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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 06:43

Lorsque le maître des cieux expulse ses calculs

rénaux, cela forme des météorites…

Claude IZNER : Rendez-vous passage d’Enfer.

En ce mercredi 14 août 1895, une pluie de météorites s’abat sur la forêt de Montmorency. Un rebouteux recueille une pierre et s’en sert pour soigner un gamin atteint de fièvre. A Domont, dans la propriété d’Hugo Malpeyre, une dizaine de membres d’une confrérie fondée une vingtaine d’années auparavant par Emile Legris, rendent hommage au souvenir à leur mentor.

Legris avait créé cette société, nommée A cloche-pied, selon les principes de Charles Fourier, créateur du fouriérisme, un mouvement utopique, et avait aidé les participants en leur trouvant des postes de travail ou simplement financièrement. Mais ces quelques participants, des hommes et des femmes qui possèdent tous un sobriquet relatif à un trait de leur caractère ou de leur passion, ne s’entendent guère. Malpeyre, leur hôte, recueille les chiens errants ou maltraités a été surnommé Taïaut. Les autres œuvrent dans des domaines divers, qui sous-chef de gare à Montparnasse, qui marchand de jouets, qui cantatrice d’opérette dans des casinos de province, ou encore une demi-mondaine, liste non exhaustive qui n’influe pas sur l’histoire.

Le mardi 22 octobre 1895, un train en provenance de Granville traverse la gare Montparnasse, traverse la salle des arrivées et se plante dans la chaussée place de Rennes. Un incident qui fait vibre de nombreux immeubles dont celui situé 5 rue du Départ. Dans un des appartements gît Donatien Vendel, le sous-chef de gare, alité depuis des semaines suite à un incident qui s’est produit avec les membres d’A cloche-pied en forêt de Montmorency.

Eric Pérochon qui est venu rendre visite à son oncle, recueille les derniers mots du mourant qui vient de recevoir une potiche sur la tête, aggravant son état. Non seulement ces révélations lui permettent de mettre la main sur quelques billets de banque, une manne pour lui qui est en manque chronique de fonds, mais il note une liste de noms, des personnages qu’il se promet de rencontrer. Il s’agit des adhérents de cette confrérie A Cloche-pied et d’après les renseignements prélevés il pourrait devenir possesseur d’un trésor.

 

Pendant ce temps, que ce passe-t-il à la librairie Elzévir dont Joseph Pignot vient d’être de prendre du galon, ayant le statut d’associé de son beau-frère Victor Legris et de Kenji Mori, le beau-père des deux hommes, l’un étant marié à Iris la fille du Japonais et l’autre étant son fils adoptif ?

Joseph et Iris sont les heureux parents d’une petite fille, Daphné, qui les perturbe à cause d’une poussée dentaire. Joseph est toujours en proie à la fièvre de l’écriture de ses romans feuilletons, recherchant des idées, quant à Iris elle rédige un nouveau conte animalier. Mais Joseph n’est pas satisfait du nouvel apprenti, Urbain, qui est un peu rural, et il désire le renvoyer dans ses foyers, avec son père par exemple qui est commanditaire en fruits et légumes aux Halles. Victor Legris lui est tarabusté par la concierge qui se plaint qu’au grenier une malle l’importune. Il ouvre donc cette caisse et découvre à l’intérieur des papiers qui ont appartenu à son oncle, Emile Legris, dont notamment un échéancier avec inscrits sur la page de garde quelques noms. Mais bientôt ces noms prendront une importance capitale lorsqu’il découvre dans un journal que des accidents provoqués ont fait des victimes. Des meurtres en réalité, car bientôt les faits se précisent.

Alors que Joseph a trouvé un remplaçant à Urbain en la personne de Siméon Delmas, un client féru de littérature, confectionnant des paquets à la perfection et sachant se débrouiller seul pour les livrer, Kenji est occupé avec sa nouvelle passion, la photographie, Victor se penche sur le passé de son oncle Emile et de sa confrérie.

Mais de nouveaux meurtres, cachés plus ou moins bien en accidents, sont perpétrés, Joseph et Victor, d’abord chacun de son côté puis en unissant leurs efforts et leurs recherches, se mettent à la quête de l’identité du coupable. Ce qui n’est pas une mince affaire. Et il leur faut ruser, tout aussi bien avec l’individu insaisissable qu’avec leurs proches pour mener à bien leurs investigations.

 

La trame policière est presque voilée par les nombreuses descriptions, digressions, que Claude Izner englobe dans l’énigme proposée. Qui est le (ou la) coupable des meurtres. Eventuellement, pourquoi. Mais l’épilogue joue dans le registre du roman de suspense, car l’identité du coupable sort du chapeau, et pourtant tout est évident. Mais Claude Izner promène son lecteur dans le registre des coupables potentiels sans faillir.

L’aspect historique, social, culturel et artistique est largement développé grâce aux faits divers qui ont marqué cette année 1895. On y rencontre la figure de littérateurs tel que Jules Renard, d’artistes peintres même si certains comme Toulouse-Lautrec n’y sont qu’évoqués. Les potins et les prises de position tournent surtout autour de deux affaires qui divisent, en France et en Angleterre.

L’affaire Dreyfus d’abord qui en est aux prémices avant d’exploser et d’éclabousser la classe dirigeante, mais pas que, car révélatrice d’un antisémitisme profond. Le point culminant en étant l’année 1898 et le pamphlet pro-dreyfusard de Zola dans J’accuse… ! Mais une autre affaire, dite de mœurs, retient l’attention. Le procès d’Oscar Wilde alors que sa pièce L’Importance d’être Constant remporte un énorme succès. Et naturellement les personnes en vue, notables, bourgeois aisés, les artistes entre autres, défendent sa moralité, ne serait-ce que pour contrarier l’ennemi intime, l’Angleterre.

Ce sont les débuts du cinéma avec la projection des premiers films des frères Lumière, une invention qui intrigue mais ne convainc pas, tout du moins au début.

Et l’épisode de l’accident de train en gare de Montparnasse est une réalité historique et sert de point de départ de ce roman baignant dans un humour réjouissant et salutaire. Quant à la pluie de météorites, nul site n’en parle, mais cet événement est probable.

Enfin, détail amusant, cette anecdote :

Imaginez, mon bon, les Anglaises ne se contentent plus de boire le thé, elles le fument, on appelle ça des tea-cigarettes, rendez-vous compte.

Et l’on suit avec plaisir les évolutions relationnelles de Victor Legris et associés et de leurs compagnes dans leur vie quotidienne, leurs aspirations, leurs petites jalousies, leurs méfiances, leurs joies également. Ainsi que les personnages qui évoluent autour d’eux, les habitué(e)s de la librairie et cela fournit quelques études de mœurs dignes du théâtre de boulevard.

 

Claude IZNER : Rendez-vous passage d’Enfer. Collection Grands Détectives N°4100. Editions 10/18. Parution le 21 février 2008. 352 pages. 8,80€.

ISBN : 978-2264044907

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6 avril 2019 6 06 /04 /avril /2019 07:16

Vertiges ou vestiges de l’amour ?

Michel BUSSI : J’ai dû rêver trop fort.

Continuant sa série de romans aux titres empruntés à des chansons, Un avion sans elle, Maman a tort, On la trouvait plutôt jolie, le nouveau livre de Michel Bussi nous invite à revisiter le succès d’Alain Bashung. Il nous incite surtout à prendre l’avion en compagnie de son héroïne, Nathalie dite Nathy, hôtesse de l’air quinquagénaire sur des vols longs courriers, qui a une hirondelle tatouée sur l’épaule.

Elle est mariée avec un menuisier-ébéniste qui se prénomme Olivier, un prénom de circonstance, possède deux filles, Laura et Margot, et vit en Normandie à Porte-joie, une ancienne commune de l’Eure qui jouxte la Seine. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si une succession de coïncidences ne venaient interférer avec son prochain déplacement prévu pour Montréal, du 12 au 13 septembre 2019.

Mais sur sa liste des prochains vols prévus à la suite les uns des autres, outre Montréal, figurent Los Angeles et Jakarta. Commence un calcul de probabilités difficile à résoudre. Car c’est exactement le parcours qu’elle a eu à effectuer vingt ans auparavant. Mais avant de partir, elle se rend compte que son tiroir secret a été fouillé, ses papiers et une pierre du temps qu’elle garde précieusement depuis cette date, chamboulés. Une chanson est diffusée par son autoradio, Let it be. Et lorsqu’elle se positionne devant la porte d’embarquement, la M, comme par hasard, elle retrouve son amie Florence, hôtesse de l’air elle aussi, qui va voler en sa compagnie, de même que le commandant de bord, Jean-Max Ballain, qui approche de la retraite et est connu pour ses nombreuses conquêtes féminines. D’ailleurs de petits malins ont quelque peu détourné son patronyme en Jean Ballain Max !

Bref, la petite équipe est reconstituée comme vingt ans auparavant. C’est tout ? Non, se rendent également à Montréal Robert Smith et ses musiciens. Le groupe The Cure qui vingt ans auparavant avait fait frissonner Flo, toute pétillante de côtoyer de telles célébrités.

Parmi le personnel navigant, Nathy retrouve deux autres collègues qu’elle connait bien et Charlotte, une stagiaire. Manque à l’appel Ylian, le musicien à la guitare et à la casquette écossaise dont elle avait fait la connaissance à cette même porte M et avec lequel elle avait découvert Montréal, puis qu’elle avait retrouvé à Los Angeles puis à Barcelone et enfin à Jakarta. La première fois était un hasard mais pas la suite. C’était l’appel du cœur et des sens qui la poussait à le retrouver ou à le rechercher.

Non franchement, il y a trop de coïncidences, car à Montréal, d’autres faits se produisent, comme si quelqu’un s’attachait à vouloir lui faire remonter le passé du cœur dans la tête. Elle revit des événements, des émotions qui l’avaient bouleversée vingt ans auparavant, qui ne s’étaient jamais vraiment effacés mais seulement dilués au cours des années et de la vie familiale.

 

Toutes ces coïncidences mises bout à bout ne relèvent pas du hasard, mais elles ont été programmées par une main malveillante, Nathy s’en persuade de plus en plus. A moins qu’en présence d’un puis deux faits qui nous ramènent en arrière, on a le sentiment d’être assailli par des coïncidences, alors qu’inconsciemment on crée, on recherche des concordances. Et ceux-ci passeraient peut-être inaperçus dans d’autres circonstances. Non, ça ne marche pas comme ça se dit-elle.

C’est à elle personnellement que cette main manipulée par une tête pensante diabolique en veut. Elle s’en persuade et bientôt toutes ces concordances lui donnent raison. Pour quelle raison ? Dans quel but ? Et comment interpréter cette agression à San Diégo alors qu’elle venait de visiter Tijuana, comme elle l’avait fait vingt ans auparavant. De même qui peut s’amuser à lui prendre et remettre sa pierre du temps qu’une commerçante inuite lui avait donné à Montréal alors qu’elle parcourait la ville lors de son précédent voyage avec Flo et Jean-Max Ballain ?

Un manipulateur malin (ou une, il ne fait exclure personne) qui s’arrange pour perpétrer ses forfaits à son insu et le lecteur tente de mettre un nom sur cette personne malveillante. Mais celui ou celle auquel il peut penser ne se trouve pas forcément à l’endroit où elle évolue. A moins de posséder des accointances, des complices, mais comment étayer ces suppositions, ces conjectures ?

Et lorsque, enfin, le lecteur, moi le premier, découvre la vérité, il se dit que Michel Bussi une fois de plus nous a entraîné dans une histoire qui n’a rien de fantastique, que tout est logique, et particulièrement bien construite. Avec son lot de surprises et un retournement final particulièrement détonant, comme un déferlement.

Un roman musical, qui nous transporte au-delà de nos rêves, en compagnie d’Alain Bashung, des Beatles, des Cures et de combien d’autres.

Un roman d’amour et de passion, émouvant, qui prend aux tripes, et qui démontre que le don de soi n’est pas un vain mot.

Un roman qui se décline entre hier et aujourd’hui, entre 1999 et 2019. Et le lecteur ne peut se perdre dans les dates, entre ces différents chapitres, car un repère distingue, sur le haut des pages de droite, les deux périodes. Une hirondelle pour 1999 et un petit empilement de galets pour 2019. Mais chut, je ne vous ai rien dit.

 

Quand on enterre un être, combien d’amours secrètes enterre-t-on avec ? Combien de passions jamais avouées, happées par le néant, disparaissent comme si elles n’avaient jamais existé ?

 

Michel BUSSI : J’ai dû rêver trop fort. Editions Presses de la Cité. Parution le 28 février 2019. 480 pages. 21,90€.

ISBN : 978-2258162839

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5 avril 2019 5 05 /04 /avril /2019 07:03

Tu veux qu'j'te chante la mer
Le long, le long, long des golfes
Pas très clairs

Alain BERNIER et Roger MARIDAT : Pièges dans le Golfe.

Anna Verdon ne supporte plus la vie étriquée qu’elle mène entre ses parents, l’un alcoolique et chômeur patenté, l’autre se plaignant sans cesse et se reposant sur sa fille en toutes occasions.

Seul trouve grâce à ses yeux son jeune frère, Jean-Charles, un mou qui a besoin du soutien permanent de sa sœur, laquelle va même jusqu’à payer ses études. Ambitieuse, Anna aspire au confort matériel, à une situation professionnelle élevée, à la reconnaissance de ses capacités professionnelles.

Elle décide donc de quitter le foyer familial entraînant avec elle Jean-Charles. L’opportunité de se faire une place au soleil lui est offerte par une de ses anciennes camarades qui se marie.

Laurence travaille chez Gallouédec, le parfumeur bien connu, mais elle envisage de quitter son emploi, aussi Anna pense pouvoir, grâce à ses compétences se faire embaucher. Elle imagine un stratagème qui devrait lui apporter tout rôti le patron susceptible de reconnaître ses capacités. Elle feint une noyade alors que Gallouédec (quarante ans de plus aux artères) se baigne dans l’océan, et l’accroche dans ses filets.

Seulement au lieu de trôner derrière un bureau, la voilà lascive (pas trop quand même) dans un lit. Avec un mariage à l’horizon. Elle qui se croyait devenir directrice, pourquoi pas P.D.G., de l’entreprise, ne règne que sur la maison.

Piètre avenir qu’elle résoudra en poussant son mari un peu plus tôt que prévu dans le vide. Youpi se dit-elle, enfin je règne et je procure à mon petit frère une place digne de lui. Sauf que c’est un incapable et que les ennuis financiers se pointent à l’horizon.

 

Roman policier que l’on pourrait cataloguer rétro, Pièges dans le Golfe (je n’aime pas trop le titre qui induit en erreur même si l’histoire se déroule dans les environs du Golfe du Morbihan) ravira les amateurs de suspense, même si l’histoire, et donc l’épilogue, semble issu d’un moule maintes fois utilisé.

Bernier et Maridat, qui produisirent d’excellents romans au Fleuve Noir sous le pseudonyme d’Eric Verteuil, n’en sont pas à leur coup d’essai et sous couvert de gentillette romance visitent d’un œil acéré quelques travers de la France profonde (ce qui ne veut pas dire que la capitale est exempte de tout vice, mais les relations entre personnages se révèlent parfois différentes de la province).

Anna s’érige en femme ambitieuse, désireuse d’assumer une volonté de réussite en utilisant en priorité son intelligence, sa culture, ses qualités intrinsèques, et mettant au rencart ses fesses et ses sentiments sauf si les premiers ingrédients se révèlent inopérant. Et encore !

Mais il faut prévoir le retour de bâton et l’épilogue ne manque ni de charme, ni de morale. Selon le point de vue où l’on se place.

 

Alain BERNIER et Roger MARIDAT : Pièges dans le Golfe. Liv Poche Suspense n°57. Liv’Edition. Parution 9 mars 2004. 244 pages.

ISBN : 978-2844970572

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4 avril 2019 4 04 /04 /avril /2019 06:29

Malgré son titre, un roman toujours d’actualité.

Yvonne BESSON : Meurtres à l’antique.

Dans l’hôpital de Marville, petit port de la côte normande, un double crime est perpétré. Lorsque l’on connaît les problèmes rencontrés par les petites entités hospitalières en cette fin de siècle (et depuis, cela n’a pas changé !), on se demande si l’auteur n’a pas voulu jouer dans la politique, mais bon passons, ce n’est pas notre propos.

Donc un double crime est accompli et pour l’inspecteur fraîchement débarquée Carole Riou, voilà enfin du pain sur la planche afin de démontrer ses possibilités. Mais nous ne sommes pas en banlieue, qui comme chacun le sait grâce aux interventions médiatiques sont les réservoirs de la délinquance, mais en province. Cette province si belle, si tranquille, si reposante, si… bref, le genre d’endroit qui ne fait pas parler de lui sauf lorsqu’un crime y est commis.

Et encore, faut-il que le sensationnel soit au rendez-vous. Alors que le mythe d’Œdipe vienne se fourrer là-dedans, et que des notables soient impliqués, qu’ils s’appellent Malot en plus (comme Hector) que des secrets de famille remontent à la surface comme des bulles dans un marécage, voilà qui ne peut qu’attiser la soif d’enquête du journaliste local. Oui mais ne s’appelle pas Rouletabille qui veut. Ah ce grenouillage dans le monde feutré de la ruralité propre sur elle !

 

Pour un premier roman, c’est une totale réussite et l’on pourrait croire que cet ouvrage est issu de la plume d’un auteur confirmé.

Yvonne Besson, enseignante à Dieppe, reflet déformé de Marville, a su tirer partie des lectures de nos belles étrangères (Martha Grimes, Elizabeth Georges, Frances Fyfield…) afin d’implanter un décor dans la province française si chère à Flaubert et à Maurice Leblanc.

Une réussite à ne pas négliger malgré un titre un peu commun, pour ne pas dire banal.

 

Réédition Folio Policier N°218. Parution juillet 2001. 416 pages. 9,00€.

Réédition Folio Policier N°218. Parution juillet 2001. 416 pages. 9,00€.

Yvonne BESSON : Meurtres à l’antique. Editions de la Table Ronde. Parution le 10 novembre 1998. 380 pages. 16,30€.

ISBN : 9782710308836

Réédition Folio Policier N°218. Parution juillet 2001. 416 pages. 9,00€.

ISBN : 978-2070412860

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3 avril 2019 3 03 /04 /avril /2019 07:11

Il ne participera pas à une course hippique avec pari mutuel urbain !

BOILEAU-NARCEJAC : Sans Atout et le cheval fantôme.

Un jour un professeur en conclusion d’un développement sur l’ordre avait énoncé : L’ordre, c’est, dans la vie, le meilleur atout !

Il n’en fallait pas plus pour que François Robion, un adolescent de quinze ans, soit ainsi surnommé. Il est désordonné, ne se souvenant jamais où il a pu ranger ses affaires. Mais selon lui, ce sont ses affaires qui déménagent sans le prévenir ! Heureusement que son père avocat ne possède pas les mêmes prédispositions à tout égarer !

Il prépare ses bagages, sous l’œil vigilent de sa mère, afin de partir en vacances de Pâques, seul, au château de Kermoal, près de Portsall dans le Finistère. Une grande première, d’autant qu’il va rejoindre le château familial en train.

Un château médiéval qui commence à tomber en ruines, avec de nombreuses pièces vides, les meubles et les objets précieux n’ayant pas résisté à la convoitise de l’Occupant lors de la dernière guerre. Seul un vieux couple garde l’édifice, les Jaouen, en compagnie de leur fils adoptif, un petit-neveu nommé Jean-Marc, âgé de trois ans de plus que François.

Jean-Marc, alors qu’il emmène François jusqu’au château à bord de sa vieille 2CV achetée un mois auparavant, confirme que l’édifice est à vendre. Les acheteurs ne se pressent pas car de très nombreuses rénovations sont à prévoir. Mais un promoteur qui désire tout raser afin de vendre en parcelles est sur les rangs. Et Jean-Marc, qui a toujours vécu dans ce château est triste.

Le soir même, Jean-Marc invite François à se rendre dans une pièce de la tour nord, l’opposé où les Jaouen dorment. Il entrouvre la fenêtre et François médusé peut entendre le pas d’un cheval s’avançant tranquillement, le bruit de l’harnachement, un claquement de langue. Mais aucune silhouette, aucune ombre de l’animal, rien ne prouvant sa présence sauf les bruits des déplacements. Ah si, juste l’empreinte d’un sabot.

Le lendemain soir, le même manège continue et les soirs suivants les époux Jaouen sont également invités à écouter, à défaut de voir, ce phénomène. François et Jean-Marc descendent dans le parc et retrouvent un homme couché à terre, probablement assommé. Il possède une statuette représentant un cheval cabré en or. Ils recueillent l’individu mais le lendemain matin celui-ci a disparu.

Un nouveau visiteur se déplaçant ave chauffeur en Bentley se présente afin de visiter le château. Il est Hollandais et entrepreneur en maçonnerie. Il prend des photos et imagine déjà la façon dont il pourrait restaurer l’édifice. De plus il est intéressé par une petite chapelle proche, la chapelle du Pardon, qui possède un passé historique.

Mais François, alias Sans Atout, sent une entourloupe là-dessous, et il va enquêter seul, au péril de sa vie, enfreignant les consignes de sécurité qui veut qu’on ne se déplace pas ainsi en territoire inconnu sans avoir assuré ses arrières.

 

Un roman destiné aux enfants mais dont l’écriture n’est pas mièvre, et dont le traitement ressemble un peu aux romans adultes que le duo Boileau-Narcejac a écrit durant des décennies, dont D’entre les morts, adapté au cinéma sous le titre Sueur froide par Alfred Hitchcock en 1958 et qui sera réédité sous ce nouveau titre à nombreuses reprises.

La construction de cette intrigue propose d’ailleurs plusieurs lectures, le phénomène cheval qui emmène le lecteur dans une ambiance quelque peu fantastique, la résolution de ce phénomène, et ce qui en dépend, comme une énigme classique, mais également une entrée digne d’un roman d’aventures avec la statuette en or puis la découverte d’un trésor, le tout ponctué d’une réminiscence de la Seconde Guerre Mondiale.

Tout est là pour intriguer et inciter le lecteur à continuer sa lecture jusqu’à plus d’heure, et tant pis pour l’adolescent qui veut à tout prix connaître l’épilogue et oublie de se réveiller le lendemain matin pour aller à l’école.

Car quoi de mieux que lire la nuit, alors qu’aucun bruit ne vient le perturber et le distraire, ressentant d’autant plus l’atmosphère qui imprègne cette histoire.

Le jeune Sans Atout, malgré son surnom, n’est pas un adolescent étourdi. Il réfléchit et sait se débrouiller dans les moments critiques, un peu à la manière de Mac Gyver, avec les moyens du bord. Et surtout il est curieux, ce qui ne veut pas dire qu’il est indiscret. Quoique dans certains moments, ce défaut peut se révéler une qualité.

Mais, ce que n’écrirait sûrement pas de nos jours l’auteur bicéphale, c’est que François, quinze ans, dans le train qui le conduit en Bretagne, fume une cigarette, et que le père Jaouen, sert à table du cidre et même un petit verre d’eau-de-vie. Pour se remettre de ses émotions. Mais ça c’était avant…

 

Comme disent les Anglais, c’est quand il faut aller vite qu’il ne faut pas se presser.

BOILEAU-NARCEJAC : Sans Atout et le cheval fantôme. Collection Folio Junior N°476. Editions Gallimard. Parution le 7 juin 2007. 176 pages. 6,60€.

ISBN : 978-2070577088

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31 mars 2019 7 31 /03 /mars /2019 07:23

Et un cœur de pierre ?

Valérie LYS : Un amour de statue.

Du haut du vingt-huitième étage de son nouvel appartement dans la tour Les Horizons à Rennes, l’un des premiers immeubles dit de grande hauteur en France, le commissaire Velcro s’imprègne du paysage qu’il contemple jusque là-bas tout au loin. Il vient d’être muté et sa femme ne va pas tarder à le rejoindre.

Son rêve est exaucé, il vient d’intégrer la P.J. bretonne et sa première mission officielle en compagnie du commissaire Delcourt l’envoie à Perros-Guirec sur la Côte de Granit rose. Eva Myla, la célèbre diva, vient d’être découverte morte sur le carrelage de la piscine de la Thalassothérapie du Trestaou. Elle possède une maison sur les hauteurs de Perros-Guirec et y réside lorsqu’elle n’est pas par monts et par vaux pour des concerts. Elle est mariée sans enfant, seulement son mari, dont l’avenir de violoniste était prometteur, a été obligé de ranger son archet à la suite d’un incident. Depuis il est dipsomane, ce qui l’amène parfois à se quereller pour des vétilles.

Selon toute vraisemblance, la mort de la diva n’est pas accidentelle, et l’autopsie le confirmera. Ce n’est pas une surprise, l’étonnement réside dans l’affirmation selon laquelle Eva Myla aurait eu un enfant quelques vingt ans auparavant.

Velcro est scotché en apercevant Deborah, sa coéquipière qui enquête sur une autre affaire dans la région. Elle explique qu’une statue érigée dans la Vallée des Saints (à na pas confondre avec le sillon mammaire) à Carnoët, petite ville située selon les itinéraires entre 66,830 et 77,170 kilomètres (ceci pour ceux qui aiment les précisions), a été vandalisée. Ils se rendent sur le site et questionnent les trois sculpteurs présents en charge de ces nouveaux monuments façon Île de Pâques.

Velcro s’entretient avec les employés de la Thalasso et le directeur. Le docteur qui suit les malades, le jeune kinésithérapeute de pas même vingt-cinq ans, la masseuse esthéticienne, et la réceptionniste enrobée. Mais chacun d’entre eux cultive son jardin secret et cela ne va sans polémiques et pointes de jalousie.

Mais une autre statue est vandalisée et apparemment il n’y aurait aucun rapport, les dégâts n’étant pas conçus de la même façon. Les deux collègues vont enquêter, de concert, c’est de circonstance, ou de conserve, on est en pays marin, sur ces deux affaires qui possèdent un lien, pas évident au départ mais de plus en plus prégnant.

 

Entre les deux collègues s’établit une complicité ponctuée de marivaudage. Car Velcro est attirée par la jolie quinquagénaire, et il semble bien que cela soit réciproque. Mais il est également un épicurien qui savoure les huîtres en ressentant un attrait sexuel dans cette dégustation.

Naturellement les connaisseurs et amoureux du cru suivront les différentes pérégrinations de Déborah et Velcro en visitant des lieux superbes, des lieux historiques, à la mémoire ancienne ou proche, avec la tombe de Thierry le Luron notamment, incontournable pour certains mais dédaignée, et apprécieront les références littéraires et musicales, notamment le lien qui unit Céline, le romancier encensé par bon nombre d’intellectuels de gauche et de droite, mais qui ne m’a personnellement jamais attiré et ce non pas pour ses idées fascistes et antisémites, quoi que, mais à cause de son écriture en pointillé, entre Céline alias Louis-Ferdinand donc et son ami Igor Stravinsky, le célèbre compositeur de L’Oiseau de feu et du Sacre du printemps.

Mais un autre personnage apparait en superposition, celui de Milan Kundera dont l’ex majordome s’est installé dans la tour des Horizons, nichant deux étages au-dessus de Velcro.

Parfois l’on peut se demander où Valérie Lys veut entraîner son lecteur, mais le roman terminé, force est de constater que tout se tient, tout est agencé avec justesse, et que l’on a passé un bon moment en compagnie des deux policiers, ce qui n’est pas chose si courante en ces moments de tension.

 

Les gens intelligents ne savent pas être heureux, ils réfléchissent trop. Ils ont besoin de plaisirs trop sophistiqués.

Valérie LYS : Un amour de statue. Série le commissaire Velcro N°7. Editions du Palémon. Parution le 15 février 2019. 224 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2372605427

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28 mars 2019 4 28 /03 /mars /2019 05:57

Malgré les recommandations parentales, il y en aura toujours qui écouteront les beaux parleurs !

Charles EXBRAYAT : Des demoiselles imprudentes...

A quelques jours de la retraite, le vieil inspecteur Toone de Vos pense en avoir fini avec les enquêtes, même si le commissaire de Conninck possède en instance, voire en souffrance, un dossier épineux. Des jeunes filles de Gand et de sa région retrouvées en Argentine, travaillant dans des clubs réservés aux hommes.

Toutefois il est contrarié quand il apprend que son fils, jeune policier qui travaille également dans le même commissariat de l’Houtdoklaan, dans le quartier populaire du Muide à Gand, que son fils Jef va retrouver Siska, laquelle était partie depuis un mois. Toone préférerait que son fils se fiance avec l’aimable Greta, la fille de l’épicier.

Siska avait gagné un radio-crochet de village et elle avait suivi un beau parleur. Seulement au bout d’un mois, elle s’est rendu compte que les promesses de l’homme n’étaient que du vent. Jef accepte de la rencontrer vers vingt-deux heures dans un parc, malgré les recommandations paternelles.

Peu après le cadavre de Siska est découvert et naturellement Jef est soupçonné. Il préfère s’enfuir que de se rendre à ses collègues policiers. Toone va donc entreprendre une enquête en marge puisque c’est son fils qui est en cause. Officiellement, c’est son collègue Piet qui est chargé par le commissaire de résoudre cette affaire. Mais les relations entre Toone et Piet sont équivalentes à celle d’un chien avec un chat. Un relent de jalousie de la part de Piet.

Jef fait sa réapparition, et Toone obtient, puisqu’aucune preuve probante n’est retenue contre son fils, que celui-ci réintègre le domicile familial. Toone pense qu’un petit malfrat du nom de Deeske, un pilier de bar un voyou affublé d’une sœur qui n’a de cesse de le défendre, pourrait être à l’origine de ce meurtre. Une autre jeune fille est également assassinée, et à nouveau Jef est soupçonné, puisqu’elle aurait affirmé l’avoir aperçu peu auparavant dans le parc en compagnie de Siska. Alors que Jef avait juré n’avoir trouvé qu’un cadavre.

Edmond Maes, l’oncle de Jef et beau-frère de Toone, ainsi que sa femme sont souvent présents à dîner chez les de Vos. Si Edmond est un homme effacé, représentant de commerce et donc souvent en déplacement, sa femme Justine, sœur de celle de Toone, ne passe pas inaperçue avec toutes les breloques qu’elle porte aux poignets et autour du cou.

Dans le quartier du Muide, les langues vont bon train, surtout chez les commerçants. Certains défendent avec acharnement Toone et son fils, tandis que d’autres n’hésitent pas à propager des rumeurs et même accuser de tous les maux Jef. Toone est un vieux policier apprécié de la plupart de ses concitoyens, mais quelques-uns d’entre eux lui vouent une rancune tenace pour de petits faits qui prennent des proportions lors des discussions et des échauffourées. Enfin, il y a ceux qui tergiversent, changeant d’opinion et se rangeant auprès de ceux qui étalent leurs affirmations fallacieuses sans vergogne.

 

Dans ce roman, qui pourrait être un clin d’œil à Simenon, l’auteur joue entre roman policier et roman noir classique, mais souvent avec cet humour qui le caractérisera la plupart du temps dans ses romans dits humoristiques.

On retrouve bon nombre de scènes dont il usera, aussi bien dans les séries du policier italien Tarchinini, père de famille un peu bonasse, et la volcanique et caractérielle Imogène. Les confrontations entre les habitants du Muide sont hautes en couleurs, chacun défendant sa position avec plus ou moins d’hypocrisie et de ressentiment.

Les dialogues sont savoureux ce qui n’empêche pas que la construction de l’énigme policière est imparable, même si le lecteur en vient à deviner l’identité de la ou du coupable. Et les relations entre Toone et son collègue sont également décrites avec réalisme, justesse, mais là encore avec cette pointe d’humour dont Exbrayat raffolait.

Exbrayat savait regarder son entourage, ses concitoyens, les brocardant parfois mais toujours avec tendresse. Et sous des dehors humoristiques, il mettait en scène, sous couvert d’un roman d’énigme, un fait de société dont on ne parle plus guère mais qui dans les années 1950 et suivantes, était dénoncé dans les médias sous l’appellation de traite des blanches.

Le métier des policiers n’est pas de poursuivre des innocents !

Réédition Le Livre de Poche

Réédition Le Livre de Poche

Réédition Le Club des Masques

Réédition Le Club des Masques

Charles EXBRAYAT : Des demoiselles imprudentes... Roman policier classique. Le Masque Jaune N°721. Editions Librairie des Champs-Elysées. Parution 2e trimestre 1961. 254 pages.

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26 mars 2019 2 26 /03 /mars /2019 05:41

La fameuse boîte de Pandore…

Aarons CONNERS : La Directive Pandora

Détective fauché, Tex Murphy est contacté par Fitzpatrick, riche scientifique, qui désire retrouver Thomas Malloy, un de ses anciens collègues habitant le même hôtel que le détective.

Attiré par un air de blues, il s'engouffre dans un bar non loin de chez lui. Emily, la chanteuse, connait Malloy mais ne veut donner d'indication ayant reçu des menaces anonymes. Murphy contacte MacMalden, un flic de ses amis. Le policier lui annonce qu'il est surveillé par des fédéraux de l'ANS, Agence Nationale de Sécurité, et le met en contact avec un journaliste, Pernell.

Surveillant la chambre d'Emily, Tex aperçoit une silhouette attendant la chanteuse. Il s'interpose et poursuit l'inconnu qui se tue en dégringolant d'un toit. Emily lui apprend que Malloy, dont elle est l'épouse, lui avait confié un coffret lequel a été dérobé par le défunt, agent de l'ANS d'après MacMulden. Murphy récupère la boîte mais ne peut l'ouvrir. Préférant sauver sa peau, Murphy promet aux agents de l'ANS de la restituer rapidement. Une femme prénommée Regan lui réclame le coffret.

Elle affirme qu'il existe plusieurs objets de ce genre renfermant chacun des documents et qu'elle en possède un. Tex retrouve Malloy. L'homme est traqué non seulement par l'ANS mais par des puissances étrangères. Il travaillait sur un projet militaire, chargé de déchiffrer les hiéroglyphes inscrit sur une navette extraterrestre dite navette de Roswell. Il affirme avoir réussi mais des tueurs interviennent et tirent sur le savant. Tex leur échappe. Il récupère néanmoins des carnets et un CD-Rom parmi les affaires de Malloy et découvre que Regan est la fille du savant. Il confie les deux boitiers, le sien et celui de Regan, à Fitzpatrick.

Un ufologue le contacte affirmant avoir eu en sa possession un coffret. Tex demande à Pernell de résoudre une anagramme et à Regan de décrypter les carnets de son père. Fitzpatrick réussit à ouvrir l'un des boitiers. Il contient une diapositive représentant un générateur répertorié dans les dossiers de l'ufologue et concernant le complexe de Roswell, endroit où Malloy et Fitzpatrick se sont connus. Quoique le lieu soit placé en quarantaine, Tex décide de s'y rendre. Le complexe n'est gardé que par deux militaires en disgrâce et grâce à un sauf-conduit il visite les niveaux inférieurs. Des cadavres jonchent les sols et il a la sensation d'être surveillé. Il récupère le générateur. De retour chez lui Tex apprend par Regan qu'elle a déchiffré en partie les notes de son père. Il y est question d'Instrument de Pandore. Pernell lui donne le résultat de l'anagramme, ce qui permet à Tex de lire le CD-Rom. Il existe cinq boîtes constituant un tout.

 

Entre SF et aventures genre arche perdue, ce roman emprunte beaucoup aux romans noirs classiques de par la complexité de l'intrigue et de l'humour qui se dégage des dialogues ou de la narration, le livre étant écrit à la première personne.

Murphy, en bon détective, se réfère à Sam Spade et confrères, aime le jazz, notamment Nat King Cole, fume comme une cheminée et apprécie les alcools forts. Une lecture agréable.

 

Aarons CONNERS : La Directive Pandora (The Pandora directive - 1995. Traduction d’Isabelle Troin Joubaud). Collection Virtuel N°5. Editions Fleuve Noir. Parution juin 1997. 320 pages.

ISBN : 2-265-06180-8

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25 mars 2019 1 25 /03 /mars /2019 05:09

Il est vrai qu’il y verra mieux !

William IRISH : La Liberté éclairant le mort.

Bien connu en France pour au moins deux de ses romans adaptés au cinéma, La mariée était en noir et La sirène du Mississipi, William Irish de son véritable patronyme Cornell Woolrich, fut un insatiable et infatigable rédacteur de nouvelles dont l’un des aspects principaux résidait dans le suspense et l’angoisse qui englobaient pratiquement tous ses textes.

Et quand j’écris bien connu, ce sont surtout les films, les réalisateurs et les interprètes des films qui sont connus, car le nom de William Irish ne dit presque plus grand-chose sauf à quelques vieux routiers de la littérature policière américaine de suspense. La mariée était en noir par exemple, film de François Truffaut en 1968 avec Jeanne Moreau, et La sirène du Mississipi du même François Truffaut avec Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve et Michel Bouquet. Mais pour vous rafraîchir la mémoire, le mieux est peut-être de vous rendre sur un site qui lui est consacré.

Ce recueil, composé de quatre nouvelles, est presque la quintessence de son œuvre, ou plutôt de l’esprit qui anime son œuvre. Un suspense habilement ménagé avec une dose d’humour sous-jacent, et dont l’épilogue laisse parfois au lecteur le soin d’imaginer certains aspects de l’histoire. En dire trop, de la part de l’auteur, aurait effacé les parts d’angoisse et de suspense, qui imprègnent ses nouvelles.

 

La Liberté éclairant le mort (The Corpse in the Statue of Liberty – Traduction de M. B. Endrèbe) :

Accusé par sa femme de trop regarder la télévision et de boire des bières en rentrant du travail, ceci après sept mois de mariage - au lieu de se cultiver, lire par exemple, d’aller dans des musées ou autre - un jeune policier décide de visiter la statue de la Liberté. Il prend le bateau qui rejoint l’île sur laquelle est érigée la statue en compagnie de quelques passagers puis grimpe jusqu’au faite. A mi-montée, il aperçoit un homme, en surcharge corporelle, qui se repose sur un banc disposé exprès, entame une conversation, puis continue son ascension. En haut il peut découvrir New-York et l’océan, mais surtout une jeune femme inscrivant quelque chose sur le montant des vitres, comme bien des visiteurs le font. Il redescend, ne retrouve pas l’inconnu sur son banc puis interroge le liftier qui dirige l’ascenseur situé dans le socle de la statue. L’employé n’a pas vu l’inconnu aussi notre policier remonte jusqu’au banc pour découvrir le cadavre dans une sombre anfractuosité menant au bras de la statue. Le travail d’un policier ne s’arrête jamais. C’est également un bon moyen de visiter cette statue comme si vous y étiez.

 

Entre les mots (Murder Obliquely – Traduction de M.B. Endrèbe: cette nouvelle, la plus longue du recueil, met en scène quelques personnages, dont Dwight Billings, un homme riche qui envoie un jour une nouvelle policière. Annie Ainsley, la directrice d’un périodique consacré à la publication de nouvelles policières, et son assistante, Joan, ne sont pas vraiment emballées par ce texte mais comme il faut boucler le magazine et qu’il y a une place à combler, elles le corrigent et en informent l’auteur avant de le publier. Annie est agréablement surprise lorsque ce trentenaire se présente au bureau, elle une quadragénaire qui n’a jamais eu d’amoureux dans vie. Ils font plus ample connaissance, elle se rend chez lui, un appartement luxueux qu’il a reçu en héritage, et prennent un verre ensemble. Seulement la petite amie de Dwight arrive en compagnie d’un bellâtre, et repart, après une altercation, en laissant sur place, manteau et vêtements, quasiment nue. En réalité Dwight est toujours marié et Annie se trouve entre deux feux. Une étude psychologique sur deux personnages, Dwight et Annie, qui à l’évidence s’aiment mais ne peuvent conclure. C’est également une leçon d’écriture destinée aux lecteurs qui se piqueraient de rédiger des nouvelles.

 

Le mari de Miss Alexander (Murder Obliquely – Traduction M.B. Endrèbe) : Vétéran de la dernière guerre, ayant perdu une main dans un combat, Blaine Chandler attend le retour de sa femme, chez lui seul, non, pas seul puisqu’il est en compagnie de son chien. Elle n’a pas déserté le foyer conjugal miss Alexander, mais elle fréquente les tournages cinématographiques. Elle est devenue une vedette fort demandée et souvent les correspondants au téléphone ont la mauvaise habitude d’oublier son nom de Chandler, pourtant connu en littérature, au profit de celui de sa femme. Sa main manquante est un handicap qui le gêne dans certaines démarches même s’il parvient sans difficulté, ou presque, à allumer ses cigarettes avec une allumette d’une seule main. Mais le tournage d’un film est parfois dangereux et il apprend que sa femme vient d’être victime de brûlures. Elle n’est pas décédée, heureusement, mais il en résultera toutefois quelques conséquences.

 

Pour acquit (I.O.U.- 1938. Traduction de G. Sollacaro) : Jeune inspecteur de police, Clinton regagne sa demeure là-haut sur la colline, à bord de son antique véhicule. Sa délicieuse femme et sa non moins délicieuse fille de sept ans l’attendent et ils doivent aller cinéma. La gamine s’engouffre dans le véhicule alors que Clinton et sa femme finissent de se préparer. Hélas, le frein à main a peut-être été mal mis ou la gamine a joué avec, le véhicule commence à descendre la rue. Clinton a beau courir, il ne peut empêcher sa voiture de basculer par-dessus le parapet et tomber dans la rivière. N’écoutant que son courage, Clinton se jette à l’eau, oubliant qu’il ne sait pas nager. Heureusement, un automobiliste passant par là sauve d’abord le père, puis la fille. Tout est bien qui finit bien. L’inconnu repart sans attendre de remerciements. Cinq ans plus tard, il demandera à Clinton de faire un geste en sa faveur, accusé qu’il est de meurtres. Un cas de conscience se présentera alors à Clinton.

 

Quatre nouvelles d’inspiration différente mais qui mettent en avant tout le talent de William Irish, et jouent sur le côté psychologique des personnages.

 

William IRISH : La Liberté éclairant le mort. Recueil de nouvelles. Collection Un Mystère N°419. Editions Presses de la Cité. Parution 26 juin 1958. 192 pages.

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24 mars 2019 7 24 /03 /mars /2019 05:43

Minuit, l’heure du crime…

Jean-Christophe PORTES : Minuit dans le jardin du manoir.

Nous ne sommes pas à l’époque de la Révolution Française, quoique, mais bien au début du XXIe siècle. Pourtant une pique surmontée d’une tête dont les orbites sont garnies d’écus en métal doré est dressée dans le parc d’un manoir normand dont la construction remonte à 1562.

Le jeune homme qui a découvert cette tête, qui apparemment ne lui revient pas, à minuit et quelques minutes, en profite pour la photographier et divulguer sur les réseaux sociaux sa trouvaille. Naturellement les journalistes et les policiers de Rouen sont rapidement sur les dents.

Ce manoir appartient à Colette Florin - un rapport avec les écus en métal doré ? – une vieille dame quelque peu excentrique. Son petit-fils, Denis, a repris l’étude notariale familiale, mais c’est un homme réservé, un peu gauche, célibataire, et auprès de la population locale il passe pour un benêt, pour ne pas dire un attardé, dont la principale occupation est de reconstituer dans l’une des pièces de cette demeure, la bataille de Marignan, petits soldats de plomb amoureusement peints par lui-même et décors reconstitués fidèlement.

Evidemment, il est en première ligne des soupçons portés sur lui. L’inspecteur Trividec, le beau gosse de la brigade infatué de sa personne est chargé de l’enquête policière, et que ferait ce prétentieux s’il n’avait comme adjointe Miss Je-Sais-Tout, laquelle est nettement plus érudite que lui.

Nadjet Bakhtaoui, une journaliste grand-reporter qui revient du front moyen-oriental, est dépêchée sur place. C’est une accrocheuse qui sait se débrouiller pour s’infiltrer au nez et à la barbe de ses confrères et des policiers dans le parc et prendre des photos. Elle aime son travail et ne néglige aucune piste.

La grand-mère Colette est considérée comme une vieille folle par ses concitoyens, mais elle est loin de ce qu’elle paraît. Elle tient un blog, organise des réunions costumées, elle est riche et s’oppose à certaines décisions municipales ou préfectorales, n’hésitant pas à s’enchaîner aux grilles de la préfecture rouennaise. Et elle possède assez de bagout et de charisme pour amener une certaine partie de la population à la suivre dans certaines batailles contre les élus assujettis aux multinationales.

Denis, malgré son air distrait mais timide, est un brillant adversaire aux échecs, se confrontant via Internet, n’ayant plus d’adversaires proches à sa taille. Et il serait un expert en cryptogrammes selon le libraire. Et comble d’imbécilité, ou de naïveté, excédé par les journalistes, il les provoque sabre au clair afin de les empêcher d’investir le parc.

Et voilà pour les personnages principaux. Ah, j’allais oublier Monroy, richissime homme d’affaires dont la présence est quelque peu énigmatique. Plus quelques cadavres qui seront retrouvés non loin.

 

Une enquête particulièrement réjouissante qui emmènera le lecteur jusque dans le sud de l’Espagne, avec un côté social puisque des réfugiés africains feront de la figuration plus qu’intelligente au fort de Gibraltar, découpée en chapitres courts, accentuant la vivacité et la complexité de l’intrigue, mettant en scène chacun des protagonistes.

De plus se greffe, en intercalaires, un épisode historique avec la conquête du Mexique par Hernán Cortés, une chasse au trésor, et quelques épisodes qui remontent à la guerre d’Algérie.

Un roman sandwich, composé d’éléments nutritifs intellectuellement, une diversité qui se complète admirablement. Une nouvelle facette, du talent de conteur de Jean-Christophe Portes, qui comporte quelques anomalies, dans les dates et les âges, je ne peux m’empêcher de les relever, c’est un peu un TOC, Trouble Obsessionnel Comparatif, mais qui par ailleurs est un regard acéré, aiguisé, sur notre société, surtout sur les chaînes d’info en continu, les journalistes et chroniqueurs qui s’estiment des spécialistes mais ne sont que des masturbateurs de l’esprit en se concentrant sur des détails sordides et futiles, et les débats télévisés où l’on parle de tout et de rien, uniquement pour occuper l’espace-temps et se faire voir.

Un roman enlevé (à plusieurs titres !), virevoltant, amusant et précis, jouant sur le sensationnel, moins académique et didactique que la saga révolutionnaire de Victor Dauterive et donc plus passionnant.

 

Jean-Christophe PORTES : Minuit dans le jardin du manoir. Editions du Masque. Parution le 13 mars 2019. 380 pages. 19,90€.

ISBN : 978-2702449141

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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