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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 07:39

La forêt qui murmurait à l'oreille du gendarme...

Patrick ERIS : Les arbres, en hiver.

Une semaine parfois c'est long, surtout lorsqu'on attend un événement, de préférence heureux.

Une semaine, ce n'est rien comparé à une espérance de vie de, soyons modeste, soixante-quinze ans. Cela ne représente qu'une semaine sur près de quatre-mille que nous serons sur Terre, et quelques fois dans la Lune.

A sept ans, le narrateur s'est perdu dans les bois, dans le Jura, une semaine à déambuler et vivre en osmose avec l'air, les plantes, les animaux, une communion qui pourrait ressembler à celle qu'a pu enregistrer Mowgli, l'enfant de la jungle de Rudyard Kipling ou Greystoke, le Tarzan d'Edgar Rice Burroughs. Lorsqu'il a été retrouvé et ramené à ses parents, l'enfant a ressenti comme un manque, un vide. Il avait perdu ses amis qu'il s'était forgé durant une semaine.

Les années passent. L'enfant grandit, vieillit, va à l'école, obtient ses diplômes, et entre à la gendarmerie, comme son père, et obtient de rester sur place chez lui dans le Jura. Mais il est différent, ne se sentant pas à l'aise en compagnie, solitaire avec ancré dans l'esprit sa forêt qui lui manque. Il y retourne parfois afin de se vivifier le cerveau.

A la gendarmerie de Clairvaux-les-Lacs, les effectifs sont réduits, Garonne a pris sa retraite deux mois auparavant et il n'a pas été remplacé, réduction du budget oblige. Il ne reste donc que Caro, une autochtone comme lui, et Serge. Le Scooby Gang.

 

Un horrible crime vient d'être découvert dans une petite ferme des environs. C'est un voisin intrigué par une fumée annonçant un début d'incendie qui a prévenu la maréchaussée. La scène de crime est comme une représentation pour le Musée Grévin. Quatre personnes, le père, la mère et les deux adolescents, un garçon et une fille, égorgés, habillés normalement et attachés sur leurs chaises devant la table de la cuisine.

Ce n'est pas le premier massacre ainsi perpétré. Une semaine auparavant, près de Saint-Claude, le préposé à la distribution du courrier, en langage clair le facteur, a découvert une famille, deux adultes et un ado attachés et placés devant la table de la salle à manger. Les coups de couteau assenés ne se comptent plus, ou alors il faut du temps.

Mais qui peut s'intéresser à ces deux faits divers d'hiver, qui se sont déroulés dans un coin perdu de la province française ? Sûrement pas les médias car sévit un jeu à la télévision qui accapare l'attention de la population. Un jeu débile de téléréalité avec des concurrents pas très futés, et cela fait des années que ça dure. Et pour donner du piment à ce jeu, les téléspectateurs peuvent parier sur l'un ou l'autre des rivaux, et naturellement l'appât du gain entretient l'intérêt dans les chaumières, dans les cafés, à la télé, dans les journaux.

Seul le journaliste local suit la progression de l'enquête par les gendarmes livrés à eux-mêmes, car les autorités compétentes et la capitale ont d'autres préoccupations en tête. Economiser dans tous les domaines étant le maître mot. Les ordinateurs rament sauf lorsqu'ils se plantent, le véhicule de fonction devrait être à la retraite depuis longtemps, et la caserne, comme bien d'autres, est insalubre. L'avantage est de pouvoir vivre chez soi, et faire taire les mauvaises langues (si, si , ça existe !) qui considèrent que le logement gratuit était un privilège éhonté et exorbitant.

Il faut au gendarme et ses deux collègues essayer de dénicher le lien entre ces deux, non trois, drames. Car un nouvel assassinat de groupe est signalé près de Macon. Les modalités ne sont pas tout à fait les mêmes, le meurtrier ayant employé une arme à feu à la place du couteau, tout de même moins bruyant.

C'est le journaliste ami du gendarme qui met le doigt sur le lien existant entre ces trois affaires. Du moins le suppose-t-il. Mais le tueur n'apprécie pas que l'on s'occupe de ses petites affaires de meurtres en série.

 

Patrick Eris nous propose deux pistes de lectures dans ce roman. L'appel de la nature, l'appel de la forêt, symbole cher à Jack London, qui scande la vie du gendarme, lequel se rend dans ce refuge boisé afin de se ressourcer, de réfléchir, de se recomposer, de communier en paix.

Mais également Patrick Eris, dans ce roman légèrement anticipatif, la date n'est pas précisée, dénonce la déliquescence, la dégénérescence de la société plus passionnée par un jeu de téléréalité que par les affaires graves qui la secoue.

Les moyens octroyés pour enquêter sont réduits au strict minimum. L'on ne peut même pas parler de portion congrue, puisque la définition de portion congrue est quantité de ressources versées mais qui est à peine suffisante pour vivre. Dans ce cas, les ressources financières et les aides en logistique et en matériel sont réduites à néant.

Laisser pourrir pour ensuite obtenir sans trop de remous ce qui a toujours été le but du jeu est une vieille tactique à laquelle les politiciens sont rompus.

L'auteur aborde également un sujet d'actualité, touchant de nombreuses communes françaises. La Poste et son désengagement dans le courrier. Il n'y a qu'à lire les compte-rendu dans les quotidiens locaux actuellement.

Ce facteur que les décideurs des villes voudraient voir supprimé au nom de la modernité.

Et bien entendu le problème de l'information mâchée, formatée, est abordé.

La forêt est la parabole du silence, de la quiétude, de la paix, de la sérénité, du retour vers des choses moins frelatées que la politique (par exemple). Le gendarme y retourne souvent avec en tête les variations Goldberg qui lui permettent de se déconnecter d'une réalité trop anxiogène.

 

Retrouvez les avis de deux amis, spécialistes qui plus est...

Patrick ERIS : Les arbres, en hiver. Meurtres en série dans le Jura. Collection Zones Noires. Editions Wartberg. Parution le 3 octobre 2016. 214 pages. 12,90€.

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5 octobre 2016 3 05 /10 /octobre /2016 08:26

Une famille décomposée...

Cicéron ANGLEDROIT : Qui père gagne.

Détective privé, d'argent mais pas d'ambition ni de femmes, Cicéron Angledroit est tout surpris que le commissaire Saint Antoine lui confie une mission.

Ce n'est pas vraiment un ami, tout juste un copain, une relation privilégiée qui lui amène parfois des affaires que ses hommes ne peuvent résoudre, mais là, que le commissaire Saint Antoine lui demande d'enquêter sur la vertu de sa femme, il en reste comme deux ronds de flan notre sympathique Burma de banlieue.

Saint Antoine entretient des soupçons sur la fidélité de sa quinquagénaire d'épouse qui travaille au service relationnel de la mairie. Cicéron ne peut refuser, et il s'attelle à la tâche, pas trop difficile ni compliquée. Il suit la dite gente dame qui effectivement se rend dans des hôtels, le Grabhôtel à Rungis, le Break and Baise d'Alfortville, mais il se rend bien vite compte que ces démarches ne sont effectuées que pour permettre à des personnalités en déplacement de trouver un hébergement. Pour le reste, ceci ne le regarde pas, le commissaire non plus et l'honneur de l'épouse est sauf.

Cicéron n'a jamais connu son père. Un appel téléphonique émanant de Paul Automne, un vieil ami de la famille, va lui donner l'occasion de démontrer ses talents et le plonger dans des affres propres à lui faire tourner le ciboulot. Paul Automne chantait dans les cabarets, un répertoire qui allait de Brel à Perret, mais il a raccroché son micro depuis quelques années. Paul qui venait de temps à autre chez lui, quand il était gamin, et longtemps Cicéron a même cru qu'il était son père. Et puis, les années passant, ils se sont perdus de vue.

Paul Automne, qui est près de l'hiver, lui annonce qu'il est dans la merde (en français dans le texte et sans en changer un mot), mais ce qui tourneboule Cicéron, c'est que le vieil homme l'appelle mon fils. Pourtant il n'est pas curé. L'âge ou l'émotion peut-être. Rendez-vous est pris pour le lendemain dans la matinée. Toujours à l'heure Cicéron, mais c'est pour tomber sur le commissaire Saint Antoine et constater la présence de voitures de police, gyrophares en action.

Paul Automne ne dira pas ce qui le turlupinait. Il est mort d'un excès de courants d'air, une trentaine de balles dans le corps, plus deux dans la tête et le cœur, au cas où. Ce ne peut être un suicide. Donc la thèse du meurtre est privilégiée. Double effet qui secoue, vous savez comme dans la pub pour un soi-disant bonbon, c'est lorsque Cicéron apprend que Paul Automne ne s'appelait pas ainsi mais tout bonnement Angledroit, comme lui. Et ce n'est pas une coïncidence. Automne n'étant qu'un nom de scène. Cicéron hérite donc d'un père, mort.

Comme il est reconnaissant pour toutes les bontés qu'avait pratiquées le chanteur en retraite, Cicéron va enquêter sur le meurtrier, en marge du commissaire Saint Antoine, mais aidé par ses amis, Momo et René.

Débute une histoire tragi-comique, avec quelques scènes croquignolettes dont il serait dommage que je vous en révèle la teneur. Sachez toutefois qu'un autre cadavre va être découvert, que des photos prises à Créteil vont intriguer le commissaire et Cicéron, séparément tout en trouvant ensemble dans le même lieu, et les mettre sur la piste d'objets pieux made in China et autres aventures plus ou moins épiques.

 

Bien entendu, ce roman fait insensiblement penser à l'écriture san-antonienne, mais pourtant il ne s'agit ni d'une parodie, d'un pastiche, ou d'un ouvrage apocryphe. Juste un hommage. Cicéron Angledroit fait de l'Angledroit, même s'il affiche ouvertement ses références livresques. Ainsi, outre le commissaire Saint Antoine, notre détective-narrateur a une petite fille, Elvira Angledroit (Vous avez remarqué le jeu de mot ?), dont la mère est partie et qui est élevée par sa grand-mère, c'est à dire la mère de Cicéron. Une de ses voisines se prénomme Félicie, aussi, quant à ses deux compères, René et Momo, ce sont presque les fidèles reproductions de Bérurier et de Pinaud. Presque car si René est un adepte dipsomane de la bouteille sous tous goûts et couleurs pourvue que son contenu soit alcoolisé, il est employé à l'Hyperpascher comme ramasseur de chariots. Momo, manchot depuis un attentat, vend Le Belvédère, journal des SDF, à la sortie du magasin et il réfléchit plus qu'il parle.

Cicéron vit et travaille surtout en banlieue sud de Paris, dans le Val de Marne principalement. Il aime les femmes qui le lui rendent bien. Ne parlons plus de son épouse, mais de Brigitte la pharmacienne, qui le convie à d'agréables passe-temps, de Monique qui est enceinte des œuvres charnelles de Cicéron mais vit avec Carolina, ayant une tendance déclarée mais non prohibée à sacrifier au rite de Lesbos. Et puis il ne faut pas oublier Vaness' R'messa, l'adjointe de Saint Antoine, qui démontre à notre héros qu'on peut prendre son pied avec justement ce bout extrême de membre inférieur délicatement manipulé (ou pédiculé puisque manipulé c'est avec la main).

 

Cicéron ANGLEDROIT : Qui père gagne.

Cicéron Angledroit pratique l'humour avec sérieux et inversement proportionnel. Il existe entre lui et le lecteur une connivence de bon aloi qui n'est pas sans rappeler son illustre prédécesseur en littérature. Il s'amuse à évoquer certaines personnalités publiques et à déformer les propos, jouant avec les mots et les situations, surtout lorsque c'est René qui s'exprime. Et comme les grands esprits se rencontrent, tout comme Frédéric Dard, il apprécie Céline, mais aussi Léo Malet (avec un seul L, malgré ce qui est noté en quatrième de couverture et même si avec deux L on s'envoie mieux en l'air). Et il ya bien une légère corrélation avec Burma chez Angledroit, celui de la tendresse et du goût de la liberté, un petit côté ronchon parfois et naïf à la fois. Seulement Angledroit ne boit pas ou rarement, le plus souvent du café sans sucre, il ne fume pas, il ne parle pas pour ne rien dire mais il baise* la vie et les deux mains de ses amies complices et compagnonnes.

Un remède à la morosité dont il faudrait user plus souvent, car ne nuit pas grave à la santé.

* Dans le sens de donner une bise, embrasser étant le plus souvent employé mais dont le sens primaire est tenir dans ses bras. Je ne voulais pas vous laisser croire à une quelconque salacité dans mes propos.

 

Pour illustrer certaines de mes assertions dans l'antépénultième paragraphe :

Comment qu'elles ont pu faire ? Elle a dû se faire faire une infécondation vitrée.

Par exemple, vous connaissez Christiane Boudin, la député intégriste ?
Oui, bien sûr...
Eh ben il lui a inculqué (verbe choisi) la sodomie. Ça vous étonne, hein ?
En effet !
Mais c'est inutile de le mentionner dans votre article. Et Micheline Amiot-Larry, vous voyez qui c'est ?
Oui, l'ancienne ministre.
C'est ça ! Eh ben, elle, il l'a fait se prostituer dans le bois de Meudon. Avec une perruque, elle ne voulait pas qu'on la reconnaisse. Voilà, c'était ça, Paul ! Un artiste, un conceptuel, un visionnaire !

Du même auteur, dans la même collection :

Cicéron ANGLEDROIT : Qui père gagne. Les enquêtes de Cicéron N°5. Editions du Palémon. Parution le 9 septembre 2016. 256 pages. 10,00€.

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4 octobre 2016 2 04 /10 /octobre /2016 06:17

Si j'avais un marteau...

Jack VANCE : Charmants voisins

Le métier de facteur est plus périlleux que certaines personnes pourraient le croire. Outre les chiens agresseurs, des marteaux rencontrent parfois leur crâne, dans des conditions bizarres et mortelles.

Ainsi, Ken Mooney, le jeune facteur qui dessert Madrone Way, à PLeasant Grove, est retrouvé mort, mais le lendemain de son assassinat. Sa tête repose sur un magazine qu'il aurait dû distribuer et dont l'étiquette a été ôtée. Le meurtre remonte à la veille. Et personne n'a aperçu le cadavre et sa camionnette, avant cette réapparition, ce qui pose problème au shérif Joe Bain, du comté de San Rodrigo en Californie. D'autant que Madrone Way est une impasse et que la camionnette est garée tout au bout.

Mais avant de nous intéresser à cette enquête qui se révélera délicate, surtout pour le shérif, remontons quelques années en arrière et attachons-nous à découvrir ce qui aurait pu ressembler à un Club des Cinq, mais qui ne fut qu'un petit groupe de gamins plus ou moins détestables et qui ne s'aimaient guère. Tout au plus se supportaient-ils.

D'abord, par ordre d'entrée en scène : Starr Shortridge, qui joue vraiment à la star. Douze ans, et considérée comme une gamine odieusement prétentieuse. Bill Wipple, quinze ans, de basse extraction et de réputation douteuse, pour les voisins, dont le père tient un garage et un atelier de mécanique. Il vient de construire une cabane dans un arbre situé dans le parc de la riche demeure des Shortridge et cela déplait fortement à Starr qui ramasse un vieux marteau et commence à asséner des coups sur la branche qui sert de support à la maisonnette perchée. Bill veut se rebiffer mais Starr est en compagnie d'Henry, son chien, et l'adolescent ne peut que déguerpir, toutefois sans se presser.

A ce Club des Cinq, le chien ne compte pas, il faut ajouter Alice, une gamine gentille et très belle, la fille des Benjamin. Son père Guy est ingénieur et se trouve la plupart du temps en déplacement à l'étranger, tandis que la mère Grâce est une catholique pratiquante intégriste. Ils viennent de s'installer dans Madrone Way et les parents de Starr, qui aiment recevoir, les ont invités. Marsh, le frère un peu plus âgé de Starr, est subjugué par Alice. Quant à Ken Mooney, il compte parmi les amis de Bill Whipple, joue au foot, est le condisciple des quatre gamins précités, et surtout il espère faire bonne impression sur Alice.

 

Quelques années plus tard. Le père de Ken a reçu en héritage une vieille ferme auberge délabrée qui n'accueille plus guère de consommateurs. Ken, marchande cet édifice situé dans la forêt, promettant de le remettre en état. Mais il est quelque peu velléitaire et surtout démuni. Alors après l'armée il a trouvé cet emploi de postier.

Alice est fiancée à Marsh, et pour l'heure voyage en Europe. Son père est en Inde, toujours pour son travail, et sa mère, toujours aussi peu gracieuse malgré son prénom, est enceinte. Du moins c'est ce qu'a supposé leur voisine Sally Wagner lorsqu'elle l'a aperçue dans une pharmacie d'une paroisse voisine achetant des médicaments pour parturiente. Et comme Sally n'est pas une méchante femme mais ne peut garder pour elle un secret, une information, qu'il lui faut en faire profiter toutes ses connaissances et même les autres, bientôt tout le monde ou presque sait que Grâce attend un nouvel enfant. Quant à Starr, toujours aussi pimbêche elle aimerait bien voyager tout comme Alice, mais ses parents lui refusent ce privilège. Quant à Marsh, il est toujours imbu de lui-même et Wipple égal à lui-même, quelque peu associé à Ken.

 

C'est dans ce contexte délétère que le shérif Joe Bain va devoir enquêter. Le mobile est flou, et les coupables ou présumés coupables sont nombreux, tous quasiment vivant dans Madrone Way. Aux quelques habitants déjà cité, il faut ajouter les époux Hubman, les époux Gentry actuellement dans le Montana, les Mortimer. Et enfin madame Bazzarini, mère de madame Hubman, clouée dans son fauteuil roulant entourée de ses infirmières, et qui aimait bien Ken, lequel s'arrêtait souvent chez la vieille dame pour converser un peu.

Comme aime à le déclarer le shérif, dans une enquête, la première étape consiste à amasser des faits. Alors il se rend chez les uns et les autres, n'est pas toujours bien accueilli, se renseigne auprès du receveur des Postes afin de savoir s'il ne manquerait pas du courrier, si une lettre compromettante devait être distribuée, vérifier les abonnés au magazine dont un exemplaire a servi de repose-tête à Ken... Il envoie ses hommes recueillir les informations, est en butte au journaliste local, Howard Griselda, qui le tanne et n'hésite pas à écrire dans les colonnes de son journal des propos vindicatifs à son encontre. Il retrouve Luna, son amie Artémisienne qui déclare provenir de la planète Artémisia mais est plus souvent dans la Lune, et qui tient une agence de location et est malgré tout de bon conseils, parfois.

Et puis il vit avec sa mère et sa fille Miranda, lesquelles aimeraient déménager de la petite maison en préfabriqué où ils vivent. Pas assez chic pour le standing d'un shérif n'hésite pas à déclarer Miranda qui à seize ans possède déjà des idées bien arrêtées. Or justement l'auberge de Halfway House, la propriété des Mooney, pourrait leur convenir mais elle est un peu chère pour eux. Alors, tout en enquêtant, Joe Bain va essayer de faire fléchir les deux femmes, puis n'y arrivant pas, à obtenir de Mooney père une réduction sur le prix de vente puisque son fils ne pourra plus la retaper.

 

Plus connu pour ses romans de science-fiction, Jack Vance est toutefois l'auteurs de romans policiers qui tiennent non seulement la route, mais sont de véritables petits bijoux comparés à certains romanciers, de son époque bien entendu. On ne peut pas mettre côte à côte des générations différentes. Toutefois, j'aimerai que la jeune génération puisse écrire et concocter des intrigues aussi construites et travaillées, passionnantes et sobres que celles de Jack Vance.

Charmants voisins met en scène quelques personnages qui évoluaient dans Un plat qui se mange froid, et que l'on retrouve avec plaisir.

Jack VANCE : Charmants voisins (The Pleasant Grove Murders - 1967. Traduction de Jacqueline Lenclud). Collection Pocket Noir N°4034. Editions Presses Pocket. Parution mai 1992. 224 pages.

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3 octobre 2016 1 03 /10 /octobre /2016 08:39

Tiennent sans jarretelles...

Pascal GARNIER : Les Hauts du Bas.

Edouard Lavenant est un vieux monsieur riche, solitaire, d’un caractère irascible et handicapé d’un bras.

Il perd parfois un peu les pédales, mais Thérèse sait le remettre gentiment sur le droit chemin. Thérèse, c’est son infirmière, la cinquantaine légèrement avancée, célibataire et dévouée à ce vieux grincheux qui la rabroue à tout bout de champ. Il a quitté Lyon et les affaires, et ils se sont installés dans un petit village de la Drôme.

Peu à peu s’établit une complicité entre le patient et sa garde-malade. Une complicité qui confine à une sorte d’affection, d’union, que Lavenant ne pensait pas pouvoir éprouver un jour, et qu’il chasse comme on chasse une mouche. Mais celle-ci revient toujours se poser au même endroit.

Jusqu’au jour où Jean-Baptiste fait incursion dans leur retraite. Il se prétend le fils de Lavenant, un fils issu d’une relation sans lendemain avec une secrétaire. Et c’est à ce moment que la vie de Lavenant va basculer.

 

Ce roman de Pascal Garnier contient une grande dose de suspense mâtinée d’humour noir, comme il se doit, penchant entre férocité et humanisme. Pourtant Pascal Garnier tresse ici et là de grosses ficelles qui retiennent le lecteur, mais l’épilogue est époustouflant de réalisme et clôt l’intrigue en forme de pied de nez. Le savoir faire de l’écrivain qui fait croire au lecteur qu’il a déjà lu ce genre d’ouvrage et qui pourtant se révèle tout autre.

Première édition : Collection Quatre-Bis, éditions Zulma. Parution 11 septembre 2003. 15,30€.

Première édition : Collection Quatre-Bis, éditions Zulma. Parution 11 septembre 2003. 15,30€.

Réédition Le livre de Poche. Parution 18 février 2009.

Réédition Le livre de Poche. Parution 18 février 2009.

Pascal GARNIER : Les Hauts du Bas. Collection Poche. Editions Zulma. Parution le 3 octobre 2016. 192 pages. 9,95€.

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29 septembre 2016 4 29 /09 /septembre /2016 12:33

L'or à Laura...

Christian BLANCHARD : Les orpailleurs de la fosse.

S'appeler Le Gall en Bretagne, c'est presque commun, même si c'est un nom propre. Kervella, à Plougatel-Daoulas, c'est la même chose, du genre copié-collé. Alors répondre au patronyme de Le Gall-Kervella, cela sent le Breton pure souche à cent lieux, voire plus car l'on sait que le Breton est voyageur. Se prénommer Napoléon fait un peu désordre dans le paysage, mais après tout pourquoi pas, quoique les références historiques ne sont guère en faveur du petit Caporal. Mais Napoléon Le Gall-Kervella possède une autre singularité particulière ou une particularité singulière. Il est Noir. Il est Noir Breton, et non pas Breton noir car cela laisserait supposer qu'il abuse du Lambig et du Chouchen. Ce qui est faux et pourrait même porter atteinte à son honneur.

Le Gall-Kervella est agent de collecte des ordures (ou déchets) ménagères, c'est-à-dire éboueur ou poubelleur, et en jargon des agents territoriaux affectés à cette tâche ingrate mais indispensable, on s'en rend compte lors des grèves, un ripeur.

Derrière la benne à 05H30, en binôme avec Albert, et c'est parti pour un tour de la ville de Brest et de sa communauté d'agglomération ou de communes, à pousser les bacs, les vider, les repositionner, un labeur assez fatiguant même si le système de levage des poubelles est agréablement (?) amélioré.

Mais Napoléon Le Gall-Kervella ne se contente pas de cet emploi, et il travaille au noir, ayant créé la BBK, la Black Breiz Kaoc'h, Kaoc'h signifiant, je vous livre la signification sans l'odeur, merde, excrément, détritus... Et il est demandé par des particuliers désireux de se débarrasser de produits encombrants sans passer par la case déchèterie, pour des raisons parfois évidentes et qui ne tiennent qu'à eux.

Il est fort bien équipé notre ripeur, en matériel informatique, en incinérateur, broyeur, cuves diverses, en buses, un équipement adapté pour satisfaire ses employeurs occasionnels, un immense terrain avec hangars sur la pointe de Porsguen.

Il est contacté par téléphone, numéro masqué ce qui est pratique lorsqu'on désire garder l'anonymat, pour se rendre route du Rocher de l'Impératrice, pour procéder à la vidange d'une fosse septique. Napoléon l'est aussi, sceptique, car après tout ce travail relève de l'assainissement ou d'entreprises privées ayant pignon sur rue. Il se rend donc de nuit afin d'opérer à un repérage et est reçu par un gorille humain puis par un certain John Smith.

Or, lorsqu'il soulève le couvercle en béton, des odeurs nauséabondes se dégagent de l'ouverture, normal me direz-vous, mais il est anormal que le cadavre d'un homme se tienne debout à l'intérieur de la cuve. Il serait allongé encore, mais non debout, et il résiste le cadavre aux efforts déployés. Enfin, Napoléon parvient à l'extraire de sa gangue d'excréments, et il touche un acompte conséquent pour le faire disparaitre de la circulation. Il touchera l'autre partie de ses émoluments lorsqu'il reviendra avec les preuves de son travail.

Rentré chez lui il s'occupe de son cadavre, mais découvre dans les défécations accrochées à ses pieds des particules, élémentaires, qui se révèlent être de l'or. Mais peu après un autre corps attend ses bons soins dans la réserve d'une bijouterie. Un Asiate comme le précédent et qui possède la particularité d'avoir un gros trou dans la tête. Laura, la jeune femme qui l'a appelé et le réceptionne, affirme à Napoléon que l'homme s'est suicidé. Notre éboueur n'est pas convaincu car tout laisse supposer que son nouveau cadavre a été assassiné.

Il remarque que les deux cadavres se ressemblent étrangement, comme s'il s'agissait de jumeaux. Ce dont il aura confirmation par un de leurs compatriotes, un Bengali comme eux. Napoléon sent qu'il vient de mettre le bras jusqu'à l'épaule dans un engrenage qui pourrait le rendre manchot.

 

Lorsque j'ai rencontré Christian Blanchard, alors qu'il dédicaçait ses livres sur la place du marché, non loin du calvaire (tout un symbole pour un écrivain !) de Plougastel-Daoulas, il m'a affirmé que ce roman était "soft" par rapport à ses autres écrits. Soft, je crois, est un vieux mot breton qui veut dire doux, souple, mou, moelleux, ou quelque chose comme ça. Je veux bien le croire, et malgré les lieux où cette histoire se déroule et les petites manipulations opérées par Napoléon Le Gall-Kervella, vous n'êtes pas obligés de vous munir d'un mouchoir ou d'un protège-nez.

Partant d'un fait divers réel, Christian Blanchard mêle astucieusement pointe d'humour, mais surtout petits coups de griffe au passage. Ainsi il s'en prend, gentiment (?), au maire qui cumule les emplois, comme si son héros narrateur était bien placé pour donner la leçon.

Il revient sur l'affaire d'une chemise déchirée, et l'adapte à sa manière entre un éboueur et son chef hiérarchique. Mais cela fait moins de vagues qu'à Air France. Je ne reviendrai pas sur cet épisode lamentable d'un pauvre directeur des Ressources humaines (déjà la dénomination montre le mépris affiché envers les salariés !) qui peut mettre à la porte qui il veut, quand il veut, et qui se plaint pour une chemise qu'il se fera rembourser comme accident du travail.

Il émet également quelques réflexions, bienvenues, sur ces Français partis s'installer, pour des raisons qui leur sont propres, professionnelles ou personnelles, à l'étranger, Canada, Australie, Chine, liste que vous pouvez compléter à votre guise, et qui sont devenus des migrants. Comment sont-ils perçus par les autochtones et sont-ils rejetés comme la plupart des immigrés en France ?

L'on sent que l'auteur n'en est pas à son premier roman, ni à sa première diatribe (je vous conseille d'aller visiter son site) et l'intrigue est solide, intéressante, et traite d'un sujet peu souvent abordé, celui du retraitement des déchets. Du moins dans le contexte qu'il propose. Et de plus, les clandestins ont toute sa sympathie. Celle du héros également puisqu'il se rendra même jusqu'à Dhaka.

Pour visiter le site de Christian Blanchard, cliquez sur le lien ci-dessous :

Christian BLANCHARD : Les orpailleurs de la fosse. Collection Hermine noire. Editions Chemin Faisant. Parution 1er juin 2016. 226 pages. 10,00€.

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28 septembre 2016 3 28 /09 /septembre /2016 12:29

Tricher n'est pas tuer, quoi que...

Hugo BUAN : La nuit du tricheur.

Il y a Workanowski et Workanowski. L’un est flic à Rennes, et a rétréci son nom en Workan. L’autre est de l’autre côté de la barrière et a raccourci le sien en Nowski. L’un se prénomme Lucien, l’autre Fletcher, appelé aussi Fletch. Le point commun entre ses deux hommes ? Ils sont cousins, plus exactement petits-cousins.

Tandis que Workan doit assurer la sécurité de l’exposition Georges de La Tour dans les locaux du couvent désaffecté des Jacobins, Nowski ne pense qu’à s’emparer des cinq tableaux qui y seront accrochés. Il est accompagné de trois acolytes, Ben, Vence et Baudouin-Baudouin, qui ressemblent plus à une équipe des Pieds-Nickelés ou de Branquignols qu’à un commando de parachutistes le petit doigt placé sur la couture du pantalon.

Après avoir simulé un enlèvement d’enfant, Nowski and Co se rendent à Chinon afin de commander à Charbonnot, un faussaire en toiles de maîtres, de réaliser des copies des œuvres de La Tour qui seront proposées au public. Ce sont bien des copies et non des faux qu’il veut, et pour connaître la différence, vous pouvez vous référer au roman qui vous l’expliquera mieux que moi.

Fletch nargue par téléphone son cousin et ce verbiage prend un nouveau tour lorsque le commissaire de l’exposition, un sous-ministre de la culture, et non point un ministre saoul de la culture, est retrouvé le lendemain de l’inauguration, son corps surnageant dans la Vilaine, un trou de balle dans le front. Ce n’est pas une erreur de la nature et de morphologie.

Workan est sur les dents ainsi que sa petite équipe, sa subordonnée et maîtresse Leïla, le capitaine Lerouyer et les deux adjoints Cindy et Roberto. Le Divisionnaire Prigent a beau tempêter, Workan est bien décidé à mener l’enquête à son idée, quitte à déplaire à la hiérarchie, car il ne veut pas que son cousin, qui possède déjà un casier judiciaire aussi épais que l’annuaire de Paris, soit directement mis en cause.

L’esprit de famille peut-être. D’autant qu’un malfrat et ses séides espèrent bien que Nowski tirera les marrons du feu à leur place.

 

Outre l’humour qui réside dans les descriptions de situations et de personnages, c’est celui des dialogues qui entraine le lecteur, un peu à la façon des répliques de Michel Audiard : « De quoi est-il mort, crise cardiaque ? Non ! Courant d’air dans le cerveau, provoqué par une arme à feu ».

Le personnage de Workan vaut à lui seul le déplacement. Il possède ses tics, ses manies qui vont parfois à l’encontre de la déontologie de la profession, il est insolent, se conduisant presqu’en marginal. Pourtant il est éminemment sympathique, peut-être justement à cause de ses défauts.

De toute façon il est lucide, se rendant compte qu’à certains moments il dérape. « Etait-ce un elfe ou, plus sûrement en Bretagne : un korrigan, qui jouait dans les méandres de son cerveau et lui soufflait les phrases les plus incongrues aux moments les plus inopportuns ? ».

Hugo Buan et son commissaire Workan commencent à s’imposer dans le polar français et je vous invite à retrouver les premiers tomes qui ont pour titres Hortensias Blues, Cézembre noire, L'Œil du singe, dans de prochaines chroniques.

Première édition : Pascal Galodé éditeurs. Parution janvier 2010. 384 pages. 17,90€.

Première édition : Pascal Galodé éditeurs. Parution janvier 2010. 384 pages. 17,90€.

Hugo BUAN : La nuit du tricheur. Editions du Palémon. Parution 6 novembre 2015. 368 pages. 9,00€.

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27 septembre 2016 2 27 /09 /septembre /2016 13:13

Un auteur de romans policiers qui se mouille !

Max Allan COLLINS : Pas de pitié pour ceux qu'on aime

Il n'y a pas eu un seul foutu auteur de roman policier digne d'être lu depuis que Dashiell Hammett est mort.

C'est ce que déclare, ou plutôt bafouille Roscoe Kane, lui-même auteur de polars, prédécesseur de Mickey Spillane, à une table devant laquelle sont assemblés une poignée de confrères. Une affirmation qui jette un froid, tous les romanciers présents étant honorablement connus et même reconnus, puisqu'ils sont rassemblés pour la cérémonie annuelle de l'Anthony Boucher Convention, la Bouchercon pour les initiés, à Chicago.

Mallory, auteur invité ayant à son actif deux romans, nominé pour un prix, voue à Roscoe Kane une indéfectible amitié et une admiration sans borne. Pour lui le créateur de Gat Garson est l'un des meilleurs représentants de la profession, mais les goûts ont évolués et Roscoe Kane est quasiment oublié. Cela fait plus de quinze ans qu'il n'a pas publié dans son pays d'origine, et ses ouvrages ont continué à être édités à l'étranger durant encore cinq ans.

Mallory accompagne Roscoe Kane, complètement éméché mais remonté comme une pendule, jusqu'à sa chambre. Kane avoue ne pas avoir pensé tout ce qu'il avait proféré, et entre dans la pièce qui lui a été réservée.

Redescendu retrouver ses comparses en écriture, Mallory discute avec Tom Sardini, l'un des plus grands spécialistes du roman policier, lequel lui apprend qu'un manuscrit de Dashiell Hammett va être publié. Un inédit perdu puis retrouvé quelques mois auparavant. L'Empereur secret tel est le titre de cette œuvre que le capitaine Shaw, le grand manitou de Black Mask, aurait refusé, alors qu'il avait auparavant publié en feuilleton La Moisson rouge.

Ce manuscrit sera édité par Mystery House, une maison d'éditions spécialisée dans la réédition de polars "importants", souvent dans des éditions de luxe. Justement Gregg Gorman, le propriétaire de cette maison d'éditions est présent à la Convention. Mais les relations entre Mallory et celui qu'il considère comme un aigrefin, ne sont pas au beau fixe. Cynthia Crystal, romancière œuvrant dans le genre Agatha Christie puis Mary Higgins Clark, qui a écrit une biographie faisant autorité sur Hammett, est également présente. Et il ne faut pas oublier Mae Kane, la troisième femme de Roscoe.

Normalement Roscoe Kane devait retrouver sa femme à la réception mais il a dû oublier car l'heure passe et il n'est pas redescendu. Et il ne redescendra plus jamais, sur ses deux jambes du moins, car Mallory qui a accompagné Mae, le découvre mort dans sa baignoire.

 

Accident, suicide, assassinat ? Toutes les hypothèses peuvent être envisagées, mais la thèse de l'accident est privilégiée par le coroner venu constater la mort de Kane. Mallory penche plutôt pour un meurtre, et il va s'attacher à démontrer que ses soupçons ne sont pas des fariboles.

 

Outre une intrigue policière classique et agréable, Max Allan Collins nous offre un voyage dans les arcanes des rencontres d'auteurs, avec les amitiés et les inimitiés inhérentes à chacun de ces personnages, auteurs adulés, décriés, réels ou fictifs. Et coups de griffes au passage pour ceux qui se prennent pour de petits génies, encenseurs de tout poil ou démolisseurs jaloux de légendes. De petits conseils, des hommages appuyés, de l'humour, tout cela sur fond de vérité, qui peut déplaire à quelques romanciers mais fait la joie du lecteur, embellissent l'intrigue.

 

Mais plus qu'une longue et ennuyeuse digression sur les différents aspects et relations entre tous ces personnages et leurs prédécesseurs, quelques citations choisies au hasard devraient illustrer mon propos avec plus d'intensité et de respect.

Ainsi Kane déclare avec emphase :

J'étais le plus grand nom du livre de poche quand Spillane est arrivé et a secoué le petit monde du poche avec ses polars sanglants. C'était pendant l'après-guerre et les anciens combattants réclamaient des trucs plus virils, et malgré tous ses défauts, Spillane ne l'ignorait pas. Vous ne pouvez pas proposer à un gars qui s'est battu lors de la dernière offensive allemande un bouquin où un type en complet blanc tire un type en complet noir et fait un gentil petit trou bien propre dans son costard de méchant.

 

Cynthia Crystal, romancière et auteur d'une biographie de Dashiell Hammett énonce :

J'ai toujours admiré Hammett, dit-elle. Ce n'est pas un secret. Mon œuvre est une sorte de mariage improbable entre Hammett et Christie, mais le roman noir après Hammett est bien vite devenu d'une niaiserie abyssale. Chandler a quelques mérites, sans doute; mais qui d'autre ? Mickey Spillane ? Ne me gâche pas mon petit déjeuner. Ross McDonald ? A la rigueur.

Quant à Mallory lui-même, le narrateur et auteur de romans policiers, il déclare sans ambages :

Je vais vous expliquer : les petites choses auxquelles les auteurs accordent le plus d'importance dans leurs romans - une métaphore incohérente par-ci, une phrase tarabiscotée par-là, un passage enlevé mais hors sujet - sont bien souvent ce qu'il faut impérativement couper. Mais bien sûr, si je censurais toutes les pages qui me plaisent dans mes romans, je ne publierais plus que des nouvelles.

Donaldson, auteur invité lui aussi, répond par cette déclaration à cette question fondamentale : M. Donaldson, que pensez-vous de Hammett et Chandler ?

Hammett a écrit un très bon livre, un livre valable et trois très mauvais livres. Quoique très supérieur, Chandler était toutefois très limité; après tout il a écrit le même livre sept fois de suite. A mon avis, l'écrivain moderne qui utilise comme véhicule de son art le roman avec détective privé doit remercier ces deux auteurs et s'efforcer d'aller beaucoup plus loin qu'eux.

Un roman jouissif qui devrait plaire à tous ceux qui s'intéressent à la littérature policière, ils y trouveront des clés et ils pourront toujours essayer de découvrir qui se cache, parfois , parfois certains des invités. Ainsi l'un des invités présents se nomme Brett Murtz, et l'on ne peut s'empêcher de penser à Brett Halliday et John Lutz, pour de multiples raisons.

 

Max Allan COLLINS : Pas de pitié pour ceux qu'on aime (Kill your Darlings - 1984. Traduction Jean-Paul Schweighaeuser).Collection Le Masque jaune. Editions Librairie des Champs-Elysées. Parution septembre 1990. 224 pages.

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26 septembre 2016 1 26 /09 /septembre /2016 08:12

Sherlock Holmes ? Même pas mort !

Arthur Conan DOYLE : La maison vide précédé de Le dernier problème.

Si tout le monde connait Sherlock Holmes et a entendu parler de Sir Arthur Conan Doyle, son créateur, moins nombreux sont ceux qui ont lu et se souviennent de ses multiples aventures. Des images rémanentes surgissent, surtout entretenues par les adaptations cinématographiques et télévisées, parfois par des bandes dessinées.

Bien sûr la disparition du célèbre détective dans les chutes de Reichenbach reste un souvenir pour la plupart d'entre nous, ne serait-ce parce qu'il s'agit d'un épisode mémorable, et sa résurrection littéraire est bien ancrée dans les esprits.

Mais vous souvenez-vous dans quelles conditions le locataire du 221 Baker Street a, momentanément, disparu dans les eaux tourbillonnantes du torrent suisse, et surtout comment et pourquoi il a effectué sa réapparition devant les yeux ébaubis du docteur Watson, son biographe officiel.

 

Le dernier problème (The Final Problem - décembre 1893) clôturait le volume intitulé Les Mémoires de Sherlock Holmes.

Et le bon docteur Watson dans les premières lignes de cette nouvelle mais dernière aventure déclarait : C'est avec tristesse que je prend ma plume pour évoquer une dernière fois les talents prestigieux qui firent de mon ami M. Sherlock Holmes un être exceptionnel.

Le ton était donné.

Le 24 avril 1891, Sherlock Holmes se présente devant Watson, plus blanc et plus maigre que d'habitude. Son premier geste est de fermer les volets. Pour une fois Watson se rend compte que son ami a peur. De fusils à vent précise le détective qui narre pourquoi il est venu rendre visite à son ami. Il traque depuis un certain temps le professeur Moriarty, un homme très cultivé et véritable phénomène en mathématiques. Seulement alors qu'il était promis à une grande carrière universitaire des bruits fâcheux ont commencé à courir et Moriarty a dû donner sa démission. Il s'est installé à Londres et ses instincts criminels lui ont permis de devenir le chef occulte d'une bande de malfrats aux multiples méfaits. Moriarty n'a jamais été inquiété par la police et Sherlock s'est mis en tête d'annihiler ce Napoléon du crime.

Entre les deux hommes s'est engagée une lutte sans pitié et Sherlock a décidé de rejoindre le continent et demande à Watson de le suivre. De France jusqu'en Suisse, les deux hommes vont essayer de fuir le professeur mais en vain. Et c'est ainsi que Watson découvrira un mot placé sous l'étui à cigarettes de Sherlock sur une pierre surplombant un précipice. Moriarty avait imaginé un stratagème pour éloigner le docteur du détective et parvenir à ses fins. Mais les deux hommes ont disparu, probablement dans l'eau tourbillonnante, enlacés au cours de leur affrontement.

 

Dans La Maison vide, (The Adventure of the Empty House - Octobre 1903), Watson s'attelle à nouveau à la relation des nouvelles aventures réunies dans le volume Le Retour de Sherlock Holmes. Il reprend la plume à peine dix ans après l'affaire Ronald Adair qui a secoué Londres au printemps 1894.

L'homme, gros parieur, qui revenait d'un club où il avait joué aux cartes, a été retrouvé mort atteint d'une balle en pleine tête. L'arme n'a pas été retrouvée, et la porte de la pièce était fermée de l'intérieur. Le début d'un mystérieux crime en chambre close.

C'est à ce moment que Sherlock refait son apparition au grand étonnement de Watson qui n'avait pas reconnu son ami déguisé en vieux monsieur bibliophile. Sherlock Holmes narre son épopée helvétique, comment il a réussi à échapper aux eaux tumultueuses du Reichenbach, ce qu'il fit ensuite, les nombreux voyages effectués, du Tibet jusqu'à Khartoum en passant par la Perse, et ce qui l'amène à Londres. Car le détective a appris par les journaux, alors qu'il était depuis de nombreux mois en France, le drame mystérieux de Park Lane.

Sherlock possédait deux ennemis, le professeur Moriarty et le colonel Sebastian Moran, ami du précédent et tireur émérite. Sherlock sait que les hommes de Moriarty, ou ce qu'il en reste, se doutaient eux-mêmes qu'il n'avait pas sombré dans le torrent et n'attendaient que son retour pour lui ôter définitivement la vie. Alors il a imaginé un traquenard pour résoudre l'affaire de Park Lane et se débarrasser définitivement de Moran.

 

Ces deux nouvelles qui terminent un cycle et qui en entament un autre possèdent néanmoins une forme de continuité, l'une dans le prolongement de l'autre.

La noyade de Sherlock Holmes est simplement évoquée, ce qui est normal puisque Watson n'ayant pu être le témoin des événements il ne peut que supposer la mort de Sherlock. Les corps n'ont jamais été retrouvés, tenter de les repêcher était hors de question. Et bien qu'intitulé Le dernier Problème, cette nouvelle laissait entrevoir, le cas échéant une porte de sortie avec réapparition à la clé. Si les lecteurs n'avaient pas réclamé la résurrection de Sherlock à corps et à cris, si sa mère n'avait pas joint sa voix à celles de tous ceux qui déploraient ne plus pouvoir lire les aventures du célèbre détective, et si le besoin d'argent conjugué à une carrière de romancier historique en demi-teinte ne l'avait obligé à procéder à la renaissance de son héros, nul doute que Conan Doyle l'eut laissé naviguer entre deux-eaux.

Toutefois Conan Doyle avait publié Le chien des Baskerville en 1902, mais ce roman n'entrait pas dans la chronologie des aventures de Sherlock Holmes.

Certains m'objecteront que cela sent l'ancien, le renfermé, le daté. Peut-être. Personnellement j'ai trouvé ces deux lectures rafraîchissantes, intemporelles, procurant un grand plaisir de (re)lecture et une invitation et une incitation à en (re)lire d'autres, ce qui est indubitablement le propos caché de Madame Folio.

 

Arthur Conan DOYLE : La maison vide précédé de Le dernier problème. Deux aventures de Sherlock Holmes. Traduction d'Alain Jumeau. Collection Folio 2€ N° 6180. Editions Folio. Parution 8 septembre 2016. 96 pages. 2,00€.

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25 septembre 2016 7 25 /09 /septembre /2016 11:30

Tu ne tueras point, sauf si tu gardes ton calme !

Cicéron ANGLEDROIT : Sois Zen et tue-le.

Les romans humoristiques ou à tendance humoristique sont trop rares parmi la production actuelle pour les oublier lorsqu’un auteur, même débutant, s’y colle.

C’est ainsi que Cicéron Angledroit, auteur et héros de De la part des enfants, devenu Soit zen et tue-le, s’inscrit en marge de l’actualité polardeuse. Son roman avait paru déjà depuis un peu plus d’un an (lorsque j’écrivais cette chronique en 2002, lors de la première édition de ce roman) mais il n’est jamais trop tard pour réparer un oubli.

 

Cicéron Angledroit est donc détective en banlieue parisienne. Divorcé il a une fille à charge, confiée à sa mère (la mère du détective, je précise) et côté finances, ce n’est pas la joie. Entre deux constats d’adultère, il passe son temps avec Brigitte, une pharmacienne mariée mais délaissée.

Une vieille dame lui demande d’enquêter sur la mort de son époux, décès survenu dix ans auparavant d’une crise cardiaque, mais qu’elle juge peu naturelle. Il a pour habitude de prendre son café matinal dans un bistrot d’une galerie marchande et ce matin là, une explosion jette la perturbation parmi les promeneurs. Un SDF qui s’était probablement emparé d’une valise oubliée et tentait de l’ouvrir rejoint le pays des sans logis.

Parmi les témoins René employé pour ranger les caddies et Momo, qui vend le Belvédère, journal des sans abris. Entre l’enquête à lui confiée par la vieille dame et la prolifération d’attentats envers les petits voleurs, jeunes ou vieux, Angledroit ne va perdre son temps et va même trouver quelques heures de libres pour consoler la belle-fille de sa cliente.

 

Ecrit à la première personne, ce roman oscille vers l’humour mais ne vous y trompez pas, l’épilogue est noir.

Parfois on pense un peu à San-Antonio à ces débuts, lorsque l’histoire n’était pas délayée dans une logorrhée verbeuse. D’ailleurs l’un des personnages se prénomme Félicité, presque pareil que la mère du célèbre commissaire. Et l’auteur narrateur s'entretient avec son lecteur de la même façon.

Un roman plaisant à lire et délasse après une longue journée de labeur. Le sourire est omniprésent, pourtant, vous vous en rendrez compte à sa lecture, le sujet est grave.

Et cette réédition est la bienvenue car le talent de Cicéron Angledroit (c'est un alias, vous vous en serez douté !) est indéniable et mérite d'être reconnu, même si ses romans n'entrent pas dans les critères souvent pessimistes des lecteurs. Alors, justement, pour chasser les miasmes de la morosité ambiante, n'hésitez pas. L'humour est présent mais n'oblitère pas le côté humain du sujet.

Certains auteurs écrivent en blanc cassé, d'autres en rouge hémoglobine, Cicéron Angledroit rédige en noir tendresse.

Première édition sous le titre : De la part des enfants. Goutte d’Or productions. Décembre 2000. 256 pages.

Première édition sous le titre : De la part des enfants. Goutte d’Or productions. Décembre 2000. 256 pages.

Cicéron ANGLEDROIT : Sois Zen et tue-le. Enquêtes de Cicéron N°1. Editions du Palémon. Parution 9 septembre 2016. 272 pages. 10,00€. Version numérique : 5,99€.

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24 septembre 2016 6 24 /09 /septembre /2016 11:26

Teddy est revenu, alléluia...

Gilbert GALLERNE. Teddy est revenu.

Depuis l'enlèvement de sa fille Lucie et le divorce d'avec un mari qui ne tenait plus guère à elle, Laura vit dans une espèce de brouillard, travaillant comme un zombi, se gavant de cachets.

Une tragédie qui s'est déroulée cinq ans auparavant. Jusqu'au jour où elle reçoit par la poste dans un carton l'ours en peluche de Lucie.

Elle décide de rejoindre sans plus tarder à Saint-Nazaire d'où a été expédié le colis. Elle rend visite aux directrices d'écoles, surveille les sorties de classe dans l'espoir de reconnaître sa fille, mais en vain.

Alerté, le commissaire Cointeau ne croit guère en son histoire, d'autant qu'elle ne veut montrer le jouet qui lui a permis de relancer ses recherches. Il n'ouvrira le dossier que si elle apporte un élément irréfutable justifiant sa présence et ses démarches.

Elle est démoralisée et ne reprend espoir qu'en lisant dans une feuille locale les avis de bienvenue aux nouveaux habitants de la cité. Elle pense pouvoir découvrir un nom, une piste dans la rubrique parue cinq ans auparavant. Le journaliste local, Albert Toulouse se propose de l'aider.

C'est un être quelque peu désabusé, alcoolique, mais l'idée de pouvoir damer le pion aux journalistes nationaux, et pourquoi pas à la police, lui revigore le moral. Il trouve une piste qui avait échappé à Lucie, mais comment aurait-elle pu la débusquer, elle qui n'est pas de la région. Tandis que lui, qui de par sa profession et de son origine est au courant de pas mal de petits secrets, peut relier entre eux des faits divers qui sont passés inaperçus aux yeux de beaucoup de monde, même de la police.

 

Par petites touches, sans effets grandiloquents, mais avec efficacité, Gilbert Gallerne nous entraîne en compagnie de cette mère qui recherche son enfant, persuadée que sa fille est toujours en vie, malgré les avis de ses proches ou de la police.

Il fait monter la tension jusqu'au dénouement avec pudeur et justesse, dosant subtilement psychologie, montée de l'angoisse et action. Il évite les écueils de la sensiblerie ou du misérabilisme trop larmoyant, trouvant le ton en adéquation entre le fatalisme et le je m'enfoutisme de quelques personnages, de la perversité qui mène certains autres.

Le tout pour en arriver à un mobile mercantile qui règle de nos jours encore, malheureusement, les actes de certaines familles provinciales.

 

Première édition : Collection Attitude. Editions LEFRANCQ.

Première édition : Collection Attitude. Editions LEFRANCQ.

Réédition Edition City 2010.

Réédition Edition City 2010.

Gilbert GALLERNE. Teddy est revenu.

Réédition Collection Objectif Noir. Disponible en version numérique Kindle. Samedi 24 septembre et dimanche 25 septembre : Promotion à 0,99€. Sinon, 4,99€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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