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9 mars 2020 1 09 /03 /mars /2020 04:37

Les gars d'Ménilmontant
Sont toujours remontants
Même en redescendant
Les rues de Ménilmuche…

 

Cicéron ANGLEDROIT : Descente à Ménilmontant.

Détective privé, Cicéron Angledroit prend du galon et accessoirement, mais ce n’est pas négligeable, est payé pour suppléer les policiers placés sous la houlette de sa relation quasi professionnelle, le commissaire Saint Antoine du commissariat de Vitry. De plus, son ami Momo le manchot, qui avait quitté son emploi de vendeur de presse associative à l’entrée de l’Hyperpascher, devient son adjoint officiel et employé rémunéré. Une progression dans l’échelle sociale et professionnelle pour les deux hommes, et des rentrées d’argent assurées pour quelques semaines.

En effet, Joël Perdrigeon, dit Jojo la Perdrix, un truand notoire ayant effectué quelques braquages rémunérateurs, s’est envolé de la prison où il était enfermé. Des choses qui arrivent régulièrement. Mais il vient d’être repéré par Momo qui était en planque depuis des heures devant son domicile, une petite rue calme dont les fenêtres donnent sur le Père Lachaise (le cimetière, pas le troquet du coin). Momo a pu prendre en photo l’arrivée du malfrat à bord d’un véhicule.

Mais ce n’est pas inopinément que Momo se trouvait sur place. Un indic avait fourni l’adresse à Saint Antoine, le pas doux, et l’affaire est dans le sac. Il envoie ses hommes alpaguer Jojo la Perdrix et l’affaire est jouée.

Là où ça se complique, c’est que l’indic qui s’est montré si serviable est une femme, Liliane Devalbo, dite Lili, que le commissaire connait depuis des lustres. Une intrigante dont il possède une photo récente grâce aux bons soins des R.G. Or, en vérifiant les images glanées par les caméras de surveillance des parloirs de la prison et d’autres lieux hospitaliers, cette Lili Devalbo apparait déguisée certes, mais c’est bien elle. Ses collègues chargés de l’enquête n’ont pas percuté, mais lui si, car il connait bien (Je me répète) cette femme quasi quinquagénaire. Et comme il sait compter mentalement, deux plus deux faisant quatre, il est persuadé que Lili a aidé Jojo à s’évader.

Il ne reste plus à Cicéron et Momo à localiser la belle, ce qui n’est pas trop difficile, mais la mignonne possède la fâcheuse tendance à changer d’identité et de pied-à-terre. Des noms d’emprunts qui ne diffèrent que légèrement.

Et René, me demanderez-vous, qui suivez attentivement et avec fidélité la saga de Cicéron and Co ? Et bien il est sobre, depuis sa mésaventure narrée dans Comme un cheveu sur le wok, et il participe activement, payant de sa personne, dans cette enquête qui possède un petit goût d’Arsène Lupin.

Cicéron se demande toutefois pourquoi les filatures lui sont confiées, contre bons billets craquants, mais le commissaire lui avouera peu à peu, voire avec réticence, ses motivations, qui sont louables. Selon lui.

 

Un roman presque conventionnel, moins débridé que dans les précédents et à l’humour toujours présent mais plus subtil.

Au-delà de l’intrigue, assez machiavélique, l’intérêt se focalise sur deux points distincts. D’abord les quartiers de Belleville et de Ménilmontant, ce qui nous amène à l’un des auteurs prisés par Cicéron Angledroit, Léo Malet et sa série des Nouveaux Mystères de Paris.

Cicéron et ses amis parcourent le quartier prenant souvent quelques boissons ou se restaurant dans les établissements adéquats qui très souvent sont dans leur jus. Mais à force d’être dans leur jus, une expression qui revient au moins six à sept fois, ce jus finit par être délayé et éventé.

Ensuite les digressions sur l’actualité et la vie quotidienne en général. Et dans ces cas précis, Cicéron Angledroit se mue un peu en éditorialiste, égrenant certes des vérités qui pourraient se résumer à des lieux communs, mais qui ne sont pas toujours assez dénoncés. Ainsi, à propos de la télévision :

Je suis installé devant une connerie où des boulangers font de la boulangerie. Et c’est sensé passionner les masses populaires qui rentrent du taf après une journée à faire ce qu’elles ont à faire. A quand le concept du « Meilleur Mécano » avec concours de changement de joints de culasse et spécialité des deux concurrents : la surfacturation pour le candidat A et le remplacement de pièces inutiles pour le candidat B ? La télé n’est plus ce qu’elle était. Au moins, avec Bonne nuit les petits, on savait qu’il était l’heure d’aller se coucher. Maintenant on vous endort le cerveau sans prévenir.

 

Cicéron nous narre sa vie privée, avec Vanessa et les deux copines, mère de son fils le petit Enzo. Mais comme il s’agit de sa vie privée, je ne m’étendrai pas dessus, toutefois vous pouvez en prendre connaissance, par le truchement du roman.

Dernier petit conseil (tiens, j’en avais déjà donné un ?), méfiez-vous des systèmes de ventilation.

Cicéron ANGLEDROIT : Descente à Ménilmontant. Série Cicé, Momo et René. N°12. Editions du Palémon. Parution le 14 février 2020. 256 pages.

ISBN : 978-2372605786

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8 mars 2020 7 08 /03 /mars /2020 07:12

Au nom de la mère, de la fille et de la belle-fille…

Léo GESTELYS : La maison des trois veuves

La guerre terminée, il faut reconstruire ce qui a été détruit. Et Roland Sevrolles, ingénieur sorti de Centrale à la veille de l’Occupation, après des années passées en Algérie puis en Angleterre, a repris sa carrière.

Il vient d’être nommé dans une petite ville du Sud-ouest, désigné pour la réfection d’un pont de chemin de fer. Seulement, pour se loger, il est obligé d’aller de trouver une chambre chez l’habitant, toutes les chambres des quelques hôtels de la cité ayant été prises d’assaut par les ouvriers.

A l’auberge où il promet de prendre ses repas, la serveuse et la jeune patronne lui conseillent de se présenter à la Maison des trois veuves, quoique les trois femmes qui résident dans cette demeure sont réputées pour être casanières et peu avenantes. Toutefois il peut toujours essayer car Roland possède un passé de Résistant, ayant procédé à des parachutages dans la région durant la guerre.

Les trois veuves vivent seules avec une vieille servante, et ne reçoivent personne, à priori. Roland écrit une lettre dans laquelle il décrit dans quelles circonstances il a participé à la Résistance et pourquoi il se trouve dans la région. Puis il porte lui-même la missive. Les arguments semblent influer favorablement sur l’humeur de la propriétaire qui l’invite à entrer et à exposer sa revendication.

Roland est mis en présence d’une vieille dame, madame Deroncin, dont le mari a été abattu par les Allemands, à la mitraillette. Un épisode auquel elle a assisté de sa fenêtre. Dolorès, la belle-fille d’origine espagnole, pauvre et orpheline, a perdu son mari, Jacques Deroncin, qui avait été déporté en Allemagne et est décédé de maladie et de mauvais traitements au bout de deux ans de captivité. Quant à la troisième femme, elle n’est pas vraiment veuve puisqu’elle n’a jamais été mariée. Odette est la fille de madame Deroncin et elle était promise à un lointain cousin qui s’était engagé lui aussi dans la Résistance et a été tué en Normandie au cours du Débarquement.

Roland Sevrolles, après délibération entre les trois femmes, est accepté, mais il devra ne communiquer avec personne, sauf cas exceptionnel. Madame Deroncin ne veut pas déroger à la règle qu’elle s’est imposée, et imposée à fille et belle-fille, alors chacun chez soi et tout ira bien.

C’est ainsi que Roland s’installe dans une chambre spécialement aménagée à son intention. Seulement, il faut toujours compter sur les imprévus. Celui, par exemple, qui se précise une nuit lorsque Dolorès vient le rejoindre en catimini dans son lit. Tandis qu’une histoire d’amour se trame entre lui et Odette, en tout bien tout honneur.

 

Une histoire banale d’amour pourrait-on penser, sauf que les circonstances elles ne le sont pas, banales. Et j’irai même plus, j’avais imaginé un épilogue un peu plus pervers que celui que Léo Gestelys propose. Mais n’a-t-il pas voulu fournir une fin misérabiliste ou rester dans un domaine plus consensuel. Qui sait ?

Mais je me suis également posé une question plus terre-à-terre. Léo Gestelys possédait-il une telle aura pour que son manuscrit ne soit pas examiné à une relecture attentive, ou n’y avait-il pas assez de lecteurs et relecteurs chez Ferenczi, vu l’abondance de publications, pour que certaines bourdes subsistent.

Ainsi à certain moment Dolorès devient Carmen, et Odette est affublée du prénom de Mathilde, celui de la charmante aubergiste. Ce n’est pas grave me direz-vous, d’accord, mais cela fait quand même désordre.

 

Léo GESTELYS : La maison des trois veuves. Collection Mon roman d’amour N°116. Editions Ferenczi et fils. Parution 4e trimestre 1949. 32 pages.

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1 mars 2020 7 01 /03 /mars /2020 05:06

Dans la famille Chédid, on demande la grand-mère…

Andrée CHEDID : L’artiste et autres nouvelles.

Les dix nouvelles qui composent ce recueil sont extraites de trois ouvrages différents, dont vous trouverez les références ci-dessous, mais qui se rejoignent dans l’atmosphère globale.

D’ailleurs, en sous-titre, j’aurais pu écrire :

Et à la fin, c’est toujours la mort qui gagne… ou presque !

Des tranches de vie dont certaines ont un rapport plus ou moins direct avec la nouvelliste, son enfance au Caire par exemple ou son origine syro-libanaise.

Ainsi dans L’enfant des manèges, l’un des personnages principaux, ils sont trois, est un jeune garçon cabossé par la guerre, celle de là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée. Il est manchot, vit à Paris chez des cousins qui l’ont recueilli mais n’ont pas le temps de s’intéresser à son éducation. Sa rencontre avec un vieux forain dont le manège n’intéresse plus guère les gamins, va changer sa vie, ainsi qu’à celle du vieux bonhomme dont le quotidien se trouve bousculé.

La guerre, la guérilla urbaine, on la retrouve dans Mort au ralenti, alors qu’une jeune femme se dépêche. Elle a un rendez-vous et si elle n’est pas à l’heure, le jeune homme s’en ira, ne pouvant l’attendre. Seulement, une balle perdue l’atteint dans le dos. Elle s’effondre et parvient à tendre une photographie et murmurer quelques mots à un couple de personnes âgées qui s’éloignait de leur domicile.

Des ruines encore dans Le Grand Boulevard, mais elles ne sont pas provoquées par la guerre. Juste la rénovation d’un quartier, la démolition de vieux immeubles pour faire place à un grand boulevard. Pour Saïd, ce sera un immense terrain de jeux avec son ballon. Il n’a que sept ans. Mais pour la vieille Om Khalil, invalide, c’est la fin d’un monde. Elle ne veut pas regarder les gravats et tourne obstinément le dos à la fenêtre. Le conflit des générations.

Dans un registre légèrement fantastique L’homme-tronc et son voyageur. A chaque fois qu’il rentre chez lui, ses déplacements étant nombreux et lointains, il ne prend que le temps de déposer ses valises chez lui, et négligeant sa famille, il se rend sur le pont où trône immuablement l’Homme-tronc. Ils se parlent à peine, mais entre eux, il s’est établi une forme de complicité, d’empathie.

Toujours dans le registre semi-fantastique, L’Artiste, un rêveur qui se voit devant un piano, improvisant de magnifiques morceaux, ou écrivant un poème qui devrait lui assurer la notoriété. Seulement ce ne sont que des rêves, et lorsqu’il se réveille le lendemain, il est incapable de se remémorer ce qu’il a joué ou écrit. Et un soir, il rêve qu’il vole ou presque…

L’enfant refusé est une parabole sur la différence physique, tandis que Les métamorphoses de Batine démontre que vouloir trop bien faire va à l’encontre du but recherché. Et si cette dernière historiette dégage beaucoup d’humour, les autres en général sont beaucoup plus émouvantes, réalistes, en phase avec l’actualité à l’époque où elles ont été écrites. Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont devenues désuètes ou obsolètes car certaines situations perdurent et reflètent un problème social qui est toujours de mise.

D’autres nouvelles sont plus personnelles, intimistes, comme Mon père, mon enfant, dans laquelle la narratrice évoque son enfance au Caire et ses relations avec son père.

 

Nul doute que cette femme de lettres et poétesse française, d’origine syro-libanaise, née au Caire le 20 mars 1920 et décédée à Paris le 6 février 2011, aura transmis à son fils Louis, et son petit-fils Matthieu dit M. ce sens de la poésie et de l’humanisme.

 

Sommaire :

L'artiste (Mondes Miroirs Magie. Flammarion. 1988)

L'enfant des manèges (Mondes Miroirs Magie. Flammarion. 1988)

Mort au ralenti (Mondes Miroirs Magie. Flammarion. 1988)

L'homme-tronc et son voyageur (Les corps et le temps. Flammarion. 1978)

Mon père, mon enfant (A la mort, à la vie. Flammarion. 1992)

Le Grand Boulevard (Les corps et le temps. Flammarion. 1978)

Face aux violettes (Mondes Miroirs Magie. Flammarion. 1988)

L'enfant refusé (Mondes Miroirs Magie. Flammarion. 1988)

Les corps et le temps (Les corps et le temps. Flammarion. 1978)

Les métamorphoses de Batine (A la mort, à la vie. Flammarion. 1992)

Andrée CHEDID : L’artiste et autres nouvelles. Collection Librio N°281. EJL éditions. Parution mars 1999. 96 pages.

ISBN : 2277302813.

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27 février 2020 4 27 /02 /février /2020 05:38

Et ce sont les certitudes qui nous dirigent…

Alain PARIS : Le dirigeable Certitude.

Lorsque nous avons quitté les protagonistes des quatre précédents volumes composant Le Monde de la Terre Creuse, soufflait, après huit-cents ans d’obscurantisme et de despotisme, un vent de liberté ressenti par tous comme un renouveau. Presque comme une préfiguration de ce qui s’est passé dans les pays de l’Est (soulignons que la première édition de ce roman date de 1990).

Avec toutefois une énorme différence : en partant d’une supposition uchronique, celle d’Adolphe Hitler grand vainqueur de la Seconde guerre mondiale.

 

Les dirigeants entretiennent dans les esprits l’idée que la vie est entièrement souterraine. La Terre n’étant plus un globe, la vie se trouvant en surface, mais l’inverse. Un retour au Moyen-âge savamment orchestré et régit par une sorte d’Inquisition nommée la Sainte-Vehme.

Sous l’impulsion d’hommes comme Arno von Hagen, l’astrologue Urien, et quelques autres, le Reich tremble sur ses bases, chancelle puis s’effondre.

Dans le dirigeable Certitude, premier volet d’une nouvelle série, nous retrouvons quelques-uns de ces héros, ou leurs descendants, quelques cinquante ans après les événements précités.

Au nord de l’Ecosse, un drôle d’engin en feu tombe du ciel. Seul un des membres de l’équipage survit pendant quelques temps, assez pour que des envoyés de Londres s’inquiètent. Ce dirigeable serait parti vers l’Amérique alors que le Reich était encore tout puissant à la recherche d’une hypothétique galerie conduisant hors de Terre.

Mais selon toute invraisemblance, les membres de cette expédition n’ont pas vieilli. Une mission est alors mise en place afin de découvrir qui se cache derrière ce mystère tandis que des fanatiques du Reich, des nostalgiques de cette sombre époque, semblent trouver un second souffle, une résurgence.

 

Encore un grand roman épique d’inspiration médiévale et uchronique mais également un roman d’aventures à trame historique qui devrait en passionner plus d’un. Et n’oublions pas que ce roman paru pour la première fois en 1990 n’a pas vieilli car la fièvre de l’Extrême-droite est de plus en plus prégnante de nos jours. De même que la résurgence nazie.

 

Alain PARIS : Le dirigeable Certitude. Le Monde de la Terre Creuse N°5. Collection Anticipation N°1749. Parution avril 1990. 192 pages.

ISBN : 2-265-04316-8

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26 février 2020 3 26 /02 /février /2020 05:49

Lorsqu’elle a aperçu le petit Manu pour la première fois ?

Lucie RAUZIER-FONTAYNE : Le sourire de Brigitte.

Dans la cour de récréation de la pension Bénézet, un internat de jeunes filles, c’est l’effervescence. Surtout autour du trio de chipies de la classe de quatrième. Claudie, la brunette aux nattes raides, la blonde Jacqueline et surtout la redoutable Françoise

Elles attendent avec impatience la nouvelle surveillante qui cumulera l’emploi de professeur de français. Quelle n’est point leur surprise lorsqu’elles découvrent qu’au lieu d’une revêche femme sèche, grognon et laide, c’est une jeune fille qui devra les encadrer.

Brigitte en effet vient tout juste d’avoir dix-huit ans et c’est son premier poste, personne d’autre n’ayant répondu à la petite annonce. La directrice la met en garde contre les trublions en jupes, mais Colette, un des jeunes collègues de Brigitte lui promet son soutien.

Brigitte a préféré venir dans cette petite ville du sud de la France qu’accéder à l’offre d’une vieille tante, qu’elle appelle Mamé et qui vit en Camargue, clouée dans un fauteuil de paralytique, afin de pouvoir s’assumer et de ne dépendre que d’elle-même. Depuis, la vieille dame refuse de la voir. Pourtant Brigitte s’obstine, lui écrivant des lettres d’excuses et d’explications, missives auxquelles Mamé ne daigne pas répondre. Brigitte a perdu ses parents alors qu’elle était encore jeune, et c’est sa marraine qui l’a élevée. Mais celle-ci vient de décéder et Brigitte se retrouve seule.

Les premiers contacts de Brigitte avec ses jeunes élèves n’augurent rien de bon, pour autant elle ne se décourage pas. Au contraire, elle s’est donné une mission qu’elle veut mener à bien. Eduquer et apprivoiser les rebelles. Toutes ne sont pas si chahuteuses et indociles, voire agressives. Priscille, par exemple, la jeune Malgache. Et grâce à ses questions anodines, Brigitte parvient à cerner le caractère de ses élèves.

La plupart sont des orphelines, ou n’ayant que des parents vivant très loin, ou encore ne pouvant s’occuper d’elles à cause de leurs activités professionnelles. Des gamines de douze à quatorze ans qui se sentent délaissées, rejetées du cocon familial. Il leur manque l’amour parental, la présence de personnes aimantes et compréhensives.

Lorsqu’elle se renseigne auprès de certaines de ses élèves, c’est par une légitime curiosité mais non par indiscrétion. Et afin de leur donner des occupations autres que des devoirs, elle leur propose de fonder un club, les Amies de la Nature. Et elle parlemente auprès de la directrice la possibilité de sortir le dimanche, non point en cortège dans la ville, mais à la rencontre de la nature. De recueillir des plantes et de les collectionner dans un herbier par exemple.

Cette proposition enchante la plupart de ces jeunes adolescentes. D’autres sont rétives mais devant l’enthousiasme des premières, bientôt elles sont une vingtaine à fréquenter ce club. D’ailleurs, une salle désaffectée au dernier étage du pensionnat leur est gracieusement prêtée, pièce qu’elles vont nettoyer, peindre, arranger à leur manière. Une réhabilitation qui ne peut que convenir à la directrice et aux membres du comité d’administration. Puis ce sera l’organisation d’une kermesse en fin d’année. Et surtout cette idée folle d’emmener ses jeunes élèves non loin de chez Mamé pour les vacances d’été, dans des bungalows près d’une manade dont Brigitte connait les propriétaires.

Car subsiste ce point noir, les non réponses de Mamé aux nombreuses lettres que Brigitte lui envoie. Heureusement, son cousin Vincent, un cousin éloigné, lui donne des nouvelles de Sylvestral, le mas où vit Mamé. Seulement l’armée l’a appelé, comme la plupart des jeunes de l’époque, et il effectue son service militaire.

Enfin le grand jour est arrivé et départ pour la Camargue… Brigitte a toujours su préserver son passé, aussi l’étonnement des gamines est à son comble lorsqu’elles aperçoivent un jour Brigitte se promenant librement à cheval dans un environnement qu’elle connait fort bien.

 

La bonne humeur règne dans ce roman, avec toutefois quelques passages émouvants. Un peu mièvre jugeront certains. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’adresse en priorité à des filles jusqu’à l’âge de quatorze ans, et que la première édition date de 1960.

Alors, le contexte est différent que celui qui nous entoure de nos jours, la société a évolué, pas forcément en bien, ni en mal, selon les appréciations de tout un chacun.

C’est également un roman social, et pour la jeune génération, un regard porté sur avant, comment c’était. De nos jours où le problème de la retraite et surtout de son financement, inquiète bon nombre de travailleurs, de politiques aussi mais pour des raisons pas toujours avouables, il est important de remarquer qu’une jeune fille d’à peine dix-huit ans pouvait être professeur de français dans un établissement privé, en n’ayant en poche que le baccalauréat et un certificat de licence. L’entrée dans le travail dit actif à un âge où les prétendants étaient jeunes. De nos jours il faut de longues études, en général Bac + 5, pour parvenir au même point, et les résultats enregistrés par les élèves ne sont pas toujours au rendez-vous.

 

Lucie RAUZIER-FONTAYNE : Le sourire de Brigitte. Illustrations de François Batet. Collection Idéal-Bibliothèque N°199. Editions Hachette. Parution 3e trimestre 1962. 192 pages.

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 05:16

En route vers la Géorgie !

Mais pas celle des Etats-Unis !

Les MARTIN : Indiana Jones Jr et la princesse fugitive

Juillet 1913. Comme il le prévoyait, Indy s’ennuie dans le train. Il voyage en compagnie de son père, le professeur Henry Jones, qui l’oblige à lire un ouvrage sur l’histoire des Etats-Unis d’Amérique alors qu’il préférerait se plonger dans Règlements de compte à O.K. Corral, un roman qu’il a emmené en cachette.

Ils se rendent en Géorgie, à la demande d’un mystérieux correspondant qui leur paie leur voyage et leurs frais occasionnés par ce déplacement jusqu’au bout de l’Europe. Mais d’abord ils doivent se rendre à Saint-Pétersbourg et enfin Indy trouve un intérêt à ce voyage ferroviaire. Une diversion leur est proposée car ils doivent changer de train.

En effet l’écartement des rails en Russie est différent de celui du reste de la ligne qu’ils viennent d’emprunter. Et, au grand plaisir d’Indy, ils vont finir le reste du trajet séparément et jouir chacun d’un compartiment. Seul ! Indy en salive d’avance. Il va pouvoir se plonger dans son livre préféré sans recevoir de réflexions désagréables de la part de son père. Sur le quai, des policiers demandent à vérifier le contenu des malles des voyageurs, quitte à les démolir si personne n’est là pour obtempérer.

Seulement, lorsqu’il veut s’assoir sur son lit, il réveille un jeune garçon qui s’était déjà installé. Des explications s’imposent et naturellement le jeune Ivan, qui semble effrayé, va pour entamer son récit alors qu’un policier est chargé de vérifier les passagers et leurs passeports. Heureusement le contrôleur qui le précède sauve Indy et son compagnon des griffes policières en précisant qu’il est le fils du professeur Henry Jones. Le célèbre professeur Henry Jones. Cela vaut mieux qu’un passeport.

Alors Ivan narre son épopée. Il étudiait en Suisse, et parle couramment le Français, l’Anglais et d’autres langues. Son père fait partie d’un groupe d’opposants au Tsar Nicolas II, un tyran, mais il a été arrêté, dénoncé par une taupe infiltrée dans l’organisation. Indy explique que lui et son père se rendent en Géorgie, après une courte étape à Saint-Pétersbourg. Au nom de Géorgie, Ivan se trouble.

Indy propose alors à Ivan de l’aider jusqu’à leur destination russe, et son père, toujours plongé dans ses grimoires et autres lectures, accepte d’autant que la courte conversation qu’il a avec Ivan l’amène à penser que la présence de ce compagnon qui est fort éclairé sur la Russie ne pourra qu’être bénéfique à l’édification de son fils.

A Saint-Pétersbourg, Indy décide de visiter la ville en compagnie d’Ivan mais bientôt ils se rendent compte qu’ils sont suivis par deux barbus. Ils parviennent à leur échapper non sans mal et Ivan rejoint son lieu d’hébergement.

Le professeur Henry Jones a rendez-vous avec un nommé Kipiani, son généreux correspondant qui doit le conduire jusqu’à Tiflis voire plus loin, afin que le professeur Henry Jones puisse effectuer des recherches historiques et rédiger un livre. C’est là qu’Indy est confronté à la surprise de sa jeune existence. En effet Kipiani leur présente une jeune fille qui doit effectuer le voyage en leur compagnie. Elle s’appelle Tamara, en référence à Tamar, une ancienne reine de la Géorgie. Or, Tamara n’est autre qu’Ivan !

 

Naturellement Indy va vivre des aventures palpitantes, périlleuses, en Géorgie et jusqu’à Bakou, en compagnie de Tamara. Car Tamara est destinée à régner de par son ascendance.

Roman d’aventures dont le jeune Indiana Jones, dit Junior par son père, appellation qui ne lui convient guère et le hérisse parfois, est le héros, mais également roman historique

En effet, Les Martin, qui a écrit de nombreux romans dans la série Indiana Junior ainsi que pour la série juvéniles X-Files, ne se contente pas d’écrire les péripéties subies par son jeune héros, mais il revient souvent sur l’histoire de la Russie, de la Pologne, de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan, notamment la révolte de 1905, et sur les différentes religions de ces pays, dont le Zoroastrisme.

Plaisant et didactique mais sans être pour autant d’une pédagogie barbante, Indiana Junior et la princesse fugitive est une plongée intéressante dans la jeunesse d’Indiana Jones dont la vocation est déjà d’être archéologue. Cette histoire a été publiée en 1991, soit quelques mois après la démolition du mur de Berlin et au moment de la dissolution de l’URSS, revenant sur quelques faits marquants. Ce qui constitue l’une des missions du professeur Henry Jones, sur les instances du Géorgien Kipiani :

 

Le gouvernement russe, qui nous a annexés voici un siècle, s’acharne à nous faire oublier notre passé. Il veut nous persuader que nous sommes des Russes et non des Géorgiens. Il nous ment sur ce que nous sommes, et il veut nous faire vivre dans le mensonge ! C’est pourquoi je tiens à ce que vous découvriez la vérité, et je compte sur vous pour l’écrire dans un livre. Que notre peuple retrouve la mémoire de son glorieux passé !

 

Une demande, un souhait qui animent encore aujourd’hui de nombreux pays de par le monde, ayant eu à subir invasions, annexions et colonisations.

 

Les MARTIN : Indiana Jones Jr et la princesse fugitive (Indiana Jones and The Princess of Peril – 1991. Traduction de Stanislas de Thou). Illustrations d’Erik Juszezak. Collection Bibliothèque Verte Série N°582. Editions Hachette. Parution février 1992. 160 pages.

ISBN 9782010188381.

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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 05:28

Le Chaos, c’est pour demain ?

Maurice LIMAT : Les enfants du chaos.

L’entente cordiale ne règne pas à bord du Spationef 27. Le point de divergence entre le capitaine Hugues, le commandant du vaisseau spatial, et Patrice Marcus, le chef de la mission scientifique, réside en un immense maëlstrom qui vient de surgir devant leurs yeux.

Ils sont aux confins de l’infini, non loin de Volune-la-morte, et après il n’existe plus rien. Le vide qui se concrétise par un immense puits dont ils ne savent rien. Ce qui est normal puisque théoriquement ils ont atteint la dernière constellation. Le bout du Monde.

Le capitaine Hugues veut savoir ce qu’il y a après ces soleils morts et dans ce puis sans fond. L’attrait de l’inconnu, du vide, du néant peut-être. La direction du Spationef ne répond plus malgré les efforts de l’équipage qui ne contrôle plus rien. C’est un peu le début de la panique à bord. Seul Dorian, l’Artiste chargé de relever en reliefcolor les divers aspects des planètes visitées, n’a pas l’air affolé. Il est un peu dans les nuages.

L’engin s’enfonce dans le vide, inexorablement. Les membres de l’équipage, ainsi que Hugues et Pat, sombrent dans un évanouissement dont ils ne sortent que péniblement. Pendant ce temps les robots du spationef ont suppléé la défaillance humaine. Pat suggère de mettre en action les fusées, avec le risque de tout faire exploser, ou de projeter le vaisseau spatial hors du gouffre.

L’expérience avorte mais ils ne savent plus où ils se trouvent. Peut-être dans le puits de l’espace. Toutefois Pat se rend compte que ce que ses compagnons voient à travers les hublots ne correspond pas forcément à ce que lui distingue. Alors il décide de sortir seul dans l’espace à bord d’une soucoupe et d’abord il aperçoit d’autres soucoupes évoluant au loin. Puis ce sont d’autres images qui se présentent à ses yeux ébaubis.

Bientôt il se rend compte que ces images ne sont que le reflet de sa pensée. Il prélève un peu d’atmosphère dans une éprouvette et rentré à bord, il confie ses impressions ainsi que son prélèvement. L’un des scientifiques embarqués parvient à produire une sorte d’algue dans un bocal !

Dans la seconde partie de ce roman, sur Volune qui n’est plus la morte mais la vivante, des androïdes évoluent. Ils sont asexués et ne ressentent aucun sentiment, au début. Car bientôt ils perçoivent une forme de monstre qu’ils sont incapables de définir. Ils ont peur. Ils attendent impatiemment la venue de Dieux qui pourraient résoudre leur problème.

Ceux-ci arrivent et ce ne sont autres que le capitaine Hugues, Pat Marcus et leurs compagnons qui ont réussi à créer ces androïdes.

 

Ce roman qui soulève l’éternel problème que celui qui de la poule ou de l’œuf s’est manifesté en premier, est une parabole sur l’infini et s’il existe un fin, qu’existe-t-il après. De même qu’après le Zéro, on peut décliner une suite, on peut pareillement calculer ce qui est avant le Zéro. Mais jusqu’où ?

L’infini cosmique n’a pas de barrière, et ce qui intrigue les Hommes, c’est de savoir quand ça finit, comment, et ce qu’il se cache derrière. Mais ce n’est pas uniquement ce sujet qui préoccupe Maurice Limat. En effet la conception de la création de l’Homme est un sujet qui dépasse les scientifiques et dont la Bible tente d’offrir une explication pas convaincante mais absorbée par tous ceux qui ont suivi au départ le catéchisme et qui est prolongée par la rhétorique religieuse.

Les Voluniens, des androïdes identiques ne se distinguent que par la fonction qu’ils occupent dans la hiérarchie sociale et leur nom n’est composé que de chiffres, éventuellement associés à des lettres. Les dirigeants sont les Technocrates et portent le numéro 1 et la suite. Mais tous se conduisent en zélateurs de cette religion nouvelle qu’ils se sont imposés en désignant leurs créateurs comme des Dieux.

Pour son deuxième roman dans la collection Anticipation du Fleuve Noir, Maurice Limat aborde un sujet sensible, tout en restant dans le cahier des charges de la collection à l’époque : les voyages interplanétaires. Outre cette histoire d’infini qui ne se termine jamais, il y a l’aspect, souvent développé en littérature populaire : la création d’humanoïdes. L’homme devenant un Dieu auprès de ses créations, et comme dans le poème de Goethe, mis en musique par Paul Dukas, puis adapté notamment par Walt Disney dans une séquence du film Fantasia, mais se conduisant en Apprenti sorcier.

Un livre beaucoup plus profond, presque philosophique et métaphysique, que ceux auxquels Maurice Limat nous avait habitués dans ses productions en petits fascicules. Le lecteur assiste à la naissance d’un nouveau Limat, plus sérieux, plus proche des préoccupations, plus littéraire presque. Et si ce roman avait été signé par l’un des romanciers américains ou britanniques qui sont reconnus comme des maîtres de la science-fiction, nul doute que bon nombre d’intellectuels auraient crié au chef d’œuvre. Ne poussons pas le bouchon si loin, mais Maurice Limat offre des perspectives de réflexions intéressantes.

Maurice Limat reste lucide et humble en ce qui concerne la littérature populaire, et dans ce cas en littérature de science-fiction, dans ce roman qui date de 1959 :

 

Ils se demandaient si c’était un conte de fée, un de ces romans poético-fantaisistes qui sévissaient encore, relents d’une littérature dite d’anticipation et que le mouvement de l’Univers avait depuis longtemps rejeté à la poussière des bibliothèques.

 

Réédition : collection Les Maîtres français de la science-fiction N°19. Editions Fleuve Noir. Parution octobre 1989. 192 pages.

Réédition : collection Les Maîtres français de la science-fiction N°19. Editions Fleuve Noir. Parution octobre 1989. 192 pages.

Maurice LIMAT : Les enfants du chaos. Collection Anticipation N°141. Editions Fleuve Noir. Parution juillet 1959. 192 pages.

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8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 05:05

La romance d’Eros ou du héros ?

Frédérique TRIGODET : Romanceros.

Trois nouvelles, trois tranches de vie, trois histoires simples qui démontrent que souvent en peu de lignes, on peut écrire des textes émouvants sans se perdre dans de longues circonvolutions.

Et Frédérique Trigodet prouve, à ceux qui du haut de leur suffisance déclarent qu’ils n’aiment pas tel genre et que d’ailleurs ils n’en lisent jamais, que les romances peuvent procurer du plaisir littéraire. Et même se montrer plus subtiles que des textes édités par des maisons d’éditions placées sur le haut du pavé.

Et lorsque j’ajouterai que ces trois nouvelles ont eu l’heur de paraître dans un hebdomadaire féminin, Nous Deux en l’occurrence, ces mêmes chroniqueurs devraient réviser leur jugement négatif et s’intéresser à un pan de la littérature au lieu de la dédaigner sans la connaître. Des préjugés qui ne devraient pas être de mise et qui démontrent une intolérance inacceptable.

Mais et si nous abordions le vif du sujet ?

 

Dans Cœur perdu dans les dunes, nous faisons la connaissance d’une quinquagénaire qui est victime de troubles de surmenage, d’épuisement professionnel (Burn-out, en français). Le boulot d’abord, car elle a hérité des dossiers en instance depuis quelques mois à cause d’une collègue absente. Et puis avec Alex, son mari, ce n’était plus ça et il s’est installé dans un petit chez lui, en attendant la vente de leur maison. Une accumulation de petits faits qui lui sont tombés dessus, et la fatigue s’est installée entraînant le dégoût de tout.

Alors elle a décidé de changer d’air et de passer un certain temps dans un mobil-home au bord de la mer. Elle sort tous les jours aspirant avec volupté l’air du large, et lit beaucoup. Le gérant du camping, un jeune homme, assez bavard, et sa femme ne sont pas débordés en ce mois de novembre. Sophie est invitée à une petite soirée regroupant les quelques personnes qui résident au camping, une façon comme une autre de s’intégrer dans la petite communauté. Et c’est ainsi qu’elle remarque un homme seul, Erik. Ils vont se revoir…

 

Marin, dit Marin des montagnes, devait tenir un gîte rural. Un projet qui tombe à l’eau car depuis que Samantha, sa compagne, est partie avec un berger, il n’a plus envie de recevoir des touristes. Alors il procède aux annulations, le cœur gros. Et il s’occupe comme il peut, coupant du bois, en prévision de l’hiver prochain, son esprit obnubilé par Sam. Une femme dans sa vie, cela ne s’efface pas d’un coup de gomme. Un jour, une jeune femme se présente. Elle n’a pas reçu le courrier dénonçant la location. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’était son ami qui avait procédé aux démarches. Mais il l’a quittée et elle a tenu à se rendre quand même sur les lieux où ils devaient passer leurs vacances.

 

Découvrir sur sa boîte aux lettres un petit bout de papier sur lequel est inscrit en petites lettres : Vous êtes la femme de ma vie ! n’est pas sans intriguer Anaïs, une jeune fille habitant dans un studio d’un immeuble lyonnais. Elle n’est pas chômeuse mais en recherche d’emploi, et donc elle ne roule pas sur l’or. Heureusement, sa logeuse est une amie de sa grand-mère, ce qui déjà est un avantage, de plus elle s’entend bien avec Ginette. Donc elle lui en fait part. Mais elles ont beau recenser les autres locataires de l’immeuble, elles ne voient pas qui pourrait s’amuser à déclarer sa flamme à Anaïs. Les petits mots doux se collent sur des Post-it d’amour.

 

Trois nouvelles, qui si elles sont publiées dans la collection Culissime restent chastes, ou alors légèrement sensuelles. D’ailleurs elles sont cataloguées Romance rose, premier degré sur l’échelle des valeurs de cette collection. Ce qui pour moi est nettement plus intéressant que de lire des textes trop évocateurs, pour ne pas dire suintant de liquide séminal, préférant être acteur plutôt que voyeur.

Frédérique Trigodet s’attache à ses personnages, comme si elle les connaissait intimement, et par contrecoup le lecteur aussi. Il est happé par ces textes agréables, à l’écriture soignée, dans des atmosphères parfois insolites mais pourtant si proches de l’aspiration de bien des personnes recherchant le calme ou la tranquillité ou vivant dans un immeuble qui n’est pas l’HLM de Renaud. Et le lecteur peut prolonger ces nouvelles selon sa sensibilité et sa logique particulière.

Un moment de plaisir et de détente qui pourtant emprunte à la vie ordinaire, quotidienne de tout un chacun. Et la démonstration que se montrer hautain envers des textes publiés dans des magazines dits féminins n’est pas de mise, alors que souvent on y trouve des textes prometteurs, dus à des auteurs tout autant talentueux.

 

Sommaire :

Cœurs perdus dans les dunes. Publié dans Nous Deux N°3775 du 5 novembre 2019 sous le titre : Rencontre sans paroles.

Marin des montagnes. Publié dans Nous Deux N°3656 du 25 juillet 2017 sous le titre : Un exil volontaire.

Post-it d’amour. Publié dans Nous Deux N°3739 du 26 février 2019 sous le titre : Petits messages d’amour.

Frédérique TRIGODET : Romanceros. Trois nouvelles numériques. Collection Culissime. Editions SKA. Parution 1er février 2020. 34 pages. 2,99€.

ISBN : 9791023407990

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5 février 2020 3 05 /02 /février /2020 05:48

Cicatrices m’étaient contées… et comptées !

François-Bernard TREMBLAY : Sutures.

Pour parodier un célèbre présentateur des informations à la télévision, qui aurait pu être surnommé Gai-Luron, Montréal a peur !

Enfin presque, parce que la psychose ne s’est pas déclarée, les journalistes n’étant pas encore au courant des faits qui viennent de se dérouler.

Une jeune femme qui émerge d’un étourdissement prolongé est allongée dans une ruelle. Elle ne reconnait pas les lieux et pourtant elle essaie de se déplacer. Elle souffre et personne n’est là pour l’aider. Enfin elle reconnait qu’elle est dans un passage situé juste derrière son immeuble. Elle parvient chez elle, non sans peine, et en se déshabillant elle se rend compte qu’elle a une énorme cicatrice sous le sein. Elle est transportée à l’hôpital. Un lobe de poumon a été prélevé.

Un SDF est lui aussi récupéré dans un quartier déshérité et emmené à l’hôpital, les toubibs ne peuvent que constater que lui aussi porteur d’une cicatrice. Comme si on lui avait oté un rein.

Nick Jarvis et sa coéquipière, et maîtresse occasionnelle, Julie Montpetit, sont chargés de cette enquête pour le moins inhabituelle. S’ils peuvent interroger la jeune femme, Maggie Lemieux, le SDF lui s’échappe de l’établissement sans pouvoir expliquer ce qui lui est arrivé. Maggie elle, et c’est le mieux qu’elle peut faire, s’est rendue compte qu’elle a été absente de chez elle, et dans les vaps, durant quatre jours.

Nick Jarvis demande à l’un de ses indics, un nommé La Fouine, de retrouvé le SDF enfui. Mais la découverte d’un cadavre, dans une partie boisée, et portant le même genre de cicatrice, les amène à se demander si une légende urbaine ne serait pas devenue réalité.

En effet quelques années auparavant, un certain docteur Frankenstein sévissait dans Montréal selon quelques sources. Et devant cette accumulation de faits tangibles, il se pourrait qu’effectivement un chirurgien-transplanteur se dissimule derrière ces amputations.

Alors il leur faut recenser les noms de tous les hôpitaux et cliniques, des praticiens susceptibles d’être en capacité de réaliser de telles opérations, relever à l’étranger des cas similaires, s’accrocher au moindre détail, à la moindre information. Comme ce bout de papier comportant un numéro de téléphone trouvé près du cadavre inconnu.

 

Et il se pourrait que d’autres personnes soient susceptibles de passer sous le bistouri de ce (ou ces) chirurgien-transplanteur. Nick Jarvis et Julie Montpetit sont sur le pied de guerre de même que quelques-uns de leurs collègues et attention à ne pas déraper dans les flaques de sang.

François-Bernard Tremblay aborde un sujet sociétal et médical avec sensibilité et pudeur. Alors que certains de ses confrères se seraient complus à décrire en long, en large et en travers, les interventions chirurgicales, il s’attache aux victimes et aux différents personnages qui gravitent dans cette intrigue parfaitement élaborée.

Des personnages, dont L’Exterminateur, s’installent dans ce roman et au début on ne sait pas quel rôle exact ils jouent. Peu à peu cela se décante, leur implication se trouve plus définie jusqu’à ce que l’enquête aboutisse, non sans mal.

Le thème de la greffe humaine n’est pas un sujet récurrent dans la littérature noire et policière. Et l’on découvre tout un pan de cette pratique souvent placée sous silence. Un peu moins maintenant en France que chaque individu est potentiellement un donneur. Mais ce n’est pas le cas partout. Et il existe des trafics d’organes prélevés volontairement, avec une rétribution parfois conséquente, mais aussi prélevés disons de force et les sujets choisis ne s’en relèvent pas toujours.

Un véritable marché parallèle dont peu de gens ont conscience, car la réglementation varie d’un pays à un autre. D’ailleurs le lien ci-dessous saura mieux éclairer le lecteur que je ne pourrais le faire :

Un sujet sensible traité avec humanisme par François-Bernard Tremblay, professeur de littérature au Québec, dont c’est le premier roman policier, mais pas sa première publication.

Pour en savoir un peu plus sur cet auteur :

François-Bernard TREMBLAY : Sutures. Une aventure de Nick Jarvis. Editions de Mortagne. Parution 23 décembre 2019. 342 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2896628902

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2 février 2020 7 02 /02 /février /2020 05:53

Fais comme l’oiseau…

R. & R. BOREL-ROSNY : T’as vu ça d’ta fenêtre !

Pensait-elle que sa carrière allait décoller en se jetant par la fenêtre, rien n’est moins sûr.

La pauvre Gina de Sarlande, jeune chanteuse pleine d’avenir est projetée du cinquième étage et s’écrase sur le bitume. En général, on ne s’en relève pas. C’est Rosette, dite Rosie, qui en voulant baisser le store de la fenêtre de sa chambre d’hôtel sise au quatrième étage, a aperçu le corps tomber alors que deux mains poussait Gina. Du moins c’est ce qu’elle déclare à Maxie les Belles dents, son compagnon qui se prélasse sur le lit en se plaignant de la chaleur de ce mois de juin.

Les policiers, arrivés rapidement sur place, pensent d’abord à un suicide. La porte est fermée de l’intérieur, c’est le taulier, le gardien des clefs, qui leur ouvre. Nouvelle surprise, la fenêtre est fermée ! Le meurtre semble indiscutable. Mais comment à pu réaliser son forfait le meurtrier que nul n’a aperçu. Ni Rosie, entraîneuse dans un cabaret, ni Maxie qui se fait entretenir et entretenait des relations douteuses avec Gina, ni Albert Lepreux, l’hôtelier, ni Zulma sa compagne qui vaquait au rez-de-chaussée. Les complications de ce genre sont réservées à la Criminelle et l’inspecteur Tiburce est chargé de cette enquête.

Il commence ses investigations en s’entretenant avec Rosie, qui a aperçu de sa fenêtre le vol plané, ainsi que Maxie qui était vautré sur le lit. Rosie le soupçonne d’avoir eu des relations avec la défunte, mais il ne peut être coupable puisqu’il était dans sa chambre en compagnie de Rosie, qui est sure de reconnaitre les bras qui empoignaient Gina. Puis Tiburce interroge Albert Lepreux, le patron des Deux cigognes, l’hôtel où s’est déroulé le drame, et sa compagne Zulma, une forte femme. Il est notoire qu’Albert se rendait assez souvent dans la chambre de Gina pour régler certains problèmes, ce qui attise la vindicte de Zulma. Toutefois Albert résout une partie de l’énigme de ce possible meurtre en chambre close.

Il remarque le manège d’une toute jeune fille aux cheveux courts qui traîne dans les environs de l’hôtel puis à la brasserie où Tiburce déguste une choucroute en compagnie de Fredy Marlin, un ami souvent en délicatesse avec les forces de l’ordre. La gamine s’éclipse et Tiburce aimerait lui poser quelques questions aussi charge-t-il Fredy de la retrouver, ce qui n’est guère difficile à cet habitué de Saint-Germain-des-Prés.

La gamine récupérée par Fredy et amenée à la brasserie afin de ne pas l’effaroucher, confie à Tiburce qu’elle s’appelle Pierre – choix de son père poète méconnu et aux idées baroques, surnommé l’homme aux chats puisqu’il en possède neuf qu’il promène souvent en laisse – et sa sœur avait, elle, été prénommée Trujillo. Mais celle-ci avait changé de nom adoptant le nom de scène de Gina de Sarlande. Quant à leur mère, elle est partie dix ans auparavant avec un noir, abandonnant le foyer familial.

Alors Tiburce continue son enquête mais en dilettante, mais comme il est pris par ailleurs il demande à Fredy de le suppléer dans ses recherches, ce que le jeune homme fait avec plaisir et pugnacité. D’autres personnages s’immiscent dans cette intrigue, dont un jeune qui fréquentait Gina mais dont Pierre est amoureuse.

 

Le couple Robert et Raymonde Borel-Rosny propose une enquête qui s’avère simple dans l’esprit du lecteur, qui est persuadé connaître l’identité du coupable. Mais la solution à triple détente offre un épilogue inattendu et bien amené prenant à contre-pied le lecteur.

Saint-Germain-des-Prés du début des années cinquante sert de décor, époque aujourd’hui révolue mais qui génère quelque nostalgie.

Evidemment au moment de sa parution, ce roman n’avait pas ce côté historique, mais plus de soixante ans plus tard il devient un témoignage permettant de se remémorer un pan de la capitale réservé aux artistes en tout genre, même si cela n’est abordé que par la frange sans appesantir le récit. Les auteurs décrivent ce qu’ils observent, le vivant de près.

 

Les cafés grouillaient d’une populace miteuse et ne recélaient rien dans leurs salles enfumées que des tas de petites filles aux pantalons collants […] et des garçons aux pantalons identiques, tout aussi collants sur les fesses. Ce qui différenciait les garçons des filles, c’était la longueur des cheveux. Seulement, les garçons avaient les cheveux trop longs dans le cou et les filles trop courts. Presque tondus, ils mesuraient à peine un centimètre. De quoi déconsidérer à tout jamais le cher J.-P. Sartre, et aussi Gréco qui avait lancé la mode des mèches raides et sales qui descendent jusqu’à la taille.

 

R. & R. BOREL-ROSNY : T’as vu ça d’ta fenêtre ! Collection Le Verrou N°69. Editions Ferenczi. Parution juin 1953. 96 pages.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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