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30 avril 2019 2 30 /04 /avril /2019 04:53

La peinture à l’huile, c’est bien difficile, mais c’est bien plus beau…

Anne-Laure THIEBLEMONT : Femme Masquée.

Lorsqu’elle rentre chez elle, Audrey Lambert est stupéfaite et suffoquée. Sa sœur Catherine est recroquevillée dans sa pièce, tenant dans ses bras un tableau de Seurat et leur femme de ménage, Ottavia, est dans le coma. Un vol sans aucun doute qui s’est mal terminé.

Catherine refuse d’alerter la police car leur père, collectionneur et marchand d’art n’avait jamais assuré les tableaux et objets de valeurs qu’il possédait, n’ayant aucune preuve d’achat. Certifications et autres papiers nécessaires pour les déclarations lui manquant. Il existe bien une alarme, mais Catherine, psychologue, la débranche lorsqu’elle reçoit ses patients.

Les deux sœurs sont totalement différentes, aussi bien physiquement que psychiquement. Et parfois cela crée des heurts. Audrey se demande bien pourquoi Catherine tient autant à ce tableau de Seurat alors que d’autres, peut-être plus prestigieux, manquent à l’appel. Audrey, qui tient un stand sur les Puces de Saint-Ouen, réparant et embellissant des objets décoratifs, n’a pas la force de caractère de sa sœur, pourtant lorsqu’elle aperçoit Jean Darrieux en compagnie de Catherine, elle peste. Elle n’aime pas celui qui fut l’associé de son père.

Un père et une mère qui se montraient indifférents à son égard et elle se demande toujours si elle les aimait ou non. Mais aujourd’hui ils sont décédés et les deux sœurs, toutes deux divorcées, vivent seules dans le grand hôtel particulier qui leur a été légué, au milieu de tableaux et d’objets d’art constituant une véritable richesse.

En examinant bien le revers du Seurat, du tableau signé Seurat je précise, Audrey est intriguée par une inscription comportant lettre et chiffres. Elle se renseigne auprès d’un spécialiste, un galeriste qui lui fournit sans problème l’explication de cette sorte de rébus. Ce qui l’amène à approfondir son enquête dans les milieux de l’art, à la célèbre salle Drouot, mais également en Suisse ou à Montcalm dans le Gard.

Et cela ne sera pas sans incident car elle est persuadée être suivie. Mais qui peut ainsi en vouloir à cet héritage paternel acquis d’une façon fallacieuse ? Et pourquoi ? Une quête qui interfère entre relations familiales et l’origine de ces biens obtenus durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Une plongée dans l’histoire proche qui joue sur deux tableaux. L’origine des œuvres d’art, leur acquisition mais également la lente dégradation relationnelle entre deux sœurs que tout oppose.

Cette histoire dans l’Histoire, qui intéressera les amateurs d’art pictural mais pas que, n’est pas souvent traitée dans les romans policiers. Pour mémoire citons Maudits soient les artistes de Maurice Gouiran qui abordait ce sujet, mais Anne-Laure Thiebelmont va plus loin dans cette introspection.

Ce n’est pas déflorer l’intrigue que de dire que la spoliation des détenteurs juifs de tableaux de maîtres est l’un des ressorts de cette intrigue, mais c’est bien tout ce qui tourne autour qui donne son sens à cette narration fluide.

Mais pour l’auteur, spécialiste en la matière, c’était un peu se comporter en fildefériste qui se produirait en sabots. En effet l’histoire se déroule dans les années 2010 ou 2012. Un des protagonistes déclare être en partie responsable de ce qui est arrivé soixante-dix ans auparavant. En 1940 donc ou 1942. Or il est délicat de remonter si loin et de retrouver des témoins de cette époque ayant activement participé à quelques-uns des événements. Et d’autres détails de dates me turlupinent, mais je vous laisse le soin de chercher ce qui pour moi est une erreur, mais qui en fin de compte ne l’est pas. Peut-être.

L’auteur aurait pu m’éclairer sur ces écarts mais elle est décédée en 2015. Hélas !

Quoiqu’il en soit, malgré mes toutes petites réserves, il reste que ce roman qui prend sa source dans des faits réels avec des personnages évoqués ayant réellement existés, est une admirable introduction à un épisode plus ou moins méconnu de la Seconde Guerre Mondiale, ce que l’on pourrait qualifier de détail parmi les atrocités commises, lesquelles ont plus retenu l’attention des historiens en général.

Anne-Laure Thiéblemont

Anne-Laure Thiéblemont

Anne-Laure THIEBLEMONT : Femme Masquée. Editions Cohen & Cohen. Parution le 28 février 2019. 168 pages. 20,00€.

ISBN : 978-2367490601

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23 avril 2019 2 23 /04 /avril /2019 04:18

Les Ecossais ne sont pas avares… de morts !

Gilles BORNAIS : Le sang des Highlands.

En ce mois de février 1892, les corps de deux Anglais sont retrouvés attachés sur un rocher près du Loch Ness. Les membres supérieurs ont été découpés sauvagement, et les cadavres portent des traces d’entailles, de morsures. Comme si on s’était acharné dessus. C’est un braconnier qui les a découverts et a alerté immédiatement les policiers.

Le chef constable Thaur d’Inverness est en charge de l’enquête en compagnie du superintendant Calum McHendrie, du sergent-chef Abernathy et de quelques policiers. Thaur est un ancien militaire, qui raisonne comme tel, muni d’une canne d’ébène et divorcé. Il est de caractère acrimonieux et d’un physique volumineux. Le genre d’homme qu’il ne faut pas chatouiller.

Après une rapide enquête, l’identité des deux cadavres révèle qu’il s’agissait d’un photographe et sa femme, Victoria Brown, une paléontologue de renommée internationale. Seul le fils Cédric, qui probablement les accompagnait, a disparu. Wilma McSwann, une pianiste du village d’Eigemore, là où ont été découverts les corps mutilés, déclare la disparition de son fils de douze, Ervin. Elle donne des concerts et des cours à quelques gamins des environs, et vit seule avec son fils, séparée de son mari.

Le détective inspecteur Joe Hackney, du département d’investigation criminelle de Londres est envoyé sur les lieux afin d’apporter son aide à Thaur. Il vit à Londres dans un appartement vétuste. C’est un homme solitaire qui n’a que pour amie Millie, une femme qui a largement oublié sa jeunesse depuis longtemps, serveuse dans un pub plus ou moins mal famé et qui sert parfois d’exutoire sexuel.

Un gamin est découvert pendu, mort dans les mêmes conditions que les adultes et la mère d’Ervin est soulagée. Elle ne reconnait pas en ce cadavre son gamin. Peu après les enquêteurs apprennent qu’il s’agit de Cedric, le fils des Brown qui avait bien accompagné ses parents. Le problème réside dans le fait qu’il jouait souvent dans la forêt en compagnie d’Ervin.

Selon le braconnier, cinq ou six hommes traînaient dans les bois. Il les aurait aperçu, planqué derrière un arbre, s’affairer puis partir à bord d’une barcasse. Seul détail qu’il peut apporter, c’est que le chef supposé était coiffé d’un glengarry, ce calot traditionnel écossais muni d’une plume. C’est peu.

Seulement, cela remémore à Calum McHendrie, dont le père fut également responsable de la police d’Inverness, une affaire similaire remontant à vingt ans environ. Il est chargé de retrouver ce fait divers dans les archives, ce qui n’est pas une mince affaire.

 

Une enquête qui va durer un mois environ, avec un nouveau cadavre, histoire de gonfler les statistiques, et des prises de bec entre le policier du cru et l’envoyé de Londres.

De nombreux événements tragiques vont ponctuer ces quelques semaines dont l’internement d’une femme dans un asile psychiatrique, ou dénommé comme tel, avec un médecin-chef et quelques gardiens abrutis qui se conduisent comme des porcs.

Mais le lecteur suit en parallèle le pauvre Ervin échappant à la meute de bandits partis à sa recherche et ne voulant laisser aucun témoin en vie. Il se réfugie dans des caches plus ou moins inaccessibles, se nourrissant de poissons qu’il pêche à la main, de baies, et allumant du feu avec les moyens du bord, à la façon des hommes préhistoriques et des trappeurs. De plus il a une cheville en capilotade.

Sont décrits également, comme des interludes, des événements qui se sont déroulés deux cents ans auparavant, à la même époque, lors de la guerre entre Ecossais indépendantistes et troupes anglaises.

Bref un roman historique qui ne manque pas de saveur (le fameux haggis n’est pas évoqué, je vous rassure) ni de dépaysement. La neige, la pluie, le brouillard freinent parfois l’enquête, et surtout les enquêteurs, dont certains possèdent des genoux en ruine. D’ailleurs, c’est un point commun à de nombreux protagonistes, et quand ce n’est pas un genou, c’est une cheville, pas forcément ouvrière.

L’aspect poignant est bien la course du gamin dans les bois alors qu’on ne ressent pas la même compassion envers les adultes même s’ils la mérite. Joe Hackey, ancien malfrat reconverti en policier, un peu comme Vidocq, ne ménage pas sa peine, et ses idées sont parfois en contradiction avec celles du chef constable local. L’effet Je t’aime moi non plus.

Et Nessie là-dedans me demanderez-vous avec justesse. Vous avez raison de vous poser la question, les monstres ne sont jamais bien loin.

 

Gilles BORNAIS : Le sang des Highlands. Editions City. Parution le 13 mars 2019. 384 pages. 18,50€.

ISBN : 978-2824614250

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21 avril 2019 7 21 /04 /avril /2019 04:20

La Bible, un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains !

Viviane JANOUIN-BENANTI : La serpe du maudit.

Pourquoi Pierre Rivière a-t-il en 1835, à l’âge de vingt ans, tué sa mère, sa sœur et son frère ? Quels sont les évènements qui ont précédé son acte, l’amenant à commettre trois meurtres dans un petit village du Calvados ?

Pierre est le premier enfant de Marie et de Basile, mais sa mère désirait avant tout une fille. Dès sa naissance, cet enfant non désiré subira les brimades maternelles tandis que le père courbera l’échine sous les récriminations de son épouse qui rêvait de devenir riche. Pourtant ce paysan travailleur ne cesse de combler comme il peut sa femme qui ne lui en sait pas gré.

Le mariage était arrangé, comme bien souvent à cette époque, pourtant Basile est follement amoureux de son épouse. Pierre survit, sa mère ne l’allaitant qu’au compte-gouttes, ne s’occupant guère de lui, le rejetant. Un deuxième enfant arrive au foyer, une fille qui accapare tout l’amour de sa mère. Pierre possède un faciès qui rebute quelque peu de même que ses réactions.

Il est intelligent puisqu’il apprend à lire très jeune, trouvant en la Bible une source de réconfort et d’invectives, apprenant par cœur des passages entiers. Pourtant à l’école, ce n’est qu’un cancre. Il aime sa mère même si celle-ci ne le lui rend pas et il accepte avec difficulté de partager un amour, qui n’est pas réciproque, avec ses autres frères et sœurs. Les relations se dégradent rapidement entre les deux époux et Marie met à la porte Basile et Pierre.

Seulement Basile doit travailler les champs de sa femme, régler les dettes qu’elle contracte chez les commerçants du village. Parfois il a droit de coucher avec son épouse malgré cette séparation de corps. D’autres enfants naissent et échoient à Basile. Pierre est imprégné de cette Bible qui ne le quitte quasiment jamais et il ressent une profonde injustice qui le conduira un jour de colère à perpétrer cet effroyable meurtre nourri de rancœurs, de brimades.

 

Viviane Janouin-Benanti nous livre le portrait d’un criminel intelligent doublé d’un schizophrène, maladie inconnue à l’époque, retraçant ce parcours avec minutie, dans l’esprit d’un roman tout en empruntant la réalité puisée à travers des journaux d’époque et des archives.

Héros solitaire d’une famille nombreuse, le destin de Pierre Rivière ne peut laisser indifférent. Mais l’auteur ne se contente pas de narrer cette histoire misérable dans laquelle la mère se montre particulièrement fieffée, odieuse, rouée envers son mari et une partie de sa progéniture.

Viviane Janouin-Benanti l’intègre dans le contexte historique de l’époque. Ce qui au début gâche un peu la vivacité du récit, mais permet également de mieux comprendre cette société dans laquelle ne peut s’intégrer un adolescent en mal de vivre et en mal d’amour.

Viviane JANOUIN-BENANTI : La serpe du maudit. Comprend un cahier photo de documents d’époque. 3E éditions. Parution le 1er mars 2017. 368 pages. 11,00€. Version numérique 4,99€.

ISBN : 979-1095826712

Première édition : Collection Crimes et Mystères aux éditions Cheminements. Parution mars 2003.

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20 avril 2019 6 20 /04 /avril /2019 04:00

C’est pour être sûr que le cadavre est bien mort ?

Eric FOUASSIER : Par deux fois tu mourras.

La période qui se situe entre la fin de règne de Clovis et des Mérovingiens et celle de Charles Martel puis de son fils Pépin le Bref auquel succédera ce sacré Charlemagne qui a inventé l’école et des Carolingiens, n’est que très peu abordée dans les manuels scolaires.

On retiendra surtout les images montrant ces Rois Fainéants avachis dans des chariots tirés par des bœufs, mais cet intervalle fut occulté d’abord par Eginhard, auteur de la première biographie officielle de Carolus Magnus dit aussi Charles 1er. Il en diffusa une image terne et un dénigrement qui furent repris par les historiens jusqu’à nos jours, et ce particulièrement dans l’enseignement.

Depuis quelques décennies, de nombreux historiens se sont penchés sur les textes, notamment de l’évêque Grégoire de Tours qui a rédigé l’Histoire des Francs. Mais l’avis de ces chercheurs divergent parfois selon les sources auxquelles ils se réfèrent. Eric Fouassier a écrit l’histoire de la reine Galswinthe, la jeune épouse de Chilpéric, de sa mort puis de l’enquête effectuée par le jeune Arsenius Pontius à la demande de la sœur de Galswinthe, Brunehilde la reine d’Austrasie et femme de Sigebert 1er.

 

Or donc ce récit débute en 569 par l’assassinat dans le palais de Rouen de Galswinthe, épouse depuis peu de Chilpéric en remplacement d’Audowhère, répudiée. Galswithe est une princesse Wisigoth et elle apportait dans son l’escarcelle de son époux richesse et noble alliance. Seulement Chilpéric ne se contentait pas d’une seule femme et il avait pour maîtresse Frédégonde, une maîtresse femme puis-je dire, et ce concubinage forcé ne lui plaisait guère et elle s’en plaignait.

Un inconnu s’est glissé dans la chambre où dormait Galswinthe et l’a étouffée en lui plaquant un oreiller sur le nez et la bouche et en l’étranglant. Seulement pour lui, cet assassin ne savait pas qu’il était surveillé et il meurt une dague enfoncée dans le torse. Et de deux. On ne rigolait pas à cette époque.

 

Quatre ans plus tard, en 573, les éléments sont déchainés. Pluie, vent, pluie toujours et encore, et la terre se délite entraînant avec elle des constructions de bois qui s’effondrent. Une porcherie est ainsi mise à mal. C’est alors que soldats, esclaves et autres habitants de la cité, assemblés pour constater les dégâts matériels, découvrent des ossements parmi la boue. Wintrude, esclave des Francs et ancienne princesse thuringienne, aperçoit alors niché parmi ces reliquats un collier constitué de griffes d’ours. Aucun doute, cette parure appartient à son frère Aarbald disparu mystérieusement depuis quatre ans.

Prise à partie par les soldats, elle se réfugie au couvent d’où elle envoie une missive à la reine Brunehilde, lui contant sa peur et surtout le fait qu’elle pense que son frère a été assassiné en représailles.

Aussitôt Brunehilde charge Arsenius Pontius, jeune lettré gallo-romain, d’aller enquêter sur la mort mystérieuse de sa sœur et de découvrir son assassin.

Arrivé à Rouen en compagnie de quelques hommes d’armes, Arsenius se présente auprès de l’évêque de Rouen, Prétextat, prétendant apporter un message de réconciliation entre les trois frères qui se sont partagé le royaume. Il est reçu tel un ambassadeur, ou presque car son statut de filleul de l’évêque Grégoire de Tours plaide en sa faveur.

Wintrude s’enfuit, et Arsenius se trouve embarqué dans une affaire qui s’avère plus compliquée qu’elle le paraissait au premier abord. En effet, en discutant incidemment avec le médecin du château, il apprend que non seulement le présumé assassin de Galswithe a été lui-même assassiné par un inconnu, mais que l’épouse de Chilpéric a, non seulement été poignardée, mais également étouffée. Or cet étouffement a bien provoqué le décès de la jeune femme, le poignard n’ayant frappé qu’un cadavre. Un leurre pour détourner les soupçons sur un homme de paille au lieu du véritable meurtrier.

Arsenius se rend compte que son séjour à Rouen indispose et il est victime d’une tentative de meurtre. Il apprend également qu’une guerre fratricide pourrait bien éclater entre les royaumes de Neustrie et d’Austrasie. Et Guntramm, frère des deux autres et roi de Burgondie, pourrait très bien entrer dans cette partie, un jeu de trônes ou Game of Thrones comme disent si bien nos amis Britanniques et ceux qui se piquent de culture, employant volontiers des locutions d’Outre-manche au lieu des mots français. Un snobisme ! Et une digression intempestive cde ma part.

 

Roman historique ou récit historique ? Les deux évidemment, car si une histoire et une intrigue sont proposées aux lecteurs, l’aspect documentaire prime.

Il est vrai que cette période de l’histoire de France est assez obscure, de par son côté oublié des manuels scolaires, et peut-être du manque d’informations car peu de scripteurs à l’époque rédigeaient les événements qui se déroulaient, par manque de supports. Les chercheurs de nos jours puisent dans des archives parfois contradictoires, selon les sentiments politiques qui animaient ces scripteurs, attachés qu’ils étaient à telle ou telle personnalité, rois et seigneurs.

Toutefois, Eric Fouassier a compulsé de nombreux ouvrages afin de nous restituer cette atmosphère, cette ambiance, ces décors, ces conflits, ces modes de vie, et en a tiré un ouvrage fort documenté. Et l’aspect documentaire prend, parfois à mon avis, une prépondérance qui nuit au développement de l’aspect romancé. Il s’agit un peu avec quelques siècles d’avance de reconstituer un épisode à la façon des Rois Maudits de Maurice Druon et ses collaborateurs dont José-André Lacour.

Mais je garde un trop bon souvenir de la trilogie Sans peur et sans reproche dont les figures principales en étaient le Chevalier Bayard et la jeune apothicaire Héloïse Sanglar dans Bayard et le crime d’Amboise, Le piège de verre et Le disparu de l’Hôtel-Dieu que Par deux fois tu mourras m’a intéressé mais moins captivé que la trilogie précitée.

Une préférence peut-être pour l’époque historique de Bayard, le début du XVIe siècle appelé bas Moyen-âge ou Moyen-âge tardif qui se situe du XIIe au XVIe siècle par opposition au premier Moyen-âge ou très haut Moyen-âge qui va du Ve au VIIIe siècle ou haut Moyen-âge qui est situé du Ve au XIIe siècle.

 

Il est vrai qu’en bien des domaines, et plus particulièrement en médecine, le dogmatisme devrait plus souvent céder le pas aux fruits de l’expérience.

 

Pour mémoire :

Eric FOUASSIER : Par deux fois tu mourras. Roman historico-policier. Editions Jean-Claude Lattès. Parution le 1er mars 2019. 498 pages. 20,50€.

ISBN : 978-2709663908

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 06:43

Lorsque le maître des cieux expulse ses calculs

rénaux, cela forme des météorites…

Claude IZNER : Rendez-vous passage d’Enfer.

En ce mercredi 14 août 1895, une pluie de météorites s’abat sur la forêt de Montmorency. Un rebouteux recueille une pierre et s’en sert pour soigner un gamin atteint de fièvre. A Domont, dans la propriété d’Hugo Malpeyre, une dizaine de membres d’une confrérie fondée une vingtaine d’années auparavant par Emile Legris, rendent hommage au souvenir à leur mentor.

Legris avait créé cette société, nommée A cloche-pied, selon les principes de Charles Fourier, créateur du fouriérisme, un mouvement utopique, et avait aidé les participants en leur trouvant des postes de travail ou simplement financièrement. Mais ces quelques participants, des hommes et des femmes qui possèdent tous un sobriquet relatif à un trait de leur caractère ou de leur passion, ne s’entendent guère. Malpeyre, leur hôte, recueille les chiens errants ou maltraités a été surnommé Taïaut. Les autres œuvrent dans des domaines divers, qui sous-chef de gare à Montparnasse, qui marchand de jouets, qui cantatrice d’opérette dans des casinos de province, ou encore une demi-mondaine, liste non exhaustive qui n’influe pas sur l’histoire.

Le mardi 22 octobre 1895, un train en provenance de Granville traverse la gare Montparnasse, traverse la salle des arrivées et se plante dans la chaussée place de Rennes. Un incident qui fait vibre de nombreux immeubles dont celui situé 5 rue du Départ. Dans un des appartements gît Donatien Vendel, le sous-chef de gare, alité depuis des semaines suite à un incident qui s’est produit avec les membres d’A cloche-pied en forêt de Montmorency.

Eric Pérochon qui est venu rendre visite à son oncle, recueille les derniers mots du mourant qui vient de recevoir une potiche sur la tête, aggravant son état. Non seulement ces révélations lui permettent de mettre la main sur quelques billets de banque, une manne pour lui qui est en manque chronique de fonds, mais il note une liste de noms, des personnages qu’il se promet de rencontrer. Il s’agit des adhérents de cette confrérie A Cloche-pied et d’après les renseignements prélevés il pourrait devenir possesseur d’un trésor.

 

Pendant ce temps, que ce passe-t-il à la librairie Elzévir dont Joseph Pignot vient d’être de prendre du galon, ayant le statut d’associé de son beau-frère Victor Legris et de Kenji Mori, le beau-père des deux hommes, l’un étant marié à Iris la fille du Japonais et l’autre étant son fils adoptif ?

Joseph et Iris sont les heureux parents d’une petite fille, Daphné, qui les perturbe à cause d’une poussée dentaire. Joseph est toujours en proie à la fièvre de l’écriture de ses romans feuilletons, recherchant des idées, quant à Iris elle rédige un nouveau conte animalier. Mais Joseph n’est pas satisfait du nouvel apprenti, Urbain, qui est un peu rural, et il désire le renvoyer dans ses foyers, avec son père par exemple qui est commanditaire en fruits et légumes aux Halles. Victor Legris lui est tarabusté par la concierge qui se plaint qu’au grenier une malle l’importune. Il ouvre donc cette caisse et découvre à l’intérieur des papiers qui ont appartenu à son oncle, Emile Legris, dont notamment un échéancier avec inscrits sur la page de garde quelques noms. Mais bientôt ces noms prendront une importance capitale lorsqu’il découvre dans un journal que des accidents provoqués ont fait des victimes. Des meurtres en réalité, car bientôt les faits se précisent.

Alors que Joseph a trouvé un remplaçant à Urbain en la personne de Siméon Delmas, un client féru de littérature, confectionnant des paquets à la perfection et sachant se débrouiller seul pour les livrer, Kenji est occupé avec sa nouvelle passion, la photographie, Victor se penche sur le passé de son oncle Emile et de sa confrérie.

Mais de nouveaux meurtres, cachés plus ou moins bien en accidents, sont perpétrés, Joseph et Victor, d’abord chacun de son côté puis en unissant leurs efforts et leurs recherches, se mettent à la quête de l’identité du coupable. Ce qui n’est pas une mince affaire. Et il leur faut ruser, tout aussi bien avec l’individu insaisissable qu’avec leurs proches pour mener à bien leurs investigations.

 

La trame policière est presque voilée par les nombreuses descriptions, digressions, que Claude Izner englobe dans l’énigme proposée. Qui est le (ou la) coupable des meurtres. Eventuellement, pourquoi. Mais l’épilogue joue dans le registre du roman de suspense, car l’identité du coupable sort du chapeau, et pourtant tout est évident. Mais Claude Izner promène son lecteur dans le registre des coupables potentiels sans faillir.

L’aspect historique, social, culturel et artistique est largement développé grâce aux faits divers qui ont marqué cette année 1895. On y rencontre la figure de littérateurs tel que Jules Renard, d’artistes peintres même si certains comme Toulouse-Lautrec n’y sont qu’évoqués. Les potins et les prises de position tournent surtout autour de deux affaires qui divisent, en France et en Angleterre.

L’affaire Dreyfus d’abord qui en est aux prémices avant d’exploser et d’éclabousser la classe dirigeante, mais pas que, car révélatrice d’un antisémitisme profond. Le point culminant en étant l’année 1898 et le pamphlet pro-dreyfusard de Zola dans J’accuse… ! Mais une autre affaire, dite de mœurs, retient l’attention. Le procès d’Oscar Wilde alors que sa pièce L’Importance d’être Constant remporte un énorme succès. Et naturellement les personnes en vue, notables, bourgeois aisés, les artistes entre autres, défendent sa moralité, ne serait-ce que pour contrarier l’ennemi intime, l’Angleterre.

Ce sont les débuts du cinéma avec la projection des premiers films des frères Lumière, une invention qui intrigue mais ne convainc pas, tout du moins au début.

Et l’épisode de l’accident de train en gare de Montparnasse est une réalité historique et sert de point de départ de ce roman baignant dans un humour réjouissant et salutaire. Quant à la pluie de météorites, nul site n’en parle, mais cet événement est probable.

Enfin, détail amusant, cette anecdote :

Imaginez, mon bon, les Anglaises ne se contentent plus de boire le thé, elles le fument, on appelle ça des tea-cigarettes, rendez-vous compte.

Et l’on suit avec plaisir les évolutions relationnelles de Victor Legris et associés et de leurs compagnes dans leur vie quotidienne, leurs aspirations, leurs petites jalousies, leurs méfiances, leurs joies également. Ainsi que les personnages qui évoluent autour d’eux, les habitué(e)s de la librairie et cela fournit quelques études de mœurs dignes du théâtre de boulevard.

 

Claude IZNER : Rendez-vous passage d’Enfer. Collection Grands Détectives N°4100. Editions 10/18. Parution le 21 février 2008. 352 pages. 8,80€.

ISBN : 978-2264044907

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24 mars 2019 7 24 /03 /mars /2019 05:43

Minuit, l’heure du crime…

Jean-Christophe PORTES : Minuit dans le jardin du manoir.

Nous ne sommes pas à l’époque de la Révolution Française, quoique, mais bien au début du XXIe siècle. Pourtant une pique surmontée d’une tête dont les orbites sont garnies d’écus en métal doré est dressée dans le parc d’un manoir normand dont la construction remonte à 1562.

Le jeune homme qui a découvert cette tête, qui apparemment ne lui revient pas, à minuit et quelques minutes, en profite pour la photographier et divulguer sur les réseaux sociaux sa trouvaille. Naturellement les journalistes et les policiers de Rouen sont rapidement sur les dents.

Ce manoir appartient à Colette Florin - un rapport avec les écus en métal doré ? – une vieille dame quelque peu excentrique. Son petit-fils, Denis, a repris l’étude notariale familiale, mais c’est un homme réservé, un peu gauche, célibataire, et auprès de la population locale il passe pour un benêt, pour ne pas dire un attardé, dont la principale occupation est de reconstituer dans l’une des pièces de cette demeure, la bataille de Marignan, petits soldats de plomb amoureusement peints par lui-même et décors reconstitués fidèlement.

Evidemment, il est en première ligne des soupçons portés sur lui. L’inspecteur Trividec, le beau gosse de la brigade infatué de sa personne est chargé de l’enquête policière, et que ferait ce prétentieux s’il n’avait comme adjointe Miss Je-Sais-Tout, laquelle est nettement plus érudite que lui.

Nadjet Bakhtaoui, une journaliste grand-reporter qui revient du front moyen-oriental, est dépêchée sur place. C’est une accrocheuse qui sait se débrouiller pour s’infiltrer au nez et à la barbe de ses confrères et des policiers dans le parc et prendre des photos. Elle aime son travail et ne néglige aucune piste.

La grand-mère Colette est considérée comme une vieille folle par ses concitoyens, mais elle est loin de ce qu’elle paraît. Elle tient un blog, organise des réunions costumées, elle est riche et s’oppose à certaines décisions municipales ou préfectorales, n’hésitant pas à s’enchaîner aux grilles de la préfecture rouennaise. Et elle possède assez de bagout et de charisme pour amener une certaine partie de la population à la suivre dans certaines batailles contre les élus assujettis aux multinationales.

Denis, malgré son air distrait mais timide, est un brillant adversaire aux échecs, se confrontant via Internet, n’ayant plus d’adversaires proches à sa taille. Et il serait un expert en cryptogrammes selon le libraire. Et comble d’imbécilité, ou de naïveté, excédé par les journalistes, il les provoque sabre au clair afin de les empêcher d’investir le parc.

Et voilà pour les personnages principaux. Ah, j’allais oublier Monroy, richissime homme d’affaires dont la présence est quelque peu énigmatique. Plus quelques cadavres qui seront retrouvés non loin.

 

Une enquête particulièrement réjouissante qui emmènera le lecteur jusque dans le sud de l’Espagne, avec un côté social puisque des réfugiés africains feront de la figuration plus qu’intelligente au fort de Gibraltar, découpée en chapitres courts, accentuant la vivacité et la complexité de l’intrigue, mettant en scène chacun des protagonistes.

De plus se greffe, en intercalaires, un épisode historique avec la conquête du Mexique par Hernán Cortés, une chasse au trésor, et quelques épisodes qui remontent à la guerre d’Algérie.

Un roman sandwich, composé d’éléments nutritifs intellectuellement, une diversité qui se complète admirablement. Une nouvelle facette, du talent de conteur de Jean-Christophe Portes, qui comporte quelques anomalies, dans les dates et les âges, je ne peux m’empêcher de les relever, c’est un peu un TOC, Trouble Obsessionnel Comparatif, mais qui par ailleurs est un regard acéré, aiguisé, sur notre société, surtout sur les chaînes d’info en continu, les journalistes et chroniqueurs qui s’estiment des spécialistes mais ne sont que des masturbateurs de l’esprit en se concentrant sur des détails sordides et futiles, et les débats télévisés où l’on parle de tout et de rien, uniquement pour occuper l’espace-temps et se faire voir.

Un roman enlevé (à plusieurs titres !), virevoltant, amusant et précis, jouant sur le sensationnel, moins académique et didactique que la saga révolutionnaire de Victor Dauterive et donc plus passionnant.

 

Jean-Christophe PORTES : Minuit dans le jardin du manoir. Editions du Masque. Parution le 13 mars 2019. 380 pages. 19,90€.

ISBN : 978-2702449141

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21 mars 2019 4 21 /03 /mars /2019 05:28

Et il lui faut beaucoup de bûches dans l’âtre

pour entretenir la flamme !

Jean SAVANT : La Créole au cœur de feu.

Comme le chantait Alain Bashung, osez, osez Joséphine, osez, osez Joséphine, plus rien ne s'oppose à la nuit, et elle ne se prive pas d’oser, Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie, plus connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais.

Elle n’a que seize ans lorsqu’elle est présentée à son futur époux le vicomte de Beauharnais. Peut-être sait-elle que son véritable patronyme fut Beauvit et que cela lui donna des idées, mais n’extrapolons pas.

Même si Yéyette, ainsi était-elle surnommée, n’est pas aussi jolie que ce qui lui avait été affirmé, la future Joséphine possède de nombreux atouts. De beaux cheveux châtains à reflets fauves, une adorable petite bouche qui cache une dentition qui laisse à désirer, et une gorge et des seins éblouissants de finesse et de fraîcheur. La taille n’est pas encore affinée mais ça viendra et elle est petite, mais au lit qui s’en inquiète. Elle a été formée précocement et paraît plus vieille que son âge. Ce qui parfois peut servir d’excuses. Et lorsqu’elle voit son futur époux elle tombe sous le charme. Mais ce n’est pas une oie blanche ni un bas-bleu. Elle a déjà goûté au fruit défendu, croquant dedans à belles (c’est une expression) dents.

Un mariage arrangé qui convient fort bien à Rose puisqu’elle possédera bijoux et robes en quantité. Mais celui qui est gouverneur et lieutenant-général de la Martinique et des Antilles Françaises possède une maîtresse qui n’est autre que la jeune tante de Rose. Désirée se prénomme-t-elle, un prénom de circonstance. Et Beauharnais impose sa présence à sa jeune femme mais il faut une position officielle à Désirée. Elle sera mariée à l’ordonnance du gouverneur, mais le cocu magnifique n’accepte pas ce partage. Mais je m’éloigne du sujet qui est toutefois Rose et qui doit accepter le rôle ingrat de figurante.

Un mariage qui durera toutefois quinze ans et qui verra naître deux enfants, Eugène et Hortense, dont elle ne s’occupe guère. Elle préfère batifoler de son côté accumulant les bonnes fortunes, au propre comme au figuré. La séparation définitive ne se fera qu’aux moments troubles de la révolution durant la Terreur. Galant ( ?), Beauharnais se présente le premier à l’échafaud, devançant sa femme qui sera épargnée grâce à la chute de Robespierre. Quelques temps plus tard elle sera libérée de prison où elle était enfermée puis elle deviendra l’amie de la future Madame de Tallien.

Avec Madame de Tallien et quelques autres, elle évoluera dans un Paris libéré et elle n’hésitera pas à recevoir dans sa demeure ses nombreux amants, nue sous un déshabillé vaporeux. Elle sera successivement ou concomitamment la maîtresse de Barras, Junot, Marat et Hoche et quelques autres qui se croiseront chez elle entre deux portes.

C’est Barras qui lui impose un nouvel amant, un certain Napoléon Buonaparte, qu’elle dédaigne jusqu’au jour où elle comprend que ce jeune général possède un brillant avenir. Sous l’impulsion de Barras, l’Italien deviendra Bonaparte et partira pour la campagne d’Italie. Et il réfutera le prénom de Rose, préférant l’appeler Joséphine, le seul à la nommer ainsi dans le cénacle des amants.

Mais un problème surgit : elle ne pourra plus avoir d’enfant, ce qui signifiera la rupture. Enfin, l’une des causes de la rupture entre celui qui deviendra Empereur et Joséphine devenue Impératrice. Elle aime trop la fête pour écrire à Napoléon alors que lui se brûle d’amour pour elle. Au début. Il lui écrit des lettre enflammées lors de sa campagne d’Italie mais elle dédaigne y répondre. D’ailleurs elle n’aime pas écrire, une aversion qui se transformera plus tard en besoin. Elle ne l’aime guère mais la promesse d’un avenir radieux lui permet d’avaler des couleuvres, tout en continuant d’accumuler des amants. Car elle a besoin d’argent, de beaucoup d’argent pour entretenir un rang social élevé.

Tout le monde connait la suite, ou presque.

 

Cette biographie ne reflète pas l’image de celle qui nous était montrée dans les manuels d’histoire, les frasques de Joséphine étant mises sous l’éteignoir et les couettes de lits.

Rose-Joséphine se montre insatiable, aussi bien d’argent que d’amants. Une grande amoureuse qui n’est pas insensible au confort de sa bourse, et dévalisant sans complexe celles de ses amants qui n’y voient aucun inconvénient.

Nous lisons la vie d’une femme amoureuse, libérée, qu’il n’y a pas si longtemps et peut-être même encore aujourd’hui, on qualifierait de dévergondée alors qu’elle n’est que l’égale de bien des hommes dans le domaine de la pratique amoureuse.

Un récit, ou roman, l’on ne sait plus trop, qui s’appuie sur de très nombreux documents de cette époque, écrit par celui qui fut le Chancelier perpétuel de l’Académie d’Histoire et qui a consacré plus d’une trentaine d’ouvrages à cette époque, et principalement à Napoléon et son entourage militaire, familial et social.

Jean SAVANT : La Créole au cœur de feu. Le roman des amours de Joséphine. Collection les Deux colombes. Editions Intercontinentale du Livre. Parution 1er juin 1962. 334 pages.

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20 mars 2019 3 20 /03 /mars /2019 05:48

Attention aux courants d’air !

Les neurones vont éternuer !

 

Evelyne BRISOU-PELLEN : Le crâne percé d’un trou.

L’estomac et la bourse vides, Garin Troussebœuf fait la rencontre près du Mont-Saint-Michel d’un gamin légèrement plus jeune que lui. Louys s’est trouvé une occupation qu’il espère rémunératrice, il vend des reliques. Elles sont fausses, mais en cette époque de superstitions, de catholicisme exacerbé, il n’est pas toujours besoin de démontrer l’exactitude de ses affirmations. Les acheteurs sont si crédules !

Il a remarqué dans les bois un soldat, enfin le cadavre d’un individu qu’il pense avoir été un soldat, nu. En cette période de troubles entre Anglais et Français, il n’est pas rare de tomber sur une petite troupe de combattants. D’ailleurs ceux-ci rôdent mais ce ne sont pas des soldats que Garin et Louys aperçoivent cheminant paisiblement, mais deux moines qui rejoignent l’abbaye de la Merveille. Deux Bénédictins habillés de noir. Des pèlerins rejoignent également le Mont.

Enfin les deux jeunes adolescents arrivent dans le petit village composé de commerces au pied de l’abbaye. Louys essaie de se placer chez un boutiquier en attendant la bonne fortune tandis que Garin décide de se faire embaucher comme scribe. Ce qui arrange bien les affaires du père abbé, car le scribe officiel, le copiste frère Robert commence à se faire âgé et l’abbaye enregistre une pénurie de copiste à cause de l’épidémie qui a sévi il n’y a guère.

L’aumônier et le chantre le prennent successivement sous leur coupe, l’emmenant au scriptorium où se tient habituellement frère Robert. Pour l’heure il n’est pas là, mais c’est sans importance. Le chantre lui promet également de lui montrer le crâne percé d’un trou de Saint Aubert, qui fit construire la première chapelle qui plus tard s’étendra et prendra des proportions gigantesques en devenant l’abbaye. Il suffit de respecter quelques règles dont le silence. Une règle pas facile à appliquer à Garin mais il essaiera de la suivre du mieux qu’il peut. Une autre exigence l’importune un peu, assister aux messes. Heureusement il ne sera pas obligé d’être présent à tous les offices.

Garin retrouve également les deux moines entrevus dans la forêt, frère Raoul, un jeune moine, et frère Sévère, à l’aspect plus rébarbatif. Un peu Laurel et Hardy avant l’heure. Si Garin et Frère Raoul font plus ample connaissance, durant les heures permises aux dialogues dans le cloître, frère Sévère est nettement moins abordable. Quant au crâne il a disparu du reliquaire dans lequel il était enfermé.

Garin est chargé de dresser l’inventaire des reliques, le bras d’un saint, quelques gouttes du lait de la Vierge, deux épines provenant de la couronne du Christ et autres objets précieux. Frère Robert qui avait l’habitude de se réchauffer près de la cheminée dans le scriptorium disparait. Il est retrouvé un peu plus tard, mort, la paume d’une main brulée, le crâne de Saint Aubert gisant près de lui.

 

Garin va devoir enquêter, il s’en sent l’obligation morale, mais il a bien du mal à évoluer dans les couloirs, les corridors, les galeries, les nombreuses pièces composant l’abbaye, les passages plus ou moins secrets, dans les ténèbres car il n’y a pas encore l’éclairage électrique au Mont. Juste quelques chandelles et torches dispersées ici ou là.

Les moines et les novices résidant au Mont ne sont guère nombreux, un peu plus d’une vingtaine. D’ailleurs l’un des novices, qu’il avait surpris pleurant, ne fait plus partie de la congrégation. Quelques pèlerins viennent également se recueillir et une délégation venant de Dol doit être reçue. Une ombre noire, un moine armé d’un couteau, rôde dans ce qui constitue un véritable labyrinthe. Garin va même devoir sauver sa peau, empêtré dans les sables mouvants alors qu’il était parti à la pêche aux coques, accompagné d’un des moines.

Une aventure périlleuse pour Garin et une enquête qui ne manque pas de lui réserver de nombreuses surprises. De même qu’à Louys également car son statut de revendeur de reliques ne plaide guère en sa faveur, surtout avec la disparition des objets sacrés appartenant au Mont.

Pour le lecteur, c’est une aimable histoire doublée de la découverte du Mont et de son abbaye en cette année 1357, abbaye qui n’avait pas encore pris les proportions qu’elle possède de nos jours avec les ajouts qui se sont succédé au fil des siècles. D’ailleurs des pièces avaient été murées, et certaines n’ont été redécouvertes que depuis quelques décennies, à la faveur de rénovations.

Un roman plaisant, historique inspiré d’une légende, celle de l’archange Saint Michel obligeant le moine Aubert à édifier sur le mont Tombe une église en son honneur en lui appuyant un doigt sur le crâne et y laissant sa marque, roman doublé d’une enquête menée difficilement par Garin qui ne connait guère les aîtres et se trouve plus ou moins soupçonné.

Un roman humoristique également, car Garin est un affabulateur, un adolescent aimant déguiser la vérité en sa faveur, s’inventant des ancêtres prestigieux.

 

Le problème du mensonge, c’est la mémoire : il faut se rappeler tout ce qu’on a dit.

Garin ne prit même pas le temps de réfléchir : inventer une vie de saint, c’était facile, car on pouvait vraiment raconter n’importe quoi, au besoin en s’inspirant de bribes de vie d’autres saints.

Réimpression le 7 mai 2013. 208 pages. 6,60€.

Réimpression le 7 mai 2013. 208 pages. 6,60€.

Evelyne BRISOU-PELLEN : Le crâne percé d’un trou. Folio Junior N°929. Gallimard Jeunesse. Parution le 2 novembre 1998. 210 pages.

Réimpression le 7 mai 2013. 208 pages. 6,60€.

ISBN : 978-2070519460

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6 mars 2019 3 06 /03 /mars /2019 05:43

Prière de ne pas se pencher au-dessus

de la rambarde !

Evelyne BRISOU-PELLEN : L’inconnu du donjon.

En cette année 1354, les Bretons fidèles à Jean de Montfort et les Gallo qui soutiennent Jeanne de Penthièvre, autre prétendante au trône, s’écharpent dans une guerre d’usure. Les Bretons bretonnants sont aidés par les Anglais, les Bretons gallo par les Français.

Ce 10 avril, près de Bécherel, la bataille conduite par Bertrand Du Guesclin voit ses hommes gagner contre les Anglais et retiennent prisonniers quelque combattants adverses dont Calveley qui était à la tête des Anglais.

Garin Trousseboeuf, est le dix-neuvième enfant d’une fratrie qui en compte vingt-cinq, et son père, paveur, intempérant, ne sait élever sa progéniture qu’à coups de fouet. Garin a fui son village natal, renvoyé de l’école-cathédrale pour des vétilles, des plaisanteries douteuses, et à quatorze ans il s’est déclaré scribe, tenant son écritoire en bandoulière. Il est pris dans cette échauffourée et promis à végéter dans un cul-de-basse-fosse.

Il plaide sa cause auprès du connétable et se voit confier la redoutable mais bénéfique mission de transcrire les demandes de rançons exigées pour la libération des prisonniers. Seulement, il faut connaître le Breton pour dialoguer avec les prisonniers, dont un particulièrement qui n’est revendiqué par personne. La Dame de Montmuran propose comme interprète sa nièce Mathéa, fille de Dame Agnès et fils du sieur Alain, lesquels vont diriger le château en son absence et celle du seigneur du lieu. Garin est subjugué par cette belle jeune fille qui n’obtient rien du prisonnier. Il a oublié son écritoire lors de son enlèvement et il quémande l’autorisation d’aller le rechercher dans un fourré.

C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Réginart, le frère de Mathéa, et de leur chien Jean-sans-peur, un cabot hirsute et plein de poils mais pas méchant. Du moins aux dires de Mathéa. Un autre travail est confié à Garin, celui de faire l’inventaire du château. Cela lui permet de vagabonder dans les différentes pièces des tours et du donjon, pièces habitées ou non, déambulant sur les courtines. Et dans une des tours il découvre un vieil homme, un ancien chancelier, confiné dans cette cellule après avoir fauté et qui passe pour un sorcier.

Mais surtout Garin est souvent en compagnie de Réginart, à défaut de Mathéa, et comme il parle aussi bien Breton que Français, il se rend compte que Mathéa a réussi à converser avec le prisonnier. Seulement celui-ci est devenu amnésique et donc ne peut décliner son identité, jusqu’au jour où il prétend être le fils d’un duc Anglais. Sa rançon est surévaluée en conséquence, seulement ce prétendu ou réel fils de noble s’échappe. Comment, dans quelles circonstances ? Sa geôle ne possédait pas de fenêtre et la porte était fermée de l’extérieur ! Un problème à résoudre pour Garin. Mais des complications lui tombent sur le dos lorsque des soldats sont retrouvés, morts, assassinés. Et il est le cœur de la cible, celui qu’on soupçonne.

 

Cette histoire ancrée dans cette période de la Guerre dite de Cent ans, du moins à ses débuts, nous permet de retrouver quelques personnages célèbres, dont le connétable Bertrand Du Guesclin, et des décors des environs de Bécherel (devenue de nos jours la fameuse cité du livre), et plus particulièrement le château de Montmuran qui existe toujours.

Garin est un affabulateur, un curieux, un gamin qui a déjà connu bien des vicissitudes mais ne perd pas son sens de l’humour. Il se conduit parfois en philosophe sans le savoir, tout comme monsieur Jourdain qui… antienne connue. C’est un débrouillard qui s’attire les ennuis sans vouloir les provoquer. Quoique parfois il sait pertinemment qu’il va au-devant mais c’est dans sa nature. Il brave le danger, sans pour autant ne pas ressentir de la peur, et lorsqu’il se trouve dans des conditions inextricables, la solution est toujours présente pour le sortir de l’embarras. De son fait ou d’alliés inattendus.

Un héros à suivre, tant pour sa bonne humeur que les faits historiques réels et les lieux qui plantent le décor.

 

Ce qu’il y a de terrible dans les guerres, c’est qu’on ne sait jamais de quel bord il faut se trouver.

 

Garin se fit tout petit dans son coin, non par peur de la mauvaise humeur du seigneur, mais pour qu’on l’oublie complètement. C’est la seule manière d’apprendre les choses importantes, les meilleures, celles qui ne vous regardent pas du tout.

 

Quand tout va mal, il faut s’attacher à une idée nouvelle qui n’a rien avoir avec votre situation.

Première édition septembre 1997.

Première édition septembre 1997.

Evelyne BRISOU-PELLEN : L’inconnu du donjon. Collection Folio Junior N°809. Editions Gallimard Jeunesse. Parution le 7 mai 2013. 204 pages. 6,90€.

Illustrations de Nicolas Wintz.

ISBN : 978-2070654154.

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5 mars 2019 2 05 /03 /mars /2019 05:01

La migraine, un alibi bien commode, parfois !

Jean VOUSSAC : L’ombre de l’autre.

Depuis quelques temps, Maurice Bourdier est inquiet. Sa femme Charlotte est la victime de migraines qui la forcent à rester alitée dans leur petit appartement au sixième étage de la rue des Batignolles à Paris.

Ils sont mariés depuis 1941 et en ce mois de mai 1944, Maurice discute à la terrasse d’un café en compagnie d’un consommateur dont il a fait la connaissance peu auparavant avec sa femme. Monsieur Petit, tel est le nom de cet homme, demande des nouvelles de Charlotte, plaignant plus ou moins le mari préoccupé. Maurice précise que sa femme est d’origine alsacienne et n’a plus pour toute famille qu’un frère dont ils n’ont pas de nouvelles.

Désœuvré, Maurice se rend dans un cinéma permanent mais qu’elle n’est pas sa stupéfaction lorsqu’aux actualités il voit Charlotte au bras d’un jeune homme aux courses de Longchamp. Il est éberlué, se demande s’il ne s’agirait tout simplement que d’une ressemblance. Mais au second passage des actualités, il reconnait fermement Charlotte.

Il rentre chez lui en proie au soupçon et il est accueillit pas sa femme toute souriante. Sa migraine est passée et elle a même réussi à obtenir deux belles côtelettes. Une denrée rare en cette période de disette. Un autre jour, alors que Charlotte est absente, toujours en quête de provisions, il fouille dans les tiroirs et découvre dans une boite, bien cachée, une photo la représentant en compagnie de ce même homme. Ses soupçons se font de plus en plus prégnant lorsqu’il rentre un jour, il demande à sa femme si elle est sortie. Elle affirme que non alors que ses chaussures sont poussiéreuses. Les soupçons de Maurice sont de plus en plus insistants.

 

Naturellement, tout le monde se doute comment se terminera cette histoire et l’épilogue ne déçoit pas. Mais ce qui importe dans ce roman publié fin 1945, c’est la description de l’atmosphère qui règne sur Paris occupé en ce moi de mai 1944 puis les réactions des Parisiens lorsqu’ils apprennent le débarquement en Normandie et l’avancée des chars Leclerc. Les restrictions s’accentuent mais l’espérance gagne les cœurs des citadins trop longtemps placés sous le joug des Allemands.

Dans Paris enfiévré, on suivait les progrès de l’offensive de Normandie. Le fameux débarquement depuis si longtemps espéré s’était enfin accompli. Dehors, sur les grands boulevards, aux terrasses des cafés, nul ne parlait, mais on ne surprenait pas sur les visages que des expressions d’espérance et d’allégresse… Les Allemands qu’on croisait faisaient piteuse mine. Les temps semblaient révolus de l’occupation fraîche et joyeuse.

Pourtant la menace pesait toujours sur la ville. Chacun connaissait les Barbares, et l’on s’imaginant alors que Londres, Berlin et presque toutes les autres capitales de l’Europe avaient payé un lourd tribu à la guerre, que Paris serait condamné à son tour !... L’ennemi partirait, mais il ne laisserait derrière lui que des ruines fumantes, comme à Varsovie…

 

Il s’agit presque d’un reportage en direct, la relation narrative d’une époque qui ne doit rien aux historiens. Cela sent le vécu de l’intérieur.

Il était dur de trouver de quoi subsister à cette époque ! Attentes interminables devant les magasins d’où l’on revenait souvent sans rien avoir trouvé, formalités qui n’en finissaient plus, incertitudes sans bornes sous les yeux d’un occupant de plus en plus hargneux et rendu de plus en plus inquiet par la tournure qu’empruntaient les événements !

 

Sous l’alias de Jean Voussac, se cachait Albert Bonneau, créateur de Catamount, mais ce n’était pas son seul pseudonyme :

 

Jean VOUSSAC : L’ombre de l’autre. Collection Don Juan. Editions Armand Fleury. Parution novembre 1945. 16 pages.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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