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20 octobre 2019 7 20 /10 /octobre /2019 06:56

Et ils se cachent pour mourir ?

Frédéric DARD : Puisque les oiseaux meurent

Tranquillement installé dans son jardin, allongé sur une chaise longue, offrant au soleil de juin son visage, Laurent s’abandonne à laisser ses idées vagabonder. Il écoute les oiseaux pépier, piailler, chanter, s’ébrouer dans les ramures des arbres.

Il est tiré de son inconscience par Martine, sa maîtresse en titre, qui va passer quelques jours avec lui à Villennes, en banlieue parisienne. Lucienne, la femme de Laurent, une chanteuse aux nombreux succès discographiques, est en tournée et donc Laurent peut bénéficier d’une paix conjugale relative. Elle ne l’a jamais sermonné, mais il pense qu’elle sait qu’il a connu plusieurs liaisons après leur mariage. Comme une entente tacite.

Le téléphone sonne. Il pleure même. La gendarmerie de Lisieux annonce à Laurent que sa femme Lucienne Cassandre vient d’avoir un accident. Elle a été transportée à la clinique Sainte Thérèse. Le mieux serait que Laurent se rende sur place. Dernière petite précision : le monsieur qui l’accompagnait est décédé.

Laurent se rend à Lisieux où il obtient auprès d’un gendarme des précisions complémentaires. Et surtout de la part du chirurgien de la clinique qui lui révèle que sa femme a été touchée au foie et qu’elle est en sursit. Deux ou trois jours peut-être. Au téléphone, Bardin, l’imprésario de la chanteuse, signale qu’elle n’avait aucun gala de prévu. Ni à Angers ni à Caen.

Martine a accompagné Laurent à Lisieux et elle rentre à Villennes en tant qu’aide-soignante de la blessée. Le temps que Laurent, muni du nom du défunt, se rende près de Caen où l’homme était propriétaire d’un haras. Le père confirme que Lucienne venait assez régulièrement. Et il retrouve même posé sur un meuble un objet appartenant à sa femme.

Puis il rentre chez lui. Il est intrigué par le manège d’un oiseau, un verdier qui s’introduit dans la chambre conjugale où repose la survivante. La jalousie le taraude et il découvre qu’il aimait sa femme. Il en veut à Martine de rester à ses côtés et dans le même temps, il est content qu’elle le soutienne dans son malheur.

Seulement Lucienne, qui émerge tout doucement de son coma, ne veut pas que Laurent chasse ce volatile. Elle l’appelle même Doudou, diminutif du prénom de son amant supposé, Edouard. Pourtant elle nie avoir eu des relations avec le propriétaire du haras, avouant toutefois l’avoir rencontré afin d’acheter un cheval pour son mari.

 

La première partie de ce roman est consacrée à l’arrivée de Martine, l’annonce de l’accident de Lucienne puis aux différentes démarches effectuées par Laurent mais surtout pourrait être catalogué comme un roman sentimental. La seconde partie, au contraire, s’ancre dans un registre fantastique avec la présence de cet oiseau qui envahit la chambre et perturbe Laurent.

Mais cette perturbation n’est-elle pas engendrée par la jalousie ressentie par Laurent avec l’annonce de la mort du passager dans la voiture. Laurent est persuadé que Lucienne le trompait alors que lui ne s’est jamais gêné pour donner des coups de canif dans le contrat de mariage.

Une disposition de l’esprit favorable à des interprétations qui ne sont que des fabulations ? Reporte-t-il sur cet oiseau qui l’importune cette jalousie et ne se forge-t-il pas des idées sur une relation qui serait inexistante ?

Soin est donné au lecteur de bâtir sa propre conception de ses quelques heures au cours desquelles Lucienne sort de son coma et tient tête à son mari, défendant la présence de Doudou, alors que lui est perturbé et s’adonne à la boisson.

Le remords le ronge-t-il vraiment ou n’est-ce qu’un excès de jalousie lui insufflant des pensées négatives ?

 

Première édition : Collection Spécial Police N°241. Parution 1960.

Première édition : Collection Spécial Police N°241. Parution 1960.

Réédition Presses Pocket N°799. Parution 15 octobre 1970.

Réédition Presses Pocket N°799. Parution 15 octobre 1970.

Frédéric DARD : Puisque les oiseaux meurent. Editions Pocket. Parution 10 octobre 2019. 192 pages. 6,70€.

ISBN : 978-2266296663

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19 octobre 2019 6 19 /10 /octobre /2019 04:07

Lorsque des Français trouvaient refuge à Londres.

Béatrice NICODEME : Le Chacal Rouge.

Sur les traces des grands auteurs populaires dont la prépondérance littéraire s’inscrivait dans le roman historique, voici la suite des aventures d’Eléonore, personnage créé par Béatrice Nicodème avec Les loups de la Terreur et La mort du Loup Blanc.

En l’an de grâce 1798, réfugiée à Londres avec son petit garçon, issu d’un rapport avec un nobliau décédé lors de la Chouannerie et dont la femme est devenue son amie, quoique les relations entre les deux femmes soient imprégnées des brumes anglaises, Eléonore fréquente le clan des exilés afin de nouer des connaissances.

Ce que l’on comprendra parfaitement, même si actuellement cet état de fait est considéré comme de l’ostracisme, un refus de se mettre au diapason de la patrie qui vous héberge ou encore relève du sentiment de parcage comme voudraient nous le faire croire les théoriciens de l’amalgame (bon encore une fois je dérape).

Le docteur Jenner vient de mettre au point un vaccin, ou plus exactement un sérum contre la variole, mais les morts se succèdent dans la petite colonie française réfugiée à Londres. Faut-il en déduire que les Londoniens n’acceptent pas cette promiscuité forcée, qu’un sérial killer s’en donne à cœur joie et dans ce cas selon quels critères ? Et que vient faire dans ce tourbillon le succédané du comte de Saint-Germain ?

 

Vous le saurez en lisant ce roman d’une auteur(e) qui ne fait pas parler d’elle dans les médias mais qui construit une œuvre forte, intelligente et diverse puisque Béatrice Nicodème écrit également des ouvrages pour enfants dont le propos n’est pas forcément l’agressivité, mais plutôt le jeu littéraire.

Le roman historique connaît un regain d’audience, ce que nous ne déplorons pas, au contraire. C’est un peu comme au cinéma, ces grandes fresques en habit d’époque qui font rêver, et permettent un voyage dans le temps, comme si l’histoire n’était pas un éternel recommencement.

 

Béatrice NICODEME : Le Chacal Rouge. Collection Labyrinthes N°75. Editions du Masque. Parution 21 juin 2000. 254 pages. 9,00€.

ISBN : 978-2702496886

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17 octobre 2019 4 17 /10 /octobre /2019 04:30

Un chat homme de lettres en quelque sorte ?

Lilian Jackson BRAUN : Le chat qui jouait au postier.

Jim Qwilleran, journaliste touche à tout de talent au Daily Fluxion, vient d’hériter d’une fabuleuse fortune. Pour qu’il puisse en disposer librement il doit habiter au minimum cinq ans dans la grande maison léguée par une amie de sa mère, à Pickax dans le comté de Moose. Mais même en n’étant qu’usufruitier, il perçoit une coquette somme provenant de différents placements, immeubles, hôtels et autres investissements.

Qwill s’installe donc dans cette résidence, ce qui le change terriblement de ses habitudes et de l’ambiance du Club de la Presse. Il n’est pas vraiment perdu car quelque temps auparavant il a passé ses vacances non loin de son nouveau port d’attache. Il y a fait la connaissance de nombreux villageois, professeurs, ingénieur, une ravissante receveuse des Postes, mariée hélas, deux notaires, le frère et la sœur, mais surtout une jeune femme médecin, Mélinda, qu’il a commencé à courtiser.

Koko et Yom-Yom, ses deux chats siamois, apprécient leur nouvelle résidence, et Koko, décidément en verve, joue même au piano les premières notes d’une chanson dont l’héroïne est une certaine Daisy. Justement une employée de maison nommée Daisy a vécu dans cette maison, quelques années auparavant, marquant son passage de graffitis, de dessins sur les murs de sa chambre.

Qwill ne croit guère aux coïncidences. Connaissant les dons de son félidé et se fiant à quelques phénomènes sensoriels dont le hérissement de sa moustache, Qwill décide de fouiner un peu plus dans le passé de la jeune fille disparue un jour sans prévenir. Notre journaliste, spécialiste des affaires criminelles, sent que la maison recèle un secret. Il décide de le percer aidé en cela par son ami félin, véritable Sherlock Holmes à quatre pattes.

 

Dans Le chat qui jouait au postier, nous retrouvons bon nombre de protagonistes évoluant dans Le chat qui jouait Brahms, paru dans la même collection. Mais surtout nous suivons et jouons avec Koko à un jeu de piste criminel mettant en valeur les talents de cet étrange chat détective.

Une œuvre plaisante à lire, humoristique, primesautière, à l’intrigue rigoureuse. Cette atmosphère parfois farfelue, bon enfant, agreste, nous permet d’échapper à la noirceur de la description des grandes métropoles, ce qui ne veut pas dire pour autant que ce roman ait été écrit avec une plume trempée dans de l’eau de rose.

 

Lilian Jackson BRAUN : Le chat qui jouait au postier. Collection Grands Détectives N° 2245. Editions 10/18. Parution 18 novembre 1998. 256 pages.

ISBN : 978-2264017000

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16 octobre 2019 3 16 /10 /octobre /2019 04:47

Et aux Innocents les mains pleines ?

Maurice PERISSET : Le bal des Innocents.

Affable, souriant, sympathique, tel se présentait Maurice Périsset lorsque je l’ai vu pour la première fois lors du festival du roman policier de Reims en 1983 ou 1984.

S’il fut l’auteur de nombreuses biographies consacrées aux vedettes du cinéma français, Raimu, Simone Signoret, Jean Gabin ou encore Gérard Philippe, Maurice Périsset était également considéré, à juste titre, comme l’un des maîtres français du suspense psychologique.

On pourrait classer ses œuvres succinctement en deux parties : celles dans lesquelles les artistes jouent un rôle prépondérant et celles qui mettent en scène les petites gens, les humbles. Pourtant ces deux tendances se rejoignent, car sous le vernis, le maquillage des artistes, se cachent des personnes qui souffrent, dans leur âme et dans leur chair, et mises à nues, les personnes du spectacle se confondent avec les héros anonymes de la vie quotidienne.

Dans Le bal des Innocents, Maurice Périsset s’est penché sur un des à-côtés, sur un épisode, sur l’un de ces faits-divers qui n’ont pas défrayé la chronique mais qui pourtant ont empoisonné l’existence de milliers d’êtres humains.

En ces temps troubles (cette chronique a été rédigée en juillet 1990, mais l’on peut se rendre compte que malgré les exhortations diverses d’hommes politiques et d’associations, rien n’a changé) où l’on parle de racisme, d’antiracisme, de ségrégation, d’ostracisme et tutti quanti, comme si ce mal de société était nouveau, l’auteur soulève un voile et ce qui se trouve dessous n’est guère reluisant.

Tout le monde se sent la conscience tranquille. Si beaucoup de nous se souviennent ou ont appris à l’école, à travers des manuels scolaires ou autres, que les Américains débarquèrent en Italie durant la Seconde guerre mondiale, combien savent que ce ne fut pas sans conséquence pour des milliers d’enfants qui naquirent peu après. En effet, parmi ces soldats, bon nombre étaient Noirs et ils marquèrent leur passage chez les autochtones.

Plus de trois mille enfants naquirent des amours éphémères entre Italiennes du Sud et Noirs Américains. Et ces gosses furent méprisés, bannis, bafoués par toute une communauté bien pensante et soi-disant chrétienne.

 

Ferrucio, onze ans, est l’un des ces petits « métis » qui vit à Gênes, en butte aux attaques, aux quolibets, aux brimades des voisins. Il essaie de se confectionner une carcasse mais c’est dur tout seul. Sa mère, oh sa mère ! Elle l’aime bien mais elle fait sa vie, elle fait la vie. Ses ressources : la prostitution dans le port de Gênes. De retour dans son village natal, Gina se verra reprocher sa condition de femme facile, mais c’est sur Ferrucio que se portent tous les regards, tous les reproches, tous les opprobres. Ferrucio pensait s’être fait un ami d’Ermano, le nouvel et jeune amant de sa mère, mais celui-ci bientôt le délaisse provoquant le drame.

Le bal des innocents, dont l’action se situe dans les années 1950, est un roman dense dans lequel Maurice Périsset nous propose un peu d’émotion, de sensibilité, de chaleur humaine, d’amitié, d’humilité envers nos voisins, quelle que soient la couleur de leur peau et leur origine.

 

Première parution Les Presses du Mail. 1964

Première parution Les Presses du Mail. 1964

Maurice PERISSET : Le bal des Innocents. Editions du Rocher. Parution mai 1990. 264 pages.

ISBN : 9782268009667

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11 octobre 2019 5 11 /10 /octobre /2019 04:26

Grand prix de littérature policière 1990.

Hervé JAOUEN : Hôpital Souterrain.

Pierre devenu notaire un peu par accident est un être sensible, rêveur, dont les pensées dérapent à tout propos, souvent dans un sens pessimiste.

C’est un fabulateur introverti, extrapolant les événements, vivant à la limite de la paranoïa, grossissant les petits faits qui peuvent aussi bien survenir à sa famille qu'à lui-même.

Isabelle, sa femme, se révèle quant à elle plus sensée, les pieds sur terre, quoique son caractère de cochon, ses manières et ses paroles agressives, laissent transparaître une vulgarité provocatrice et une acrimonie indisposant son entourage.

D'ailleurs Angeline, leur petite fille de sept ans, se réfugie plus volontiers sous l'aile protectrice paternelle. Elle se sent plus en confiance, plus rassurée, plus écoutée, plus proche de son père que de sa mère qui ne lui ménage pas les rebuffades.

Lors d’une visite guidée du fameux hôpital souterrain de Jersey, un hôpital militaire nazi construit par des prisonniers russes lors de la seconde guerre mondiale, Angeline disparaît. Malgré les recherches entreprises aussit8t, nulle trace de la petite fille. Plusieurs thèses sont avancées: enlèvement, accident, sorcellerie, mais aucun fait saillant ne permet de retenir l'une ou l'autre de ses suppositions.

 

Pour Hervé Jaouen qui, à partir d'un fait divers authentique mais transposé, a construit ce roman, c'est l'occasion de mettre en scène le naufrage de cette famille, de la mésentente chronique entre le père et la mère, du constat d'échec qui couvait depuis des années.

Dans une atmosphère parfois onirique, fantastique ou sordide, ce drame d'un couple qui se déchire s'exacerbe au fil des pages, l'épilogue émouvant dans sa simplicité est grandiose dans l'horreur.

Hervé Jaouen est un spécialiste du roman noir contemporain, rappelez-vous Coup de chaleur, La mariée rouge ou encore La chasse au merle, ses premiers romans.

Mais dans ce roman cette noirceur est parfois tempérée par un petit côté fantastique entretenu par les légendes et la réalité concernant les fameuses sorcières émigrées à Salem en Amérique du Nord.

Un récit admirable analysant la dégradation d'un couple écrit avec sensibilité et parfois férocité, mais sans oublier une touche d'humour pour pimenter le tout.

 

Réédition Folio 3 novembre 1992

Réédition Folio 3 novembre 1992

Réédition Folio 23 juin 2000.

Réédition Folio 23 juin 2000.

Hervé JAOUEN : Hôpital Souterrain. Editions Denoël. Parution 3 avril 1990. 326 pages.

ISBN : 978-2207236918

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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 04:20

Est-elle grande ouverte ?

Saül BERGMAN : La porte de l’Enfer.

Après de longues années passées à se battre sur tous les fronts, Henri Meynard revient au pays, dans un quartier de Metz promis à la démolition. Il se fait appeler Jean Abbadôn, du nom de l’ange exterminateur de l’Apocalypse.

Sa mère a été assassinée quelques années auparavant, un soir de Noël, et son agresseur n’a jamais été retrouvé. Parfois elle ressentait des besoins charnels qu’elle satisfaisait avec l’un des clients du café du Sablon. Une passade qui n’engageait qu’elle puisque le géniteur de Jean alias Henri s’était volatilisé avant sa naissance. Mais le gamin se sentait frustré ces soirs là, pourtant sa mère ne l’abandonnait que quelques heures.

Il s’installe dans la maison qu’habitaient ses grands-parents et traîne dans le quartier, à la recherche d’il ne sait trop quoi. Il ne vient pas se venger, ni retrouver le meurtrier, du moins c’est ce qu’il annonce au père Rémi, le vieil épicier. Il veut tout simplement retrouver une partie de son enfance, s’imprégner d’une atmosphère, celle des jours heureux avant que la maison de ses grands-parents soit détruite.

Mais d’anciennes connaissances meurent dans des conditions mystérieuses et pourtant ces décès semblent naturels. Jean s’éprend d’une jeune journaliste stagiaire, Alicia, qui ressemble à sa mère. Parfois il est en proie à d’étranges crises, souvenirs terribles de combats, de sauvetage, ou alors il perçoit des prémonitions funestes.

 

Teinté de fantastique, ce roman décrit avec force la solitude ressentie par un homme à la recherche de son passé. Ce ne sont pas tant les souvenirs qu’il souhaite retrouver, mais une présence, un visage, des lieux, des repères.

Le prénom d’Alicia n’est pas choisi par hasard, du moins me semble-t-il, car Jean est comme devant un miroir, mais le franchira-t-il ?

J’allais ajouter que c’est aussi le roman de la… mais je m’abstiens car ce serait donner trop d’indices au lecteur pour qui du coup l’épilogue ne revêtirait pas le même charme et lui ôterait une grande partie du plaisir de la lecture.

Saül Bergman n’est autre que le pseudonyme de Paul Couturiau qui a obtenu en 1993 le Grand Prix de Littérature Policière pour Boulevard des Ombres (éditions du Rocher), le prix des Maisons de la Presse en 2002 pour Le Paravent de soie rouge (Presses de la Cité) et qui est également traducteur de romans américains comme Longue est la nuit de Bill Pronzini (éditions du Rocher).

Paul Couturiau, pardon Saül Bergman, nous livre un excellent roman, à multiples facettes, étayant son propos par de nombreuses citations de l’Apocalypse. Afin de mieux enfoncer le clou, si j’ose dire, mais sans pour cela écrire un ouvrage à la gloire de la Bible. Ce ne sont que des illustrations, des citations comme d’autres.

 

Saül BERGMAN : La porte de l’Enfer. Editions du Rocher. Parution 13 février 2003. 230 pages.

ISBN : 978-2268044781

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8 octobre 2019 2 08 /10 /octobre /2019 04:31

En chacun de nous se niche un jardin secret.

Valérie ALLAM : En mon cœur, ces racines.

Mais il est cultivé différemment selon la personnalité de celui qui l’entretient. Ce peut être un jardin de curé aux multiples aromates, une friche industrielle, un potager fertile propice à la culture des bons sentiments, un lopin de terre aménagé à la française de forme géométrique ou un jardin à l’anglaise à la floraison luxuriante.

Le narrateur, griot vivant dans un abri de tôle ondulée comme les vaches normandes (eh oui, les vaches ont du lait !), au visage ridé comme une pomme desséchée, se souvient de sa jeunesse, de ses aspirations, de Khadija, celle qu’il aimait, de ses erreurs, de sa faute.

Il conte, tel un compteur de sentiments, ses souvenirs à Kouakou, un gamin qui vit parmi la communauté dans un entrepôt, et qui lui rappelle celui qu’il était jeune, autrefois, de l’autre côté de la mer.

Il cultive en son sein les graines de la sagesse, des valeurs morales et des traditions ancestrales, désirant les partager avec son jeune ami. Mais les ensemenciers véreux, et leurs copains armuriers, produisant des graines frelatées sont prodigues et leurs méfaits s’implantent sur des terrains en déliquescence prolifiques en nuisances.

Mais un jour Kouakou n’est plus là, ses parents non plus.

 

Valérie Allam dépasse avec ce court texte, fort et puissant, sensible et poignant, écrit avec subtilité, le genre littéraire noir dans lequel il est confiné, collection oblige.

En mon cœur, ces racines, s’inscrit dans la déclinaison émouvante des sentiments que beaucoup prônent avec vigueur mais dont les actes ne suivent pas les paroles.

Que ce soit dans les relations humaines avec les migrants, ceux qui viennent manger le pain des Français comme disait Fernand Raynaud dans son célèbre sketch qui met en scène un villageois chassé parce qu’il est étranger et dont les habitants n’ont plus de pain parce que c’était le boulanger.

Que ce soit la couleur de la peau qui divise les hommes, que des différents s’élèvent entre races ou ethnies diverses juste pour des questions de territoire, de prédominance, de prépondérance, de futilités, un rien suffit pour s’affronter. Et le résultat est tout autant nuisible et funeste à la communauté qu’à l’individu.

 

Valérie ALLAM : En mon cœur, ces racines. Collection Noire Sœur. Editions SKA. Nouvelle numérique. Parution 24 septembre 2019. 12 pages. 2,99€.

ISBN : 9791023407860

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6 octobre 2019 7 06 /10 /octobre /2019 06:57

Sur un plateau de tournage, comme si vous y étiez…

Sophie HENAFF : Art et Décès.

Il est des phrases que l’on ne devrait jamais prononcer, même pour se montrer humoristique ou méprisant, comme certaines personnes qui dirigent le pays. Mais foin de toute polémique politicienne, et revenons à nos moutons sans faire de cinéma.

Ainsi Eva Rosière, capitaine de police en disponibilité reconvertie dans l’écriture de romans et qui se consacre après s’être consacrée à une carrière de scénariste pour la télévision se tourne vers le cinéma, n’a-t-elle point osé prononcer haut et fort, Putain, je vais le tuer.

Le, c’est Michel Aramédian surnommé Tripes en Gelée, le réalisateur du film dont elle a écrit le scénario. Il ose se prévaloir, parce qu’il a changé le plat préféré des personnages, d’avoir participé à l’écriture et être crédité au générique, l’amputant des droits d’auteur d’une façon éhontée.

D’ailleurs elle n’hésite pas à en parler, d’une façon acerbe et peu diplomatique à Tom Dicate, le producteur tellement radin qu’il s’est affublé du poste de directeur de la production afin de réaliser quelques économies supplémentaires. Et dire que c’est elle qui avait presque imposé Michel Aramédian, un réalisateur sans grande envergure. Un honnête artisan, sans plus. Sauf que le qualificatif d’honnête n’est plus tout à fait de mise et qu’elle ne digère pas ce coup de poignard dans le dos.

Aramédian non plus d’ailleurs, puisqu’il est retrouvé à la pause du midi dans le bureau de Tom Dicate, affalé dans un fauteuil, un poignard fiché dans le dos. Dicate avait déjeuné en compagnie de la vedette du film, une chanteuse en vogue, et il rentrait dans son antre en compagnie de Ben Big Ben, le surnom de l’ingénieur du son à moitié sourd.

Naturellement les soupçons se portent sur Eva Rosière qui immédiatement fait appel à son ancien supérieur quémandant l’aide de la Brigade des Innocents. Les chefs de la PJ sont réticents mais enfin elle obtient gain de cause. Et son amie la commissaire Anne Capestan, qui a pris un congé maternité pour élever sa fille Joséphine, langes gardiens, ne veut pas laisser dans la panade Eva. Malgré les difficultés qui s’élèvent devant elle, Anne Capestan décide d’enquêter quand même emmenant sa gamine avec elle sur les plateaux de cinéma dans les studios de Saint-Denis.

Non seulement Aramédian est mort d’un coup de poignard mais des traces de kétamine sont retrouvées. Or il était connu pour ne pas toucher à la drogue, du moins l’affirmait-il. Et cette drogue à laquelle a été mélangée la kétamine était disposée dans une sorte de soupière dans le bureau de Tom Dicate.

Il s’avère qu’Eva Rosière n’était pas la seule à se plaindre d’Aramédian pour des raisons diverses mais toutes plus plausibles les unes que les autres. De Dicate aussi d’ailleurs, qui se trouve le portefeuille à sec depuis l’incendie sur un plateau lors du tournage précédent d’un film.

Et ce que vont découvrir les Pieds Nickelés multipliés par trois, c’es à dire la Brgade des Innocents, n’est pas pour arranger les affaires des différents acteurs de ce drame. Les comédiens, des techniciens, Dicate et d’autres qui tous réfutent avoir tué le réalisateur. Ce qui est compréhensible, on n’avoue pas du premier coup un forfait.

Rosière décide de prendre la place du réalisateur défunt et d’embaucher ses anciens collègues pour pallier la défection de certains membres de l’équipe de tournage. Malgré qu’Eva tourne en dérision ses anciens collègues et même le procureur, une façon de procéder peu goûtée par les mis en cause.

 

Contrairement à ce qui est promis en quatrième de couverture, cette histoire ne m’a pas semblé désopilante mais amusante tout au plus, avec cependant quelques scènes cocasses tandis que d’autres m’ont paru longuettes, voire laborieuses.

Ce sont surtout les personnages qui gravitent dans cette intrigue qui retiennent l’attention du lecteur. Les membres de la Brigade des Innocents, du nom de ce commissariat qui a pour siège un appartement dans la rue du même nom possèdent tous une particularité professionnelle, physique, mentale, sociale, mais en grattant bien autour de soi, on peut s’apercevoir que nos collègues ou voisins eux aussi ne sont pas forcément lisses et entretiennent quelques divergences flagrantes avec le commun des mortels, ce qui justement n’est pas si commun.

Passons sur l’ensemble de cette brigade, qui toutefois mériterait d’être détaillée, pour nous arrêter quelques instants sur Merlot, qui, peut-être à cause de son nom de cépage est un adepte des boissons vinicoles, et ne se déplace guère sans son animal de compagnie, un rat.

Outre Ratafia, le rat, n’oublions pas Pilote dit Pilou, le chien d’Eva Rosière, qui furète un peu partout, et Torrès, le chat noir de la brigade, qui se tient la plupart du temps en retrait, étant catalogué comme porte-malheur attitré.

Joséphine prend une grande place dans cette intrigue, trimbalée en dorsal ou en ventral, se promenant à quatre pattes ou dans un trotteur encombrant, réclamant sa pitance à quasiment toutes les heures du jour et surtout de la nuit, Anne Capestan étant aux petits soins et pliant sous les exigences de ce bébé qui est tellement mignon quand il dort.

Une incursion intéressante dans le monde cinématographique, et l’on ne peut s’empêcher de penser à Jean-Pierre Mocky, et la description des affres d’une jeune mère devenue esclave de sa fille, sont donc les thèmes principaux de ce roman à la trame classique et d’ailleurs l’une des scènes, pas assez exploitée, est d’imaginer un Cluedo avec les photographies des protagonistes du film afin de résoudre l’énigme.

 

Sophie HENAFF : Art et Décès. Série Poulets grillés. Editions Albin Michel. Parution 6 mars 2019. 320 pages. 18,50€.

ISBN : 978-2226441027

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4 octobre 2019 5 04 /10 /octobre /2019 07:49

Sous le nom de Carter Dickson se cachait le génial John Dickson Carr. Mais il faut avouer que, parfois, il abusait du blabla, Carr !

Carter DICKSON : Arsenic et Boutons de manchette

Ce n’était pas le jour, pourtant Sir Henry Merrivale n’hésite pas à appeler Blake pour lui confier une mission urgente, secrète, périlleuse.

Et Blake se doit d’obtempérer, alors que son mariage avec Evelyn est prévu pour le lendemain en fin de matinée. Alors il part pour le Devon où se trouve déjà H.M. et il doit cambrioler le logis d’un certain Hogenauer qui est momentanément absent. Sa mission, qu’il accepte, est de s’emparer d’une lettre mystérieuse détenue dans un coffre et remettre la missive à H.M. et au colonel Charters, un ancien collaborateur de Sir Henry et qui est commissaire principal dans le Devon.

Hogenauer est un personnage trouble, chimiste, expert en cryptographie, titulaire d’une chaire de physiologie, ancien agent de renseignement durant la Première guerre mondiale et d’origine allemande.

Il fut en contact avec un mystérieux L., défini comme une espèce de courtier international en secrets d’état, mais il semblerait que ce personnage vient de faire sa réapparition. Hogenauer est en manque d’argent pour ses expériences et il désire révéler l’identité de L. contre rétribution financière.

Observé par un policier, celui-ci aurait aperçu Hogenauer seul et immobile dans son bureau plongé dans l’obscurité tandis que des étincelles lumineuses dansaient devant ses yeux. De plus le savant entretient des relations étroites avec Keppel, un de ses compatriotes professeur de physique à l’Université de Bristol.

Blake est donc chargé de s’emparer d’une lettre mystérieuse détenue dans un coffre chez Hogenauer, en profitant de l’absence de celui-ci. Seulement Blake, qui se déplace à bord d’un véhicule, est arrêté par la police, dénoncé pour une plainte de vol par H.M. et le Colonel. Débutent alors les tribulations nocturnes de Blake qui parvient à s’échapper de la geôle où il est enfermé en « empruntant » les vêtements d’un policier.

Lorsqu’il arrive dans la villa d’Hogenauer, c’est pour découvrir l’homme mort, un fez sur la tête, empoisonné à la strychnine. Selon un domestique les meubles de la pièce ont été chamboulés. Et sur le bureau du défunt Blake remarque quatre boutons de manchettes entortillés sur un bout de ficelle. Sur un buvard, des traces d’encre révèlent que le cadavre aurait écrit auparavant une lettre à quelqu’un qu’il nomme Excellence.

Dans la foulée, Blake se rend à Bristol et découvre dans la chambre d’hôtel de Keppel un cadavre qu’il pense être Hogenauer et qui lui aussi porte un fez sur la tête. L’enquête ne fait que débuter et Blake est bientôt rejoint par Evelyn qui participe elle aussi aux recherches.

 

Une aventure totalement débridée qui se déroule durant toute une nuit et qui verra nos deux agents, Blake et Evelyn, parcourir de nombreux kilomètres pour effectuer leur enquête et résoudre cette affaire particulièrement mystérieuse.

Mystère en chambre close, ou presque, et deux cadavres sur les bras, voilà de quoi alimenter une intrigue tortueuse qui emprunte également au roman d’espionnage.

Mais il est difficile de suivre dans ses nombreux déplacements, des allers-retours en voiture et en train, qui de nos jours seraient guère réalisables. Le temps imparti à chaque épisode semble long et pourtant cela doit être possible, selon l’auteur. Mais il est vrai qu’à cette époque, les trains de nuit roulaient encore, qu’il n’y avait pas de limitation de vitesse, même si les voitures étaient moins performantes.

Arsenic et boutons de manchettes est, pour moi, un bon roman ingénieux mais qui n’atteint pas, toujours selon moi, l’intensité de certains romans de John Dickson Carr. Pourtant ce roman est considéré comme l’une des réussites majeures de l’auteur du Sphinx endormi ou de La Chambre ardente. Peut-être parce que le laps de temps écoulé durant tous les événements me parait un peu trop compressé. Mais il se dégage toutefois un certain humour.

L’affirmation, sur Wikimachin, que la réédition au Masque jaune est une version complète, est totalement erronée puisqu’il s’agit de la même que celle de la collection L’Enigme. D’ailleurs il s’agit du même traducteur. La différence de pages se justifie uniquement par la taille de la police de caractère et du format quelque peu différent des deux ouvrages.

 

Carter DICKSON : Arsenic et Boutons de manchette (The Magic Lantern Murders – 1936. Traduction de Benoît–Fleury). Collection l’Enigme. Editions Hachette. Parution novembre 1950. 256 pages.

Réédition : Le Masque Jaune N°1976. Parution novembre 1989. 288 pages.

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3 octobre 2019 4 03 /10 /octobre /2019 04:30

Méfiez-vous des monstres légendaires !

J.B. LIVINGSTONE : Les disparus du Loch Ness.

Après quelques années de mutisme, Nessie vient de faire parler d’elle, et pas en bien.

Deux cadavres ont été découverts sur les berges du Loch Ness, lacérés comme si une bête monstrueuse aux ongles acérés s’était acharnée sur ces profanateurs de son antre liquide.

Pour tout le monde il ne peut s’agir que de l’habitante des profondeurs du lac le plus célèbre d’Ecosse, de Grande-Bretagne, et peut-être du monde. Pourtant cette rescapée antédiluvienne n’avait pas habitué le petit monde des médias, de la police et des autochtones à semblable méfait.

De temps à autre, l’un des habitants de cette région sauvage et aride avait bien affirmé l’avoir aperçue, s’élevant hors des ondes, mais, soit c’était un privilégié, soit il était sous l’emprise du whisky, boisson nationale des Highlanders, une boisson aux vertus thérapeutiques incontestables.

Ces cadavres, cela fait désordre dans une région à vocation touristique, jettent le discrédit sur la population fortement ancrée dans la conservation des traditions et du mysticisme.

Scott Marlow, superintendant à Scotland Yard, est chargé de l’enquête et aussitôt, il s’empresse de solliciter l’aide de son ami l’ex-inspecteur chef Higgins, dont la compétence, les qualités en matière de réflexion, de perspicacité, de pondération, ne sont plus à démontrer.

Les deux policiers vont se trouver confrontés à un mur de silence, et il leur faudra s’infiltrer avec douceur mais détermination dans les failles que présentent chacun des suspects : Tullibardin Zohar, une jeune fille vierge désirant consacrer sa vie au monstre ; Grampian Mac Duncan, le chef du clan local, véritable seigneur despotique ; Mary Kincraig, sa sœur, une sorcière dont l’énorme chien, Lucifer, s’entiche d’Higgins ; Macbeth, le libraire, l’érudit, le gardien des vieux grimoires ; Gwendolin Hosh, le conservateur d’un musée consacré à Nessie ; et quelques autres dont Napton Norbury, un jeune paléontologue qui veut démontrer scientifiquement la présence de Nessie dans le lac ou l’affabulation entretenue par les autochtones.

Higgins enquête, ne se laissant pas démonter ou influencer par les divers témoignages teintés de mensonges. Il va, vient, imperturbable, recueillant dans son petit carnet d’innombrables anecdotes.

 

Une enquête policière qui flirte avec le fantastique, le surnaturel, la magie, mais qui malheureusement s’enlise un peu en cours de route.

Il est vrai qu’il n’y a rien de transcendant pour un enquêteur d’accumuler les versions des différents protagonistes.

Heureusement Higgins sort à son avantage dans ce bourbier et il aura même droit à une agréable surprise.

 

Réédition Collection Les dossiers de Scotland Yard. Editions Gérard de Villiers. Parution 2 juin 1993.

Réédition Collection Les dossiers de Scotland Yard. Editions Gérard de Villiers. Parution 2 juin 1993.

J.B. LIVINGSTONE : Les disparus du Loch Ness. Collection dossiers de Scotland Yard. Editions du Rocher. Parution 5 novembre 1991. 200 pages.

ISBN : 978-2268012261

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
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