alors avec passion. Les controverses, âprement menées, ne paraissaient à Lisbeth qu’autant de bruits stériles. La religion, pour elle, consistait à s’ennuyer le dimanche à d’interminables cérémonies dans l’église du village.

Ce n’est pas là une besogne pour, ni pour aucune femme, d’ailleurs…

Qu’importe ! Je continuerai à soigner les blessés. Nul au monde n’a le droit de me l’interdire, rétorqua-t-elle.

Elle comprenait toutefois combien chaque femme, à quelque degré que ce soit, doit représenter un idéal pour l’homme tout comme elle doit être une inspiratrice, un stimulant, une raison d’être à toute entreprise, à tout but à atteindre.

Inventer un mensonge, cela n’est rien, si dit Lisbeth, mais après, comme il est difficile de ne point se trahir.

Autre édition : Géant Marabout N°174. 1963. 314 pages.

Autre édition : Géant Marabout N°174. 1963. 314 pages.

Barbara CARTLAND : Le corsaire de la reine (Elizabethan Lover). Traduction de Françoise Colas. Editions J’Ai Lu N°1077. Parution 16 juin 1980. 256 pages.

ISBN : 9782277210771

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12 décembre 2019 4 12 /12 /décembre /2019 05:50

Une rue qui porte bien mal son nom…

BACHELLERIE : La rue des Bons Apôtres.

Dans ce roman, le quatrième et dernier de Bachellerie publié au Masque, nous retrouvons l’inspecteur Viaud, dans une ville non précisée, mais qui pourrait bien être celle de l’auteur, c’est-à-dire Laval à l’époque

Il est toujours aussi romantique, à l’esprit fantasque, légèrement frondeur, anticonformiste. Il pense, il raisonne, il ne porte pas d’œillères administratives, n’arrivant pas à se plier à certaines mesures qu’il juge arbitraires.

C’est un poète qui réfléchit et l’obstination n’est pas le moindre de ses défauts ou de ses qualités. Une certaine propension à mettre les pieds dans le plat, une élocution verbale qui lui occasionne des remontrances hiérarchiques à cause de ses réparties cinglantes, continuez comme ça inspecteur Viaud et vous aurez le plaisir de connaître les différents commissariats de France et de Navarre, mais celui de la promotion vous sera refusé. D’ailleurs cela le laisse complètement indifférent.

 

Rentrant chez lui à la nuit tombée, Viaud découvre un homme inanimé dans une ruelle sombre et déserte. L’agressé décède lors de son admission à l’hôpital.

Le premier suspect en général est le premier témoin. Celui qui trouve un cadavre est celui sur qui pèsent les premiers soupçons. Mais lorsqu’on est inspecteur de police ?

Viaud enquête pour son propre compte et se découvre une fibre paternelle qu’il ne se connaissait pas.

Etrange faune qui gravite dans cette rue des Bons Apôtres et dans ce quartier, disons mal famé, de cette ville bien-pensante. Une colonie de Marocains, une famille de loubards, des Rockers, des Punks, un cul-de-jatte encombrant, un professeur en retraite et refoulé, un toubib humaniste, une prostituée Martiniquaise dont l’exotisme pour elle se résume en un blond aux yeux bleus, le tout flanqué aux quatre coins de commerçants irascibles ou aigris.

Tels sont les différents personnages que Viaud va côtoyer dans cette enquête personnelle, alors que de nombreuses personnes la trouve inutile, mal venue.

 

Après L’île aux muettes (Le Masque N°1791), qui a obtenu le Prix du Roman d’aventures 1985, après Pas de quoi noyer un chat (Le Masque N°1795), après Il court, il court le cadavre (Le Masque N°1796), La rue des Bons Apôtres clôt cette série et le passage éphémère de Bachellerie au Masque. Dans ce dernier roman, Bachellerie affine son personnage, l’histoire est plus élaborée, mais un petit défaut subsiste : une chute trop abrupte.

Anne-Marie Alliot-Schaettel a pris comme pseudonyme le nom d’une de ses grands-mères et devait à l’origine signer Louise Bachellerie. Elle fournira pour Nous Deux par la suite un grand nombre de romans sentimentaux sous divers pseudonymes. Lesquels ?

Elle est également l’auteur d’une saga de quatre romans édités par Delpierre dont les trois premiers ont été réédités aux éditions Points en 2015/2016.

BACHELLERIE : La rue des Bons Apôtres. Collection Le Masque Jaune N°1800. Editions Librairie des Champs-Elysées. Parution octobre 1985. 160 pages.

ISBN : 9782702416617.

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11 décembre 2019 3 11 /12 /décembre /2019 05:28

Papa est en haut, qui fait des tableaux

Maman est en bas, qui fait des lalala…

Suzanne MALAVAL : La maison des Castans.

La famille Castans est une famille normale, presque.

Le père, Vincent, est un artiste peintre qui vend parfois ses toiles. Et il est tout content car il vient de recevoir une commande pour une église de Castellane. Et pour l’encourager, un chèque a été glissé dans l’enveloppe. Il lui faut représenter la Sainte Famille. Il va bien trouver des figurants parmi son entourage.

La mère, Hélène, est une artiste elle aussi. Une chanteuse qui se produit à l’Opéra. Elle n’est pas encore connue, car la plupart du temps elle est perdue dans les chœurs, mais au moins elle a du travail régulier. Coquelicot est un bébé de six mois qui sait déjà ce qu’elle veut. Surtout des quignons de pain et lorsqu’elle n’obtient pas satisfaction, elle devient toute rouge. D’où son surnom.

Enfin Marion, de son vrai nom Marie-Anne, la narratrice, onze ans, qui ne se laisse pas abattre par les événements. Pas trop car en général la vie est douce chez les Castans.

Dans l’entourage de Marion, son ami Pioupiou, un véritable ami avec laquelle elle rigole et se chamaille, comme dans la vie des adultes. La mère de Pioupiou, un surnom qui vient de loin, madame François. Elle est secrète, ne fait pas parler d’elle, est souvent triste. Certains la prennent pour une folle, une toquée, mais Marion sait qu’elle a eu un accident autrefois et que depuis elle est amnésique. Elle ne se souvient plus de son passé, alors forcément cela la ronge, même si parfois on voudrait pouvoir faire abstraction de ses souvenirs. Quant au père de Pioupiou, il n’en est jamais question.

L’oncle Robert est un artiste lui aussi, à sa façon. Il est surveillant dans un collège proche, mais sa passion c’est l’écriture. Son roman, signé Leslie B. Shannon, indispensable de prendre un pseudonyme américain qui est plus porteur auprès des lecteurs, son roman qui s’intitule La Belle d’Agadir va être publié en feuilletons dans un journal du soir. Le début de la consécration.

Et puis, monsieur Palatina, Piero de son prénom, est nouveau dans l’immeuble. Il loge au quatrième tandis que les Castans sont au deuxième. Heureusement car avec la tempétueuse et attachante Coquelicot, monter et descendre les escaliers, pour Marion cela deviendrait vite une corvée. Monsieur Palatina est pianiste, ce qui complète cette collection d’artistes.

 

Quelques autres personnages gravitent dans ce roman joyeux, enlevé, et triste à la fois, mais laissons-les de côté car ils ne sont que des rôles secondaires, intéressants de par leur présence qui apporte de l’animation mais dont le rôle n’est guère important, ou ne se dévoilera qu’au fur et à mesure que l’histoire avance dans le temps.

Monsieur Palatina possède des yeux tristes et lorsque Vincent le prend comme figurant pour sa toile, il ne ressemble pas à Joseph mais plutôt à Borgia.

Et les jours passent, comme dans toutes les familles, avec ces petits incidents, ces jours de fêtes, les vacances qui se profilent, et les aspirations ou désarrois des gamins. Pioupiou par exemple qui ne veut pas que sa mère, qu’il appelle Miminette, devienne la femme d’un homme trop entreprenant.

L’intrigue repose sur de multiples coïncidences, mais lorsqu’on a une dizaine d’années, nous attardons-nous sur ces effets spéciaux qui permettent de réduire le nombre de personnage ? L’intérêt réside dans la vivacité du récit et des à-côtés qui n’apportent rien à l’intrigue ou si peu, sauf à entretenir un peu la confusion, gommant l’effet des coïncidences.

Par exemple, une incursion dans un studio, sur le plateau de tournage d’un film à Boulogne-sur-Seine puis dans la vallée de Chevreuse, offre une piste intéressante à l’intrigue, mais ce sont les conditions de tournage qui sont mises en avant, avec humour. Ou encore une séance de photos pour une publicité d’une marque de yaourt pour laquelle Marion est figurante.

L’histoire ne manque pas d’humour et c’est bien là le principal attrait pour une histoire de famille qui pourrait être plongée dans le pathos ou le misérabilisme.

 

Il a une figure comme un pot à eau dont le nez serait le bec verseur.

Elle a tellement de rouge à lèvres qu’elle ne ferme jamais tout à fait la bouche : on dirait un poisson hors de l’eau.

Pour aimer les romans à quatre sous, il faut avoir beaucoup lu avant.

Suzanne MALAVAL : La maison des Castans. Collection Rouge et Or Souveraine N°325. Editions G.P. Parution mai 1974. 188 pages.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
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