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23 juin 2019 7 23 /06 /juin /2019 04:07

Hommage à Boris Vian, décédé le 23 juin 1959.

VERNON SULLIVAN : Elles se rendent pas compte.

Convié à une soirée organisée pour les dix-sept ans de Gaya, Francis Deacon a décidé de se déguiser en femme. Et il se rend compte que tous les invités ont adopté la même idée, mais inversement.

Il a eu du mal à se transformer, empruntant de véritables faux seins, demandant à un Chinois de procéder à une séance d’épilation à la cire, se parant d’une perruque. Il est plus vrai que nature et de nombreuses femmes, dont Flo qui s’est déguisée en page, se laissent prendre à sa nouvelle identité. Même Gaya ne le reconnait pas. Francis, qui pour l’occasion se prénomme Frances, prénom dont la sonorité est approchante, en profite pour démontrer que même déguisé en femme il reste un homme, ce qui amène Flo, qui au départ pensait lutiner avec une femme, se laisse emporter par ses attributs masculins. Mais ce n’est qu’un divertissement.

Il surprend Gaya montant dans sa chambre en compagnie d’une homme qu’il ne connait pas. L’homme redescend, et Francis trouve Gaya quelques minutes plus tard dans sa salle de bain dans un état lamentable. Elle s’est droguée, quelques marques rouges de piqûres sur son bras l’attestant.

Une semaine plus tard, il reçoit une invitation de Gaya lui annonçant son prochain mariage avec un dénommé Richard Walcott, qui n’est autre que l’approvisionneur de drogue et homosexuel non déclaré. D’ailleurs Francis est convié à un repas auquel assistent outre Gaya, Walcott, un autre personnage dont le maquillage facial ne laisse guère de doute. Francis subtilise une liasse conséquente de billets, dix mille dollars ce qui peut lui fournir de l’argent de poche pour des années, dans le sac de Gaya.

Les échanges sont vifs et Francis, désirant protéger Gaya va se mettre en chasse contre les fournisseurs de drogue, Ritchie, son jeune frère qui poursuit des études de médecine, lui prêtant main forte volontiers. Seulement Francis ne sait pas où il vient de mettre les pieds. Dans une fourmilière gérée par la propre sœur de Walcott. Et le Chinois qui avait été mandé chez Francis pour épiler Ritchie, se retrouve avec un couteau planté dans le ventre, ce qui est pour le moins gênant pour enduire de cire les jambes du frérot qui est soulagé de ne pas être obligé de se voir supprimer les poils par une méthode qu’il juge barbare.

Francis ne désarme pas car il se demande pourquoi Gaya accepte un mariage contre nature, comment elle en est arrivée à se droguer, et pourquoi autant de lesbiennes et d’homosexuels gravitent autour d’elle.

 

Washington sert de décor à cette histoire plantée au début des années cinquante, et Vernon Sullivan, alias Boris Vian, avec humour, pastiche les romans noirs américains de l’époque.

De l’action, encore de l’action, toujours de l’action, et le pauvre Francis voit pousser sur son crâne les bosses plus rapidement que les agarics champêtres après une ondée estivale bienfaisante. Mais s’il encaisse, tout comme son frère d’ailleurs, il n’est pas égoïste et il rend les coups sans en calculer le nombre. Les morts résultant de coups de feu ou d’armes blanches ne sont pas comptabilisés, et c’est tant mieux, il faudrait une calculette. Sans oublier les courses poursuites effrénées en automobiles ou canots à moteur sur les rives du Potomac.

Mais qui dit action dit aussi scènes de libertinage, mais afin d’échapper à la censure, lorsque les ébats deviennent un peu trop chauds, un peu trop explicites, Vernon Sullivan remplace les descriptions par des points de suspension. D’ailleurs il explique dans une note en bas de page :

Les points représentent des actions particulièrement agréables mais pour lesquelles il est interdit de faire de la propagande, parce qu’on a le droit  d’exciter les gens à se tuer, en Indochine ou ailleurs, mais pas de les encourager à faire l’amour.

Les digressions en forme de point de vue énoncées envers les homosexuels et les lesbiennes, ne seraient pas forcément de nos jours au goût de bon nombre de personnes bien-pensantes mais parfois hypocrites, notamment en ce qui concerne les divers qualificatifs employés. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un pastiche et que les scènes de sexe ne sont décrites qu’elliptiquement ou allusivement, même celle de triolisme. Nonobstant, de lire ce genre de propos laisse un petit goût amer que ne devaient pas ressentir les lecteurs des années cinquante. Des propos misogynes qui ne sont plus de mise de nos jours. Ainsi Ritchie s’exprime ainsi à son frère, qui n’est pas en reste de mauvais esprit :

Parce que souvent les gousses, c’est des filles qui ont tourné de ce côté-là parce qu’elles étaient mal aimées. Elles sont tombées sur des types brutaux, des qui les ont blessées ou brusquées. Si on leur fait ça bien gentiment… Elles doivent y reprendre goût.

Il en a des ressources, mon petit frère. Ça m’a l’air de bien s’organiser drôlement ce boulot.

Et puis, m’envoyer une lesbienne, ça m’a toujours dit quelque chose.

Au fond, ce qu’on est en train de faire, c’est un genre d’entreprise de redressement des dévoyées.

Je suis sûr mesdames que vous apprécierez cette analyse machiste !

 

VERNON SULLIVAN : Elles se rendent pas compte. Traduction de Boris Vian. Editions Eric Losfeld/ Le Terrain vague. Parution le 20 février 1965

Première édition : Le Scorpion. Juin 1950. Nombreuses rééditions.

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22 juin 2019 6 22 /06 /juin /2019 04:54

Cruciverbistes, vous êtes prévenus !

Léon GROC : La grille qui tue et autres romans.

Chargé de mission dans le Nord canadien par la société française de Géographie, Marc Morènes, Français d’à peine trente ans, docteur es-lettres à la Faculté de Paris, sort de cette sorte de léthargie provoquée par un somnifère. Il reprend péniblement ses esprits et se rend compte que son guide, un Indien d’Amérique du Nord, l’a laissé seul dans la neige, lui laissant uniquement son sac de couchage et les précieuses notes recueillies au cours de son périple.

La neige alentour ne lui offre aucun repère et il se fie à la position du soleil pour regagner un lieu civilisé d’où il pourra rejoindre Québec. Il se rend bientôt compte qu’il tourne en rond. Alors qu’il arrive près d’un bosquet qu’il a déjà côtoyé auparavant, il entend des détonations. Il se précipite et parvient à mettre en fuite une demi-douzaine d’Indiens qui agressent Pierre, un homme blanc. Une jeune fille gît dans la neige. Elle est juste évanouie et lorsqu’elle reprend ses esprits, Sabine explique à Marc ce qui vient d’arriver. Un guet-apens minutieusement préparé mais heureusement Marc est arrivé au bon moment.

Sabine lui propose de les accompagner chez ses parents adoptifs, l’oncle Alphonse et la tante Sophie, car elle est orpheline. Presque. Alors que sa mère s’est noyée, son père a échappé à un naufrage en regagnant la France, son pays d’origine, et depuis il vit à Paris. D’ailleurs Sabine doit aller le rejoindre. Seulement, et bizarrement, sur sa dernière lettre, une inscription au crayon lui enjoint de ne pas effectuer le voyage. Quant aux Indiens qui l’ont agressée, ils étaient dirigés par un Blanc, un ouvrier des Beaumont, oncle et tante de Sabine. Muni de son revolver, Marc ne rate pas sa cible et l’homme est abattu. Il s’agit de Nicolas, l’un des employés à la ferme des Beaumont.

Nicolas recevait depuis quelques temps des lettres, dont il a dû se débarrasser car elles ont disparu, mais dans ses affaires figure Arcana, une revue datant d’un mois proposant des énigmes et éditée en France.

Bientôt majeure, Sabine espère se rendre en France afin de connaître de visu ce père qu’elle n’a pas vu, sauf en photos, depuis l’âge de ses trois ans. Mais Marc doit partir et Sabine en est malheureuse. Seulement elle reçoit une lettre de son père l’invitant en France et il en profite pour lui annoncer qu’il s’est remarié avec une jeune femme prénommée Suzanne. Mais bizarrement, sur la dernière page de la missive, figure une phrase étrange griffonnée au crayon : Sabine, ma petite Sabine, ne viens pas ! Il n’en faut pas plus pour inciter justement Sabine à effectuer ce voyage.

Elle embarque donc à bord du Montcalm et fait la connaissance d’un homme qui l’entraîne vers la rambarde et tente de la faire passer par-dessus bord. Heureusement un passager lui sauve la vie. L’homme se noie et le sauveteur n’est autre que Marc. Le détective du bord, Achille Croissy, dont c’est la dernière traversée, fouille la cabine de l’individu en compagnie de Marc et à nouveau celui-ci découvre dans les affaires de l’agresseur un magazine intitulé Arcana. Le même numéro que celui que possédait Nicolas.

Les deux jeunes gens arrivent sans encombre à Cherbourg et prennent le train devant les mener à Paris. En cours de voyage, Marc descend à Lisieux pour affaires familiales, mais il promet de retrouver Sabine à Paris. Pauvre Sabine qui se fait agresser à nouveau et est sauvée par Croissy et Bouteloup, un inspecteur de police qui se trouve dans la rame. Celui-ci est un ancien collègue de Croissy lorsque le détective travaillait à la Sûreté parisienne. Mais l’agresseur, qui prétend se nommer Blaise, parvient à fausser compagnie aux deux hommes lors de l’arrêt.

En gare de Saint-Lazare, personne n’est là pour réceptionner Sabine. Le temps que Sabine fasse sa déposition au commissariat de la gare, madame Surgères arrive enfin. Suzanne, tel est le prénom de cette femme qui se montre sympathique, mais d’une sympathie de surface, décide alors d’emmener Sabine au bureau où travaille, même de nuit, son mari, dans l’import-export. Seulement lorsqu’elles arrivent, c’est pour découvrir Surgères dans un triste état. Il a été poignardé dans le dos. Et dans sa main il tient un papier que Sabine reconnait immédiatement. Arcana ! Au même moment Croissy arrive dans l’immeuble, s’étant donné pour mission de protéger Sabine. Hélas, malgré tout, Sabine est enlevée.

 

Un roman enlevé justement, qui accumule les péripéties en tout genre, et qui ne se cantonne pas dans un seul domaine.

Roman d’aventures au Canada, roman maritime, roman ferroviaire, traque des ravisseurs de Sabine, roman jeu avec ce fameux périodique Arcana, roman médical également car Surgères n’est pas mort mais son état nécessite une intervention chirurgicale risquée pouvant s’avérer mortelle, et roman d’amour aussi car Marc prévenu, va se joindre à Croissy et Bouteloup pour dénouer cette affaire qui les entraîne jusque près de Gif-sur-Yvette, dans ce qui était à l’époque la Seine-et-Oise, où l’aide d’un vieux musicien sera prépondérante.

Donc plus qu’un roman policier, La grille qui tue joue sur plusieurs tableaux et le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer dans cette histoire qui doit parfois au hasard et aux coïncidences, mais offre de nombreux rebondissements en tous genres. Et l’action prévaut au détriment de l’aspect psychologique des personnages, mais c’est bien ce qui lui donne sa force, son intérêt, sa puissance, le lecteur s’emparant de cette histoire qui offre un bon moment de détente.

 

Ce roman a paru sous le titre Arcana en 1934 dans la collection Loisirs Aventures N°2 aux Editions des Loisirs.

Il fait actuellement l’objet d’une réédition aux Editions Les Moutons électriques en compagnie de cinq autres romans : L'Autobus évanoui, Le Disparu de l'ascenseur, La Cabine tragique, La Maison des morts étranges, La Grille qui tue, Les Jumeaux du Quatorze juillet, sous le titre : Six mystères. Un ouvrage de 818 pages au prix de 49,00€.

Afin d’en savoir plus vous pouvez consulter leur site en cliquant sur le lien ci-dessous :

Léon GROC : La grille qui tue et autres romans.

Léon GROC : La grille qui tue et autres romans. Les Moutons électriques éditeur. 818 pages. 49,00€.

ISBN : 978-2-36183-596-5

Première édition : Collection Grandes aventures N°17. Editions Tallandier. Parution 1er trimestre 1951. 256 pages.

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17 juin 2019 1 17 /06 /juin /2019 04:45

Jean Ray a trouvé son successeur !

TARVEL Brice : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 2.

Harry Dickson fait toujours rêver par ses aventures policières et mi-fantastiques, et le lecteur était orphelin depuis la disparition, non pas de son créateur, mais de celui qui avait magnifié et porté à leur paroxysme les pérégrinations du célèbre détective concurrent de Sherlock Holmes.

Brice Tarvel a hérité du style, de l’imagination, du vocabulaire de Jean Ray, mais il apporte en plus ce petit quelque chose qui n’appartient qu’à lui. Une fluidité dans les descriptions et un imaginaire spécifique qui mettent en valeur ce qui ne pourrait être considéré que comme des nouvelles de bon aloi si justement sa créativité ne souffrait en rien de la comparaison. Il est dans le moule et en déborde largement car ce n’est pas un tâcheron. Il est un véritable auteur, pas toujours reconnu à sa juste valeur, mais il ne copie pas, il invente.

 

Dans ce recueil, deux nouvelles d’inspiration différente, et qui nous plonge dans l’Angleterre du premier quart du XXe siècle.

Dans La confrérie des hommes griffus, dont la couverture de Christophe Alvès nous en donne une petite idée, nous entrons dans le mythe souvent exploité mais inépuisable du savant fou.

Tom Wills est démoralisé car celle qu’il considérait comme sa petite amie vient de lui signifier qu’elle préférait un autre que lui. Ce qui arrive souvent dans la vie, mais quand même, avoir pour rival un jeune jardinier aussi boutonneux que les plantes qu’il soigne, cela met à mal l’égo. Aussi, pour se consoler Tom préfère aller au cinéma et visionner un film de Charlot.

Mais ses déambulations pédestres dans la capitale de la fière Albion l’ont épuisé et il s’endort. Il rêve, ou cauchemarde se croyant attaqué par un léopard, ou un tigre, enfin une animal similaire. Il est réveillé assez brutalement par l’ouvreuse qui fait la fermeture et se retrouve dans la rue où il se retrouve nez à nez à un individu qui l’agresse. Il se défend comme il peut face à son assaillant dont les doigts sont prolongés de griffes acérées. Il fait part de sa mésaventure à Harry Dickson qui prend cette information au sérieux, d’autant que Tom n’est pas revenu bredouille car il a choppé une casquette appartenant à son agresseur. Harry Dickson en déduit tout de suite l’identité de son propriétaire, un ancien boxeur écossais au surnom évocateur de Iron Bill.

Le superintendant Goodfield leur apprend que d’autres attaques identiques se sont déroulées dans les mêmes conditions et que les victimes sont décédées. Mais c’est un éleveur de porcs venu se défouler à Londres qui va leur apporter de précieux renseignements. Il vient d’être assailli mais a réussi à mettre son agresseur en déroute, gardant toutefois un trophée, une espèce de gantelet muni de griffes acérées. L’homme parle également d’événements étranges se déroulant non loin de chez lui, de bruits incongrus et de roulements de tambours, provenant d’un castel délabré appartenant à une certaine Belle Simpson, une maritorne énorme. Et ce que vont découvrir Harry Dickson et son élève pris en otage relève d’une diablerie machiavélique que n’aurait pu désavouer Jean Ray.

 

Dans La maison du pluvier, nous partons explorer les Fens, ce paysage marécageux du comté de Norfolk, à l’est de l’Angleterre. Et nous retrouvons cette ambiance et cette atmosphère palustres chères à l’auteur et qui prédomine dans bon nombre de ses romans.

En guise de prologue, l’action se déroule à Old Bailey, là où sont exécutés les condamnés à mort. Théobald Ferris attend avec sérénité, presque, la corde au cou, que le bourreau ouvre la trappe sous lui. A ce moment une nuée de corbeaux tournoie dans le ciel et l’un d’eux se pose sur son épaule. Parmi la populace Harry Dickson est présent et attendant qu’un événement survienne décidant le sursis. Soudain Tom Wills, son précieux élève, arrive en courant et lui fournit une preuve disculpant Théobald de la présomption de crime de sang qui lui est imputé.

Mais revenons en arrière en compagnie de l’auteur qui nous narre pourquoi et comment Théobald fut soupçonné de meurtre. Harry Dickson et son élève ont été invités à une partie de chasse par Lord James Ostler, qui possède une riche demeure dans le quartier londonien huppé de Paddington. Tout en conduisant son automobile, il narre une légende qui plane, ou plutôt qui flotte sur ce marais et dont le protagoniste n’est autre que le chevalier Hugh Pugsley, qui fit partie des glorieux combattants de la bataille d’Azincourt en 1415.

Seulement, désirant cacher une cassette emplie de pièces d’or, il s’est enfoncé dans les marais, ce qui lui fut fatal. Son cheval caparaçonné de métal s’est noyé, entraînant son cavalier avec lui. Toutefois la légende de la cassette attise les convoitises, et des meurtres sont commis par le fantôme du chevalier. C’est ainsi que le maître et l’élève font la connaissance d’un ornithologue, ou ornithophile, qui fréquente assidûment les volatiles dans leur lieu naturel et rédige quelques opuscules, ce brave Théobald Ferris que nous avons rencontré au début du récit.

Il habite avec sa femme et son fils, sans oublier son beau-père, un vieux monsieur valétudinaire, dans une cabane au cœur du marais. A l’entrée de la chaumine est érigé une sculpture, un pluvier dont le bec est disproportionné. Les deux détectives logent dans une auberge non loin or le chevalier fait encore des siennes, glissant dans les marais, vêtu de son armure, le chef couronné d’un heaume, et les soupçons se focalisent sur l’ornithologiste amateur.

 

Deux aimables historiettes qui suintent le mystère et qui intéresseront les nostalgiques de Jean Ray, d’Harry Dickson, les grands comme les petits, les vétérans de la lecture et les débutants. Et qui devraient inciter certains dont le vocabulaire est défaillant et préfèrent puiser dans les anglicismes, par snobisme ou par manque de culture, à se plonger dans un dictionnaire pour enrichir leur langage. Petite question dont la réponse ne sera pas sujette à un cadeau de ma part : Savez-vous ce qu’est une pimpesouée ?

 

Pour commander directement ce livre (et d’autres si le cœur vous en dit !) suivez le lien ci-dessous:

TARVEL Brice : Les dossiers secrets de Harry Dickson. Tome 2. Collection Absinthes, éthers, opium N°11. Editions Malpertuis. Parution le 2 novembre 2010. 126 pages. 10,00€.

ISBN : 978-2-917035-15-3  

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16 juin 2019 7 16 /06 /juin /2019 06:17

Lorsque la Mécanique Quantique s'invite

dans le roman noir...

A.C. WEISBECKER : Cosmix Banditos

Pour inaugurer le nouveau look de la Série Noire, on peut dire que Patrick Raynal, qui débarquait comme le nouveau directeur de la collection, avait fait fort en éditant un roman qui a dû en déconcerter plus d'un, moi le premier.

Les adjectifs me manquent pour qualifier ce roman imprévu, hilarant, burlesque, situé entre le cours de physique et le dessin animé à la Tex Avery.

 

Le narrateur, recherché par toutes les polices d'Amérique du Nord et du Sud pour trafics d'armes et de narcotiques, pense que tout est lié au processus Sub Atomique et à la Mécanique Quantique. D'ailleurs il ne jure que par la Théorie des Particules Sub Atomiques et s'érige en professeur lorsqu'il trouve un interlocuteur sur son chemin.

Pour compagnons, il possède un chien nommé High Pocket, aux éternuements chroniques, et un serpent semi-apprivoisé qui aime se lover autour du canon brûlant d'un fusil.

De temps en temps il reçoit dans sa cabane perdue en pleine nature un bandito colombien du nom de José. Un jour José subtilise dans un aéroport les papiers d'identité de touristes américains. Dans la pochette de Tina, il découvre un diaphragme. Il envoie alors des lettres signées M. Quark, à ces malheureux Américains détroussés, leur demandant de répondre sous forme d'annonces dans un journal.

Débute alors la folle équipée en compagnie de José mais également de Jim et Robert dont la présence n'est pas clairement définie, sauf à l'épilogue. La téquila coule à flot, le champagne aussi, et les bouts de joints ne leur permettent pas toujours de joindre les deux bouts.

 

Un roman étrange dont l'histoire se chevauche dans le temps et à la trame tarabiscotée. Les notules en bas de pages sont nombreuses et l'auteur qui se cache derrière un pseudonyme que personne pour l'instant a décrypté, toutefois certaines précisions sont dévoilées dans un article que vous pouvez découvrir ici, se réfère aussi bien à Gary Joukow qu'à Albert Einstein.

Un roman à ne pas lire toutefois après un bon repas, une certaine somnolence de la part du lecteur risquant de lui empêcher d'en apprécier toutes les subtilités.

Première édition : Série Noire N°2288. Parution janvier 1992. 256 pages.

Première édition : Série Noire N°2288. Parution janvier 1992. 256 pages.

A.C. WEISBECKER : Cosmix Banditos (Cosmix Banditos - 1986. Traduction de Richard Matas). Réédition Folio Policier N°77. Nouvelle édition 13 juin 2019. 304 pages. 5,90€.

ISBN : 9782072850455

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15 juin 2019 6 15 /06 /juin /2019 04:47

Et si le passé était devant soi ?

Mildred DAVIS : Passé décomposé

A la suite d’un incendie qui a ravagé un théâtre au cours d’une représentation, Jane Walcutt est soignée dans une clinique située à l’écart de la ville.

Elle vit dans un fauteuil roulant ayant perdu l’usage de ses jambes. Mais, plus grave, elle est devenue amnésique. Sa mémoire s’effiloche. Elle tente bien d’attraper quelques brins mais ceux-ci se dissolvent rapidement, lui glissent entre les doigts comme de la fumée.

Le docteur se montre bon et compréhensif avec elle, tout comme Zee, son infirmière.

Mais une impression diffuse de peur s’installe en elle. Peut-être parce que les autres patients relèvent plus de l’asile psychiatrique que de la maison de repos, de la maison de santé où elle est soignée.

Jane cherche à comprendre, à recomposer ce passé qui s’effrite dans sa mémoire. La visite de son fiancé ne lui fait pas battre le cœur. Elle ne ressent aucune sensation agréable à son contact. De même la présence de son tuteur n’arrive pas à éveiller en elle la moindre joie, à faire vibrer la moindre parcelle de sa mémoire en grève.

Pourtant un visiteur, dont les gestes et les paroles contredisent son apparence de bourgeois riche, ce visiteur laisse planer une menace. Elle ne doit pas recouvrer la mémoire. Elle a oublié certaines choses, certains événements ? Qu’elle ne tente surtout pas de les faire resurgir, cela pourrait lui coûter cher.

Jane sent pourtant qu’elle détient un secret, lié soit à l’incendie du théâtre soit à d’autres événements qui défrayent la chronique.

Zee, l’infirmière qui s’occupait d’elle, l’abandonne et sa remplaçante est toujours là, à la surveiller, à épier ses moindres faits et gestes, ses moindres conversations.

 

Thèmes récurrents dans l’œuvre de Mildred Davis, l’atmosphère qui peu à peu se tend, le danger multiforme, la menace imprécise mais réelle, atteignent un paroxysme poignant dans Passé décomposé.

L’héroïne est confrontée à deux périls : l’un physique clairement exposé par l’inconnu, l’autre plus moral et mental. Elle est amnésique, certes, mais quel secret renferme sa mémoire et celle-ci est-elle à jamais évanouie ?

Mildred Davis, dans ce roman qui date de 1967 et n’est pas à proprement parler d’un roman policier, sait une fois de plus faire monter la tension autour de ses personnages.

L’angoisse qui étreint Jane, Mildred Davis sait nous la faire partager jusqu’au dénouement qui, comme dans la plupart de ses œuvres et plus particulièrement dans Trois minutes avant minuit, se déroule en un crescendo cauchemardesque.

 

Réédition Rivages/Mystère. Parution le 1er septembre 1995. 206 pages.

Réédition Rivages/Mystère. Parution le 1er septembre 1995. 206 pages.

Mildred DAVIS : Passé décomposé (Walk into Yesterday – 1966/1967. Traduction de Gérard de Chergé). Editions du Terrain Vague. Parution juin 1991. 208 pages.

ISBN : 2852081423

Réédition Rivages/Mystère. Parution le 1er septembre 1995. 206 pages.

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14 juin 2019 5 14 /06 /juin /2019 04:42

Que deviennent les héros de nos lectures juvéniles ?

Michel PAGEL : Le Club.

Comme nous ils vieillissent, et subissent les tracasseries inhérentes aux adultes. Finis les moments d'insouciance, finies les aventures et les découvertes, la joie de se retrouver lors des vacances.

Trente ou quarante ans après avoir vécu des épisodes palpitants, surtout pour les lecteurs, François revient à Kernach, deux jours avant Noël. Il pensait que sa cousine Claude serait à l'attendre à la gare, mais ayant eu un empêchement elle a délégué comme chauffeur Dominique. François ne va pas tarder à l'apprendre, Dominique est l'amie de cœur et de lit de Claude, qu'elle appelle Claudine. Les temps changent. Cécile la mère de Claude est toujours vivante, mais ne quitte pas son fauteuil roulant. L'âge est passé par là. Et la tête n'est plus ce qu'elle était.

Ils doivent tous se retrouver dans la villa des Mouettes, cette bâtisse où ils ont passé leurs vacances. Tous ? Non, Dagobert est mort, bien évidemment. Il a terminé sa vie de chien, le fidèle canin qui a participé à leurs aventures.

François est devenu commissaire de police, est resté célibataire, et peut-être même qu'il n'a jamais connu de femmes. Sous des dehors d'homme sûr de lui, il a gardé des appréhensions enfantines envers les personnes du sexe, de l'autre sexe. Pas pour autant qu'il s'est tourné vers les hommes. Ce serait plutôt un misanthrope.

Débarquent Pilou et sa jeune compagne Mélodie. Pilou, Pierre-Louis pour l'état-civil, qui est une pièce rapportée n'étant pas de la famille mais a partagé quelques-unes des aventures des quatre cousins. Pilou dont les conquêtes sont de plus en plus jeunes.

Annie et sa fille Marie arrivent elles aussi dans un véhicule déglingué en provenance du Cantal où elles vivent depuis une dizaine d'années. Le parcours d'Annie est chaotique. Marie est le fruit du troisième mari d'Annie, qu'elle n'a pratiquement pas connu. Comme les deux précédents, il a quitté Annie et depuis celle-ci vivote d'expédients, d'alcool et de cachets contre la déprime permanente qu'elle traîne comme un boulet. D'ailleurs Annie aussi elle traîne Marie comme un boulet et la gamine se ramasse les torgnoles comme grêlons lors d'un orage.

Seuls Mick et Jo arriveront un peu plus tard. Ils vivent au Canada, mais promis ils seront là pour Noël. Mick, le quatrième de la bande, le frère de François et d'Annie. Jo, la Gitane, une rapportée elle aussi et que François n'apprécie pas du tout. Son côté misogyne.

Faut dire que depuis le cataclysme, du moins cet événement considéré comme un immense et brutal bouleversement dans leur vie, les relations ne sont plus les mêmes entre les quatre anciens gamins devenus adultes. Chacun a fait sa vie, comme il a pu, pourtant restent les souvenirs.

Claude a parfois des absences, ou plutôt elle se sent projetée ailleurs, sur une plage du Dorset, se trouvant en présence d'un chien et d'enfants qui rappellent étrangement les gamins qu'ils furent il y a fort longtemps.

La neige commence à tomber et le lendemain les cousins et amis ne peuvent sortir de la villa. La neige bloque tout. Cécile, la mère, est retrouvée morte. Elle porte d'étranges traces qui laissent à penser qu'elle a été assassinée. Pourtant aucune trace de pas n'est visible dans cet épais manteau blanc.

Un véritable huis-clos étouffant, malgré la froideur de la température extérieure, englue les habitants de la demeure. D'autres morts ponctueront cette journée et Mick n'est toujours pas présent, accompagné qu'il devrait être de Jo.

 

Lorsque les personnages de papier prennent vie, cela donne une nouvelle dimension à leurs aventures passées, mais également un éclairage sur leur nouvelle vie.

Mélodie met les pieds dans le plat au cours du repas qui suit les retrouvailles :

Quand Pierre-Louis m'a dit qui vous étiez, je ne l'ai pas cru. C'était vraiment vous, les héros de ces bouquins ? Il vous est vraiment arrivé tout ça ?

Complétant ces questions innocentes, Mélodie affirme les avoir tous lus, dans les versions cartonnées et même les suites. A quoi Annie s'insurge, niant ces derniers ouvrages qui ne furent que pures fictions. Mais les membres du Club n'aiment pas parler du passé. Claude temporise. Mélodie se demande comment ces romans ont été écrits, si ce sont eux qui ont raconté leurs aventures ou bien si leurs parents s'en sont chargés. Elle ne songe pas à s'étonner que l'auteur est un nom anglo-saxon - mais peut-être croit-elle à un pseudonyme.

Et Michel Pagel pointe du doigt l'un des aspects qu'enfants nous n'avions pas forcément soulevé, pourquoi ces traductions, publiées dans le désordre, mettaient en scène des enfants au nom français évoluant dans une région française.

Il ne s'agit pas vraiment d'une histoire de mondes parallèles, ni d'une interconnexion de deux périodes qui se rejoignent, mais d'une fiction dans la fiction, d'une fantasmagorie juvénile qui prend corps sous nos yeux, avec ce que Claude et François appellent un cataclysme survenu lors de leur jeune adolescence. Et ce cataclysme va influer sur leur adolescence et leur passage à l'âge adulte.

Et Michel Pagel, au lieu de détruire un mythe, le perpétue, offrant ce que l'on pourrait une suite à une œuvre déjà conséquente et ouvrant de nouveaux horizons.

Un ouvrage prenant qui nous ramène quelques décennies en arrière tout en le plaçant dans notre époque. Une véritable réussite écrite avec brio et maîtrise, tout en conservant la part de mystère qui plane dans l'existence de ces adultes encore gamins, perturbés par ce bouleversement, cette révolution qui nous a tous marqué.

 

Michel PAGEL : Le Club. Collection Hélios. Les Moutons électriques éditeur. Parution le 6 juin 2019. 204 pages. 8,90€.

ISBN : 978-2361835620

Première édition : Collection Bibliothèque voltaïque. Les Moutons Electriques éditions. Parution 4 mars 2016. 160 pages. 15,00 €.

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13 juin 2019 4 13 /06 /juin /2019 04:45

Avec l’âge, les raideurs se déplacent…

Jérôme ZOLMA : Papy blues.

Il en est bien conscient Gaspard, pensionnaire depuis quelques semaines de la maison de retraite Foyer du Roussillon, nommée également Maison de l’Avenir, non loin de Collioure.

Plusieurs causes à cette décision que l’on ne prend souvent que poussé à l’extrême en attendant une place libre au cimetière local. D’abord il vit seul depuis longtemps, sa femme ayant déclaré forfait par maladie. Et puis l’arthrose, c’est pas rose, et un genou en capilotade, pour passer les vitesses, ce n’est pas l’idéal. Cela grince de partout, surtout le genou. Enfin, comme son ami Charly, depuis près de soixante-dix ans, connu sur les bancs de l’école secondaire voire tertiaire, avec lequel il a commis de sacrées parties de rigolade quand ils étaient jeunes, lui a fait un signe, il s’est résolu à le rejoindre.

Alors à quatre-vingt-six balais déplumés, Gaspard s’est résolu à rejoindre le mouroir. Au moins il peut parler du bon temps avec Charly dont les enfants sont dispersés, comme ceux de Gaspard. Et encore, ils n’ont pas à se plaindre, car dans le pavillon voisin, ce sont les perturbés de la comprenette qui y sont logés. Eux ça va côté neurones.

Il a fallu à Gaspard le temps de s’habituer à sa nouvelle résidence, heureusement Charly est là et la défection inopinée d’une résidente lui permet de s’assoir pour les repas à la même table que son copain. Car se faire de nouvelles connaissances n’est pas aisé. Gaspard fait ainsi la connaissance de sa nouvelle voisine de réfectoire. Hélène ! Elle est belle Hélène, et elle ne le prend pas pour une poire. Et comme elle est amie avec Charly, les présentations sont vite faites.

Ils se trouvent des affinités et passent de plus en plus de temps ensembles. Elle est plus jeune Hélène et le temps ne semble pas avoir de prise sur son physique, ni sur son caractère. Donc les deux nouveaux amoureux s’isolent souvent sur un banc, parlant de ci et de ça, de tout et de rien, s’attirant les regards jaloux des autres pensionnaires ou amusés des employés.

Et puis un matin, Gaspard est alerté par l’affairement des soignants et la présence de quelques flics et du capitaine de gendarmerie, Stanislas Wokcjak. A son grand émoi il apprend qu’Hélène a été assassinée durant la nuit, d’une balle de revolver. Ses bijoux et l’argent liquide qu’elle possédait ont été dérobés. L’intrus a grimpé jusqu’à sa chambre par l’extérieur. Son dernier amour est parti et Gaspard ressent plus qu’un vide. Un gouffre sentimental qu’il va essayer de combler en tentant, avec l’aide de Charly, de retrouver le coupable, et lui faire subir la vengeance du talion.

Les deux amis, malgré la présence du capitaine de gendarmerie et ses mises en garde, se mettent en chasse comme deux vieux épagneuls catalans. Au début ils pensent que le personnel, du moins un des membres, pourrait être le coupable, puis leur enquête va diverger tout en livrant au capitaine de gendarmerie des éléments d’informations qui leur semblent capitaux mais sans plus. D’autant que d’autres personnes dites du troisième âge, les seniors selon les bien-pensants, les vétérans à mon avis, sont trucidées de la même façon mais pas avec la même arme.

 

Dans un contexte policier, Jérôme Zolma s’attache à visiter une maison de retraite pour personnes encore à peu près valides physiquement et possédant toute leur tête, presque. Car quelques dérapages peuvent exister, et dans ce cas, c’est direction le pavillon voisin, où survivent les rescapés d’Alzheimer et de Parkinson réunis. Pas pour longtemps.

Alors la description de ce milieu, que nous sommes tous plus ou moins susceptibles d’intégrer, sauf si un membre de la famille daigne s’occuper de leurs ascendants décrépits, cette description n’est pas trop rébarbative. Car il faut savoir rendre hommage au personnel soignant, la plupart du temps notre ire devant se porter sur les responsables, les actionnaires et les contrôleurs de gestion, les responsables du personnel, qui font tout pour réduire au maximum les frais.

Ceci nonobstant, et en attendant de se déplacer à trois pattes, voire quatre quand les rhumatismes et l’arthrose nous démantibulent la carcasse et qu’il n’y a pas encore de Décryp’Oil efficace pour résorber la rouille des articulations, c’est ce côté émouvant qui suinte de ce roman lequel pourrait être un roman d’amour si les dégâts des os ne passait pas par là.

Si, en fin de compte et de conte, il s’agit bien d’un roman d’amour et d’amitié, que ce Papy Blues, ce rapprochement, plus ou moins charnel, qui enjolive les derniers jours, allez, ne soyons pas pessimistes, les dernières années, de ceux qui ne peuvent plus que regarder derrière eux, l’avenir étant bouché, mais espèrent quand même. Et c’est bien par amour que Gaspard va tenter de résoudre ce meurtre, avec ses faux pas et sa canne, ses tergiversations, ses fourvoiements, ses supputations plus ou moins farfelues surtout lorsqu’il s’agit de mener l’enquêteur accrédité par l’Etat dans des impasses.

Mais émergent de temps à autre quelques traits d’humour, noir je le concède, mais quand même, cela fait du bien et déride. Un sujet délicat traité avec pudeur.

 

Les humains sont généralement en vie jusqu’à leur décès.

Quand on envoie la force publique pour virer des ouvriers et qu’on se fait matraquer par des nazillons en uniforme bleu, ça n’aide pas à créer des amitiés.

Jérôme ZOLMA : Papy blues. Collection Noir austral. Editions TDO. Parution le 8 février 2019. 284 pages. 15,00€.

ISBN : 978-2366522693

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11 juin 2019 2 11 /06 /juin /2019 04:34

Troublez-moi ce soir…

David COULON : Trouble passager.

Auteur de deux romans, dont L’invasion des crapauds des profondeurs qui a obtenu un succès d’estime, Rémi Hutchinson galère pour écrire son troisième ouvrage.

Il a quarante ans, une femme, un fils, et avait une fille, Mélissa. Avait, car la gamine a disparu cinq ans auparavant, à la sortie de l’école, montant à bord d’une voiture bleue au lieu de prendre le car scolaire, et depuis le restant de la famille gère le quotidien tout en gardant à l’esprit cette amputation familiale.

Ils vivaient à Caucriauville, sur les hauteurs du Havre et ils ont déménagé près d’Yvetot, non loin de Rouen. Rémi essaie d’avancer sur son nouveau roman tandis que sa femme Lucie enseigne dans un lycée de la Vallée du Cailly. Et comme il faut bien préserver les apparences, Rémi accepte d’accompagner Lucie à une invitation d’année scolaire. Ce n’est pas ce que préfère Rémi, les cocktails guindés, mais bon, pour une fois, il sacrifie à ce qui ressemble à une obligation.

Au cours de cette soirée, Rémi est abordé par une des étudiantes présentes parmi l’assemblée. Et comme elle déblatère sur les profs, sur l’un d’eux principalement réputé comme le Don juan de l’établissement, elle lui propose de s’exprimer par code, comme l’un des protagonistes rédigeait des messages dans le roman L’invasion des crapauds des profondeurs. D’ailleurs elle lui demande de dédicacer l’exemplaire qu’elle possède. Au grand étonnement de Rémi, ce livre est déjà dédicacé, A Marc, ami fidèle parmi les fidèles… Rémi est troublé et Sofia, j’avais oublié de dévoiler son prénom, Sofia lui explique qu’elle l’a trouvé dans une solderie.

Seulement, Lucie les aperçoit ensemble. Pas de crise de jalousie, car depuis cinq ans le couple n’a plus de rapports charnels. Toutefois, Lucie apprend à Rémi, Hutchy pour les intimes, que Sofia n’est pas inscrite comme étudiante à son lycée. Et rentré chez lui, enfin chez eux, il découvre dans la poche de son pantalon un papier sur lequel est inscrit ce petit message : Baltimore. Sof. Yv.

Baltimore, cela ne lui dit rien, sauf une ville des Etats-Unis. Mais en compulsant son ordinateur, il tombe sur un jeu vidéo en ligne auquel il se connecte et s’inscrit sous son pseudonyme de Hutchy. Sofia lui envoie un message signant SOF.YV. 17 ans, par la boîte de conversation du jeu. Puis une sorte d’elfe placé en incrustation, qui prétend savoir ce qu’il vient chercher sur ce jeu, lui donne rendez-vous le lendemain après-midi au lieu dit La Butte au diable. Signé Monica 15 ans.

Rémi alias Hutchy vient de mettre la main et tout le reste dans un engrenage infernal, car il est capturé par les deux jeunes filles, séquestré et enchaîné. Fini la liberté. Ce qu’il ne comprend pas, c’est l’accusation qu’elles portent à son encontre, l’accusant de pédophilie.

 

Roman angoissant, troublant, Trouble passager monte progressivement en pression. La lente dégringolade d’un père qui pleure sa fille disparue dans des conditions étranges, et qui est envahi par des souvenirs de vacances campagnardes, alors qu’il entrait dans l’adolescence, près du lac de Rabodanges dans l’Orne. Et la fuite au Canada de son père, parti chercher il ne sait quoi. Et dans ses rêves la vision d’un homme muni d’un masque bleu s’introduisant dans sa tente.

Aspiré dans une spirale diabolique, Hutchi ne sait pas comment se défendre d’une telle accusation, d’autant que d’autres surprises, pas toujours réjouissantes lui sont réservées. On se souvient de quelques autres romans de séquestration, dont Le Carcan de Bill Pronzini, Mygale de Thierry Jonquet, Séquestrée de Chevy Stevens, la liste est longue, mais le propos n’est pas tout à fait pareil, même s’il s’agit d’une histoire de vengeance. Et pas question de syndrome de Stockholm pour le protagoniste principal.

Le lecteur vibre avec cet homme, cherchant la faille, car bien évidemment il existe une faille dans ce roman, dans cette histoire démoniaque. Mais David Coulon joue avec les nerfs, et lorsqu’on arrive à l’épilogue, on se dit qu’il y a une dichotomie entre le début et la fin. Et en relisant le commencement du récit, on s’aperçoit que non, que l’auteur avait jalonné son intrigue avec un déroulement implacable, pervers, féroce.

 

David COULON : Trouble passager. Collection Angoisse. Editions French Pulp. Parution le 11 avril 2019. 288 pages. 19,00€.

ISBN : 979-1025104699

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10 juin 2019 1 10 /06 /juin /2019 04:15

… Le Père et le Sain d’Esprit ?

Gaétan BRIXTEL : Le fils.

Mais son esprit à Vincent Deschamps n’est pas très sain. Souvent il prend la clé des champs, au grand désespoir de ses parents.

Son père, fatigué, mais qui dissimule son état derrière un sourire. Sa mère qui rit en crescendo, mais c’est un faux rire. Ils font comme si… Comme si tout allait bien.

Quant à Vincent, il est bipolaire. Ce qui ne veut pas dire qu’il voyage du Pôle Nord au Pôle Sud, mais que son mental est changeant, passant sans prévenir d’un état volubile à celui de mutique, de la logorrhée joyeuse au bégaiement accablé, de souriant à triste, de la souplesse de l’acrobate à la raideur de l’arthritique. Un peu comme si un jumeau négatif habitait sa tête et son corps. Et c’est trop souvent que le négatif prend le pas sur le positif.

Il vit chez lui, a bien une copine nommée Adélie, elle a les pieds sur terre Adélie, mais ça se bouscule dans sa tête. Tellement qu’il préfère revenir chez les parents, dans un havre de refuge. Il ne récupère pas sa chambre transformée en lingerie, mais celle de son frère aîné. Et il lui passe par la tête des envies de scarifications, envies qu’il ne réfrène pas. Alors il lui faut des bandages, des pansements, il extériorise ainsi ses pulsations négatives. Il se marque comme un animal promis à l’abattoir.

 

Passant du Je au Il, comme si son « héros » se dédoublait, comme si le personnage était un prolongement de lui-même, Gaétan Brixtel déroule son histoire misérabiliste qui l’emmène dans un centre de miséricorde.

Car Gaétan Brixtel est un peu le double de ses personnages, il feint de trouver un partenaire de jeu, un partenaire d’histoire à raconter, se regardant dans le miroir de la vie.

A chaque fois, on se demande s’il n’est pas le protagoniste malheureux qui veut s’émanciper d’un traumatisme et en même temps il apporte une force au récit qui serait écrit par un autre que lui.

Une nouvelle psychologique qui se mue en introspection et que l’on pourrait rapprocher, mais non comparer, à La Nausée de Sartre et à La Tête contre les murs d’Hervé Bazin.

Une nouvelle intimiste qui fouaille le dedans de nous et de notre intellect. Gaétan Brixtel doit continuer à écrire, à évacuer ses pensées, sa détresse, et, pourquoi pas, prolonger ce besoin par un roman. Mais ce n’est pas une obligation.

 

Gaétan BRIXTEL : Le fils. Collection Noire Sœur. Nouvelle numérique. Editions Ska. Parution 2 juin 2019. 30 pages. 2,99€.

ISBN : 9791023407754

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7 juin 2019 5 07 /06 /juin /2019 04:03

Une femme fait ce qu’elle veut d’un homme, quand elle le laisse commander !

Janine LE FAUCONNIER : Celle qui devait disparaître.

Détective privé en vacances près de Bayonne, Sigfried Morel part un peu précipitamment en Bretagne, réclamé par une vieille dame. S’il accepte ce déplacement, c’est parce que la comtesse Hélène de Kerennac veut l’entretenir d’un souci et qu’elle se réfère à la tante Isabelle du détective avec laquelle elle est amie.

Arrivé au manoir de Kerennac, Morel fait la connaissance de la comtesse et de ceux qui y vivent. Henry, le petit-neveu trentenaire qu’elle a élevé lorsque les parents sont décédés et sa jeune sœur Louise, Olivia la femme quadragénaire d’Henry, David, autre neveu de la comtesse dont Louise est amoureuse, Octavie, la parente pauvre qui accessoirement sert de dame de compagnie, plus quelques employées, Nelly, la jeune femme de chambre et Mathilde la cuisinière.

A quatre-vingt-deux ans, la comtesse est encore en pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels. Seulement elle est un peu (beaucoup) directive et entend diriger la maison à sa façon. Ce qui n’a pas empêché Henry de se marier avec Olivia alors que celle-ci était devenue veuve dans des conditions troubles. Pourtant Henry était fiancé avec Isabelle de Braville, une charmante jeune fille habitant non loin, la petite protégée de la comtesse. Cette rupture inattendue n’a guère plu à la comtesse mais pour une fois Henry s’est affirmé vis-à-vis de sa parente.

 

La comtesse dévoile ce qui l’a conduite à appeler Morel à la rescousse. Elle a échappé à un accident mais pas Thérèse, la jeune fille qui lui servait de dame de compagnie. Faut préciser que le manoir est construit bizarrement et que pour passer d’une pièce à une autre il faut emprunter des couloirs et des escaliers. Or donc, selon elle, une corde avait été disposée comme un piège destiné à la faire tomber. Mais c’est Thérèse qui a bénéficié de la chute sans avoir eu le temps de demander L’ai-je bien descendu. Et depuis Thérèse se remet lentement d’une fracture du bassin.

La comtesse n’a pas voulu mêler la police à cette tentative de meurtre, il s’agit selon elle d’affaires privées, et si elle a quémandé Morel, c’est à cause de sa parenté avec sa tante, une vieille amie parisienne. Elle n’oublie pas d’ajouter qu’elle possède une preuve en exhibant la corde traîtresse.

Morel accepte d’enquêter, en attendant une nouvelle tentative qui ne manque pas de se produire, au détriment de Nelly qui en douce, le matin alors qu’elle apporte le petit-déjeuner à la comtesse dans sa chambre, ne se gêne pas pour absorber une partie du thé matinal.

 

Dans ce roman au goût christien, oui, Agatha n’est pas loin du moins spirituellement, dans ce roman donc Morel interroge tout à tour les différents protagonistes, dont le caractère est propre à chacun d’eux. Henry proche de la comtesse et l’héritier principal de la vieille dame ; David, gamin de caractère blagueur qui aime les farces et se montre cynique, sarcastique ; Louise, un peu naïve et osons le dire un peu mièvre ; Octavie, sotte, curieuse et cupide ; Olivia qui traîne derrière elle un lourd passé de possible meurtrière ; les employées de maison. Sans oublier Isabelle la fiancée déchue et peut-être déçue.

Roman christien dont l’intrigue se déroule quasiment en vase-clos, avec réunion des personnages en épilogue et un retournement de situation que n’aurait pas désavoué la Reine du crime.

Janine Le Fauconnier s’attache à l’aspect psychologique des différents protagonistes sans pour autant alourdir le récit qui se lit d’une traite. Un roman que l’on pourrait qualifier rédigé à l’ancienne mais possède un charme vénéneux certain.

 

Janine LE FAUCONNIER : Celle qui devait disparaître. Collection Le Masque Jaune N°1363. Librairie des Champs Elysées. Parution le 25 février 1975. 192 pages.

ISBN : 2702403506

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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