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25 janvier 2018 4 25 /01 /janvier /2018 13:59

Ça existe ?

Alain GANDY : Notaire en eaux troubles.

Villefranche-de-Rouergue : Dotée d'un riche patrimoine architectural, la ville a su conserver l'originalité de son plan d'urbanisme médiéval, sa forte tradition commerciale et ses marchés embaumés où se mêle la diversité des produits du terroir. Sous-préfecture de 13 000 habitants, traversée par la rivière Aveyron et située à 250 mètres d'altitude, Villefranche bénéficie d'un climat particulièrement clément. C'est bien ici que l'on touche au sud : les toits de la ville le proclament avec leurs tuiles canal, ce n'est plus le Massif Central, c'est déjà le Midi Toulousain. (Extrait de la présentation de la ville puisé sur le site de Villefranche-de-Rouergue).

Ça, c’est pour le côté touristique, la carte postale des vacances. La cité médiévale construite en 1252 et qui garde au sein de sa bastide le calme et la sérénité villageoise propice à une vie paisible. Pas pour tout le monde. Aimé Parfeuil, notaire en retraite est retrouvé mort dans son petit appartement par sa femme de ménage. Il repose tranquillement dans son lit, habillé d’un pyjama propre, une balle dans la gorge.

Pour le commissaire Battioli, surnommé le Duce par ses subordonnés qui aspirent tous à changer de boutique, il s’agit d’un meurtre. Il attend ce genre d’événement depuis si longtemps ! Pour le juge Massac, ce n’est qu’un simple suicide mais l’autopsie réalisée lui fera bientôt changer d’avis. Aimé Parfeuil était un homme solitaire, aigri, qui n’avait plus aucun contact avec les rares représentants de sa famille.

Son frère Gaston et son neveu Philippe, qui avaient hérité du domaine familial, l’ont laissé péricliter au point de devoir l’hypothéquer. Quant à sa fille Raphaëlle, elle s’était mariée contre son avis avec un militaire, et avait même osé réclamer l’héritage de sa mère lorsque celle-ci était décédée quelques vingt ans auparavant. Son mari avait succombé lors d’un accrochage dans les Aurès et elle avait accouché d’un fils, André, peu après.

Elle vit à Rochefort, où était en garnison son époux alors qu’André a été élevé par son grand-père paternel en Bretagne. Peu de suspects donc, mais ayant tous plus ou moins une raison pour éliminer le tabellion. D’autant qu’André, qui devait être en stage aux Etats-Unis avec sa copine, se reposait tranquillement à Paris sans avoir prévenu quiconque. Joseph Combes appelé à la rescousse par Massac doit user de toute sa diplomatie afin de ne pas froisser la susceptibilité de Battioli. Il marche sur des œufs mais cela ne l’empêche pas d’émettre de façon parfois emportée ses points de vue toujours empreints de bon sens.

 

Cette histoire qui se déroule en 1980, ce qui permet à l’auteur de prendre du recul sur les événements et ne pas mettre en cause des personnages existant actuellement, tel le commissaire de police, est résolument en adéquation avec un esprit provincial, dans une atmosphère qui se démarque du roman violent, loin des outrances langagières à l’exemple de Charles Exbrayat dans ses chroniques régionales ayant pour cadre l’Auvergne.

Une bouffée de fraîcheur face aux affaires criminelles que nous relatent les actualités et par extension les romanciers, qui se vautrent dans la provocation, l’agressivité, ce qui ne reflète pas forcément un état d’esprit rural qui voudrait que tout soit subordonné aux débordements banlieusards.

Alain Gandy démontre que les flots d’hémoglobine, les grossièretés, la vulgarité, ne sont pas des éléments indispensables dans des romans bien construits. Quant aux personnages, peu nombreux, ils apparaissent peu à peu et viennent compléter notre quatuor décrit ci-dessus

Alain GANDY : Notaire en eaux troubles. Collection Polars de France. Presses de la Cité. Parution 4 mars 2010. 240 pages. 22,50€.

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24 janvier 2018 3 24 /01 /janvier /2018 09:33

La fée l’a fait et Merlin est désenchanté…

Chantal ROBILLARD : Merlin et la fée des flashs.

Pour avoir refusé une promotion, le commandant Merlin s’est retrouvé muté à Strasbourg, cantonné dans son grade, ce qui ne le perturbe pas plus que cela. Il appartenait au GIGN, et l’épisode du Bataclan, dans lequel il a été impliqué de même que sa fille Morgane, lui reste gravé dans la mémoire.

Pour l’heure, il doit quitter son domicile après avoir passé une nuit voluptueuse dans les bras de Rosemonde Sagramore, la jeune procureure-adjointe, afin de se rendre à Kaysersberg et boucler une enquête. Après un dernier échange pour la journée dans des draps qui s’en souviennent encore, il part pour son rendez-vous en compagnie du Lieutenant Caradoc, un handicapé moteur depuis un problème à Roissy où il failli s’envoler pour le paradis des policiers.

Sur place ils retrouvent le commandant de gendarmerie Galade, un ancien du RAID, en affectation à Colmar, et avec qui il partage de mauvais souvenirs de l’épisode du Bataclan. Puis leur travail effectué, Merlin décide de rester à Colmar, tandis que Galade s’occupera de rapatrier Caradoc, afin de rendre une petite visite à sa fille Morgane, qui a été invitée à un salon littéraire.

Morgane vit à Parie et est une auteur et dessinatrice en devenir, spécialisée dans les romans juvéniles, ce qui est un excellent dérivatif pour effacer sa nuit du Bataclan où elle a échappé à un attentat. Merlin fait un petit tour également au stand de la gendarmerie où Galade effectue une permanence.

Ils boivent un verre ensemble et Galade confie à Merlin que lui et Morgane ont failli un jour… Enfin, vous voyez ce qu’il sous-entend. Bref Merlin est sidéré, en colère, et il se retient pour ne pas taper sur son ami. Mais ce n’est que partie remise. Et ce qui devait être une journée agréable se termine en eau de boudin.

Une femme interpelle Merlin, et il a du mal à reconnaître en cette personne accusant un âge avancé et un ventre proéminent, à la face tavelée, une poussette avec une gamine dedans, la femme de Galade. Elle accuse Morgane d’harceler son mari, de lui envoyer des messages explicites. La gamine au doux prénom d’Yseult se sentant délaissée commence à pleurer et vlan, passe-moi l’éponge, ou plutôt la torgnolle maternelle qui atterrit sur son visage poupin.

Il y a toujours des personnes prêtes à témoigner de ce qu’elles n’ont rien vu et mais affirment que les événements se sont déroulés de telle façon, sans que quiconque puisse les contredire, sauf le coupable présumé. Mais l’écoute-t-on ? Bref, Merlin est accusé d’avoir torturé une enfant et il est emmené à la gendarmerie pour maltraitance en public.

Pauvre Merlin qui ne se doute pas dans quel engrenage l’entraîne une visite à sa fille dans un salon du livre.

Débutant sous des dehors guillerets et festifs, malgré cette réminiscence du drame du Bataclan, cette histoire emprunte des voies maléfiques et Merlin aura bien du mal à se sortir d’un embrouillamini familial, d’une ambiance délétère et à l’atteinte physique que supportera sa fille, tout ça à cause de pas grand-chose.

Tout comme une mayonnaise qui demande un bon coup de fouet pour monter, le drame prend forme peu à peu, et se transforme en une intrigue glauque, un peu comme les écrivait David Goodis. Mais le final réserve bien des surprises, et pas uniquement au lecteur. L’aspect fantastique se traduit dans des flashs, des visions, des prémonitions.

Chantal Robillard est originaire d’Auvergne et elle n’oublie pas de se souvenir de sa région natale en plaçant un protagoniste évanescent qui se réclame de sa chère province.

Il est prévu une version papier pour 2018.

La chrysalide numérique se muera alors en joli papillon, que l’auteur s’empressera de dédicacer lors de salons du Livre !

 

Chantal ROBILLARD : Merlin et la fée des flashs. Roman numérique. Editions Nutty Sheep. Parution 19 décembre 2017. 69 pages. 4,49€.

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23 janvier 2018 2 23 /01 /janvier /2018 09:55

Mais ils ne sont plus secrets, puisque vous pouvez les découvrir !

June THOMSON : Les dossiers secrets de Sherlock Holmes

Si Sherlock Holmes a suscité l’écriture de nombreux pastiches et parodies, rares furent les romancières féminines à s’attaquer à ce mythe de la littérature policière. June Thomson en est une représentante de qualité.

Après une préface signée Audrey B. Watson, qui n’a aucun lien de parenté avec le célèbre docteur Watson, et dans laquelle elle narre dans quelles circonstances elle a été amenée à se trouver en possession de manuscrits inédits découverts dans une malle, sept nouvelles sont ainsi proposées au lecteur holmésien averti ou non.

Ces affaires s’inscrivent dans le Canon, soit parce qu’elles ont été évoquées, soit parce qu’elles possèdent un rapport direct ou non avec d’autres aventures narrées par John H. Watson.

 

L’affaire du millionnaire persécuté se situe le 21 avril 1895, juste quelques jours avant les singulières aventures de Violet Smith qui ont été narrées dans La Cycliste solitaire. Un millionnaire, John Vincent Harden, originaire des Etats-Unis, vient de s’installer dans le quartier de Belgravia, à Londres, et a également loué une propriété à la campagne. Il doit rester en Angleterre durant un an environ dans le but de présenter sa fille Edith à la bonne société britannique. Seulement il a reçu quelques lettres le menaçant de mort et jugeant la gendarmerie locale incompétente il a préféré faire appel à Holmes.

Dans La démence du colonel, le docteur Watson précise que Pour des raisons qui apparaîtront ultérieurement, il ne sera pas possible de publier un compte-rendu de cette affaire du vivant des principaux intéressés. Or Watson est le premier intéressé dans cette affaire puisqu’une dame se présente à son cabinet et s’enquiert s’il est bien Le docteur Watson ayant servi dans le 5e régiment d’artillerie du Northumberland. Devant l’approbation de celui-ci, elle lui demande s’il a bien connu le colonel Harold Warburton. Quelle n’est pas la stupéfaction de Watson à l’énoncé du nom d’un vieil ami connu quelques années auparavant en Inde, posté près de la frontière afghane, un affrontement au cours duquel Watson fut blessé. Il pensait que Warburton était parti pour la Nouvelle-Zélande, mais il n’en est rien et la dame qui est en face de lui n’est autre que l’épouse du militaire. Elle lui narre dans le détail les raisons pour lesquelles Warburton s’est installé en Angleterre, mais plus grave il semblerait que depuis peu le militaire est atteint de démence et a demandé à être enfermé dans un asile à Guilford. Une affaire qui intéresse au premier chef Watson et il en fait part à son ami Sherlock Holmes. Pourquoi cette démence, d’autant que d’autres personnes semblent atteintes du même mal ? Une visite à l’asile s’impose.

L’histoire suivante, La tragédie Addleton, débute ainsi : Comme je le mentionnais dans Le Pince-nez en or, mon vieil ami Sherlock Holmes se pencha sur un si grand nombre d’affaire, au cours de l’année 1894, qu’en compulsant les trois gros volumes contenant mes compte-rendu manuscrits, j’eu beaucoup de mal à décider lesquels valaient la peine d’être publiés.

Une entrée en matière qui justifie toutes les histoires qui ressortent sous la plume de romanciers apocryphes, et qui s’insèrent judicieusement dans le Canon. Et Miss Addleton, qui s’adresse à Holmes, fait partie de ces nombreuses requérantes dont on n’aurait pas connu les déboires, et ceux de son père, si ces manuscrits n’avaient pas été exhumés.

Cette jeune personne n’est autre que la fille du professeur Addleton qui enseigne à Oxford et a écrit un ouvrage de référence sur les Monuments et sites mortuaires préhistoriques en Grande-Bretagne, ouvrage que possède naturellement Sherlock Holmes. Le professeur Addleton a reçu par courrier provenant d’un archéologue amateur des reliquats de poterie ancienne découvert dans un tumulus non encore recensé, dans les Cornouailles, non loin d’un lieu nommé Minions. Or depuis la réception des trois bouts de terre cuite, le professeur se comporte de façon étrange, et cela lui était déjà arrivé quelques années auparavant. Sherlock Holmes examine les trois objets de taille réduite, puis lorsque Miss Addleton repart, il montre à Watson quelques anomalies. Chaque morceau possède une trace de colle, comme si de minuscules étiquettes avaient été apposées. Naturellement la curiosité est la plus forte et l’attrait de la recherche conjuguée à la mise en cause d’un professeur dont il reconnait les mérites font que Sherlock Holmes et Watson vont se rendre sur place afin d’enquêter sur la provenance de ces reliquats de poterie.

 

En tout sept nouvelles composent ce recueil, aux titres incitant à la lecture, les autres étant Le brocanteur terrorisé, La rixe à bord du Friesland, La succession Smith-Mortimer, Le scandale Maupertuis.

Enfin ce volume se clôt par un appendice intitulé Hypothèse concernant l’identité de la seconde Mrs Watson. Un mariage évoqué par Sherlock lui-même dans Le soldat blanchi, dont il est le narrateur, et qui date de janvier 1903. Une hypothèse et des suppositions étayées par la lecture attentive de nombreuses aventures dont Watson fut le héros par procuration. Et cette hypothèse est écrite par le docteur en Philosophie, John F. Watson, l’homonyme du docteur John H. Watson, le compère de Sherlock Holmes.

Et c’est ce même docteur John F. Watson qui ayant découvert la malle contenant les manuscrits du docteur John H. Watson a entrepris de les recopier afin qu’ils puissent passer à la postérité. Une prémonition heureuse, puisque la malle et les manuscrits originaux avaient été mis en lieu sûr dans un coffre de banque. Seulement nul ne pouvait prévoir les bombardements de 1942 sur Londres.

Un nouvel épisode des aventures de Sherlock Holmes convainquant, respectant fidèlement l’esprit de Conan Doyle, et qui complète Les Carnets secrets de Sherlock Holmes, ouvrage publié dans la même collection sous le numéro 2153 et par un roman sobrement intitulé Watson et Holmes qui se veut être la biographie de nos deux héros, Le masque numéro 2292.

June THOMSON : Les dossiers secrets de Sherlock Holmes (The secret journal of Sherlock Holmes – 1993. Traduction de Catherine Richard). Le Masque Jaune N°2213. Editions Librairie des Champs Elysées. Parution janvier 1995. 288 pages.

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22 janvier 2018 1 22 /01 /janvier /2018 09:15

Ce n’est plus une épine pour Velcro, mais un pieu…

Valérie LYS : L’œuvre des pieux. Collection Commissaire Velcro N°6.

Alors qu’il est en gare de Quimper et s’apprête à regagner la capitale, le commissaire Velcro est convié à se rendre à Rennes, épauler le commissaire local.

Celui-ci est confronté à une affaire qui dépasse ses compétences, un homme en train de raboter un parquet dans un appartement sis non loin du pont de la Mission (pour ceux qui connaissent) ayant été occis et placé dans une posture dont la mise en scène est évidente. Il est dans la position du raboteur (déjà dit) mais un pieu enfoncé dans la poitrine, ce lui permet de garder l’équilibre. Mais ce qui motive l’enquête confiée à Velcro de la PJ parisienne, c’est l’identité du défunt. Henri de la Motte, adjoint au ministère de la Culture, fils d’un ancien ministre, venu à Rennes pour l’inauguration du nouvel écomusée à La Bintinais (toujours pour ceux qui connaissent les lieux).

Bon début pour Velcro qui se languit de Paris, de sa famille et de sa trompette. Mais il aime son métier, et il retrouve avec plaisir le commissaire Delcourt qu’il a connu lors de stages. Mais cette affaire n’en reste pas là, car un second cadavre est découvert justement dans les jardins de l’écomusée, avec une mise en scène bucolique. Il s’agit d’André Berthoux, généalogiste spécialisé dans les affaires de succession.

Velcro et Delcourt vont enquêter ensemble, avec l’aide de Déborah, la stagiaire versée au commissariat dans le cadre d’une reconversion suite à un surmenage. Déborah se montre indispensable, servant le café mais également recherchant de son côté, et se montrant particulièrement subtile pour dénicher les petits faits qui font avancer l’enquête et pour analyser les comportements des différents protagonistes.

Au début, Velcro ressent une indéfinissable répulsion envers Déborah, pour des raisons qu’il ne peut comprendre, mais peu à peu il est attiré par cette femme dans la force de l’âge.

Les imbrications entre de la Motte, sa maîtresse qui exerce de hautes fonctions au sein de la FNSEA et de son mari qui est un spécialiste de la salade et des légumes en sachets, Berthoux le généalogiste, un magnat Russe qui possède une chaine de restaurants et fraie avec la Maffia, et d’autres personnages, dont la secrétaire de l’adjoint au ministère de la Culture qui était secrètement amoureuse de son patron.

Je n’aurais garde d’omettre Gustave, photographe de son état, qui est dépêché par la mairie pour immortaliser sur papier les membres du commissariat, et se retrouve tout le temps entre les jambes des deux commissaires, en tout bien tout honneur, et amuse la galerie avec ses collections de timbres étrangers. Il amuse la galerie, ce qui ne plait guère à Delcourt et Velcro mais relaxe les forces de l’ordre surmenées.

 

Un bon roman avec une intrigue astucieuse et des personnages qui sortent de l’ordinaire. Seulement, eh oui, car je me permets d’émettre quelques réserves, je me suis parfois un peu perdu dans ce qui pourrait être des erreurs ou des inattentions de relecture.

Par exemple, cet adjoint au ministère de la Culture qui détourne des fonds pour en faire profiter des personnes émargeant à la FNSEA et par ricochet à des entrepreneurs de l’agroalimentaire. Normalement il aurait dû appartenir au ministère de l’Agriculture, même si entre agriculture et culture, il existe des convergences. N’est-ce pas Jean-François Millet, Vincent Van Gogh, Paul Cézanne, et combien d’autres artistes qui trempaient leurs pinceaux dans la glèbe et nous ont offert des scènes champêtres et bucoliques ?

Ensuite le jardinier retrouvé à l’écomusée, qui tient dans les mains deux arrosoirs, et est lui-même retenu par un pieu, est tour à tour Berthoux, puis de la Motte. Pourtant il n’y a pas eu d’échange de cadavres entre temps.

Enfin, il tarde à Velcro de retrouver sa femme, c’est normal me direz-vous même s’il éprouve un léger penchant coupable pour Déborah, mais aussi et surtout sa trompette. A moins que ce soit sa clarinette. Deux instruments à vent, d’accord, et après tout on peut toujours se tromper quoi que la forme soit différente.

Donc à part ces anomalies qui entachent ce roman comme deux ou trois chiures de mouche sur un mur entièrement blanc, qui m’ont sauté aux yeux comme un grain de pollen peut le faire dans le nez d’un allergique, ce roman est très bon, avec une intrigue solide qui balade le lecteur vers des suppositions erronées.

 

Valérie LYS : L’œuvre des pieux. Collection Commissaire Velcro N°6. Editions du Palémon. Parution le 20 novembre 2017. 224 pages. 10,00€.

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21 janvier 2018 7 21 /01 /janvier /2018 09:15

Prom’nons-nous dans Belleville,

Voir si le loup n’y est pas…

Serguei DOUNOVETZ : Les Loups de Belleville. Paris XXe. Les nouvelles enquêtes de Nestor Burma.

La saga des Nouveaux Mystères de Paris de Léo Malet, qui devait être une rétrospective des enquêtes de Nestor Burma dans les différents arrondissements parisiens, ne comporta que quinze volumes, cinq arrondissements n’ayant pas été explorés par le premier détective privé de la littérature policière française. Pour diverses raisons propres à l’auteur.

Jérôme Leroy, avec l’accord de Jacques Malet, a décidé de pallier ce manque, et peut-être de nous refaire visiter certains quartiers de la Capitale, en confiant l’écriture des nouvelles aventures du détective de choc à des romanciers d’aujourd’hui, établissant un cahier des charges à respecter, une Bible qui permettra de lier ces nouvelles enquêtes.

 

A l’enterrement d’une feuille morte, comme l’a écrit Jacques Prévert, Nestor Burma s’est rendu et il assiste à un événement surréaliste au cimetière du Père-Lachaise. La feuille morte, qui est également une boisson anisée, c’est son ami le journaliste Niki Java. Niki Java, le spécialiste des faits-divers, même en été, qui à cause de son intempérance descend au fond du trou au milieu des tombes de célébrités.

Bref Nestor Burma, après une visite à la sépulture de Jean Baptiste Clément, mais si vous connaissez, celui qui s’est trompé dans la couleur des fleurs de cerisiers et de pommiers, Nestor Burma se dirige vers celle de Niki Java. Il y a du beau monde à saluer le pardessus en chêne, notamment des policiers, dont Stéphanie Faroux, la fille de feu Florimond. L’assistance est bigarrée, la canicule sévit, s’invite alors une furie qui se proclame comme la sœur du défunt et exige que soit pratiquée une autopsie sur le corps de son frère.

Evidemment la commissaire Faroux, qui dirige le 36 Quai des Orfèvres mais se sent à l’aise hors de son bureau, essaie d’interpeller l’intruse mais celle-ci s’échappe en jouant à saute-moutons avec les stèles et les mausolées.

Alors qu’il a regagné le bureau de son agence de détective, Fiat-Lux.com, sis dans la rue des Petits-Champs et qu’il tarabuste comme à son habitude sa secrétaire, la belle et jeune Kardiatou Châtelain, il reçoit un appel téléphonique. Normalement c’est Kardiatou qui doit répondre, mais comme elle est occupée par ailleurs à se manucurer, il décroche. Si Burma n’était pas assis, il en serait tombé sur le fondement, et ce avec fondement. Niki Java est au bout du fil et annonce qu’il n’est pas mort.

Niki lui demande de passer chez René, dans le XVIIIe, lequel René tient un rade qui se nomme Les Amis de la police, une petite provocation amicale. Séance tenante, Burma se rend sur place et René lui remet une enveloppe que lui a confiée une femme qui justement est dans le troquet. Le temps de lui dégoiser ces quelques paroles, la femme habillée en treillis militaire s’est évaporée.

C’est avec plaisir que Burma retrouve nuitamment son ami Niki au Père-Lachaise. L’homme qui a été enterré à sa place est un journaliste kurde de Turquie, réfugié politique, qui devait lui remettre un dossier brûlant. L’intruse de l’enterrement n’étant autre que la sœur du journaliste. Tout s’éclaire, malgré la nuit, ou presque pour Burma qui va devoir enquêter pour retrouver ce fameux dossier.

Et c’est ainsi que notre détective de choc se trouve coincé entre la DGSE, et plus particulièrement de l’un des représentants de cette institution nommé Marchand, Yves de son prénom, la commissaire Stéphanie Faroux, Mâlin Berbang, qui se présente comme une militante du PKLF, Parti kurde de la libération de la femme, une snipper comme on dit dans les romans américains, sa fille Syrmîn, d’une quinzaine d’années et tout l’avenir devant elle à condition qu’elle ne lui tourne pas le dos, un individu nommé Potemkine, un alias, trafiquant d’armes et autres objets illicites, un cuirassé dans son genre, des agents du MIT, le service de renseignement turque, une maquerelle au doux nom de Yüksel, les Loups gris, mouvement néo-fasciste turque, et quelques autres personnages dont la fréquentation est à éviter.

Fidèle à ses principes bien établis, Burma va encaisser quelques coups sur la tronche, mais même s’il y est habitué il se retrouve toutefois dans les vapes, devoir démêler une intrigue complexe en jouant les spéléologues dans des boyaux inconnus du grand public et des tripiers, jouer avec sa vie et celle de Kardiatou qui ne demande qu’à le suivre. Heureusement il peut compter sur Mansour, originaire du 9.3, de Bondy exactement (ce qui me permet de placer cette vanne connue mais qui fait toujours de l’effet : T’habite Bondy ? Non, Porte des Lilas !), un peu voleur, un peu dealer (mais Burma peut lui faire confiance, il ne dit rien) surtout efficace dans les empoignades musclées et à l’intelligence affûtée (pourquoi pas ?).

 

Alors il s’agit d’un Nestor Burma d’aujourd’hui, comme si le premier du nom s’était téléporté ou transporté dans notre époque, et dont l’entourage, est identique mais pas pareil. Il vapote, fume de temps à autres des cigarettes, mais garde en relique une vieille pipe à tête de taureau.

Il ne s’agit pas d’un copié-collé, d’une parodie, ou pis d’un plagiat, mais d’un pastiche dans le bon sens du terme qui signifie : remplir plusieurs fonctions : de mémoire, d'humour, d'hommage (plus ou moins respectueux), voire de purs exercices de style. Mémoire, Humour et Hommage sont bien les ingrédients qui sont inclus dans cette aventure, et l’on reconnaitra le caractère anarcho-libertaire du héros, de son père spirituel, et éventuellement de ses successeurs en écriture.

Visiblement Serguei Dounovetz s’est amusé en écrivant ce roman, mais comme il n’appartient pas au corps diplomatique, il dézingue à tout va et certains en prennent pour leur grade. Ce ne sont pas des victimes littéraires innocentes. C’est le privilège des romanciers, il en use, et c’est une bouffée de fraîcheur.

Si Serguei Dounovetz a eu la lourde tâche d’étrenner ces Nouvelles aventures de Nestor Burma, d’autres romanciers, eux aussi de talent, ont été pressentis et l’on devrait retrouver bientôt des romans signés Jérôme Leroy et Michel Quint.

 

Serguei DOUNOVETZ : Les Loups de Belleville. Paris XXe. Les nouvelles enquêtes de Nestor Burma. Collection Polar. Editions French Pulp. Parution le 18 janvier 2018. 250 pages. 15,00€.

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19 janvier 2018 5 19 /01 /janvier /2018 09:50

Le livre que toutes les bonnes bibliothèques, municipales ou non, se devraient de proposer

à leurs lecteurs.

Julien HEYLBROECK : Merhaba.

Être assistant social au sein d’une association, comme Asile et Fraternité, qui accompagne les migrants, les demandeurs d’asile, c’est être à l’écoute de ceux qui sont partis, qui ont fui leur patrie pour des raisons complexes, mais toutes valables.

Thomas Czajkowski reçoit des familles, des hommes ou des femmes isolés, les aide à effectuer leurs démarches administratives, à trouver un foyer où ils pourront dormir, se nourrir, ou tout simplement à leur trouver un endroit où se reposer la nuit. La politique du nouveau préfet est de durcir les conditions d’accueil et d’intégration. On le sait les préfets sont les commis de l’Etat, et comme tout bon commis ils sont à la botte de ceux qui les nomment, les dirigent, avec l’espoir de gravir d’autres marches dans leur administration. Mais comme l’histoire se déroule en 2011, le contexte était en faveur de ce genre d’initiative. Cela n’a pas changé d’ailleurs depuis.

En ce 22 février 2011, quelque part en France sur les bords de la Loire, Thomas est convoqué au commissariat de police. Ce n’est pas la première fois qu’il a des relations avec des policiers, mais ce jour-là c’est pour identifier le cadavre d’un migrant qui vient d’être découvert assassiné dans un squat situé dans un ancien supermarché.

Il s’agit d’Adam Tesfay, un demandeur d’asile érythréen, que Thomas accompagnait. Le reste de la chambrée s’est éparpillé, trois hommes que Thomas connait bien et qu’il suit dans leur demande d’asile. Le préfet n’apprécie pas ce fait divers sanglant, et il n’en faudrait guère plus pour le conforter dans sa décision de faire évacuer le squat et de se débarrasser de ces individus jugés encombrants.

Deux nouveaux cadavres sont retrouvés dans la Loire, égorgés. Seul le troisième des réfugiés qui occupaient le squat avec Adam Tesfay s’est évaporé dans la nature, introuvable. Mais Thomas est persuadé qu’il n’est pas coupable des forfaits, malgré les allégations des policiers. D’ailleurs le fuyard lui téléphone en pleine nuit, lui donnant rendez-vous là où ont été retrouvés ses anciens compagnons morts.

Thomas est bien embêté car il a la garde de sa fille pour le week-end, mais il s’arrange avec son ex pour récupérer la gamine. Puis il part sur le lieu du rendez-vous et il est agressé par un individu qui s’enfuit. Enfin il découvre l’homme qui lui a téléphoné mais celui-ci est en mauvaise posture. Il a les deux poignets tailladés. Il peut lui confier qu’il ne s’est pas suicidé, qu’il s’agit d’un certain Habton, puis il décède.

Peu après Thomas reçoit une enveloppe adressée à Adam Tesfay. Il l’ouvre et trouve à l’intérieur une clé USB contenant des fichiers et des photos. Il va devoir demander à un ami informaticien de l’aider à décrypter les fichiers qui sont protégés, mais sur les photos, qui représentent des personnages, il en reconnait quelques-uns.

Cela sent mauvais, très mauvais. Et ses ennuis ne font que commencer, malgré l’aide apportée par un ami, un Tchétchène qui a du répondant musculairement et s’avère un combattant efficace.

 

Julien Heybroeck nous offre une plongée particulièrement nauséeuse dans l’univers, non pas des réfugiés, mais des édiles de la République. Les réfugiés, politiques ou non, fuyant leur pays à cause de la famine, des tensions liées à des guerres intestines, à un esclavagisme qui perdure dans certains pays, sont à plaindre. Pourtant en France, ils sont traqués comme des bêtes malfaisantes. Tous les migrants ne peuvent provenir de Norvège, comme le souhaiterait Donald Trump.

Un roman terriblement d’actualité et si cette histoire est une fiction, nul doute que certains épisodes se sont déroulés réellement. Julien Heylbroeck est travailleur social, et donc il décrit avec réalisme l’univers dans lequel il est quotidiennement confronté.

Mais pour autant l’auteur ne verse pas dans l’angélisme. Si tous les hommes politiques ou entrepreneurs ne sont pas pourris, tous les migrants ne sont pas blancs moralement.

Des intermèdes nous invitent à nous rendre en Erythrée, à la découverte d’une dictature africaine et d’un esclavagisme moderne. Depuis le début des années 2000, l'Érythrée, toujours dirigé par Issaias Afewerki, adopte une attitude répressive et autoritaire envers sa population, notamment via son service militaire, qui provoque un mouvement d'émigration important et aboutit à plusieurs descriptions du pays comme une « prison à ciel ouvert ». (Source Wikipédia).

Quant au titre, Merhaba, il signifie Bienvenue en Tigrinya, langue officielle de l’Erythrée.

Une nouvelle, 14:00 – 14:40, salle 107, complète cet ouvrage.

 

Julien HEYLBROECK : Merhaba. Editions NaOH. Parution le 30 décembre 2017. 208 pages. 18,00€.

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18 janvier 2018 4 18 /01 /janvier /2018 14:11

A lire confortablement installé dans un fauteuil… Voltaire !

Frédéric LENORMAND : Docteur Voltaire et Mister Hyde.

De la poussière, il en vole dans Paris et plus particulièrement dans l'échoppe d'un apothicaire. Une poudre blanche qui provoque la mort du potard. Pour les policiers arrivés sur place, il ne fait aucun doute, l'homme a été poignardé. Pour le médecin, la situation est plus grave. Le défunt avait contracté la peste. Mais il ne faut pas ébruiter cette information, afin d'éviter un vent de panique qui pourrait se transmettre comme une traînée de poudre. Il ne faut en aucun cas que les Parisiens s'affolent. Dernière petite précision, le pharmacien italien se nommait Sanofo Sanofi, un nom prédestiné.

Pendant ce temps François-Marie Arouet, plus connu des collégiens et des lycéens sous le nom de Voltaire, passe du bon temps à Cirey, propriété de la famille du Châtelet dont une représentante est Emilie, sa maîtresse avouée. La noble demeure tombe en ruines et il a toute latitude pour rénover ce château ancestral. Il ne ménage pas sa peine, ni l'argent. Emilie bientôt vient lui rendre visite. Mais ils ne s'entendent pas sur la disposition des fenêtres, des escaliers, de petits détails.

Des Anglais viennent s'immiscer dans ce bel ordonnancement foutraque. Accompagné de deux personnages qui feraient fortune dans une foire aux monstres, le sujet de la perfide Albion se présente. Hyde, gardeneur, enfin jardinier-paysagiste, baronet of Jek'Hill. Mais les incidents s'enchaînent. Voltaire manque sombrer alors qu'il s'est réfugié à bord d'un canot. Il est sauvé de la noyade par Buffon, qui se promenait dans le quartier, étudiant faune et flore. Il échappe également de peu à une poutre éprise de liberté qui tombe d'un échafaudage. Et un message codé lui est remis, signifiant à peu près qu'il est en danger, qu'il doit regagner Paris au plus vite. Signé un admirateur secret.

C'est le départ pour la capitale mais les soldats rôdent. Hyde lui conseille de se cacher dans une malle capitonnée, lubie à laquelle il se plie volontiers. Enfin presque. La cantine est emplie de ses œuvres tandis que Voltaire qui se doutait d'une manœuvre pas très catholique gagne Paris dans la voiture d'Emilie. Arrêté par les douaniers, il ne peut faire que contre mauvaise fortune bon cœur. Ses charcuteries lorraines, rillettes et saucissons sont taxés hors de prix.

- Mais c'est vu vol, s'insurgea la philosophie maltraitée.

- oui, mais c'est décidé par l'Etat, alors c'est légal, dit le douanier.

Alors que le syndrome de la peste s'est propagé comme une traînée de poudre (bis), Hérault, lieutenant de police, mande à Voltaire d'enquêter sur cette manifestation mettant en péril la vie de ses concitoyens, malgré les gens d'arme qui sont à la recherche du philosophe pour ses écrits séditieux. Voltaire, toujours accompagné de son fidèle secrétaire, l'abbé Linant, s'installe chez son frère Armand, celui-ci supposé vaquer en un autre lieu en province. Il se vêt des habits de son aîné et bientôt il va se trouver confronté à de nombreuses péripéties, en compagnie ou séparément et malgré lui, d'Armand, receveur des épices, ce qui ne veut pas dire qu'il était épicier, mais qu'il était chargé de percevoir la taxe due pour les minutes à l'issue d'un procès par écrit. Ce point d'histoire éclairci, revenons à nos moutons comme disait Panurge.

Et c'est ainsi qu'entre Voltaire et son frère Armand s'établit un chassé-croisé qui met aux prises les deux hommes à des personnages qui prennent l'un pour l'autre, et inversement.

 

Un livre réjouissant, humoristique, mettant Voltaire dans des situations périlleuses, mêlant personnages de fiction et ceux ayant véritablement existés.

Les rapports entre Voltaire et son frère, qui s'entendent comme chien et chat, leurs démêlés, les incidents, pour ne pas dire les accidents et tentatives de meurtre auxquels ils sont confrontés, l'ambiance qui règne dans un Paris pesteux, et les manigances médicales et autres, les tours de passe-passe, tout ceci fait de ce roman un livre hautement jouissif.

Voltaire est montré sous un jour facétieux, entre Louis de Funés et Rowan Atkinson (mais si, vous connaissez ! Mister Bean !), et pourtant certains épisodes sont véridiques. Pour preuve les différents documents, lettres principalement, qui sont donnés en exemple en fin de volume.

Voltaire est en avance sur son temps et certaines de ses expressions resteront dans la mémoire musicale. Ainsi s'écrie-t-il, alors qu'il est dans une barque en train de couler : Help ! I need somebody ! Help ! Des paroles dont s'empareront quatre garçons dans le vent plus de deux siècles plus tard pour forger un tube mondial, le terme planétaire devenant tellement galvaudé, et qui marquerat toute une génération.

Les petites répliques acides, les remarques non dénuées de bon sens prolifèrent comme autant de piques :

- Les gens ont du mal à comprendre que les livres sont tous différents, surtout quand ils ne les lisent pas.

Et l'auteur, Frédéric Lenormand, ne se prive pas de s'amuser avec l'actualité, qui comme nous le savons, n'est qu'une répétition d'épisodes déjà joués dans les siècles précédents.

- Alors ? Vous avez réfléchi à ma proposition ?

- J'y pense tous les matins en me rasant.

- Tiens ? Vous vous rasez vous-même ?

- Oui, je côtoie trop de raseurs dans la journée.

Frédéric LENORMAND : Docteur Voltaire et Mister Hyde. Voltaire mène l'enquête. Réédition Le Livre de Poche Policier/Thriller. Parution le 17 janvier 2018. 240 pages. 6,60€.

Première édition : Editions Jean-Claude Lattès. Parution 3 février 2016. 342 pages. 18,00€.

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16 janvier 2018 2 16 /01 /janvier /2018 09:19

Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place

Où la main ne passe et repasse.

Erskine CALDWELL : Le petit arpent du Bon Dieu

Pas sûr que Ty Ty Walden connaisse cette fable de La Fontaine, Le laboureur et ses enfants, pourtant depuis quinze ans il s’échine à défouir son terrain afin de mettre au jour un éventuel trésor. Il est persuadé découvrir d’éventuelles pépites d’or. Et naturellement ses arpents ressemblent plus à des champs de mines que de coton.

Des trous il y a en partout, sauf au Petit arpent réservé au Bon Dieu, terre consacrée dont le produit de la récolte doit aller à l’église, mais il existe une solution, déplacer ce lopin de terre pour à nouveau creuser. Black Sam et Uncle Felix, ses ouvriers agricoles nègres, sont réquisitionnés tout comme ses deux fils, Buck et Shaw. Quant à Darling Jill, elle préfère vadrouiller et aguicher. Et Griselda, la femme de Buck, elle prépare la popote.

Elles sont belles Griselda et Darling Jill, tout comme Rosamond, l’autre fille de Ty Ty, installée à la ville avec Will, un ouvrier à la filature. Car lorsqu’ils ne sont pas aux champs, en Géorgie comme Ty Ty et ses deux fils, ils travaillent à la filature en Caroline, l’état voisin. C’est le lot des hommes et de la plupart des femmes. Seul Jim Leslie, le fils aîné de Ty Ty, s’est installé à la ville, à Augusta, dans une riche demeure. Il est courtier en coton et est marié avec une femme insignifiante. Ce qui n’est pas à proprement parler une profession exempte de tout reproche selon Will :

Il a fait fortune en jouant sur les cotons. Il n’a pas gagné l’argent qu’il a… Il l’a volé. Vous savez bien ce que c’est, un courtier en coton. Savez-vous pourquoi on les appelle courtier ? Parce qu’ils s’arrangent toujours à ce que les fermiers soient à court d’argent. Ils leur prêtent de petites sommes et ils s’enfilent toute la récolte. Ou bien ils mettent un type à sec en faisant monter et baisser les prix pour les obliger à vendre. C’est pour ça qu’on les appelle courtier en coton.

 

Retrouvons Ty Ty sur son terrain alors que Pluto arrive en voiture. Pluto est un homme gras, parti à la pêche aux électeurs car il doit se présenter à la place de shérif. Mais il fait chaud et il est amoureux de Darling Jill alors il reste à se reposer tout en déclarant qu’il doit continuer sa récolte de voix. Et dans la discussion, l’évocation de la présence d’un albinos dans les marais intéresse fortement Ty Ty.

Il lui faut cet albinos car selon certains racontars, ces hommes tout blancs sont capables de désigner les endroits où se cache l’or. Mais il ne s’agit pas de sorcellerie, par le plus-de-parfait des enfers, c’est scientifique d’après Ty Ty. Ty Ty agit toujours de manière scientifique. Positivement comme dirait Pluto.

Donc, première chose à faire, s’emparer de l’albinos dans les marais où il s’est installé. Ensuite, se rendre en Caroline, à Scottsville, afin de convaincre Will de venir les aider à creuser. Ils se serviront du véhicule de Pluto, Griselda et Darling Jill venant avec eux. Une épopée qui se traduira par quelques événements qu’ils n’avaient pas prévus.

La filature est fermée depuis dix-huit mois et les ouvriers, Will en tête veulent rétablir le courant, malgré la Compagnie qui a décidé en représailles d’une grève, justifiée, de fermer la filature. Les ouvriers n’acceptent pas de ne toucher qu’un dollar dix alors que les propriétaires roulent dans des voitures à cinq mille dollars. De plus ils sont obligés de payer leur loyer, vivant dans des maisons jaunes toutes semblables appartenant à la compagnie. Et la Compagnie vient d’embaucher des briseurs de grèves.

Mais ce qui débutait comme une joyeuse farce quelque peu grivoise, le plus souvent par des phrases à double sens ou des sous-entendus, va se muer en drame. Darling Jill est une aguicheuse qui n’hésite pas à provoquer Pluto, et à coucher avec Will, le mari de sa sœur Rosamond. Tandis que Jim Leslie, sommé de donner de l’argent à Ty Ty qui est véritablement en manque, il va être obnubilé par Griselda.

On ne peut s’empêcher d’établir des parallèles entre ce texte fondateur publié aux Etats-Unis en 1933, et les romans publiés postérieurement mettant en scène des petits blancs des Etats-Unis, ces ruraux qui loin des grandes villes végètent ou tentent de survivre. Mais il s’inscrit dans la dépression qui suit immédiatement le crack économique de la bourse, le jeudi noir du 24 octobre 1929, laissant la plupart des ouvriers considérés comme des esclaves sur le flanc.

Fils spirituel de Zola, notamment dans le roman La Terre et dans ceux où le romancier naturaliste français décrit les conditions de travail des ouvriers, Erskine Caldwell se montre précurseur dans le roman social américain. Il existe des analogies avec les écrits de certains de ses contemporains romanciers, dont John Steinbeck, qui s’est peut-être inspiré de la mentalité de quelques personnages pour écrire Des souris et des hommes, qui sera publié en 1937, et postérieurement, en ouvrant la voie à Charles Williams pour Fantasia chez les ploucs, réédité récemment sous le titre Le Bikini de diamant, et qui date de 1956, ou Jim Thompson avec 1275 âmes, rebaptisé Pottsville, 1280 habitants.

A l’origine, ce roman avait été condamné pour obscénité, mais sous la pression de quarante-cinq écrivains américains, le juge a dû arrêter les poursuites engagées. Plus grivois qu’obscène, selon les critères actuels, ce roman est plus dérangeant pour la société américaine huppée, par la description des conditions de vie et de travail des ouvriers dans les filatures, qui malades des poumons, crachent le sang, un peu comme ceux qui de nos jours sont atteints par les méfaits de l’amiante. Mais il était plus facile de s’attaquer au côté ollé-ollé de cet ouvrage que de s’attarder sur le côté sociétal.

Première édition Gallimard 1936.

Première édition Gallimard 1936.

Ce roman a été adapté au cinéma par Anthony Mann en 1958, avec dans les rôles principaux : Robert Ryan ; Aldo Ray ; Buddy Hackett ; Jack Lord ; Fay Spain ; Vic Morrow ; Helen Westcott ; Lance Fuller ; Rex Ingram ; Michael Landon et Tina Louise.

Erskine CALDWELL : Le petit arpent du Bon Dieu

Erskine CALDWELL : Le petit arpent du Bon Dieu (God’s little acre – 1933. Traduction de M.E. Coindreau). Préface d’André Maurois. Réédition Le Livre de Poche N°66. 3e trimestre 1967. 256 pages.

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15 janvier 2018 1 15 /01 /janvier /2018 09:59

Des p’tits trous, des p’tits trous, encore des p’tits trous

Des p’tits trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous

Des trous de première classe, des trous de seconde classe…

Daniel CARIO : Ne reposez pas en paix.

Et pour creuser des trous, il en creuse. Dimitri Kolev, d’origine polonaise, est le fossoyeur du village de Vassière, petit village minier entre Laon et Charleville-Mézières. Fils d’un ancien mineur Polonais, il travaille aussi la terre, mais s’il va au charbon, c’est dans le petit cimetière, soignant ses locataires, bichonnant leurs dernières demeures.

Il s’est marié avec Bérengère, une femme pas particulièrement belle mais aimante. Comme il aimait à dire, avec ses yeux qui louchaient, elle pouvait surveiller ses deux enfants, Grégoire et Paulin, en même temps. Grégoire est captivé par la mécanique, construire, déconstruire puis remonter les pièces, les assembler sans avoir besoin de mode d’emploi. Paulin est plus réservé, plus attiré par la nature. Grégoire va même, après l’école, chez le garagiste local et il n’a pas peur de mettre les mains dans le cambouis, rafistolant une vieille bagnole grâce aux conseils éclairés du garagiste et de son ouvrier.

Seulement Bérengère est décédée alors que Grégoire n’avait du neuf ans environ et son frère deux ans de moins. En bon fossoyeur consciencieux, Dimitri a voulu creuser la tombe de son épouse, puis lors des obsèques, il a obligé ses gamins à déposer la terre sur le cercueil. Naturellement, cela a perturbé Dimitri, ainsi que ses gamins, et son labeur terminé il fréquente de plus en plus les cafés du village. Et lorsqu’il rentre le soir, il divague.

Il a appris à Grégoire, devant l’insistance du gamin, à conduire sa vieille bagnole, et parfois cela lui est utile. Le gamin le ramène au logis, ou alors il n’a plus qu’à rentrer à pied. Il se déconnecte de plus en plus de la réalité.

D’autant qu’une drôle d’histoire lui est arrivée un jour de déterrement, et il la narre quasi tous les soirs, engloutissant les verres que lui offrent ses compagnons de comptoir. Une histoire farfelue, morbide, qui effraye et amuse en même temps. Alors qu’il devait exhumer un cercueil pour le déplacer et récupérer ainsi de la place, il s’est aperçu que le bois était entièrement pourri, ça c’est normal, mais que le couvercle avait été griffé par le mort qui lors de l’inhumation ne devait pas l’être, mort.

Depuis il a peaufiné son histoire, amusant la galerie par ses mimiques. Grégoire et Paulin, eux aussi, sont au courant de cet avatar. Et de plus en plus Dimitri s’enfonce dans sa dipsomanie, négligeant ses gamins qui au fils des mois grandissent.

Et un jour, Grégoire qui aime également vadrouiller dans la forêt et se promener près d’une grande demeure, une sorte de manoir qui sert de colonie de vacances pour fils de riches notables, oublie de rentrer. Dimitri s’aperçoit à peine de la disparition de son aîné. Grégoire revient trois jours plus tard, effrayé, mutique, se réfugiant dans le grenier, ne répondant pas aux questions de son jeune frère Paulin.

 

Un jour, un gamin est découvert à l’entrée d’une gendarmerie située à plus de cent kilomètre de Vassières, mais il ne sait pas dire qui il est, d’où il vient. Il est mutique, et probablement amnésique. La brave Delphine, lieutenant de gendarmerie, s’entiche de ce gamin perdu. C’est une forte femme, de caractère mais physiquement aussi. Elle pourrait servir de modèle à Fernando Botero, éventuellement. Célibataire, sans amours pour le moment, elle reporte son affection sur le gamin, qui peu à peu et sous l’influence d’une psychologue amie de Delphine, s’exprime par réponses courtes et sibyllines.

 

Daniel Cario nous entraîne dans un suspense montant en puissance inexorablement. Après une première partie intitulée Le Fossoyeur, dans laquelle il plante le décor et les personnages, il nous entraîne dans une seconde partie, L’amnésique, dont le personnage central est un gamin. Mais lequel ? Tout tourne autour de ce jeune ado d’une douzaine d’années, apparemment, et les gendarmes, qui au début se méfient de lui et de ce qu’il peut raconter, au fur et à mesure que Delphine l’apprivoise, vont sillonner la région dépassant le périmètre dont ils ont la charge, empiétant sur le domaine de leurs collègues, se heurtant parfois à un juge incrédule. Il indique toutefois la tombe d’un cadavre, dans la campagne.

La vérité ne jaillira pas comme un geyser islandais, et il faudra de la ténacité, de la pugnacité, une grosse dose patience pour arriver à un épilogue dramatique, dans une intrigue dont la vengeance et le pardon sont les maîtres mots.

On pourrait se croire dans une histoire concoctée par Hector Malot, par certains côtés, par Hervé Bazin ou Gilbert Cesbron, par d’autres approches, et ce qui pourrait évoquer une farce normande à la Guy de Maupassant, devient un enfer limite Kafka. J’exagère peut-être, pour Kafka.

Daniel Cario prend le temps de poser le décor, d’énoncer les tenants et les aboutissants, de camper les personnages, de leur donner de l’épaisseur sans tremper sa plume dans l’encrier gorgé d’hormones de croissance ou d’EPO. Non, il les installe dans des situations quotidiennes, remontant le passé, allant jusqu’à décrire l’arrivée du grand-père Polonais et ses mésaventures dans la mine lorsque celle-ci s’effondre, se retrouvant enfoui, comme une malédiction familiale et transgénérationnelle. Mais les autres personnages bénéficient du même traitement d’investigation psychanalytique, notamment la gironde Delphine et ses relations professionnelles ou extraprofessionnelles.

Le lecteur s’imbibe, se sent proche des protagonistes, s’invite à la table familiale, se rince le gosier en même temps que Dimitri dans les bars, s’esclaffe à ses racontars, rit jaune parfois, frémit, se sent pousser des envies d’aider ce gamin perdu parmi les adultes, avec des neurones en vrac, de lui souffler les réponses, voire se tromper dans ses déductions.

Car Daniel Cario nous entraîne dans des sentiers qui paraissent balisés mais sont constitués de trompe-l’œil, de faux-semblants, mais restant dans une logique et une construction narrative imparable.

L’un des romans les plus beaux et les plus touchants de l’auteur et de l’année avec un titre intrigant mais judicieusement trouvé.

 

Daniel CARIO : Ne reposez pas en paix. Groix éditions et diffusion. Parution novembre 2017. 384 pages. 14,90€.

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13 janvier 2018 6 13 /01 /janvier /2018 11:12

Vous ne regarderez plus les nævus

de la même façon…

François AVISSE : L’arracheur d’ombres.

Si ce roman débute dans une atmosphère d’angoisse indicible, il se clôt dans l’horreur, la fureur et la terreur. Une montée en puissance et un final dignes de Richard Matheson, Graham Masterton et Clive Barker. Mais en plus ramassé et en plus percutant.

Médecin légiste à la CIA, Clara Villiers, une pointure dans son domaine alors qu’elle n’est âgée que de trente ans, débarque à Londres et se rend immédiatement à Scotland Yard où elle a rendez-vous avec Bergerman, le légiste local.

Après une entrée tonitruante dans l’édifice, Clara est conviée à examiner le cadavre d’une jeune femme. Le Méticuleux a encore frappé. Une bonne demi-douzaine de meurtres à son actif, toujours dans selon le même procédé, mais d’habitude il sévit en Europe de l’Est. Pourtant, c’est Jérémy, le mari policier à Scotland Yard, qui s’accuse, car il est rentré tard d’une virée en compagnie avec une collègue. S’il avait été présent au lieu de batifoler, ce drame ne se serait peut-être pas produit. Peut-être.

Clara met les points sur les I immédiatement. Elle ne se contente pas d’autopsier, elle participe aux enquêtes, et celle-ci, quoi que ce soit Interpol qui en a la charge, elle compte bien s’y investir. Mais auparavant il faut examiner le cadavre de la jeune femme. Clara distingue une marque blanchâtre, comme si un tatouage avait été prélevé. Mais après une observation minutieuse et rigoureuse, il s’avère que c’est un nævus qui a été soigneusement décollé. Jérémy confirme la présence antérieure du grain de beauté

Et ce n’est pas le premier emprunt réalisé, des documents dignes de foi en font état. Qui peut s’amuser à dégager des grains de beauté sur la peau de défunts ? Le Méticuleux, d’accord, mais qui est cet olibrius collectionneur ? Clara trouve des affaires similaires, le soir sur son ordinateur, alors qu’elle est logée chez une amie dont le fils est son filleul. Et ces prélèvements remontent à des milliers d’années selon des reportages et documentaires historico-scientifiques.

Interpol est sur les dents, chargé de recueillir toutes informations susceptibles de dévoiler l’identité de ce Méticuleux qui se moque d’eux. Or justement, en Russie, une gamine vient d’être arrêtée, soupçonnée de meurtres, et dont le dos est orné d’une tache noire, un gros grain de beauté. Ceci s’est déroulé non loin de Novgorod, là où selon l’histoire du pays, Ivan le Terrible aurait séjourné en l’an 1564. Alors qu’il était d’un caractère assez affable, il est revenu belliqueux, tortionnaire, massacrant des milliers de citoyens, avec l’aide de ses troupes.

Une légende plane sur l’endroit, et Clara est bien décidée à enquêter sur place, en compagnie de Bergerman, et d’un invité surprise, Jérémy qui lui aussi à un compte personnel à régler. La jeune fille, Tatiana de son prénom est enfermée dans un asile. Mais qui est Tatiana, demandera le lecteur impatient. Je ne vais pas vous dévoiler son panégyrique puisque l’auteur nous la présente, dans des conditions festives qui tournent au drame dans les premiers chapitres.

Si l’intrigue débute comme une nouvelle affaire de tueur en série, collectionneur de trophées humains, avec une enquête rigoureuse, et la perpétration de massacres, peu à peu l’histoire monte en puissance, la tension croissant. Et elle se clôt dans une mise en scène élaborée que n’auraient pas reniée, ni désavouée nos plus grands Angoisseurs et Fantastiqueurs, Jean Ray en tête. Tandis que l’épilogue est prétexte à retrouver Clara dans de nouvelles aventures tout aussi trépidantes et angoissantes.

A noter qu’un personnage, seulement évoqué, un archéologue, se nomme Francis Savoise, anagramme du patronyme de l’auteur.

 

François AVISSE : L’arracheur d’ombres. Editions Terra Nova. Parution le 15 novembre 2017. 240 pages. 17,50€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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