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1 août 2019 4 01 /08 /août /2019 03:14

Et il sera privé de désert ?

Giova SELLY : Yousouf, le cavalier du désert.

Tomber amoureux de la fille du sultan dont on est l'esclave, cela peut s'avérer dangereux. Danger d'autant plus aiguisé lorsque cet amour est payé de retour. C'est à cause de cet amour impossible que Youssouf, vingt ans, sera amené à faire le mur et à s'évader de Tunis aidé dans son entreprise par le docteur Lombard et le fils du consul de France, Ferdinand de Lesseps.

Adieu jeune et belle Kaboura ! Au bout de cette évasion l'Aventure, avec un grand A, et la gloire attendent le jeune Youssouf en Algérie. Mais également le mépris, la jalousie, la soif de reconnaissance d'être enfin lui-même, un homme libre et non plus un esclave.

Né en 1810 en l'île d'Elbe, Joseph Ventini, dit Youssouf, est capturé par les pirates Turcs et vendu au Bey de Tunis alors qu'il n'avait que cinq ans. Evadé il trouvera refuge auprès de l'armée française, parmi laquelle il se distinguera, combattant avec hargne et férocité ses anciens coreligionnaires. Chevauchées, exploits et amours tumultueuses se succéderont d'Alger à Constantine en passant par Paris, dans un pays qui s'ouvre à la colonisation mais également à la résistance envers l'envahisseur.

Youssouf n'aura qu'une idée fixe en tête : être enfin reconnu à sa juste valeur et même plus par ses pairs. L'orgueil le pousse, le transcende car il est confronté aux lazzis, au mépris, aux rebuffades des officiers français qui, à part quelques-uns, ne cessent de le considérer comme un esclave sorti du rang. Toute sa vie, Youssouf sera obnubilé par cette soif d'ambition, une soif qu'il n'arrivera jamais à étancher. Pourtant il aura vécu un destin hors du commun.

Après avoir écrit quelques cinq cents nouvelles pour des magazines féminins, des romans à trame historique dans les collections Grands Romans et Grands Succès du Fleuve Noir, dont Chère Elise et une dizaine de romans policiers pour la collection Spécial Police de cette même maison d'éditions, Giova Selly signe avec Youssouf, le cavalier du désert une œuvre forte, à l'écriture nerveuse, dense, brillante, à l'image de son héros.

Giova SELLY : Yousouf, le cavalier du désert.

A noter toutefois que ce roman est la réédition revue et corrigée de L'Oriental paru en 1977 au Fleuve Noir, collection Grands Succès. Enfin Joseph Ventini a réellement existé et les aventures décrites ici sont en partie vraies.

 

Giova SELLY : Yousouf, le cavalier du désert. Editions Albin Michel. Parution juillet 1990. 348 pages.

ISBN : 978-2226041272

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12 juillet 2019 5 12 /07 /juillet /2019 04:23

Et elle n’avait même pas la climatisation !

Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers.

Histoire quand tu nous tiens ! Les romanciers puisent parfois dans des faits-divers réels, adaptent à leur façon le déroulement d’événements atroces, d’après des témoignages, des comptes rendus d’audience, des déclarations de témoins ou encore d’articles de journaux parus à l’époque.

Ainsi Viviane Janouin-Bénanti nous retrace la sinistre affaire de La séquestrée de Poitiers, une affaire qui vit son aboutissement en 1901 mais débuta dans une indifférence presque générale vingt cinq ans auparavant. Une histoire d’amour qui dégénère en drame pour multiples causes.

Blanche Launier est la fille de Martin Launier, professeur de rhétorique au collège royal de Poitiers et d’Henriette de Marcillat, descendante d’une vieille famille de la noblesse poitevine et d’un général d’Empire. Des parents catholiques et royalistes convaincus, imbus de leur position dans la cité. Blanche tombe amoureuse de Gilles Lomet, avocat, républicain et protestant. Les Launier sont en conflit avec le père de Gilles et bien entendu ils ne veulent entendre parler d’une liaison entre leur fille et leur ennemi.

Seulement, malgré ses appuis auprès de nobles influents et après avoir été nommé doyen de la faculté de lettres de Poitiers, Martin Launier se verra destitué. La guerre de 1870, la Commune puis les débuts timides de la 3ème République ont contrarié ses projets et il décède. Henriette devient la maîtresse de la maison, riche mais ayant peur que le mariage entre Gilles et Blanche, s’il s’effectuait malgré ses réticences, lui entame sa richesse à cause de la dot. C’est ainsi que tout dégénère.

Henriette, par tous les moyens va contrarier les projets de sa fille, ne pensant qu’au devenir du fils promis à un bel avenir au service de l’état. Elle intercepte les lettres entre les deux amants, fait croire à sa fille qui ne peut plus sortir que Gilles s’est marié, à Gilles que sa fille ne l’aime plus, le tout avec la complicité de bonnes dévouées à la famille.

Pendant vingt cinq ans Blanche restera cloîtrée dans sa chambre ou dans l’appartement, devenant peu à peu sauvageonne, ayant parfois des éclairs de lucidité, essayant de se rebeller. Mais toutes ces tentatives avortent dans l’œuf. En 1901, elle sera secourue, grâce à une petite bonne qui osera dénoncer auprès des policiers cette séquestration impensable. Blanche est squelettique et à moitié folle, poussant des cris, cloîtrée dans une chambre aux volets clos depuis des années.

 

Cette histoire lamentable, narrée comme un roman, restitue les clivages qui gangrènent une société provinciale, coincée entre royalistes et républicains, entre catholiques et protestants. Avec comme moteur principal l’ambition effrénée d’une famille qui aspire à jouer les premiers rôles parmi les notables et se dresse en intégristes obtus, foulant aux pieds le bonheur de leur fille au nom de principes délétères. Une histoire vraie de séquestration qui donna des idées d’intrigues de romans à bon nombre d’auteurs par la suite.

 

Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers. 3E éditions. 22 décembre 2015. 256 pages et 16 pages de documents d’époque. 9,00€. Version numérique : 4,99€.

ISBN : 979-1095826606

 

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11 juillet 2019 4 11 /07 /juillet /2019 04:37

Sherlock Holmes rencontrant Vidocq, vous ne serez pas volé !

René REOUVEN : Le détective volé.

René Reouven possède plusieurs passions et ces passions, il sait les faire partager à ses lecteurs.

D’abord l’écriture, ce qui est la moindre des choses pour un écrivain. Ensuite une passion pour le détective né de l’imagination fertile de Conan Doyle, j’ai cité Sherlock Holmes. Enfin, il professe un faible avoué pour la petite histoire des assassins, ce qui d’ailleurs l’a amené à rédiger un Dictionnaire des assassins fort remarquable.

Dans Le Bestiaire de Sherlock Holmes, René Reouven s’était amusé à résoudre quatre affaires que le brave docteur Watson n’avait évoquées dans ses mémoires que d’une façon fort succincte. L’assassin du boulevard mettait en scène allègrement personnages réels et personnages fictifs, le tout avec une érudition et un humour distillés d’une manière subtile.

Avec Le détective volé, René Reouven place la barre encore plus haut, à la grande joie de ses admirateurs et lecteurs puisqu’il envoie Sherlock Holmes et son biographe sur les traces du chevalier Dupin et de son créateur Edgar Poe.

Grâce à une astuce fort obligeamment prêtée par Herbert George Wells, Conan Doyle dépêche en mission ses personnages dans le Paris des années 1830, irrité qu’il est d’entendre que Sherlock Holmes et son ami ne seraient que des copies, des imitations du chevalier Dupin. Pourquoi ne pas l’accuser de plagiat pendant qu’on y est ?

Ce voyage, même s’ils ne rencontrent pas le célèbre chevalier, ne sera pas infructueux, ne sera pas effectué en vain, puisque nos deux héros britanniques feront la connaissance de Vidocq, l’ancien bagnard, ex-chef de la Sûreté, reconverti comme détective privé, ainsi que d’un curieux assassin poète, Lacenaire.

Mais ce voyage parisien s’avère incomplet et ainsi un second voyage, situé lui dans l’Amérique de 1849, devient nécessaire. Holmes et son ami Watson apprennent la mort d’Edgar Poe, dans de curieuses circonstances, ce qui les conduiront à effectuer une enquête mouvementée et dans laquelle Watson sortira du rôle falot qu’on lui prête habituellement.

 

Une fois de plus René Reouven, en mariant avec habileté imagination et faits réels, nous propose un petit bijou. Pas tout à fait pastiche ni parodie, pas tout à fait à la manière de… ce roman est à considérer comme un hommage rendu à Conan Doyle par un admirateur qui se montre l’égal sinon plus du maître.

René REOUVEN : Le détective volé. Editions Denoël. Parution le 22 septembre 1988. 216 pages.

ISBN : 978-2207234693

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8 juin 2019 6 08 /06 /juin /2019 04:54

Un coup de pied occulte pour un roman qui n’est pas hermétique !

Jean-Pierre FAVARD : Alchimistes.

Quelle n’est pas la déception de ce pêcheur penché sur le pont du Beuvron à Clamecy, car ce n’est pas un barracuda qu’il ramène au bout de sa ligne, mais un cadavre. Evidemment il aura sa photo dans le journal local, mais un poisson de cette taille, cela aurait eu meilleure allure qu’un noyé.

Pas tout à fait un vrai noyé, car les bras sont attachés, donc ce n’est pas un accident ou un suicide, mais bien un meurtre.

Une qui n’est pas contente, c’est bien Emilie (On l’appelle Emilie jolie…) car elle est avec son ami William et celui-ci lui embrasse le cou à l’ombre des arbres du Parc Vauvert. Soudain deux autres garçons de terminale interpellent William, lui indiquant la pêche miraculeuse. Leurs effusions reprendrons plus tard, il n’y a rien de perdu.

Le noyé n’est autre que Kahn, le notaire, un ami du père d’Emilie. D’ailleurs, celui-ci, qui est relieur, est parti aux renseignements. D’après la veuve du notaire, son époux faisait partie d’une commission, mais il ne lui en avait pas dit plus.

Il était en relation avec Gontran Khan et le notaire lui communiquait parfois des documents, des manuscrits à restaurer. Kahn lui en avaient confiés se sentant en danger. Mais ces vieux parchemins sont pour l’heure une énigme que le père d’Emilie a du mal à déchiffrer. Il pense qu’il s’agit d’actes notariés possédant la particularité d’avoir un pictogramme dans un coin, un rameau d’amandier. Emilie est fort intéressée et se demande si c’est à cause de ces parchemins que le notaire est décédé. Son père lui recommande de n’en parler à quiconque.

Seulement, lors d’une petite fête organisée par un de ses condisciples étudiants, Emilie s’introduit dans une pièce, une bibliothèque contenant de nombreux ouvrages anciens. Le père de Romain est un amateur d’éditions originales, d’incunables et de vieux papiers. Quelque peu étourdie, Emilie lui avoue que son père a entre ses mains des manuscrits anciens. Patrick Grangin, ce collectionneur, lui narre l’historique de ces papiers qui pourraient provenir du Moyen-âge, de l’époque des Templiers. Horreur, malheur, que n’a-t-elle pas révélé là !

Ces papiers sont désirés par un grand nombre de personnes, et son père est agressé. En vain car les papiers étaient en possession d’Emilie. Puis c’est Emilie qui est la victime de cette convoitise. Débute alors une histoire que vont tenter de résoudre William, l’ami de cœur d’Emilie, et ses amis dont Romain, ainsi que Priscilla, la confidente un peu jalouse d’Emilie. Mais ces fameux parchemins ne sont pas les seuls objets recherchés, car un coffret, dit coffret d’Essarois, est également convoité.

Et de nombreux personnages, bien ou mal intentionnés, gravitent dans cette histoire qui mêle grande et petite Histoire.

Une histoire dont Clamecy et surtout certains de ses quartiers, dont le quartier Bethléem, ainsi nommé car l’évêque de Bethléem s’y était réfugié lorsqu’il avait été chassé de la Palestine, mais également les environs qui possèdent encore de nombreux vestiges médiévaux attachés aux Templiers, mais pas que.

 

Sous forme d’interludes, l’histoire des Templiers puis de ceux qui se substituèrent à cette confrérie de moines-soldats dont le grand-maître Jacques de Molay fut brûlé en place publique sous Philippe le Bel en 1314, s’insère dans le déroulement de l’intrigue. De nombreuses anecdotes historiques sont ainsi disséminées remontant le temps, jusqu’en 1848 où l’histoire des Templiers se clôt définitivement, apparemment car des résurgences, sous forme de clubs et de cercles, continuent à entretenir les phantasmes des chercheurs de trésor.

On se souvient notamment de l’abbé Saunière, à Rennes-le-Château, qui devient subitement riche au début des années 1900, et dont le secret est l’objet de nombreux ouvrages et documents, sérieux ou farfelus.

Mais d’autres greffes sont entées dans l’histoire des Templiers, dont la relation entre les Assassins et de leur maître à penser, le Vieux de la Montagne, relations teintées d’occultisme. Nous retrouvons également le personnage emblématique de Nicolas Flamel, peut-être l’alchimiste le plus célèbre, mais bien d’autres anecdotes et révélations sont décrites. Dont l’organisation Bilderberg, organisation dont les membres sont issus de la diplomatie, de la politique et des finances, qui manque de transparence, crée en 1954, qui a pignon sur rue mais œuvrant dans l’intérêt du capitalisme, ce qui explique par exemple la flambée du pétrole en 1974 et les conséquences qui en résultèrent par la suite.

Un roman qui est un foisonnement historique, fort documenté et envoûtant.

Roman ésotérique, occulte, hermétique, historique, qui pourrait faire penser à un succédané de Club des 5 ou autres ouvrages destinés aux préadolescents mais qui explore le temps et une région avec érudition mais sans pédantisme. Plus quelques traits d’humour afin de décompresser, légèrement, dans les moments critiques.

 

Jean-Pierre FAVARD : Alchimistes. Editions Séma. Parution le 27 mai 2019. 344 pages. 19,00€.

Version numérique 5,99€.

ISBN : 978-2-930880-83-9

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6 juin 2019 4 06 /06 /juin /2019 04:56

La moutarde leur monte au nez !

A mort à Roma !

B. &F. DARNAUDET, G. GIRODEAU et Ph. WARD : Détruire Roma !

Tous les ingrédients de l’heroïc-fantasy, ou presque, se catapultent dans ce roman échevelé écrit à huit mains et quatre têtes pensantes.

Nous retrouvons avec plaisir les principaux protagonistes des deux ouvrages précédents, mais les auteurs leur fournissent des épisodes les mettant plus ou moins en valeur.

Posel Virt Schneesturm est surnommée le Cardinal du Nord ou le Blizzard vivant, car pour l’heure, et peut-être encore pour longtemps, son sexe alimente les débats. En effet son appartenance à la catégorie mâle n’est pas établie et il serait possible que Posel soit une femme, la papesse de la Dernière nouvelle foi. Ma foi, peu nous chaut, ce sont ses intentions qui comptent et lorsque nous entrons par effraction dans l’histoire, elle chemine vers le fief teutonik de Marienburg afin d’y trouver des alliés pour la réalisation de son entreprise.

Elle est accompagnée du sénéchal Laguerre qui lui propose de monter en Nederland afin de s’allier avec les Libéraux de Bolkestein et si cela ne l’agrée guère, elle accepte néanmoins car la parole du sénéchal est sage. Mais Simon de Malfort tempête car il se sent seul, pensant à une défection de Laguerre, alors que celui-ci se dirige vers Paris. Malfort doit couper la route aux troupes du sultan An-Nisâr. Un jeune chevalier conseille de se diriger vers Poitiers afin de couper la route aux Arabes. Il se nomme Martel.

Pendant ce temps, Xavi El Valent et ses compagnons, le Dard M’Odet, Lo Singlar et quelques autres se trouvent confrontés à une horrible bête. Xavi se défend vaillamment mettant tout son cœur à l’ouvrage, brandissant son fidèle Glaive de justice qui en rougit de plaisir, mais le Tre (c’est le nom de son adversaire) sait où donner de la tête. Elle lorsqu’elle est coupée, elle repousse multipliée par trois. L’hydre n’est pas loin.

A Roma, au Vatikan, trente vieillards vêtus de rouge, s’apprêtent à élire un nouveau pape, officiel selon leurs critères. Pedro de Luna a exigé la tenue d’un nouveau concile, promettant, s’il est élu, de recruter des milliers d’Almogovarks, d’être impitoyable envers les hérétiques et d’activer le dôme magique de Sanctus Philippus. Il est élu sous le nom de Benedictus XIII, et non sous celui de Luna Park comme certains le pensaient.

Mais les imbrications religieuses et politiques sont complexes, ce qui n’empêche pas l’amour de s’insérer dans ces pages, et les faits d’armes se suivent sans pour autant se ressembler. Ainsi, arrêtons-nous quelques instants dans l’antre de Çal’Us, le mage mi-homme, mi-ours, un nécromant qui garde prisonnière la jeune Enrekhtouès, l’Egyptienne. Xavi et ses compagnons sont accueillis, façon de parler, par Agna, sorcière et incidemment sœur de Xavi. Çal’Us possède dans un cercueil une momie et il veut la ramener à la vie, ce qu’il fait, mais il ne pensait certes pas que celle-ci allait réagir d’une façon non programmée. Il s’agit d’Abdul al-Hazred, un nécromancien auteur du Nécronomicon.

Je passe rapidement sur bon nombre de faits d’armes ayant pour protagonistes Bernadette (elle est chouette !) di Venezia, cardinale amazone de son état, Gontran le Défiguré, chef des lézards religieux et dont le mot d’ordre est il n’y a pas de lézard, Olympe de Fois, dévot, dite la Pucelle, qui manie la hachette, Jirrodo, nabot démoniaque et chef des cardinaux de la bande à Gontran, plus quelques autres, de moindre importance mais dont la présence s’avère capitale dans des épisodes hauts en couleurs. Et pour la petite histoire, sachez qu’un navire métallique va s’immiscer dans le décor, mais je n’en dis pas plus même si vous restez sur votre faim, car déjà j’en ai trop écrit.

 

Ce roman est découpé en trois chants, comme à l’époque médiévale des trouvères, à ne pas confondre avec les troubadours qui n’étaient pas d’origine occitane, titrés et signés :

Dans l’antre des Teutoniks, des trouvères Boris et François Darnaudet.

Le sort en est jeté par Philippe Ward, qui se déclare troubadour juste pour embêter ses compagnons.

Tagumpay, tagumpay ! pel narrador katalan Gildas Girodeau

 

Chaque auteur porte cette histoire quelque peu déstructurée mais possédant une logique et une continuité en jouant avec les différents personnages et en leur donnant une prépondérance ou en limitant leurs interventions. Chacun des auteurs intègre ses préférences, ses phantasmes, ses points d’ancrage, sa sensibilité, et on ne sera pas étonné, du moins ceux qui ont lu leurs romans, que chez Darnaudet père et fils une grande part est consacrée aux combats, chez Philippe Ward on retrouve le thème de l’ours, chez Gildas Girodeau la Méditerranée, Mare Nostrum, fait partie intégrante du décor même si elle ne sert que liaison, le tout étant lié à l’Occitanie.

Et l’on ne sera pas étonné non plus des nombreux clins d’yeux envoyés à d’autres auteurs, et à eux-mêmes, par personnages interposés, dont l’identité ne devrait pas échapper à ceux qui connaissent l’amitié qui les lie souvent depuis des années. Donc outre, Dard M’Odet, Laguerre, Jirrodo, les initiés reconnaîtrons sans mal qui se cache sous les patronymes de Bernadette di Venezia, Galerne de Palerme, Queudeville, Zolma…

Mais on pourra également remarquer que Lovecraft (voir ci-dessus) et la mythologie grecque ou les Contes des Mille et une nuits , avec les chevaux ailés et la présence d’Orientaux, entre autres, s’immiscent dans cette histoire qui dépasse largement le cadre de l’Occitanie.

La sorcellerie et la magie jouent un rôle primordial et l’on pourrait croire que ceci réglerait bon nombre d’actions, mais chaque protagoniste possède, là aussi, ses points forts et ses faiblesses. Et cela fait penser, un peu, au combat entre Merlin et Madame Mim dans un dessin animé de Disney.

L’épilogue laisse un peu sur sa faim, mais il faut laisser les auteurs se renouveler et leur laisser le temps, d’autant qu’ils ont d’autres préoccupations, d’autres romans en solo à écrire.

B. &F. DARNAUDET, G. GIRODEAU et Ph. WARD : Détruire Roma ! La saga de Xavi El Valent 3. Collection Blanche N°2176. Editions Rivière Blanche. Parution le 2 avril 2019. 220 pages. 18,00€.

ISBN : 978-1-61227-862-9

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25 mai 2019 6 25 /05 /mai /2019 04:50

Faut pas mollir Maguy !

Paul FEVAL : Les Molly-Maguires.

Plus connu pour la série d’arrestations et les procès qui eurent lieu entre 1876 et 1878 en Pennsylvanie aux Etats-Unis à cause de leur mutinerie contre les propriétaires de mines qui refusaient le syndicalisme, les Molly-Maguires étaient des Irlandais regroupés dans une société secrète qui œuvra d’abord sur leur île en rébellion contre les Orangistes Britanniques. Les Catholiques contre les Protestants.

Au moment où débute cette histoire, au mois de novembre 1844, dans la région de Galway, nous faisons la connaissance de la famille du vieux Miles Mac-Diarmid. Attablé en train de souper, il est accompagné de ses huit fils dont l’âge s’échelonne d’une trentaine d’années à dix-huit ans, d’Ellen Mac-Diarmid, une parente âgée de vingt ans, d’un homme en haillons, invité à se restaurer, d’une gamine nommé Peggy. Seule manque à l’appel, Jessy, la jeune nièce de Miles Mac-Diarmid, qui est mariée depuis peu à Lord George Montrath. Mais le vieux Mac-Diarmid s’inquiète pour Jessy dont les nouvelles ne parviennent que rarement.

Néanmoins, il leur faut rendre hommage à Ellen, que Miles Mac-Diarmid considère comme sa noble cousine. Et il est qu’elle fait partie de la famille, descendante des Mac-Diarmid qui autrefois possédaient un château, aujourd’hui en ruines, dans la région. Et ce n’est pas pour rien qu’elle est surnommée l’Héritière. Le vieux Miles Mac-Diarmid vitupère contre les Mollies, une société secrète dont les membres brûlent et pillent. Morris, l’un des fils tente bien de justifier leurs actes, démentant les pillages, mais rien n’y fait. Miles Mac-Diarmid est un fidèle de Daniel O’Connell, un Irlandais qui refusait l’implantation des Orangistes sur son sol mais considéré depuis comme une sorte de traître par les rebelles.

Il est question aussi d’un major anglais qui serait dans la ferme de Luke Neale, un fermier considéré comme un usurier, un assassin et autres qualités incompatibles avec l’honneur des Irlandais. L’évocation de Percy Mortimer, le major anglais, trouble Ellen, et l’un des plus jeunes fils de Miles s’en rend compte. Elle l’aime, se dit-il.

Au moment de se quitter, l’homme en haillons qui se prénomme Pat prend à part chacun des fils, leur glissant un petit mot en sourdine. Et tous les fils Mac-Diarmid sortent, l’un après l’autre, et se retrouvent à la ferme de Luke Neale, étonnés de se retrouver ensemble et d’appartenir à cette confrérie des Molly-Maguirres, avec comme mot de reconnaissance les Payeurs de minuit.

Ils sont venus s’emparer de Percy Mortimer, qui est blessé, et de Kate Neale, la fille du fermier, mais un homme, un chef sans nul doute, habillé d’un carrick, sauve la vie de Mortimer, car entre eux il existe une dette de sang. L’un des frères Mac-Diarmid aime Kate Neale, ils sont même fiancés selon lui, et c’est assez pour que les autres frères laissent également la vie sauve à la jeune fille.

La ferme est incendiée et au milieu des débris est dressé un panneau sur lequel est inscrit : La quittance de minuit.

Fin du prologue intitulé Les Molly-Maguire.

Débute alors l’histoire de L’Héritière qui se déroule six mois plus tard, en juin 1845 toujours à Galway et ses environs.

Dans une auberge, deux femmes et deux hommes se tiennent assis sur un banc, et buvant un rafraîchissement. L’un des deux hommes est sous-contrôleur à la police métropolitaine de Londres, et l’autre un pauvre hère qu’il soudoie afin que celui-ci effectue un faux-témoignage.

En effet, Miles Mac-Diarmid, le vieux Mac-Diarmid, est emprisonné suite à l’incendie de la ferme de Luke Neale. Les preuves manquent, et il serait bon que ses enfants affirment devant la justice que le vieux Miles était présent lors de cet incendie. Comme l’homme est pauvre et ne peut nourrir ses rejetons, la solution est toute trouvée.

Mais dans Galway, la tension est étouffante, tout comme la chaleur. Les Orangistes et les Irlandais ne manquent pas de s’invectiver, voire de se porter des gnons. Les soldats tentent de maintenir l’ordre sous le commandement du major Percy Mortimer. Mais celui-ci est un homme probe, sachant faire la part des choses, il est honnête et n’accepte aucun débordement de la part de ceux qui sont sous ses ordres. On serait tenté d’écrire qu’il ménage la chèvre et le chou. Pourtant il est la cible des Irlandais qui désirent sa mort et le lui font savoir en lui envoyant des messages sur lesquels est dessiné un cercueil.

Dans cette ambiance délétère et belliqueuse, se trament des histoires d’amour entre Anglais et Irlandaise ou inversement, de trahisons liées non pas à une approche politique mais à cause du paupérisme vécu par certains, des affrontements divers dans lesquels des enfants jouent un rôle non négligeable.

Paul Féval ne cache pas professer une attirance pour les idées du peuple Irlandais, l’envie de se débarrasser d’un envahisseur qui impose ses lois et sa religion, alors que dans certains de ses romans il met en avant une certaine supériorité des fils d’Albion. D’ailleurs bon nombre de ses romans ont en commun de mettre en scène des Britanniques, comme dans Jean Diable, La Ville-vampire, Les mystères de Londres et autres.

 

Le titre exact de ce roman qui comporte deux parties, L’Héritière et La galerie du géant, est La Quittance de minuit. Mais les éditions de l’Aube ne rééditent que le prologue, qui donne son titre à l’ouvrage, et la première partie dite l’Héritière. Ce qui peut induire en erreur les lecteurs, qui de ce fait n’ont en main qu’un roman tronqué de sa seconde partie, et les laisser sur leur faim.

Les heureux possesseurs d’une liseuse, peuvent télécharger gratuitement et en toute légalité l’intégralité de roman, La quittance de minuit, en se rendant sur le lien ci-dessous :

Paul FEVAL : Les Molly-Maguires. Collection L’Aube poche. Editions de l’Aube. Parution le 20 octobre 2016. 272 pages. 10,80€.

ISBN : 978-2815920131

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16 mai 2019 4 16 /05 /mai /2019 04:22

Remember el Alamo

Le Général Sam Houston lors de la bataille de San Jacinto

 

Pierre NEMOURS : Rouge comme le sang.

Le 23 février 1836, les soldats mexicains commandés par un nombre impressionnant d’officiers, le tout chapeauté par le général-président Antonio Lopez de Santa-Anna, un inconditionnel de Napoléon Bonaparte, arrivent à San Antonio de Bexar. Leur but, déloger les quelques cent-quatre-vingts militaires et civils qui sont retranchés dans la mission de l’Alamo, petit hameau fortifié avec en son centre son église espagnole.

Les Texans, qui aspirent depuis longtemps à leur indépendance, sont constitués de Mexicains, d’Américains, d’émigrés d’origine diverse dont des Français et des Anglais. Tous ont en commun leur désir de liberté vis-à-vis du Mexique. Depuis le 3 novembre 1835, le Texas s’est déclaré indépendant, et le gouvernement réside à Washington sur Brazos. La garnison est commandée par le jeune lieutenant-colonel Williams Travis, vingt-cinq ans, et parmi les soldats et civils qui vont défendre chèrement leur peau, les célèbres Davy Crockett et sa trentaine de volontaires et Jim Bowie qui est malade, des coureurs de prairie qui n’ont rien à perdre que l’honneur et la vie. Mais la vie, pour eux n’est qu’un accessoire, auquel ils tiennent certes, tout autant que le couvre-chef en peau de castor de Crockett.

Du 23 février au 6 mars 1836, de nombreuses échauffourées opposent les Mexicains et assiégés, ponctuées par des tirs de canons. Le général Santa Anna érige en haut de l’église de San Antonio un drapeau rouge. Rouge comme le sang. William Travis envoie quelques messagers à l’attention du général Sam Houston, à Gonzales ainsi qu’au colonel Fannin qui est en poste à Goliad avec trois cents hommes. Et dans la nuit du 5 au 6 mars, un dimanche, Santa Anna déclenche l’attaque.

Le colonel Fannin, pusillanime, a commencé à se diriger vers San Antonio de Bexar, mais a préféré faire demi-route tandis que Sam Houston tergiverse. Ce qui fait que les renforts attendus ne se présentent pas et Santa-Anna lance ses troupes à l’assaut de l’Alamo empruntant des méthodes médiévales.

Le premier à mourir sous l’assaut sera le lieutenant-colonel William Travis, mais Crockett et Bowie tomberont eux aussi sous les coups des assaillants ainsi que toute la population. Seules en réchapperont quelques femmes qui étaient réfugiées dans l’église de la mission. Mais Santa-Anna ne se contente pas de ce succès et il dirige ses troupes jusqu’à Goliad. Fannin fait une tentative de résistance puis se rend. Lui et ses hommes seront passés par les armes, Santa-Anna déclarant ne vouloir faire aucun prisonnier.

Mais des civils tentent de contrer le boucher de l’Alamo, dont Soledad Garnett, une Mexicaine mariée à Garnett, un Américain en poste à Alamo, Pacheco, son frère et associé dans le ranch avec Garnett, Horace Alsbury dont la femme mexicaine est aussi à Alamo, plus quelques hommes dont Paul Picard, le Français, le jeune Robert Gunsmith, seize ans, le docteur Sutherland…

Soledad veut venger la mort probable de son mari tandis que Sutherland convainc Sam Houston de poursuivre Santa-Anna qui continue son périple vers Galveston.

 

Pierre Nemours, s’appuyant sur des documents d’époque et les ouvrages de Walter Lord et autres historiens, décrit cette bataille de l’Alamo puis les combats qui suivront jusqu’au 21 avril 1836, la bataille de San Jacinto.

La défaite de l’Alamo et celles qui suivirent, les exactions menées par Santa-Anna et son armée, contribuèrent à soulever l’enthousiasme général et les volontaires, mais un peu tard, pour assoir l’indépendance de l’état du Texas.

De ce fait historique, Pierre Nemours met en valeur quelques figures de fiction dont Soledad Garnett qui par son action contribua à cette indépendance en montrant la voie du courage contre ceux qui étaient devenus les envahisseurs, les Mexicains de Santa-Anna.

Il met en valeur la population militaire et civile de l’Alamo qui était composée d’hommes et de femmes venus du Mexique, d’autres états de la jeune république des Etats-Unis, d’Anglais, de Français, qui vivaient tous en harmonie. Cent-quatre vingt-trois personnes, cent-quatre-vingt-trois combattants unis sous la même bannière.

Santa-Anna fut un général versatile, qui passa dans le camp des insurgés mexicains après avoir été dans celui des Espagnols, et il reproche aux Texans de se conduire comme lui-même l’a fait, c’est-à dire arracher l’indépendance. En effet l’indépendance du Mexique vis-à-vis de l’Espagne ne date que de 1824, confortée par la bataille de Tampico à laquelle il prit part, devenant le Héros de Tampico. Mais il est orgueilleux, ambitieux, fasciné par Napoléon Bonaparte, et n’accepte pas que l’état du Texas se soulève pour sa liberté envers le Mexique.

Et comme le déclare le docteur Reyes, qui suit un peu malgré lui l’état-major de Santa-Anna :

Notre indépendance à nous n’est que le résultat de la décadence espagnole. Nous n’avons fait que substituer à la société sclérosée de Madrid, la nôtre, tout aussi figée. Et nous restons entre nous. Aucun courant d’immigration ne vient apporter des énergies nouvelles.

Les Américains, au contraire, ont arraché leur liberté à une Angleterre à l’apogée de sa puissance. Chaque jour, des centaines d’Européens enthousiastes arrivent dans ce pays neuf, dont ils reculent sans cesse les frontières. La preuve c’est que n’avons pas été capables de mettre en valeur notre Texas nous-mêmes. Il nous a fallu faire appel à des étrangers.

Cela devrait faire réfléchir certains hommes politiques, qui façonnent les esprits par leurs déclarations à l’emporte-pièce, rétrogrades et obtus, qui n’ont rien compris à l’Histoire des peuples, et leur apprendre à mesurer leurs paroles concernant l’immigration. Et pas uniquement en France.

Pierre NEMOURS : Rouge comme le sang. Collection Feu N°97. Editions Fleuve Noir. Parution 4e trimestre 1968. 256 pages.

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12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 04:33

Horace, oh désespoir…

Alexandre DUMAS : Pauline.

Lorsqu’Alexandre Dumas entremêlait roman gothique (architecture anachronique, n’est-ce pas ?) appelé originellement roman noir, et littérature romantique.

En cette fin d’année 1834, l’entrée d’Alfred de Nerval dans la salle d’armes de Grisier, renvoie l’auteur quelques temps en arrière.

Il se souvient avoir aperçu lors d’un voyage en Suisse puis en Italie son ami en compagnie d’une femme pâlotte, d’aspect maladif, un épisode qu’il avait oublié. Il connaissait vaguement cette jeune femme prénommée Pauline. Alfred de Nerval revient s’entraîner et remontant sa manche, le narrateur et Grisier peuvent discerner la cicatrice d’une blessure provoquée par une balle.

Tous deux sont avides de savoir comment Alfred de Nerval fut blessé et celui-ci promet de narrer le soir même l’incident au cours d’un repas. C’est cette relation que Dumas nous propose, car plus rien ne s’oppose à la publication de cette histoire.

Alfred de Nerval prend donc la succession de Dumas pour raconter dans quelle condition il a fait la connaissance de Pauline de Meulien et pourquoi le romancier les a aperçus aux cours de ses voyages en Suisse et en Italie.

Alors qu’il étudie la peinture, Alfred de Nerval et sa sœur héritent une forte somme d’un oncle défunt. Aussi il décide de voyager et part au Havre pour se rendre en Angleterre. Apprenant que deux camarades d’atelier sont en villégiature dans un petit village qui se nomme Trouville (cela a bien changé depuis), il décide de leur rendre une petite visite. Et comme il n’est pas pressé, il loue un bateau afin de peindre la côte. Mais il n’avait pas prévu un fort coup de vent doublé d’une pluie violente qui l’entraînent du côté de Dives.

Il aborde sur le rivage et apercevant au loin un parc et une bâtisse, il s’y rend, alors que la nuit est tombée, afin de se mettre à l’abri. Il s’engage dans le parc puis s’introduit dans une chapelle en ruine et se réfugie dans le cloître. Il est réveillé par un bruit puis il remarque un homme qui débouche d’un escalier souterrain et enfoui une clé sous une dalle.

Peu après, il est recueilli par des pêcheurs qui acceptent de le reconduire à Trouville. Il apprend que les ruines sont celles de l’abbaye de Grand-Pré, attenantes au parc du château de Burcy, la demeure d’Horace de Beuzeval. Horace, le mari de Pauline de Meulien ! Son esprit ne fait qu’un tour, car il est toujours amoureux de la jeune femme n’ayant toutefois pas osé déclarer sa flamme.

Selon les marins, l’épouse serait décédée depuis peu et va bientôt être inhumée. Or il se rend compte que le cadavre de la morte cachée sous un suaire n’est pas celui de Pauline.

Il décide alors de revenir aux ruines et découvre sous la dalle une clé qui lui permet d’ouvrir quelques portes et comme il s’était muni de pinces, de fracturer le cadenas d’une geôle. Or dans cette prison souterraine est retenue depuis quelques jours et contre son gré Pauline. A bout, n’espérant plus aucun secours, elle vient de boire un verre d’eau déposé par Horace, son mari prévenant, et qui contient du poison. Des traces de poudre tapissent encore le fond du gobelet. Alfred de Nerval aide la jeune femme à s’échapper.

Il la prend sous son aile tutélaire et débute alors le récit de Pauline, dévoilant comment et pourquoi elle est enfermée par son mari Horace de Beuzeval.

Mais dans la région, des vols sont commis par une bande qui écume la région. Des vols accompagnés de meurtres parfois.

 

Construit un peu comme un roman gigogne, Pauline, relève du romantisme et diffère profondément de sa production actuelle car Dumas est surtout auteur de pièces de théâtre à succès (ou non). Pauline est donc son premier roman, publié directement en volume et ne comporte que peu de dialogues, ce qui le change de sa production habituelle, surtout théâtrale.

Mais à la lecture de cet ouvrage, on se rend compte que le début de ce roman est la reprise des chapitres des Impressions de voyages, paru en 1833 et qu’il est le creuset de romans ultérieurs, dont Le comte de Monte-Cristo et Salvator. Il utilise des thèmes récurrents comme les duels qui font florès dans bon nombre de ses romans d’inspiration historique, dont notamment Les Trois mousquetaires.

Souvent Dumas revisite sa production antérieure et dans certaines de ses nouvelles, comme Marie et Le Cocher de cabriolet, on retrouve la figure de jeune fille séduite et abandonnée. Mais dans Pauline, il place résolument son intrigue dans son époque contemporaine alors que la plupart de ses récits empruntent à l’Histoire. C’est la période riche du romantisme littéraire, et Dumas ne pouvait pas ne pas y sacrifier. Mais ce roman emprunte également au roman noir, qui par la suite est devenu roman gothique, dans la lignée d’Ann Radcliffe et d’Horace Walpole (Horace, comme l’un des personnages principaux de Pauline !).

Et Alexandre Dumas aime se mettre en scène dans ce genre de romans, accréditant ainsi une véracité du récit, et on ne peut s’étonner que le personnage principal se nomme Alfred de Nerval. Un hommage non déguisé à son ami Gérard de Nerval, et le côté artistique est présent puisqu’Alfred de Nerval est peintre.

Ce ne sera pas la seule fois où l’on retrouvera les deux hommes, Dumas et de Nerval puisque dans Contes dits deux fois, Dumas se met en scène et retrouve de Nerval dans le rôle de conteur.

 

Alexandre DUMAS : Pauline. Edition présentée, établie et annotée par Anne-Marie Callet-Bianco. Collection Folio Classique N°3689. Editions Gallimard. Parution le 22 mai 2002. 256 pages. 4,30€. Version numérique 3,99€.

ISBN : 9782070412303

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9 mai 2019 4 09 /05 /mai /2019 04:51

La romancière aux 723 romans savait mettre en scène des femmes de caractère !

Barbara CARTLAND : La tigresse et le roi

En ce mois de juin 1887, la reine Victoria fête son jubilé de cinquante ans de règne, et c’est l’effervescence à Buckingham. Apparentée à la souveraine, Zenka devise en compagnie de sa cousine Wilhelmine de Zarfeld, âgée de trente ans et qui cherche désespérément un mari de sang royal. Hélas pour elle, aucune prétendant en vue pour sa langue de vipère, laide et plus que rondelette.

Zenka n’a que dix-huit ans et elle n’est pas pressée. Elle est orpheline depuis que sa mère, la princesse Pauline anglaise de naissance, et son père, le prince Ladislas Wajda, un Hongrois, ont été les victimes, six ans auparavant d’un attentat à la bombe perpétré par un anarchiste. Recueillie par son oncle et parrain le duc de Stirling, elle a vécu heureuse en Ecosse jusqu’au jour où il s’est remarié, un an auparavant avec la duchesse Kathleen, suite au décès de sa femme. Mais la duchesse Kathleen, plus jeune d’une quinzaine d’années que son mari, n’apprécie guère Zenka, et elle le lui fait savoir en chaque occasion où elle peut laisser son fiel s’écouler sans vergogne.

Mais les nuages s’accumulent au dessus de la tête de Zenka. La reine Victoria, surnommée la Marieuse de l’Europe, a décidé que la jeune fille allait épouser le roi Miklos de Karanya, un petit état coincé entre la Hongrie et la Bosnie. Et la duchesse Kathleen n’y va pas par quatre chemins. C’est ça ou l’enfermement dans un couvent. La diplomatie ne s’embarrasse pas des états d’âme d’une jeune fille, surtout si elle est princesse et qu’un mariage peut favoriser des rapprochements entre états. Zenka pensait pouvoir faire un mariage d’amour et la voilà mise d’office dans le lit d’un homme défiguré par des cicatrices et boiteux. Une description que Wilhelmine a énoncée avec un certain plaisir afin de démoraliser sa jeune cousine.

En désespoir de cause, Zenka est obligée d’accepter ce marché. La mort dans l’âme elle rejoint d’abord par voie maritime Trieste, puis le voyage va continuer par voie ferrée. Dans le wagon qui lui est affecté, Zenka dispose d’une chambre et d’un salon particulier. Dans la nuit, désirant récupérer un livre, elle entre dans le salon, sans lumière. C’est alors qu’un homme s’introduit dans le wagon. Elle pense qu’il s’agit d’un voleur et déclare être en possession d’un pistolet. Mais après une discussion paisible, elle lui remet une paire de boutons de manchettes en compensation d’un vol non effectué.

Passons sur quelques détails et arrivons au cours de la nuit dite de noce, qui est le lendemain de son arrivée dans la capitale. Le prince Miklos n’est pas aussi laid et boîteux que le prétendait sa cousine, mais le soir fatidique Zenka refoule son mari à l’aide d’un pistolet. Elle refuse qu’il la touche et le lui fait savoir avec fermeté.

 

Naturellement il s’agit d’une romance, et en général, dans ce genre littéraire, tout fini bien dans le meilleur des mondes.

Barbara Cartland, avec ses 666 romans traduits en France, possède ses adulateurs (surtout des adulatrices) et ses détracteurs, la plupart du temps des personnes qui n’ont jamais lu un de ses ouvrages mais jugent sur des préjugés.

Car sous des dehors de strass et de paillettes, de mise en scène dans la société nobiliaire et royale, le propos de Barbara Cartland est plus profond qu’il y paraît.

Ainsi lors du défilé nuptial de Zenka aux côtés du roi Miklos, tous deux dans une calèche, applaudis et ovationnés par la foule, se cache un sourire triste, crispé, convenu, et la comparaison avec les épousailles entre Diana et le prince Charles m’a frappé. Si Zenka sourit ensuite franchement, c’est parce qu’elle possède encore la fraîcheur d’une enfant et que la joie populaire est communicative.

Barbara Cartland prône l’amour, sincère, et naturellement elle met en opposition les mariages conclus par les diplomates, pour des raisons politiques, pour un fallacieux rapprochement entre les peuples. Si la période choisie est celle de Victoria, outre le fait que cette période l’intéresse fortement, c’est parce que la descendance de la reine Victoria fut nombreuse, les mariages arrangés également. En 1944, le nombre de rois, princes ou princesses issus de sa descendance s’élevait à 194 !

 

Barbara CARTLAND : La tigresse et le roi (The Hellcat and the King. Traduction de Hélène de Lavergne). Editions J’ai Lu N°1642. Parution le 10 mai 1984. 160 pages.

ISBN : 9782277216421

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2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 04:56

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants,

dans ces wagons plombés
Jean Ferrat.

Stanislas PETROSKY : Ils étaient vingt et cent…

Stanislas Petrosky, l'auteur, est jeune, trop jeune pour avoir connu ce camp de concentration dédié aux femmes, celles qui étaient rejetées, honnies, bannies par le nazisme, de par leur religion, leur ethnie, leurs idées politiques ou leur comportement sexuel, tout comme cela fut le cas pour les hommes.

Pourtant il nous entraîne dans ce cœur inhumain de Ravensbrück comme s'il y avait vécu, mais en tant qu'observateur, car on ne peut pas rester insensible devant les horreurs qui y ont été perpétrés, et en tant qu'artiste adoubé par les autorités militaires pour dépeindre des scènes macabres et terrifiantes.

Il se coule dans la peau de Gunther, l'auteur et son personnage ne faisant plus qu'un, et décrit avec des mots simples mais efficaces les sévices et brutalités encourus par ceux et celles qui ont vécu dans cet enfer.

 

Né en 1920, Gunther a quatre-vingts dix-neuf ans et, atteint d'un cancer, il sait qu'il n'en n'a plus pour longtemps. A l’Ehpad Jacques Prévert où il végète, les employés lui ont concocté une petite fête pour son anniversaire. Un verre de mousseux et un gâteau avec une seule bougie dressée dessus, faut pas trop dépenser non plus.

Mais les souvenirs affluent et il se remémore sa jeunesse puis ses longues années passées au camp de Ravensbrück.

Tout jeune, Gunther a été attiré par le dessin, qu'il pratique en autodidacte. Au grand désespoir de ses parents, au lieu d'aider à la ferme, il préfère s'installer dans la nature et se consacrer à mettre sur des feuilles ses impressions d'artiste en herbe. Il a vingt ans lorsque les nazis entreprennent la construction d'un camp près du lac où il habite. Son père le considérant comme une bouche inutile le donne à l'armée, et Gunther se retrouve à trimer sur un chantier qui deviendra le camp de Ravensbrück.

Les conditions sont dures, le travail est difficile, surtout pour quelqu'un qui préfère user d'un crayon que de la pelle.

Le commandant du camp, l'Hauptsturmfuher Koegel, est assisté d'officiers militaires féminins. Il en comprend la raison lorsque le 15 mai 1939, débarquent plus de huit-cents femmes en provenance du camp de concentration de Lichtenburg. Puis d'autres convois arrivent, et Gunther et ses compagnons doivent raser le crâne des prisonnières. Il assiste impuissant aux exactions commises sur les détenues. Il parvient à dégotter un crayon et un carnet et il commence à croquer ce qu'il voit, ce qui lui sert d'exutoire. Un jour la chef des gardiennes le surprend alors qu'il dessine les regards plein de désarroi et de détresse de ces pauvres prisonnières.

A son grand étonnement, elle apprécie ses dessins, et il est bombardé dessinateur officiel du camp, obligé d'être présent et représenter des scènes quasi insoutenables. Par exemple lorsque le chirurgien du camp dissèque des membres sur des prisonnières vivantes non anesthésiées.

Les mois passent. Gunther reste le même qu'à ses débuts, il n'est pas converti au nazisme, et ce qu'il dessine au contraire l'éloigne encore plus de ce régime tortionnaire.

Jouer un rôle, porter un masque, je ne pouvais pas faire autrement, question de survie. Pourtant vingt-cinq ans était un bon âge pour se révolter, mais cela m'était impossible, même avec la plus forte des convictions. Je n'avais aucune chance de m'en sortir face à ces déments en armes, alors je ne disais et ne faisais rien, mais je restais intérieurement le même, un opposant farouche à leurs idées, penchant du côté des opprimés et non de celui des bourreaux.

 

D'autres travaux sont entrepris, un four va être construit, et il cache dans un recoin de briques réfractaires une caisse contenant ses dessins, ceux qu'il a fait en double, à l'insu des SS et des soldats, tous plus virulents les uns que les autres, par idéologie ou par peur de se retrouver eux-aussi prisonniers. Car d'autres convois arrivent en permanence. Même des gamines, des Tsiganes, des Juifs, des sous-races comme définis par Hitler, des lesbiennes, des communistes, des droits communs, un mélange distingué par la couleur des insignes accrochés à leurs vêtements.

Un jour il participe à l'arrivée d'un nouveau convoi ferroviaire, une femme en descend et elle lui sourit. Aussitôt il tombe amoureux d'elle et il essaie de lui démontrer qu'il n'est pas comme les autres, qu'il n'est pas un soldat malgré la défroque dont il affublé, qu'il est du côté des détenus. Grâce à quelques relations qu'il s'est fait, il parvient à la placer comme couturière, alors qu'elle n'a jamais cousu un bouton de sa jeune vie.

 

Les tortures, les exactions, les supplices, les expériences chirurgicales diverses, les stérilisations féminines pratiquées même sur des gamines, les coups de schlague, les humiliations, les dégradations, les exécutions s'intensifient, surtout lorsque des rumeurs font état d'avancées de troupes russes.

Un livre âpre, rude, poignant, délivrant des images qui s'imprègnent dans l'esprit, comme si le romancier s'était mué en graveur sur cerveau.

Gunther décrit ce camp de la mort au jour le jour, souvent écœuré de ce qu'il voit, dessinant encore et encore. Il relate fidèlement souvenirs sans rien changer, sans minimiser ces années d'horreur. Il les restitue en son âme et conscience afin de montrer les effets néfastes d'une guerre déclenchée et entretenue par une idéologie inhumaine. Transmettre aux générations futures un tel témoignage sur le nazisme est faire œuvre pie, et malgré les déclarations répétées encore dernièrement d'un président d'honneur, d'horreur, il ne s'agit de détails dans un conflit. Les militants de ce parti Effet Haine devraient lire cet ouvrage afin de se rendre compte à quoi les entraînent ces idées idéologiques délétères.

Mais je doute de l'efficacité d'une telle démarche en constatant l'esprit obtus dont ils font preuve.

Ce roman est la réédition corrigée, revisitée, améliorée, enrichie de Ravensbrück, mon amour… paru aux éditions Atelier Mosesu en février 2015.

Stanislas PETROSKY : Ils étaient vingt et cent…

Stanislas PETROSKY : Ils étaient vingt et cent… Collection Grands Romans. Editions French Pulp. Parution le 11 avril 2019. 240 pages. 18,00€.

ISBN : 979-1025105412

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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