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16 octobre 2019 3 16 /10 /octobre /2019 04:47

Et aux Innocents les mains pleines ?

Maurice PERISSET : Le bal des Innocents.

Affable, souriant, sympathique, tel se présentait Maurice Périsset lorsque je l’ai vu pour la première fois lors du festival du roman policier de Reims en 1983 ou 1984.

S’il fut l’auteur de nombreuses biographies consacrées aux vedettes du cinéma français, Raimu, Simone Signoret, Jean Gabin ou encore Gérard Philippe, Maurice Périsset était également considéré, à juste titre, comme l’un des maîtres français du suspense psychologique.

On pourrait classer ses œuvres succinctement en deux parties : celles dans lesquelles les artistes jouent un rôle prépondérant et celles qui mettent en scène les petites gens, les humbles. Pourtant ces deux tendances se rejoignent, car sous le vernis, le maquillage des artistes, se cachent des personnes qui souffrent, dans leur âme et dans leur chair, et mises à nues, les personnes du spectacle se confondent avec les héros anonymes de la vie quotidienne.

Dans Le bal des Innocents, Maurice Périsset s’est penché sur un des à-côtés, sur un épisode, sur l’un de ces faits-divers qui n’ont pas défrayé la chronique mais qui pourtant ont empoisonné l’existence de milliers d’êtres humains.

En ces temps troubles (cette chronique a été rédigée en juillet 1990, mais l’on peut se rendre compte que malgré les exhortations diverses d’hommes politiques et d’associations, rien n’a changé) où l’on parle de racisme, d’antiracisme, de ségrégation, d’ostracisme et tutti quanti, comme si ce mal de société était nouveau, l’auteur soulève un voile et ce qui se trouve dessous n’est guère reluisant.

Tout le monde se sent la conscience tranquille. Si beaucoup de nous se souviennent ou ont appris à l’école, à travers des manuels scolaires ou autres, que les Américains débarquèrent en Italie durant la Seconde guerre mondiale, combien savent que ce ne fut pas sans conséquence pour des milliers d’enfants qui naquirent peu après. En effet, parmi ces soldats, bon nombre étaient Noirs et ils marquèrent leur passage chez les autochtones.

Plus de trois mille enfants naquirent des amours éphémères entre Italiennes du Sud et Noirs Américains. Et ces gosses furent méprisés, bannis, bafoués par toute une communauté bien pensante et soi-disant chrétienne.

 

Ferrucio, onze ans, est l’un des ces petits « métis » qui vit à Gênes, en butte aux attaques, aux quolibets, aux brimades des voisins. Il essaie de se confectionner une carcasse mais c’est dur tout seul. Sa mère, oh sa mère ! Elle l’aime bien mais elle fait sa vie, elle fait la vie. Ses ressources : la prostitution dans le port de Gênes. De retour dans son village natal, Gina se verra reprocher sa condition de femme facile, mais c’est sur Ferrucio que se portent tous les regards, tous les reproches, tous les opprobres. Ferrucio pensait s’être fait un ami d’Ermano, le nouvel et jeune amant de sa mère, mais celui-ci bientôt le délaisse provoquant le drame.

Le bal des innocents, dont l’action se situe dans les années 1950, est un roman dense dans lequel Maurice Périsset nous propose un peu d’émotion, de sensibilité, de chaleur humaine, d’amitié, d’humilité envers nos voisins, quelle que soient la couleur de leur peau et leur origine.

 

Première parution Les Presses du Mail. 1964

Première parution Les Presses du Mail. 1964

Maurice PERISSET : Le bal des Innocents. Editions du Rocher. Parution mai 1990. 264 pages.

ISBN : 9782268009667

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13 octobre 2019 7 13 /10 /octobre /2019 04:11

Dans le ghetto de Lisbonne…

Jean-Marie PALACH : La bataille de Mocambo.

En cette fin du mois de juin 1712, le Pombal, le navire au bord duquel s’est embarqué Loïc dit Sabre d’or, est en vue de Lisbonne. Le jeune marin espère rejoindre sa promise, Amalia, la fille de l’amiral Azevedo, qui fêtera ses seize ans le 31 juillet. Il espère surtout arriver avant le mariage, arrangé, de celle qu’il aime avec un noble Anglais, Thomas Howard, duc de Norfolk et neveu d’Anne, reine de Grande-Bretagne et d’Irlande, et faire capoter cette union.

Il a voyagé comme marin, prétendant se nommer Rodrigo et être natif de Faro, d’une mère portugaise dont le grand-père était Hollandais. Il lui faut bien justifier ce nom lusitanien avec ses cheveux blonds et ses yeux verts. Grâce à son ami Antonio, il pourrait trouver un logement chez le maître d’équipage auquel il a sauvé la vie, mais il préfère se rendre chez les frères Costa, les oncles de Carmelita. Il a connu Carmelita à Rio de Janeiro et elle lui a remis une lettre d’introduction pour les patrons de l’auberge du Nouveau Monde.

Après discussions, les deux aubergistes acceptent de loger Loïc dans une petite dépendance, au fond de la cour. En contrepartie ils exigent qu’il serve en salle, travail auquel le jeune garçon était habitué dans l’estaminet de sa mère surnommé La Belle Marquise. Les deux frères sont très proches de leurs reis, l’argent portugais, et Loïc, ne voulant pas se dévoiler, affirme être démuni. Ils possèdent une trentaine d’esclaves africains qu’ils louent principalement comme porteurs d’eau pour les notables des hauts quartiers.

Loïc fait la connaissance de Violette, l’une des esclaves, une jeune femme magnifique, mère d’un petit Luis, qui travaille plus que les autres esclaves car elle n’a jamais voulu céder à leurs avances. Elle lui narre ses aventures et surtout ses mésaventures et comment elle, qui est instruite, est arrivée entre les pattes des frères Costa.

Il devient également l’ami de Gustavo, un ancien capitaine qui ne peut plus naviguer et passe ses journées attablé dans l’auberge. Ainsi que de Michele Durafore, qui se dit Portugais, mais est Français comme lui. Les deux compatriotes en arrivent à échanger des confidences gardant toutefois vers eux quelques secrets.

Si Loïc se fait des amis, il se fait également des ennemis notamment avec Bernardo le brutal responsable des esclaves. Lors d’une journée où Loïc l’accompagne encadrant les porteurs d’eau, à la demande expresse des frères Costa, il vient à la rescousse d’un des esclaves. Et il prend aussi la défense de Violette qui manque trébucher.

Mais les jours passent et la journée fatidique approche. Il parvient à s’infiltrer dans le château d’Azevedo, espérant pouvoir communiquer avec Amalia. Caché derrière des tentures, il surprend Azevedo et deux autres hauts militaires complotant contre le Roi Jean V, dit le Magnanime. Il est découvert, parvient à échapper aux sbires lancés sur sa trace et rentre à l’auberge. Seulement les soldats ne sont pas longtemps sans découvrir sa cache et Violette l’emmène dans le Mocambo, le quartier réservé aux Noirs, esclaves affranchis ou en fuite, un territoire sur lequel règne la Princesse Yennenga, une vieille femme noire encore belle et dont l’aura sur ses sujets ne souffre d’aucune contestation.

Loïc est recherché mais sa popularité grandit parmi la population, malgré les mensonges éhontés qui sont propagés par Azevedo et sa clique. Le roi, qui est un peu falot et s’en remet volontiers à ses généraux, ordonne la destruction du quartier de Mocambo. La vie de Loïc, Violette, la Prince Yennega et tous les Noirs qui vivent dans cette enclave, ne tient qu’à un fil.

 

La bataille de Mocambo est un roman d’aventures à prédominance historique et didactique, destiné à l’édification des adolescents, mais pas que. Bien des adultes pourraient en tirer profit, à moins d’être obtus dans leurs convictions négatives.

Ce roman dénonce les conditions d’exploitation des esclaves noirs africains au XVIIIe siècle au Portugal, des conditions précaires mais ce pays n’était pas le seul à se montrer aussi dur. Bien d’autres pays, dont la France, se conduisaient ainsi, de manière indigne.

Il est bon parfois de rappeler ce qu’il se passait afin de comprendre les réticences, voire le ressentiment, de certains peuples vis-à-vis des Européens et de leur méfiance.

Un roman humaniste donc mais dont l’épilogue est apparenté à un conte merveilleux, sans les fées, dont on sait que la fin, en général, se termine bien. Presque toujours.

Ce roman clôt la saga de Loïc dit Sabre d’or et c’est dommage. J’aurais bien lu d’autres aventures de ce marin intrépide et attachant, même si parfois, par ses actions d’éclat, il se montre un peu à l’égal d’un super héros, un peu à la manière de Michel Zevaco dans ses feuilletons historiques, notamment la saga des Pardaillan.

 

Jean-Marie PALACH : La bataille de Mocambo. Les aventures de Loïc le corsaire tome 4. Editions du Volcan. Parution le 8 octobre 2019. 228 pages. 12,00€.

ISBN : 979-1097339173

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12 octobre 2019 6 12 /10 /octobre /2019 03:55

Un djinn ni troué, ni déchiré, ni délavé !

Philippe WARD : Le maître du Nil.

En l’an 386 de l’Hégire, Al-Aziz, le calife d’al-Qahira se meurt. Son fils Al-Hakim va prendre la succession mais il n’a que onze ans, aussi c’est Barjawan dit le slave qui assurera la régence. Une décision qui ne plait guère à Ibn Ammar, le chef des Berbères Kutana qui a par le passé rendu service au calife moribond, portant les Fatimides au pouvoir.

Avant de décéder, le calife murmure ses derniers conseils à son fils : frapper les Abassides qui sont leurs ennemis, s’emparer de Bagdad et de Byzance, les ennemis de leur peuple Fatimide, et de leur religion.

La rivalité entre Barjawan et Ibn Ammar éclate dès le trépas du calife et Amr, un djinn qui surveille la destinée d’Al-Hakim, aide Barjawan, malgré les divergences qui les opposent, à se débarrasser de son adversaire. Barjawan peut donc désormais diriger le pays en tant que vizir, avec le secret espoir de devenir le calife à la place du calife.

Sitt, la sœur quelque peu plus âgée d’Al-Hakim, est le fruit des amours du calife défunt avec un djinn femelle, tandis que la mère du garçonnet était chrétienne. Or les djinns ne sont guère appréciés de la population. Malgré tout, Amr poursuit son œuvre, sa mission, auprès d’Al-Hakim qui s’affirme de jour en jour.

Enfant, Al-Hakim s’amusait à piéger les oiseaux avec de la glu dans les arbres puis à les égorger. En vieillissant, passant peu à peu à l’adolescence, son instinct sanguinaire ne faiblit pas, au contraire. Il n’apprécie pas être contredit et ceux qui osent le défier ne terminent pas la journée.

Si Amr est de bon conseil, il tient parfois à s’effacer, laissant Al-Hakim prendre des initiatives plus ou moins bonnes. Il trouve une alliée de circonstance en Sitt qui protège son petit frère, et en Lamia, la stryge, malgré leur rencontre houleuse. Ils s’apprécient alors qu’au départ elle était vindicative à son encontre.

Amr habite dans une des pyramides dressées dans la plaine de Gizeh, et rend souvent visite à l’érudit Pacratis, cherchant à comprendre les mystères de l’Egypte ancienne et son écriture hiéroglyphique.

Mais il possède un ennemi en Iblis, le conseiller du calife de Bagdad et éminence grise des Abassides, qui est son propre frère. Iblis tente de tuer à plusieurs reprises Al-Hakim mais à chaque fois Amr le contrecarre dans ses essais. Ils s’affrontent en se transformant selon les épisodes en épervier ou autre animal, ou en khamsin, ce vent de sable qui permet d’évoluer à grande vitesse et d’échapper aux regards.

Dans des oasis, des tribus berbères fomentent la révolte contre ce calife despotique et sanguinaire. Ils sont aidés dans leur entreprise par Abou Rakwa qui se proclame le Mahdi et le nouveau prophète dont le poids des mots influe négativement sur ses interlocuteurs ou au contraire leur insuffle un courage de rébellion.

Les actes d’Al-Hakim varient en fonction de son humeur. Il prend de nombreux décrets, parfois contradictoires, que rédige Amr, le principal conseiller du calife. Al-Hakim se montre tour à tout caractériel, prétentieux, mégalomane, humble, manipulateur, sensible, orgueilleux, ambitieux, imprégné de la foi musulmane. Il est craint, redouté, ou aimé selon les décisions qu’il prend sur des coups de tête. Il dépense sans compter et bientôt les caisses de l’état sont vides.

 

Le calife Al-Hakim bi-Amr Allah

Le calife Al-Hakim bi-Amr Allah

 

Ce roman historico-fantastique s’inscrit dans la période de la fin du premier millénaire et début du second millénaire. Il est placé sous le signe de la dualité.

Dualité des personnages, Sitt étant par exemple mi-humaine mi-djinn, Al-Hakim se montrant bipolaire dans ses humeurs, dualité entre Amr et Iblis, les deux frères djinns qui se combattent afin d’élever le règne des califes qu’ils servent mais dont leurs propres ambitions se télescopent, dualité religieuse qui perdure de nos jours entre les chiites et les sunnites. Sans oublier l’ingérence bénéfique entre anciens dieux, la belle Isis en particulier, et les dieux modernes incarnés par Allah et son prophète Mahomet. Dualité enfin entre faits et personnages historiques réels et fiction d’inspiration fantastique.

L’on sait que Philippe Ward professe un attrait fortement ancré pour cette région d’Afrique, l’Egypte et la Syrie notamment, puisqu’il l’a déjà explorée en compagnie de Sylvie Miller pour sa sage de Lasser, détective des Dieux.

Mais ici, il s’agit d’une œuvre personnelle, son Grand Œuvre, qui pourrait marquer la littérature fantastique, la littérature tout court, par son évocation de cette période, par sa fougue et son entrain, par sa connaissance historique et géographique également.

Il est dommage que les documents compulsés ne soient pas répertoriés en fin de volume.

Mais un petit truc, oui y’a un truc, qui me gêne. C’est l’apport de Marielle Carosio dans l’édition de ce roman en tout point remarquable. En effet, il est précisé : édition dirigée par Marielle Carosio.

Quel est l’apport de cette jeune femme, étudiante en littérature et édition littéraire ? Relecture, remise en forme, conseils d’écriture ? Je ne pense pas que Philippe Ward, qui possède déjà à son actif une trentaine d’ouvrages écrits seul ou en collaboration, qui est lui-même éditeur, ait eu besoin d’un tel apport, d’autant que j’ai relevé quelques anomalies dans le texte. Notamment, au début :

Page 22 :

Un immense turban blanc autour duquel resplendissait le rubis… Ce ne serait pas plutôt le rubis qui resplendissait dans un immense turban blanc ?

 

Page 25 :

S’engouffra dans un lazzi de ruelles nauséabondes… Lazzi pour lacis ?

 

Pour en savoir plus sur le calife Al-Hakim, n’hésitez pas à vous rendre sur le lien ci-dessous :

Quelques publications de Philippe Ward en solo :

Philippe WARD : Le maître du Nil. Hors Série N°65. Editions Rivière Blanche. Parution 1er septembre 2019. 324 pages. 25,00€.

ISBN : 978-1-61227-858-2

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30 septembre 2019 1 30 /09 /septembre /2019 04:25

Ah ces mariages arrangés qui n’arrangent personne, ou presque !

Rachelle EDWARDS : La mésalliance

Devenu le cinquième marquis de Strafford, grâce ou à cause des décès accidentels de son père et de son frère, Justin Faversham se retrouve à la tête d’un héritage en déliquescence. Et il va devoir hypothéquer quelques biens afin de régler les dettes et factures en souffrance.

Ayant perdu sa mère tout jeune, il a été élevé par sa tante Henriette Faversham, tandis que son père et son frère, des noceurs, dilapidaient la fortune familiale dans des bouges et au jeu. Afin de se refaire une santé financière, il se trouve dans l’obligation de se séparer de quelques propriétés, dont le Prieuré de Strafford. Il est célibataire et sa tante lui souffle qu’il devrait se marier et lui indique le nom de quelques jeunes femmes qui pourraient lui convenir. Cependant, il courtise la belle Amelia Winch mariée à un riche noble beaucoup plus âgée qu’elle. Mais elle n’était pas la seule dans ce cas à cette époque, et il n’est pas interdit de penser que ce genre d’union hors lit conjugal perdure.

Justin, qui n’en vaut pas deux, est contacté par un acteur déchu, ayant contracté une maladie de peau lors d’une tournée, et père d’une adolescente miséreuse. Barrington signifie a Justin qu’il accepterait de lui rendre une dette de jeu contractée par son père et concernant le Prieuré s’il accepte d’épouser sa fille Valerie qui, à seize ans, n’en paraît que douze. Barrington préfère dépenser ses maigres subsides en liquides alcoolisés que la nourrir et lui offrir un logement décent.

Justin accepte ce marché qui est en réalité un chantage, et le mariage est célébré en petit comité. Puis aussitôt la cérémonie terminée, Justin emmène sa nouvelle épouse au Prieuré, et lui signifie que dès le lendemain il embarque pour le continent. Une mise au point qui se termine chacun dans ses draps, chacun dans sa chambre.

 

Deux ans plus tard, Justin retrouve à Paris Robert Parish qui fut son témoin à son mariage. Son ami lui précise que la chrysalide miteuse est devenue un papillon magnifique qui se rend régulièrement à Londres en compagnie de tante Henriette. Et que Valerie ne manque pas de prétendants dont un certain Hugh Goddard.

Jaloux, Justin revient à Londres et au Prieuré et ce qu’il voit confirme les dires de Robert. Valerie est devenue une véritable marquise et est fort courtisée. De plus elle s’est liée d’amitié avec Amelia Winch ce qui énerve Justin. Et la présence continuelle de Hugh Goddard près de Valerie, son empressement le taraude. Une gifle ressentie lorsque son épouse lui annonce qu’elle veut se marier avec ce joli-cœur qui, selon Justin, ne lui arrive pas à la cheville.

 

Cette histoire qui se déroule en 1780 est tout autant un roman de mœurs, d’amour, une étude de la société anglaise, et le portrait de deux personnages qui sont réunis à cause d’une dette de jeu alors que tout devrait les séparer.

Justin Faversham se montre arrogant, jaloux, autoritaire, orgueilleux et, en même temps, ce n’est qu’un homme fragile qui se donne une contenance afin de se prouver qu’il existe. Valerie a vécu dans des taudis depuis que sa mère est décédée et que son père s’est adonné au jeu et à la boisson. Elle se montre forte, mais ce n’est peut-être qu’une apparence trompeuse.

C’est l’opposition entre la noblesse et le monde des miséreux qui est ici décrite à travers deux personnages qui se montrent tout à tour attachants et maupiteux.

Tout sépare ces deux êtres et pourtant tout les relie. Il suffit juste d’un peu de compréhension, de discernement, de tolérance, d’adaptation vis-à-vis l’un de l’autre, mais le chemin est long à parcourir et il n’est pas sûr qu’ils parviennent à emprunter la bonne voie.

Malgré la présence d’un titre en anglais, il me semble que cet ouvrage soit l’œuvre d’un ou d’une romancière française. Pas de nom de traducteur, pas de copyright, sauf celui de Rachelle Edwards et Editions Mondiales 1976. De plus les quelques notes en fin de page ne comportent pas la mention Note du traducteur, comme il est de coutume lors de traduction. La Mésalliance est le seul roman de Rachelle Edwards au catalogue de la collection Modes de Paris et des autres collections des Editions Mondiales, c’est-à-dire Intimité, Nous Deux et Floralies.

Rachelle Edwards explore la psychologie de ses deux personnages principaux et l’on peut affirmer qu’elle n’en est pas à son premier roman. Donc il s’agit d’un auteur, probablement féminin, qui possède à son actif déjà plusieurs romans. Et, mais peut-être me trompé-je, je pense fortement à Françoise d’Eaubonne qui a écrit sous de nombreux pseudonymes dont celui de Nadine de Longueval au Fleuve Noir pour la collection Grands Romans et Présence des Femmes. Et elle a débuté en écriture sous des alias collectif comme Diego Michigan.

Rachelle EDWARDS : La mésalliance (An Unequal Match). Collection Modes de Paris N°78. Les Editions Mondiales. Parution 1er juillet 1976. 222 pages.

ISBN : 2707440787

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23 septembre 2019 1 23 /09 /septembre /2019 04:45

Une plongée dans le Londres de Jack l’Eventreur…

René REOUVEN : Les grandes profondeurs.

En cette fin d’année 1918, les Londoniens sont en liesse. Ils fêtent la défaite de l’Allemagne, brûlant l’effigie de l’Empereur Guillaume II. Les rues sont encombrées et le véhicule qui transporte Sir William Crooke, un célèbre et vieux savant physicien, a du mal à se frayer un passage jusqu’à un quartier déshérité de la capitale.

Il entre dans une bâtisse où un peu plus de trente ans auparavant il avait installé une sorte de laboratoire et récupère au premier étage, cachés sous le plancher, des carnets intimes.

Ce sont ces carnets qui nous sont proposés à la lecture et qui débutent le 2 septembre 1885 pour se terminer le 4 décembre 1888.

William Crooke, qui à l’époque n’avait pas encore été anobli, est persuadé qu’un quatrième état existe, l’état radiant, différent et complémentaire des états solide, liquide et gazeux. De plus il se pique d’occultisme et de spiritisme, une étude fort à la mode.

Pour cela il a aménagé dans un entrepôt du quartier de New Nicholl, un quartier dans lequel devaient être construits des logements sociaux mais qui est rapidement tombé dans l’abandon car les pauvres auxquels étaient destinés les bâtiments ne pouvaient se permettre de payer de tels loyers.

Il est déjà reconnu par ses pairs comme un excellent physicien, et est président de bon nombre d’associations et de sociétés scientifiques. Il possède à son actif de nombreuses inventions et découvertes mais il existe une fracture dans sa vie familiale. Son frère Crooky, le benjamin de la fratrie est décédé d’un accident de bateau. Et les liens avec son autre frère Walter se sont resserrés.

Or donc il installe des appareils complexes, dont un convecteur, un tube à vide et autres instruments dont il pense qu’ils vont lui permettre de capturer l’âme ou la présence de l’ectoplasme de Crooky.

Dans le même temps, il fréquente ou fait la connaissance des représentants majeurs de la littérature et de leurs œuvres, Henry James, Robert-Louis Stevenson, Oscar Wilde ou encore Guy de Maupassant. Le Horla de Maupassant et L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Stevenson seront ses lectures. Sa femme Nelly le soutient dans son entreprise, même si elle reste à la maison et ne participe pas à ses recherches hors de la résidence familiale.

Il s’investit de plus en plus dans ses démarches et ses recherches et un jour une image fixée sur son convecteur l’interpelle, tandis que le tube à vide contient une légère lueur verte. Crooky lui apparait comme sur un écran, et il le voit enjamber la rambarde d’un navire. Son frère ne serait donc pas décédé accidentellement mais se serait suicidé.

Walter lui précise qu’en effet Crooky était malade, atteint de la vérole contractée par la fréquentation de prostituées, mais il ne connaissait pas les finalités de ce drame.

Entre temps dans Londres débute une période de terreur. Des prostituées sont attaquées et tuées par un garçon-boucher malade mentalement. Il est arrêté mais ceci n’est que le prélude à d’autres assassinats envers ces pourvoyeuses de plaisir et de maladies.

 

Le lecteur se doute à un certain moment, je ne précise pas quand volontairement, de l’identité du coupable, du meurtrier des prostituées. Mais ce n’est pas le plus important de cette histoire, même si elle fait partie intégrante de l’intrigue.

Ce sont les préparatifs puis la mise en œuvre de la part de Crooke de l’installation des appareils destinés à capter il ne sait pas trop quoi au départ. Ce sont grâce à des réminiscences et des parcelles de vérité, de la part de Walter notamment, mais également des différents échanges verbaux avec Oscar Wilde et Henry James, que les fuligineuses apparitions vont se concrétiser.

René Reouven est plus précisément passionné par la littérature et l’histoire du XIXe siècle ayant pour décor l’Angleterre sous le règne de la Reine Victoria, et il nous restitue avec précision cette période. La présence de nombreux littérateurs de l’époque offre cette part de véracité qui imprègne la plupart de ses romans consacrés à ce thème si souvent exploité mais qui recèle toujours une part d’ombre.

L’auteur aborde également l’un des thèmes récurrents en littérature, populaire ou autre, celui de l’affrontement, pour ne pas dire plus, entre rationalistes et occultistes. L’aspect scientifique des uns pour servir l’aspect spirite des autres.

Et c’est cette dualité qui mène l’intrigue, tout en puisant dans l’univers littéraire de l’époque, et la confrontation du Bien et du Mal personnifié par le roman de Stevenson, L’étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde.

 

Réédition : Présence du fantastique N° 38. Editions Denoël. Parution janvier 1995.

Réédition : Présence du fantastique N° 38. Editions Denoël. Parution janvier 1995.

Dans le volume Crimes apocryphes 2. Collection Lune d’Encre N°71. Editions Denoël. Octobre 2005.

Dans le volume Crimes apocryphes 2. Collection Lune d’Encre N°71. Editions Denoël. Octobre 2005.

René REOUVEN : Les grandes profondeurs. Collection Présences. Editions Denoël. Parution août 1991. 240 pages.

ISBN : 2-207-23893-8

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26 août 2019 1 26 /08 /août /2019 04:19

Vous voulez lire du roman ? Lisez donc de l’histoire. Guizot.

Alexandre DUMAS : La fille du marquis.

Le 7 juin 1793, deux voitures à cheval sortent de Paris par la barrière de la Villette. Tout autant les entrées que les sorties sont soigneusement vérifiées, mais celui qui présente les papiers se fait rapidement reconnaitre et les hommes du poste ne font aucune difficulté à le laisser passer ainsi que ses compagnons.

Ce personnage est important. Il est connu sous le nom de monsieur de Paris. Sa fonction : bourreau. Parmi ses compagnons, un certain Léon Milcent qui doit rejoindre les volontaires en Champagne puis à Sarrelouis. Mais ce Léon Milcent n’est autre que Jacques Mérey, héros du précédent volume Le Docteur Mystérieux, qui est proscrit.

Jacques Merey, alias Léon Milcent se prétend sergent et c’est à la tête de volontaires qu’il se dirige vers Sainte-Menehould puis il se rend sur son ancien domaine à la frontière avec le Luxembourg puis à Trèves où il se présente comme proscrit. Il obtient de la part du bourgmestre un passeport pour se rendre à Vienne. Dans sa poche une lettre d’Eva, le nom qu’il a donné à Hélène de Chazelay, dans laquelle la jeune fille donne son adresse. Cette missive ne lui était pas adressée mais au Marquis de Chazelay, son père.

C’est la seule lettre qu’il possède mais elle figurait dans le dossier du marquis qui émigré est décédé. Jacques Merey n’a jamais reçu personnellement de courrier de la part d’Eva. Ce qui le chagrine fort. Et lorsqu’il arrive au domicile d’Eva, c’est pour apprendre qu’elle est partie depuis quelques jours. La tante qui la gardait, une vieille fille acariâtre et despotique venant de décéder. Alors n’ayant plus aucun but, et ignorant qu’Eva lui avait adressé de nombreuses lettres mais que celles-ci avaient été subtilisées par la tante et donc n’étaient jamais parvenues à leur destinataire.

Il décide dont de partir pour l’Amérique et revient quelques années plus tard. Le 19 février 1976 (le 30 pluviôse an IV) Jacques Merey assiste à une représentation de Pygmalion et Galatée donnée à l’occasion de la réouverture du théâtre Louvois. Il reconnait dans la loge de Barras, son Eva, et son sang ne fait qu’un tour. Malgré les supplications d’Eva il se détourne de la jeune fille qui ne peut placer un mot d’explications. Il a récupéré à Mayence les papiers du Marquis de Chazelay, dont une lettre de celui-ci autorisant le mariage de sa fille avec l’homme qui l’avait sauvée et éduquée.

Malgré cette lettre et les déclarations d’amour d’Eva, Jacques Merey se montre toujours froid et distant. Il n’a pas apprécié la voir en compagnie de Barras, réputé pour être un homme volage, accumulant les succès. Alors elle tente de se suicider en se jetant du pont des Tuileries mais n’écoutant que son cœur il la sauve de la noyade. Lors de la conversation, ou des explications qui s’ensuivent, Jacques Merey promet que les biens d’Hélène de Chazelay, alias Eva, seront soit vendus soit seront aménagés pour devenir un lieu d’accueil pour malades et pauvres. Eva désire retourner dans la petite maison d’Argenton et elle lui confie un manuscrit qu’elle a rédigé lors des événements qui ont suivi sa séparation d’avec le docteur et ses pérégrinations.

 

Ce manuscrit, qui débute le 14 août 1792, relate en plus de trois-cents pages les terribles épisodes de la Terreur et comment Eva parvint à échapper à la guillotine alors qu’elle aspirait de toutes ses forces à participer à un contingent de condamnés à mort.

De l’assassinat de Marat, puis sa rencontre avec Danton, son amitié lors de son emprisonnement à La Force avec Thérésia Cabarrus, la maîtresse de Tallien, ainsi qu’avec Joséphine Tascher de la Pagerie plus connus sous le nom de Joséphine de Beauharnais, la mort de Danton, puis celle de Robespierre dont elle n’est pas étrangère, c’est toute une page d’histoire qui défile devant les yeux du docteur Jacques Mérey.

Il découvre des pans de la vie quotidienne à Paris lors de cette période trouble et sanglante. Mais ces pages sont empreintes de la déclaration d’amour d’Eva à son encontre, des sentiments qu’elle confie à ces pages intimes.

Roman historique, avec les approximations de Dumas, ou celles des différents historiens qui se succédèrent pour décrire cette époque, chacun interprétant à sa façon, selon ses sentiments, les engagements des révolutionnaires, La fille du marquis est également un formidable roman d’amour.

Il est à noter qu’à cette époque, l’âge des jeunes filles n’était pas un frein à l’amour. En effet Eva, n’a que seize ou dix-sept ans, l’auteur se mélangeant parfois quelque peu les pédales dans le manuscrit, et pourtant ceci n’est pas un frein à l’amour qu’elle porte au docteur. Lui-même, malgré sa retenue entretenue par une jalousie consécutive à des interprétations erronées de sa part sur les agissements d’Eva, des malentendus, est amoureux mais il renie cet amour à cause de faits qu’il impute à la jeune fille alors qu’elle n’a jamais batifolé, au contraire de Thérésia Tallien, Joséphine de Beauharnais et bien d’autres, durant la période qui suivit la Terreur et fut synonyme de débauches.

 

Malgré des dialogues parfois grandiloquents, ce roman possède la force de narration et d’évocation dont Dumas se montrera le principal feuilletoniste du XIXe siècle. Ce qui semblerait aujourd’hui inconvenant, cet amour d’une gamine de seize ou dix-sept ans, est une oasis de fraîcheur dans une période trouble.

Les deux romans Le docteur Mystérieux et La fille du marquis constituent un ensemble connu également sous le titre Création et rédemption.

Contrairement à ce que j’affirmais dans mon article sur Le docteur mystérieux, le volume d’Archipoche ne comporte pas 240 pages, mais bien environ 500. Une fois encore je me suis laissé abuser par Amazon qui parfois induit dans l’erreur le visiteur de cette fausse librairie.

 

Réédition Archipoche. Parution 7 janvier 2015. 500 pages. 7,65€.

Réédition Archipoche. Parution 7 janvier 2015. 500 pages. 7,65€.

Alexandre DUMAS : La fille du marquis. Collection Bibliothèque Marabout géant N°261. Editions Gérard et Cie. Parution octobre 1966. 512 pages.

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22 août 2019 4 22 /08 /août /2019 03:50

Hommage à Michel de Decker, décédé le 17 août 2019.

Michel de DECKER : La bête noire du château de Jeufosse.

Veuve depuis dix ans du comte de Jeufosse, à quarante-cinq ans Elisabeth de Beauvais, son nom de jeune fille, est encore désirable. Elle vit seule en compagnie de sa fille Blanche, âgée de dix-huit ans, et de quelques domestiques dont Crepel le garde-chasse qui avait promis au comte agonisant de veiller sur le château et ses dames.

Les deux fils, Albert et Ernest, ont gagné la capitale et leur principale occupation est de bambocher, dilapidant les rentes familiales. Ernest surtout. Seulement il manque quelqu’un dans cette demeure mi-gentilhommière mi-forteresse, située à Saint-Aubin-sur-Gaillon, dans l’Eure, non loin d’Aubevoye. Une préceptrice pour Blanche, ou plutôt une institutrice comme l’aime à dire madame de Jeufosse.

Or Ernest rencontre par hasard Laurence Thouzery, jeune fille de vingt-cinq ans, fille d’un ancien sous-officier ayant servi sous les ordres du comte lorsqu’il commandait un régiment de cavalerie. Comme elle recherche du travail, tout naturellement Ernest lui propose la place d’institutrice auprès de Blanche. Laurence accepte et elle prend donc le train, la ligne Paris-Rouen, et est réceptionnée par Constant, le cocher de la comtesse, en gare d’Aubevoye. Heureux temps où les petites villes étaient desservies par les liaisons ferroviaires.

La comtesse de Jeufosse est favorablement impressionnée par la joliesse de Laurence. Blanche ne tarde pas à s’en faire une amie. D’ailleurs elles vont coucher dans la même lit, la chambre de Blanche donnant directement sur celle de madame de Jeufosse, et qui ne possède pas d’autres sorties. D’autre porte officielle, mais dans ces vieilles demeures, rien n’est moins sûr. Donc il faut passer par la chambre de la comtesse pour entrer dans celle de Blanche. Et inversement. Ce qui est fort pratique pour la comtesse lorsqu’elle est atteinte d’insomnie pour convier Laurence à la rejoindre nuitamment.

Mais d’autres personnes sont admiratives de la grâce et la beauté de Laurence. Les familiers du château de Jeufosse. Le cousin Léonce Odoard, quinquagénaire rougeaud et pansu, notaire, Joseph-Hyacinthe Tripet, châtelain et ancien diplomate, maître Huet, notaire à Gaillon, et madame, sans oublier le jeune Emile Guillot d’origine provençale, farceur et libertin malgré son mariage avec Renée de quelques années plus vieille que lui. Manque à cette assemblée de présentation, le jeune Edmond Pitte, séminariste promis à un bel avenir épiscopal.

Tous sont fascinés par Laurence qui ne ménage pas ses effets. Elle se montre même quelque peu aguicheuse envers Emile, même si elle semble choquée par un baiser posé sur l’oreille. Ou dans. Et elle aurait été vue dans la chapelle du château, agenouillée sur un prie-Dieu, la croupe flattée par la main vagabonde d’Emile. C’est Crepel qui a remarqué ce manège, mais Emile se défend de tout geste inconvenant, accusant même le garde-chasse d’avoir des idées mal placées. Mais il parait que Laurence aurait été aperçue en compagnie du séminariste dans une position fort peu religieuse. On, vecteur de rumeurs et de ragots.

 

Le soir, un individu joue du cor dans le parc, des cailloux sont lancés contre les vitres des fenêtres, un visage se profile, des incidents s’échelonnent, des lettres sont découvertes adressées à une jeune fille qui n’est pas désignée et non signées… On parle d’homme noir, de loup-garou, de bête noire… Mais les convictions sont faites. Il s’agit d’Emile Guillot qui jette la perturbation dans la demeure. Il s’y introduirait même. Certains détails le laissent penser.

Il paraîtrait même qu’il se vante de coucher avec Laurence, puis avec Blanche. Blanchette comme elle est surnommée. Et la comtesse n’en peut plus, elle demande avis à ses fils, à Crepel aussi. Au bout de quelques mois, elle décide de se débarrasser d’Emile et elle charge son garde de veiller dans le parc et de tirer sur l’importun. Ce qui est dit est fait et bien fait. Emile est abattu de coups de carabine.

 

Un procès s’ensuit et des avocats renommés bientôt vont s’affronter à la barre du tribunal d’Evreux. Crepel est le coupable idéal, avoué, mais il faut jauger la culpabilité de la comtesse et de ses fils dans ce qui est considéré comme un assassinat. Pourtant, elle s’était renseignée auparavant et les magistrats lui avaient spécifié que si un individu s’introduisait chez elle, elle pouvait en toute impunité tirer, ou charger un de ses domestiques de tirer sur l’importun. Et ce en toute légalité.

Michel de Decker relate cette affaire qui a défrayé les chroniques judiciaires en 1857, nombreux journalistes locaux ou provenant de la capitale, couvrant le procès.

Or le dossier s’avère complexe. Les nombreux témoins se rétractant, n’ayant rien vu, rien entendu, rien dit, ou au contraire chargeant soit la comtesse dont les relations avec Laurence étaient apparemment plus qu’amicales, à moins qu’il ne s’agisse que d’une banale affaire de gros sous, soit Laurence elle-même, soit Blanche qui aurait succombé au charme d’Emile mais n’est pas présente à la barre.

Les avis divergent et la loi est si bien faite qu’elle peut être interprétée selon le sens qu’on veut bien lui donner. Les avocats ont beau jeu d’accuser les uns ou les autres, d’autant qu’Emile, décédé, ne peut apporter sa version des faits.

Michel de Decker s’est inspiré de l’affaire de Jeufosse pour écrire ce court roman, les faits étant avérés, mais il a changé quelque peu le nom et l’âge de Laurence Thouzery.

Cette affaire qui fit grand bruit sert de base au concours de plaidoirie de l’académie de Rouen.

 

Michel de DECKER : La bête noire du château de Jeufosse. Collection Les énigmes policières de l’histoire N°7. Presses de la Cité. Parution le 02 janvier 1991. 192 pages.

ISBN : 9782285004546

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17 août 2019 6 17 /08 /août /2019 04:17

La suite du Capitaine Tempête et quelques interrogations sur l’auteur !

RICHARD-BESSIERE : Le retour du capitaine Tempête.

Quelques mois plus tard après les événements décrits dans Capitaine Tempête, début 1778, Bruce Anderson, accompagné de Catherine, rejoint Brest à bord du Sea Bird.

Il a à son bord des diplomates américains qui doivent en compagnie de Franklin, déjà arrivé à Paris, convaincre Louis XIV et à son ministre Vergennes de reconnaître l’indépendance des Etats-Unis. Un événement qui entraînerait d’autres pays, dont l’Espagne, à admettre cet état de fait, ne serait-ce que par haine de l’Angleterre. Bruce et ses compagnons Cachalot et O’Brien, ainsi que Catherine, sont reçus en triomphateurs à Brest et ils sont invités chez les Coedec. Seul Yves Coedec, toujours amoureux de Catherine et marié à Solange, ne participe pas à ces réjouissances. Il n’est pas d’accord avec son père et le fait savoir.

Bruce doit repartir vers Norfolk, son bâtiment chargé de munitions, seulement des marins sont atteints du scorbut et il doit renouveler une partie de l’équipage. Pendant ce temps à Londres, Lord Grégory Maxwell n’a pas dit son dernier mot et souhaite toujours non seulement unir Edgar à Catherine, mais s’emparer du capitaine Tempête. Il débarque à Brest et promet sa fille à Yves Coedec en échange d’un petit service. Le jeune homme doit fournir à Bruce des hommes dévoués aux Anglais en remplacement des matelots déficients.

Yves accepte et Bruce recrute en toute confiance les nouveaux membres. Seul l’un d’eux semble louche aux yeux d’O’Brien et Bruce le met à la raison. Yves est obligé d’embarquer avec eux, afin de remettre la cargaison en échange de denrées telles que tabac et café. Au cours du voyage, alors qu’Yves confesse sa félonie, la mutinerie s’enclenche. Bruce et ses hommes parviennent non sans mal à prendre le dessus. Les rebelles, ou ce qu’il en reste, sont balancés à la mer et Yves confié à la grâce de Dieu dans une barque avec quelques jours de vivres.

Parmi les mutins, une jeune femme nommée Gloria est graciée par le Capitaine. Elle voue une haine farouche depuis la mort de son frère, décédé lors de l’insurrection de Norfolk qui a permis la libération d’Anderson. Une violente tempête malmène le navire et les organismes des marins restants, détournant le Sea Bird de sa route. Englué dans les algues de la mer des Sargasses, Bruce tente par tous les moyens d’arracher son vaisseau des plantes marines qui prolifèrent plus vite qu’elles sont coupées.

Les rations sont diminuées afin de ne pas succomber à la disette. Un ouragan libère le navire et peu après Bruce et ses hommes aperçoivent parmi les nombreux navires qui errent depuis des décennies dans les eaux traîtresses, un ancien galion espagnol qui transportait un trésor aztèque. Bruce s’empare des coffres contenant objets de valeur, or et pierres précieuses afin d’alimenter la caisse des révolutionnaires américains. Anderson rencontre les membres du Congrès à Lancaster et leur impose ses conditions. Il veut que le trésor soit affecté à Washington et ses hommes et non à quelques magouilles quelles qu’elles soient. Le Congrès est obligé d’accepter et peu après Bruce rencontre le fameux général. Ensuite il rentre à Tomstown afin de préparer l’expédition du pactole. Le convoi aura lieu par terre, conduit par Cachalot, O’Brien et quelques autres, tandis qu’il sillonnera l’océan dans l’esprit d’attirer à lui l’armée anglaise. Pour ce faire il feint d’être attiré par le charme de Gloria, lui dévoile qu’il convoiera le trésor et la laisse s’échapper, persuadé que la réaction de la jeune femme sera de prévenir l’oppresseur. Tout se déroule sans encombre et Bruce regagne son havre de paix.

Lord Maxwell, toujours lui, n’a pas changé d’un iota dans ses idées. Et la présence de Gloria devenue la maîtresse de son fils va lui donner une idée. Un jour Bruce reçoit à son bord un émissaire du Lord lui indiquant que Maxwell désire une entrevue, ses sentiments à l’égard du pirate ayant radicalement changé. Catherine est circonspecte mais Bruce néanmoins accepte. C’était un piège et Bruce est fait prisonnier et dans la foulée un prêtre uni Edgar à Catherine qui n’en peut mais. Quelques mois plus tard, Cachalot et O’Brien qui ont connu bien des vicissitudes et des aventures maritimes depuis la capture de leur capitaine préféré, échouent près de Savannah, recueillis par une famille de pêcheurs. Ils y retrouvent par hasard Yves Coedec qui n’a pas péri en mer comme ils le pensaient mais a connu lui aussi pas mal de tribulations. Il fait partie de l’escadre de l’amiral d’Estaing et dorénavant se fait appeler Charles Baron.

Personne ne sait qu’il est vivant. Il doit évaluer les canons et batteries qui protègent Savannah, afin que l’amiral puisse s’emparer du port. Mais les autorités de Savannah connaissent les projets de l’amiral et la défense est acharnée. Coedec et ses amis Cachalot et O’Brien sont surpris par des soldats anglais alors qu’ils étaient cachés dans une grange. Ils sont menés devant un conseil de guerre expéditif. Ils s’attendent à être pendus ou fouettés jusqu’au sang, mais heureusement pour eux, une bonne fée veille en la forme de Gloria. La farouche adversaire des patriotes fait libérer les trois hommes, répondant d’eux. Elle rumine sa vengeance à l’encontre d’Edgar et dévoile sur l’oreiller à Yves où résident les nouveaux mariés : New York.

 

Placé sous le signe des trois A, Amour, Action, Aventures, Capitaine Tempête et Le retour du capitaine Tempête nous proposent un épisode glorieux pour la France, l’émancipation des Etats-Unis. Un esprit d’autonomie, d’indépendance flotte sur la nation, pardon sur le royaume français, avec le désir avoué surtout contrarier et même combattre l’hégémonie anglaise sur les mers et par conséquence sur terre. Evidemment, les armes et munitions ne sont pas fournies gratuitement aux insurgés. En contrepartie ceux-ci doivent alimenter les besoins de nos ancêtres en tabac et en café.

Reconnaissez qu’aujourd’hui s’élèvent de nombreuses divergences quant à la suprématie américaine qui alors était inexistante et à ce goût de luxe cancérigène actuellement prohibé concernant l’herbe à Nicot. Mais n’entrons point dans de douloureuses polémiques et restons dans le contexte historique de l’époque, c’est à dire fin des années 1770 début 1780.

La France donc, par le biais de Beaumarchais entretient des relations privilégiées avec les révoltés américains, qui rappelons le forment déjà une fédération composée de treize états, et qui sont aidés dans leur démarche libératrice envers le joug anglais par de jeunes généraux comme Rochambeau et Lafayette, lequel réglait la solde de son armée avec ses propres deniers. Quelques années plus tard la Révolution éclatait, la royauté aussi, et tout doucement les Etats-Unis s’unifiaient. Une période faste, entre autres, pour exacerber l’esprit aventureux des hommes (et des femmes) épris de liberté dans un monde en mouvement à la recherche d’une nouvelle façon de vivre, d’exister. La Liberté éclairant le Nouveau Monde émanera donc à plusieurs titres, et sous de multiples formes, de la France mais il ne faut pas pourtant se cacher la face. Il s’agit bien de revanche, de compétition, envers un autre état dominant. La rivalité s’exerçant outre mer, à l’Occident, du Canada jusqu’en Louisiane.

Mais je m’éloigne car Richard-Bessière ne fait qu’écrire une page d’histoire mettant en valeur certes un corsaire, d’où les titres des deux volumes, mais surtout, et cela est quasiment occulté par justement les intitulés des romans, la volonté, le courage, l’esprit de décision, le sang-froid, l’énergie qui se dégagent d’une jeune femme. Catherine Lagrange restera une figure inoubliable par sa grâce, sa vitalité, son dynamisme, sa candeur parfois, sa beauté, sa grâce émouvante, sa fidélité à un homme, à un idéal, son abnégation. Si vous voulez en rajouter, vous pouvez.

 

RICHARD-BESSIERE : Le retour du capitaine Tempête.

Au fait, j’allais oublier de vous signaler que ces deux romans signés Richard-Bessière ne sont que des rééditions au Fleuve Noir, sans mention d’une première édition, et qu’ils avaient paru en 1953 et 1954 aux éditions André Martel sous les titres respectifs de Pour le meilleur et pour le pire et Capitaine Tempête, et signées Ralph Anderson.

Comme on peut s’en rendre compte le titre du premier volume a donc été changé lors de sa réédition reprenant tout simplement celui du deuxième tome de l’édition originale. Les couvertures étaient signées Jef de Wulf et Gourdon s’en inspirera pour la réédition au Fleuve Noir. Elles seront plus épurées et le graphisme amélioré mais l’esprit est le même.

Or, un mystère cependant demeure. Ces romans sont-ils vraiment de Richard Bessière ? Selon certains Ralph Anderson serait le pseudonyme conjoint de Richard Bessière et François Richard, alors directeur de collection au Fleuve Noir et qui ont signé les premiers Anticipation de Bessières sous le nom de Francis Richard-Bessières. Mais dans un courrier échangé avec Bessière, celui-ci ne m’a jamais indiqué cette première édition, ni ce pseudonyme.

Alors que penser ? Que son père serait éventuellement l’auteur des deux romans et que lui-même les aurait fait rééditer par la suite sous son nom ? Ensuite pourquoi publier ces deux romans initialement chez Martel puisque la collection Grands Romans était en gestation et a démarrée fin 1954.

D’ailleurs de très nombreux points d’interrogation sont toujours en suspend concernant les premiers romans de Bessière et sa collaboration avec François Richard, collaboration qu’il a toujours nié. En effet il argue du fait que c’est son père qui signa le contrat le liant au Fleuve Noir sous la houlette de François Richard, dont il était un ami, ne pouvant le faire lui-même car il était mineur. Or, comme chacun sait, Bessière est né en 1923 donc en 1951, date de la parution de Les Conquérants de l’Univers, premier volume de la collection Anticipation, Bessière était âgé de 28 ans et donc pouvait voler de ses propres ailes.

Mais il a toujours entretenu l’ambigüité concernant ce pseudonyme de F. Richard-Bessière ainsi que celui F.H. Ribes en affirmant qu’il s’agissait de ses propres initiales et agglutination de ses prénoms et nom.

F. Richard-Bessière puis Richard-Bessière pour Anticipation et F.R. Ribes peuvent très bien se décliner ainsi :

Pour F. Richard-Bessière et Richard-Bessière : François Richard et Henri Bessière. Pour F.R. Ribes : François et Richard, puis Richard pour RI et BES pour Bessière.

Mais dans tous les cas, il a toujours affirmé qu’il s’agissait d’une seule et unique personne, lui, rédigeant ces romans, avançant qu’il se prénommait François Henri Michel Bessière. Or, ce prénom de François ne figure pas à l’état-civil. Mais comme selon lui, on l’aurait toujours appelé François chez lui, pourquoi se gêner…

Selon la revue Lunatique n°27, de mars 1967, les premiers romans Anticipation auraient été rédigés en collaboration avec Bessière père et dateraient de 1941 !

Tout ceci est bien trouble et troublant n’est-ce pas ?

 

Cet article et Capitaine Tempête ont fait l’objet d’une publication, quelque peu différente dans l’ouvrage Richard-Bessière, une route semée d’étoiles paru en 2005 aux éditions L’œil du Sphinx.

RICHARD-BESSIERE : Le retour du capitaine Tempête. Collection Grands Romans. Editions Fleuve Noir. Parution décembre 1970.

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16 août 2019 5 16 /08 /août /2019 04:49

Comme un ouragan …

RICHARD-BESSIERE : Capitaine Tempête.

Catherine Lagrange, un peu plus de seize ans, orpheline – son père est inconnu et sa mère est décédée quelques mois après sa naissance - est élevée dans un couvent situé entre Brest et Morlaix. Tout en acquérant une instruction assez poussée, elle participe aux activités domestiques, n’étant pas comme ses condisciples une riche héritière. C’est ainsi qu’en compagnie du père Mathieu, l’homme à tout faire du couvent, elle se rend à Brest afin d’effectuer quelques emplettes nécessaires à la vie scolaire. Elle y fait la connaissance d’Yves Coedec, d’une manière fugitive mais prépondérante.

Quelque temps plus tard elle surprend une conversation entre un homme et Sœur Marthe, qui dirige le couvent. Une âpre discussion oppose Sœur Marthe à Lord Maxwell. Celui-ci prétend récupérer sa fille Catherine afin de lui faire épouser son neveu, sous un prétexte bassement matériel. Il est le fondateur et le président d’une société d’exportation et d’importation maritime l’Indian Pacific, et acculé à la faillite il n’a d’autres ressources que d’organiser cette union susceptible de le renflouer. Sœur Marthe réserve sa réponse mais Catherine refuse de rencontrer cet homme, dont elle ignore l’identité.

La jeune fille décide de quitter le couvent et se rend à Brest. Elle se fait embaucher comme dame de compagnie chez les Coedec, retrouvant avec plaisir Yves dont les fiançailles avec Solange sont imminentes. Riche armateur, Coedec père entretient avec les opposants américains qui fomentent la guerre d’Indépendance, des relations étroites et plus particulièrement avec Bruce Anderson, surnommé le Capitaine Tempête. Il envisage d’affréter des navires dont la cargaison serait constituée d’armes afin d’aider les rebelles dans leur combat contre le roi d’Angleterre George III, avec l’aval de ministres de Louis XVI et d’hommes politiques dont Beaumarchais.

Lors d’une promenade dans la campagne bretonne, Yves se montre un peu trop entreprenant auprès de Catherine qui le remet à sa place. Elle le considérait simplement comme un frère et son geste déplacé la choque. Mais elle continue à le considérer comme un ami. Le secrétaire et confident de Lord Maxwell, William Ferraby, a retrouvé la trace de Catherine et il tente de convaincre celle-ci de rejoindre son père. Si elle n’obtempère pas, il dévoilera aux Coedec sa véritable identité lesquels penseront immédiatement avoir recueilli une intrigante.

Déboussolée, la jeune fille erre dans Brest. Elle tombe nez à nez avec le père Mathieu et lui narre ses malheurs. Il assure à sa protégée que tout va s’arranger. Il donne rendez-vous à Ferraby et l’assassine, presque malgré lui. Regagnant le couvent sa carriole se renverse et le père Mathieu décède dans l’accident. Pendant ce temps Bruce Anderson débarque chez ses amis les Coedec. Il veut connaître les projets de Maxwell sur un éventuel blocus de la part des Anglais. Pour cela il faudrait que quelqu’un rejoigne Plymouth où Shannon, un de ses agents, est établi. Catherine, en dette envers Anderson, se propose, puisqu’elle maîtrise parfaitement l’anglais, d’effectuer cette mission. Arrivée sur place, le 1er janvier 1776, elle contacte immédiatement Shannon. Mais il est à la solde de Lord Maxwell qui séquestre aussitôt la jeune femme.

Dix-huit mois plus tard, Bruce Anderson arraisonne près des côtes américaines un bâtiment anglais. Parmi les passagers, Catherine et sa gouvernante, miss Hawkins, véritable cerbère qui la surveille nuit et jours. Bruce n’a pas digéré l’échec de Plymouth. Il croit en toute logique que Catherine les a grugé lui et les Coedec. Elle a beau essayer de lui raconter son histoire, il ne veut pas l’entendre, d’autant que Shannon a été retrouvé mort peu de temps après l’arrivée de la jeune fille en terre anglaise.

Cachalot, le maître canonnier ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine sympathie envers la prisonnière. Les deux femmes et quelques soldats rescapés sont débarqués sur les côtes de la Virginie, non loin de Norfolk. C’est ainsi que Catherine, se retrouve malgré elle chez son oncle, le gouverneur de la Virginie Lord Maxwell, et son cousin Edgar, le futur promis. Bruce Anderson apprend de source sûre par le capitaine Berthier, envoyé par Coedec, que Shannon était un traître à leur cause. Aussitôt il organise la libération de Catherine, le jour même où elle devait se marier avec Edgar.

La jeune fille est mise en sûreté dans un ranch, non loin de Tomstown où mouille le Sea Bird, le navire d’Anderson, appartenant à Dolorès, la maîtresse du corsaire. Mais Catherine est amoureuse du fringant Bruce et comme c’est réciproque, il n’en faut pas plus pour que s’accomplisse un rapprochement au grand dam de Dolorès. Le gouverneur Maxwell fait répandre le bruit que le Sea Bird a été pris en chasse par la flotte anglaise, coulé et que de nombreux membres de l’équipage sont dans les geôles de Norfolk. Aussitôt Anderson décide de se rendre dans la capitale de la Virginie mais heureusement, O’Brien, le second du navire, Cachalot et John Smith se lancent à la rescousse.

A eux quatre ils mettent en déroute l’armée qui attendait de pied ferme le corsaire et ils retournent au ranch. Seulement Maxwell connaît pratiquement le lieu de leur refuge et des militaires anglais campent dans la région. Tandis qu’Anderson et d’autres corsaires vont à l’encontre de la flotte de Coedec afin de les protéger des attaques maritimes anglaises, la pauvre Catherine n’est pas au bout de ses avatars. Dolorès, rongée par la jalousie, la dénonce au représentant du gouverneur et Catherine est à nouveau enfermée dans le palais gouvernemental de Norfolk. Bruce, sa mission terminée rentre au ranch mais il est capturé lui aussi par les Anglais. Dolorès se rend compte qu’elle a fait une grosse bêtise et elle veut se racheter.

Pendant ce temps Catherine, mise au courant de la situation par son futur beau-père passe à l’acte. Elle s’échappe du palais, obligeant Edgar à la suivre et confie son otage à des rebelles américains. Dolorès tente de délivrer Bruce mais la relève de la garde empêche son projet. Elle est mortellement blessée et Bruce comparaît devant une mascarade de tribunal. Catherine a alerté Cachalot et O’Brien et elle débarque en compagnie des corsaires dans le port de Norfolk. Alors qu’il allait être pendu haut et court Bruce rue dans les brancards tandis que les insurgés se ruent sur les portes du palais. Un duel oppose le gouverneur à Bruce. Maxwell est mortellement blessé, et son fils Edgar a réussi à filer à l’anglaise.

Bruce peut enfin filer le parfait amour avec Catherine après avoir recueilli les derniers mots de repentance de la part de Dolorès. Fin du premier tome sur ces phrases qui semblent définitives : Ils se retrouvèrent sur la grande terrasse dominant la mer. Devant eux, sur les flots ensoleillés, se balançait le Sea Bird toutes voiles dehors… Ces grandes voiles gonflées de vent et d’espoir… d’amour et de liberté !

 

A première vue, et en se fiant au titre, le lecteur pourrait penser que ce roman serait entièrement dédié à l’héroïsme masculin, le héros bravant mille et un dangers. Si en partie ce souhait est réalisé, il convient toutefois mettre en avant le personnage de Catherine, dont on sait seulement qu’elle est issue des amours adultères d’un Lord anglais et d’une mère probablement de souche plébéienne. Catherine se montre dès sa prime adolescence comme une jeune fille courageuse, aussi bien en action qu’en parole, la force de caractère dont elle est pétrie étant transcendée plus tard par l’amour et son corollaire, la haine.

Ainsi elle gifle l’une de ses condisciples, riche héritière, qui, l’odieuse, la traite de bâtarde. Sœur Marthe comprend la rébellion de la jeune Catherine mais elle ne peut supporter que deux de ses pensionnaires se chicanent, même si le geste de Catherine est compréhensible. Elle demande donc aux deux adolescentes de se réconcilier.

Catherine rêve de découvrir la mer et reproduit sur des toiles sa passion, peignant des voiliers. Mais ses connaissances maritimes sont nettement moins étendues que celles de Melle de Bretteuse. Celle-ci jette un coup d’œil indifférent sur les dessins de Catherine et persifle : “ Très drôle, mon amie, mais je crois que vous avez tort d’essayer de reproduire quelques chose que vous n’avez jamais vu ”. A quoi Catherine, sans se démonter, réplique : “ Vous semblez oublier, ma chère, que nombre de peintres de talent ont maintes et maintes fois représenté le ciel, le purgatoire et l’enfer. Vous pensez sans doute qu’ils ont eu l’occasion de les visiter ? ”.

Cette force de caractère, Catherine aura l’occasion de la mettre en valeur aussi bien dans ses relations avec Yves Coedec, que dans ses engagements au côté de Bruce Anderson. Elle se révèlera même décisive dans ses interventions, usant non de ses charmes mais de son courage. Elle n’est pas vénale, contrairement à une autre figure de proue féminine du roman, Dolorès. Car la Métisse, comme elle est surnommée, cédant à la jalousie perd l’homme qu’elle aime et malgré ses remords, elle ne pourra survivre à ses trahisons. Catherine la blonde et Dolorès, la brune, deux entités qui se confrontent incarnant le Bien et le Mal.

Sans s’appesantir sur les descriptions physiques et morales des divers protagonistes de ce roman, ce qui évidemment pourrait être intéressant en soi mais alourdirait cet article, penchons nous sur une figure connue : Pierre Augustin Caron de Beaumarchais. Si aujourd’hui il est plus connu comme homme de théâtre, auteur entre autre du Barbier de Séville, Beaumarchais se montra particulièrement actif en faveur des patriotes, des indépendantistes américains.

Richard-Bessière le décrit ainsi : …Malgré ses quarante trois ans bien sonnés, (il) était un homme extrêmement actif qui donnait l’impression d’une perpétuelle jeunesse. Très sympathique, parlant un langage direct, son talent d’écrivain et ses succès littéraires faisaient de lui un homme de premier plan. Mais si Beaumarchais devait un jour être connu surtout comme auteur dramatique, il était principalement un intrigant aimant l’aventure, et qui n’hésitait pas à faire preuve de la plus grande désinvolture quant aux expédients à employer. Le trait le plus saillant de son caractère résidait dans son amour insensé de la liberté. De là à aimer puis à essayer de favoriser le mouvement de révolte américain, il n’y avait qu’un simple pas qu’il n’avait pas hésité à franchir lorsqu’il avait fait la connaissance à Londres d’Arthur Lee. Certains le représentaient comme un aventurier de profession, alors que Caron de Beaumarchais était tout au plus un exalté qui se donnait corps et âme à ses sentiments du moment.

D’autres personnages historiques font de brèves apparitions ou sont simplement nommés, comme par exemple La Fayette, mais c’est pour mieux transposer la fiction dans la réalité.

Demain, suite avec le second volume de cette passionnante histoire.

 

 

RICHARD-BESSIERE : Capitaine Tempête. Collection Grands Romans. Editions Fleuve Noir. Parution juillet 1969.

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2 août 2019 5 02 /08 /août /2019 07:59
C’est au mois d’août qu’on met les bouts
Qu’on fait les fous…
Viviane JANOUIN-BENANTI : Le meurtrier du mois d’août.
Humble campagnard vivant dans une cabane avec sa femme et ses deux enfants, Marseil et Hélène, Charles Saboureau, qui cherche du travail loin de chez lui, est arrêté pour vagabondage en compagnie de son fils.
Accusé en plus de chapardage de poules et de fruits, il est condamné au bagne de Brest pour une période de cinq ans. Marseil, treize ans, est interné dans une maison de correction dans la forêt de Chizé, d’où il ne pourra sortir qu’à l’âge de vingt ans. Hélène, six ans, est placée dans un couvent des carmélites à Niort jusqu’à ses vingt-deux ans. La mère reste libre.
Commence pour Marseil une longue période de brimades, d’affronts, de persécutions, de malnutrition. Les gardiens, d’anciens détenus, ne se privent pas de leur infliger coups de poings et de pieds. Seul Morin, qui ne participe pas à ces corrections mais ne les désavoue pas non plus, prend Marseil sous sa coupe. Fini les corvées de bois. Le gamin soigne les chevaux et conduit l’attelage.
Peu à peu Morin montre des signes évidents d’affection jusqu’au jour où il viole Marseil dans l’écurie. L’adolescent ne dit rien, ne sachant faire la part du Bien et du Mal. Puis Morin tourne ses penchants vers un nouveau, Georges, et Marseil est relégué.
Un soir Marseil abat froidement leur bourreau et traîne le corps dans un fourré. Le juge pense que Marseil pourrait être le meurtrier mais sans preuve, l’affaire est close. Dès ses vingt ans, Marseil est libéré et rend visite à ses parents à Niort qui vivent péniblement dans une cave. Il part pour l’armée et au bout de deux ans revient au pays. Il trouve une place de commis dans une ferme tenue par une veuve autoritaire, despotique.
A part sa sœur Hélène à laquelle il rend visite dans son couvent, Marseil fuit le contact des femmes. Il ne s’intéresse qu’aux petites filles, préférant leurs airs plus sages. Il commence par devenir exhibitionniste, puis s’éprend de la petite Marie, douze ans. La gamine effarouchée se laisse apprivoiser mais lorsqu’il veut se montrer plus entreprenant elle se cabre. Alors il la tue et la cache dans un fourré.
Il participe avec les autres paysans du village aux recherches et découvre le cadavre. Des Roms vivant non loin sont d’abord accusés mais peu à peu les villageois trouvent étrange l’attitude de Marseil. Il est emprisonné à Niort et le juge devant lequel il comparaît tente en vain de le faire avouer.

 

Curieux destin que celui de Marseil Saboureau dont la vie se résume en quelques dates : été 1877, assassinat d’un gardien de la maison de correction où il est enfermé, puis août 1885, il devient l’infanticide d’une gamine de 12 ans, et en août 1894, fratricide.

Serait-il devenu ainsi s’il n’avait pas été enfermé dans ce pensionnat particulier, s’il n’avait pas été violé ? Nul ne peut l’affirmer, mais il est évident que les brimades et mauvais traitements dont il a fait l’objet n’ont guère arrangé son mental et peut-être développé ses pulsions.

Viviane Janouin-Benanti, puisant à partir de faits réels, propose non une simple relation des évènements mais apporte une touche romancée, s’attachant à donner vie à ce meurtrier, à tenter de le comprendre sans pour autant le juger.

Un roman agréable à lire tout autant pour l’histoire que pour la restitution d’une époque.

Première édition : Collection Crimes & Mystères. Editions Cheminements.

Première édition : Collection Crimes & Mystères. Editions Cheminements.

Viviane JANOUIN-BENANTI : Le meurtrier du mois d’août. Collection Romans criminels. 3E éditions. Parution 5 mai 2017. 302 pages. 10,00€.

ISBN : 979-1095826750

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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