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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 04:28

Une information chasse l’autre, et le voile de l’oubli tombe dessus inexorablement.

Gérard STREIFF : September. Crime d’états.

Qui se souvient de l’assassinat de Dulcie September le 29 mars 1988 ? Qui se souvient d’ailleurs de Dulcie September, hormis quelques communes qui ont donné son nom à des places, des rues, des établissements publics ?

Chloé Bourgeade s’est reconvertie comme détective privée pour l’agence le Sémaphore, dirigée de main de maître par Marike Créa’h. Deux autres détectives, masculins, complètent l’effectif de l’agence. Des missions lui sont confiées et elle s’en sort toujours à son avantage, ce qui n’est pas étonnant car elle est opiniâtre, réfléchie, rapide et servie par une intelligence qui a déjà fait ses preuves lorsqu’elle était pigiste pour Bergeron et sa revue Les Papiers Nickelés. Plus quelques autres qualités qu’il serait trop long à énumérer ici.

Elle vit toujours dans la péniche l’Andante, mais elle n’est plus seule. Son ami Racine, ex-libraire reconverti comme historien auprès de la capitainerie du port de l’Arsenal, non loin de la Bastille et du canal Saint-Martin, s’y est installé. Mais s’ils se retrouvent de temps à autre dans le même lit, ils possèdent chacun leur chambre, leur cabine plutôt. Ils préservent leur liberté et leur tranquillité.

Racine ne prend pas racine sur la péniche. Il bouge beaucoup, entretient de nouvelles relations avec les autres mariniers, dont un certain Joseph W., un septuagénaire qui pourrait être Hollandais. C’est un peu court comme nom, mais c’est ce qu’il a fourni à la capitainerie, et il aurait bossé à la Scorarm. Chloé éclaire sa lanterne, car la Scorarm est une entreprise basée sur tout un étage de l’Ambassade de l’Afrique du Sud, et donc il se pourrait que ce monsieur W. soit un commercial spécialisé dans la vente d’armes.

Racine remarque un attroupement auprès de l’Uranus, le magnifique yacht de monsieur W. Le commissaire du quartier est là et il apprend à Racine que le navigateur en eaux troubles vient de se faire abattre de cinq balles dans la tête. Un peu plus tard, l’ancien libraire se prend de bec avec un individu qui désire parler à ce mystérieux monsieur W. Alors il enquête en compagnie du commissaire, lequel ne lui cache pas qu’il le soupçonne, on ne sait jamais, et s’incruste sur l’Andante, subjugué par Chloé. Au grand dam de Racine qui sent une pointe de jalousie lui perforer le cœur.

Chloé aussi se met de la partie, en dilettante ou presque, malgré les nombreuses enquêtes dont elle est chargée par sa patronne. Et comme enfin l’identité de Monsieur W. est découverte et que d’autres événements dramatiques se profilent à l’horizon, le mystère s’épaissit, gagnant en intensité.

 

Ce nouvel opus des enquêtes de Chloé Bourgeade, met en relief l’assassinat de Dulcie September, apportant des éléments de réponse à une enquête qui fut rapidement mise sous le boisseau de la part des politiques de l’époque. Mitterrand avait plus à faire avec les élections présidentielles proches et une réélection à la clé.

Cette histoire est émaillée de nombreuses anecdotes qui tournent autour de diverses affaires, des pans de l’histoire de Paris et du port de l’Arsenal, des épisodes non dénuées d’intérêt même si l’on a l’impression que l’auteur joue sur les digressions.

Mais Gérard Streiff n’oublie pas non plus de prendre pour patronyme de ses personnages, celui de personnes existantes ou ayant existé, et certains se reconnaitront, dont un copain qui se prénomme Jean-Noël, et qui est journaliste à Ouest-France. Seul le lieu où il est affecté diffère de la réalité. Et Gérard Streiff n’oublie pas d’entourer son intrigue de notes d’humour, ce qui n’enlève en rien la gravité de l’enquête d’un épisode du passé, passé sous silence.

Les échanges entre Racine et le commissaire Dargenta ne manquent pas de sel comme en témoigne la citation suivante :

 

Le polar ? Bof. Je suis du métier, pourtant, mais c’est bien simple, je n’en lis jamais. Vous savez d’ailleurs ce qu’en disait Paul Claudel : Le roman policier s’adresse aux couches les plus basses de la société. Je suis assez d’accord.

Pauvre Claudel. Remarquez, il en connait un brin en polar avec ce qu’il a fait subir à sa pauvre sœur Camille. Mais passons. Citation pour citation, je préfère celle de Cavanna : J’aime le polar parce que j’aime le roman et que le vrai roman ne se trouve plus guère que dans le polar.

 

Certains hommes politiques, même ceux hauts placés, devraient réfléchir à cette répartie signée Cavanna.

 

Pour en savoir plus sur Dulcie September, cliquez sur le lien ci-dessous :

Retrouvez Chloé dans la chronique ci-dessous :

Gérard STREIFF : September. Crime d’états. Editions La Déviation. Parution le 13 mars 2020. 128 pages. 12,00€.

ISBN : 979-1096373307

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8 avril 2020 3 08 /04 /avril /2020 04:53

Les morts revivent… Mais les vivants en meurent

Patrick SVENN : Le fantôme aveugle.

Réfugiée (confinée ?) en Dordogne à cause de la guerre, Sabine de Brignac n’a pas reçu de nouvelles de son mari Jean, resté à Paris, depuis sept mois.

Alors en ce mois d’octobre 1944, elle décide rentrer chez elle à Passy en compagnie de son amie Geneviève. Arrivée devant l’immeuble, un héritage familial de Jean, dont ils jouissent du rez-de-chaussée et du premier étage, un escalier intérieur leur permettant de passer d’un étage à l’autre, Sabine s’enquiert de Jean auprès d’Annonciade, la concierge qui leur sert également de servante.

D’après Annonciade, elle n’aurait pas vu Jean depuis le 21 mars au soir. Elle était dans sa loge de concierge quand un homme est entré dans l’appartement. Elle a entendu du bruit, des cris, et surtout ces mots qui la révulsèrent : Non pas les yeux, pas les yeux !

Paris était sous la domination allemande et elle n’avait pas osé appeler la police. Sabine s’enquiert auprès de Martin Coutureau, un ami commun à elle et à Jean, afin de savoir s’il peut apporter des précisions. Martin, qui fut amoureux de Sabine, laquelle lui avait préféré Jean, affirme avoir accompagné Jean à la gare le 22 mars.

Et le soir, la nuit, elle ressent comme une présence. Des déplacements furtifs qui se produisent dans sa chambre, près d’elle. La lumière s’éteint sans qu’elle ait actionné l’interrupteur, comme s’il y avait des délestages, et surtout elle retrouve sur un guéridon un camée qui était enfermé dans une boîte à bijoux. Elle a beau le replacer dans sa cache, le lendemain matin, il est à nouveau sorti de son coffret. Un camée bague que lui avait offert Jean quelques années auparavant avant la guerre.

Elle établit la liste de tous ceux qu’ils fréquentaient avant qu’elle se réfugie en Dordogne. Après avoir éliminé les membres de la famille, ne restent que trois noms. Trois hommes avec lesquels Jean avait de nombreux contacts mais qui ne se connaissent par forcément. Parmi eux un trafiquant au marché noir. Tous sont dissemblables physiquement et moralement. Et avec Geneviève, elle organise un repas préparé par Annonciade, afin de les réunir. Seul Martin se récuse, arguant son emploi à la Préfecture qui lui prend beaucoup de temps.

Mais cette réunion ne donne rien. Et dans le jardin particulier, elle découvre un endroit caché où fleurissent encore quelques géraniums. Annonciade avoue que sous terre gît le cadavre de Jean.

 

Un roman de pure angoisse, étouffant, à la limite du fantastique, ancré résolument quelques semaines après la période de la Libération de Paris. Les restrictions sont imposées, malgré tout Sabine et Geneviève, qui ne sont pas démunies d’argent, parviennent à organiser des repas. Et l’un des camarades de Jean se charge de leur fournir le cas échéant les vivres nécessaires. Le rôle de Jean n’est pas très bien défini mais il aurait œuvré dans la Résistance, et il n’est pas exclu que la Gestapo se serait amené un soir pour l’arrêter.

Seulement, ce ne peut qu’être un soupçon éphémère, les Nazis ne prenant guère de gants pour s’emparer de ceux qui côtoyaient de près ou de loin les Résistants, et ce n’était pas dans leur habitude de torturer sur place.

Alors les soupçons se portent sur une vengeance. Mais à l’encontre de qui, et pourquoi ?

Le lecteur se doute de l’identité du suspect, voire du coupable, mais ce n’est pas tant ce qui importe. C’est cette atmosphère d’angoisse étouffante, prégnante, ces déplacements d’objets, ces sensations de frôler une personne invisible, comme un fantôme, qui imprègnent de façon insidieuse le récit.

La tension grimpe au fur et à mesure que les jours, et les pages, passent, et le dénouement est à la hauteur du récit.

Patrick Svenn, auteur de trois romans dans cette collection naissante, est considéré par certains comme un pseudonyme de Frédéric Dard. Je n’ai pas retrouvé la patte de celui qui signait en même temps sous l’alias de San-Antonio. Par deux fois, la Savoie est évoquée, mais cela ne suffit pas à faire endosser à Frédéric Dard la paternité de ce roman.

Patrick SVENN : Le fantôme aveugle. Collection Angoisse N°8. Editions Fleuve Noir. Parution 2e trimestre 1955. 224 pages.

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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 03:11

Mais ce n’est pas du cinéma…

Gérard STREIFF : Napalm d’or. Les enquêtes de Chloé Bourgeade.

Chargée par son rédacteur en chef, Bergeron, de rédiger un dossier intitulé La communauté US, réseaux et filières pour Les Papiers Nickelés, la revue pour laquelle elle est pigiste, Chloé Bourgeade lit par hasard un article relatant l’agression d’un Américain à l’Hôtel California.

Ernest Médina était un armurier, un marchand d’armes, et il participait à un dîner organisé lors du Salon Mondial de la Sécurité. Dans les toilettes il avait été agressé par un individu qui lui avait jeté à la tête une sorte de bombe incendiaire. Depuis il est mal en point et il n’est pas sûr qu’il en réchappe. Dans son casier, un petit mot ne comportant que ces deux mots : From Mowgli.

Chloé en fait part à son ami Racine, libraire-expert qui revient de Bruxelles pour le compte de la BNF, lui apprenant qu’elle a déjà entamé ses recherches pour la rédaction de son dossier et que son patron fut marié, il y a déjà un bon bout de temps à Angela Capra, une Américaine reporter indépendante. Et Chloé a décidé de rencontrer cette pointure du journalisme pour récolter des informations de première main.

Or l’entretien dont se réjouissait Chloé tourne court. En effet Angela Capra est retrouvé morte dans la Cathédrale de la Sainte-Trinité, une église américaine (orthodoxe) sise non loin du Georges V. Chloé glane d’autres informations dont le nom du produit qui aurait été balancé sur la tête d’Ernest Médina.

Le restaurant où ils ont pris l’habitude de se retrouver pour déjeuner est tenu par une Asiatique du nom de Cao, et au cours de la conversation ils apprennent que le mari de celle-ci s’est évaporé. Cao est inquiète d’autant qu’Emile Touchet, son mari, est en réalité un déserteur américain, ayant participé à la guerre du Vietnam. Il s’est forgé une identité française et depuis il siégeait en cuisine dans une relative tranquillité.

 

Dans cette histoire, Gérard Streiff place çà et là des références cinématographiques et littéraires, sous l’aile tutélaire d’Ernest Hemingway, et bon nombre de ses personnages sont principalement dotés de noms de personnalités américaines connues et celui d’Angela Capra n’est pas innocent puisqu’on peut le rapprocher d’Angela Davis, de Frank Capra et de Robert Capa.

Mais l’actualité est toujours présente et nous retrouvons les figures emblématiques, à des degrés divers, de Kissinger à la réputation sulfureuse ou le jazzman Archie Shepp. Mais ce qui prédomine en arrière-fond c’est la guerre du Vietnam, d’où le titre, et l’organisme américain dépendant du département de la Défense des Etats-Unis, la NSA, et dont les activités débordent largement du cadre qui lui imparti, pillant sans vergogne les données informatiques des pays et des particuliers, des agissements dénoncés par Edward Snowden.

L’intrigue repose pour beaucoup sur le hasard et les coïncidences, mais cela n’est pas gênant, seul le propos étant de pointer le doigt là où ça fait mal. Et de dénoncer certaines pratiques délétères, d’hier et d’aujourd’hui. Et ce n’est pas fini, la politique et l’angélisme ne faisant pas bon ménage.

 

Les Américains voudraient aimer plus la France.
Et qu’est-ce qui les empêche ?
C’est que les Français ne sont pas assez américains.

Première édition sous le titre Retour de flamme à l’américaine. Editions du Jasmin. Parution 15 avril 2015.

Première édition sous le titre Retour de flamme à l’américaine. Editions du Jasmin. Parution 15 avril 2015.

Gérard STREIFF : Napalm d’or. Les enquêtes de Chloé Bourgeade. Editions La Déviation. Parution le 13 mars 2020. 128 pages. 12,00€.

ISBN : 979-1096373314

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28 mars 2020 6 28 /03 /mars /2020 05:23

Les escaliers de la butte sont durs aux miséreux
Les ailes des moulins protègent les amoureux…

Patrick PECHEROT : Les brouillards de la Butte.

Jeune provincial monté à Paris avec l’espoir de devenir un poète, Pipette, ainsi nommé parce qu’il s’est acheté une bouffarde ce qui lui donne une contenance, Pipette s’est abouché avec quelques anarchistes.

En compagnie de Cottet, Raymond et Lebœuf, il s’introduit dans une maison bourgeoise de l’avenue Junot. Lebœuf, lutteur de foire tout en muscles, soulève le coffre-fort, puis à l’aide d’un bon petit diable le transporte jusqu’au camion puis direction chez lui. Un entrepôt véritable caverne d’Ali-Baba car il exerce également le métier de chiffonnier. Seulement, alors qu’ils s’attendaient à trouver de l’argent, de l’or, des bijoux, le coffre ne contient qu’un cadavre !

Le visage du mort n’est pas inconnu à Pipette qui bientôt reconnait un des fouineurs, un pisse-copie travaillant pour Le cri de Paris, une gazette spécialisée dans les affaires croustillantes, s’attachant aux frasques de financiers, de vieilles comtesses ou de gigolos. Lui-même fournit parfois des papiers pour Meunier, le directeur de ce torchon, comme il l’appelle.

Il s’agit probablement de la vengeance d’un personnage qui ne voulait pas voir publiée une affaire malodorante jetée en pâture aux affamés de lectures triviales. Un chantage qui aurait mal tourné.

Pipette va donc, en compagnie de Leboeuf qui l’a pris sous son aile rechercher le coupable et ses pas le ramènent avenue Junot où il fait la connaissance de la servante du manoir, Pauline, une Parisienne (d’habitude ce sont des Bretonnes exilées qui servent de bonniches) qui n’a pas froid aux yeux. Madame est en vacances à Trouville, quant à Monsieur de Klercq, il n’est pas là mais doit revenir. Elle en profite pour aller au cinéma et c’est dans la fille d’attente qu’il l’aborde.

Grâce à cette charmante et peu effarouchée Pauline, Pipette peut visiter l’hôtel particulier mais ses premières investigations ne donnent pas grand-chose. Ses pérégrinations l’emmènent à découvrir que le comte de Klercq est plus ou moins apparenté à quelques industriels œuvrant dans la fonderie et la métallurgie, cinq industriels ayant racheté avec l’aval du gouvernement et des passe-droits généreusement octroyés les biens allemands situés en Alsace et surtout en Lorraine.

Pipette se présente comme détective privé, et au cours de ses déambulations, ponctuées de nombreuses stations et arrêts dans les cafés du quartier, dont La Vache enragée, fait la connaissance d’André Breton auprès de qui il découvre le surréalisme. Et André Breton lui servira accessoirement d’accompagnateur lors d’une visite nocturne au cimetière Montmartre. Il sera également à l’origine de son nom, un raccourci d’un héros de roman qui devient Burma.

 

Véritable hommage à Léo Malet et à Nestor Burma, ce roman est une parodie dans l’esprit, dans le fond, voire dans la forme, de la série des Nouveaux Mystères de Paris.

En effet, Patrick Pécherot nous restitue une ambiance, une atmosphère du Paris de la fin des années 1920 avec en fil rouge l’affaire Sacco et Vanzetti qui fit grand bruit à cette époque et dont Joan Baez en écrivit une chanson. L’auteur a lu non seulement l’œuvre de Léo Malet pour s’en imprégner, ainsi que sa biographie, mais il s’est inspiré d’œuvres de l’époque dus à Roland Dorgelès, Maurice Hallé, qui figure dans ce roman, et de quelques autres.

Rédigé comme un exercice de style, ce roman permet de découvrir un arrondissement parisien, même si parfois cela déborde un peu, le fameux XVIIIe dont la cloche meringuée domine les quartiers populaires comme la Goutte d’or, Pigalle, le cimetière Montmartre, tous quartiers qui m’ont flanqué un petit goût de nostalgie puisque j’y ai habité et travaillé au début des années 1970. Donc il prend une ampleur que ne ressentiront peut-être pas tous les lecteurs, avec les baraques foraines par exemple du côté du boulevard de Clichy, Pigalle et la célèbre chanson interprétée par Georges Ulmer (Un p´tit jet d´eau, Un´ station de métro, Entourée de bistrots, Pigalle…). Le combat des lutteurs qui préfigurait le catch dont justement le temple fut l’Elysée-Montmartre. Outre André Breton qui prend une part active dans cette intrigue, d’autres personnages connus évoluent fournissant un cachet de réalisme.

Bien évidemment, le hasard et les coïncidences jouent pour beaucoup pour la résolution de l’intrigue, mais comme m’avait dit Léo Malet en 1982 lorsque je l’avais rencontré à Reims, les coïncidences sont le sel des intrigues.

 

J’avais toujours admiré la faculté qu’avaient les femmes des feuilletons à s’éclipser d’un embarras n tournant de l’œil.

 

Grand Prix de Littérature Policière 2002. Réimpression Série Noire Parution 18 février 2003.

Grand Prix de Littérature Policière 2002. Réimpression Série Noire Parution 18 février 2003.

Rééditions : Folio Policier n°405. février 2006.

Rééditions : Folio Policier n°405. février 2006.

Patrick PECHEROT : Les brouillards de la Butte. Collection Série Noire N°2606. Editions Gallimard. Parution 2 mars 2001. 224 pages.

ISBN : 9782070499700

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20 mars 2020 5 20 /03 /mars /2020 05:06
Orages, oh des espoirs !
Michel PAGEL : Orages en terre de France.

Et si la révolution de 1789 avait avorté, les guides de la France étant tenues par l’église et les représentants de la religion Catholique ?

Et si la Guerre de Cent ans n’avait jamais cessé d’exister, l’antagonisme franco-britannique perdurant depuis l’an mil ?

Extrapolant sur ces deux hypothèses, Michel Pagel narre quatre pages d’histoire, imaginant notre pays, de l’an de grâce 1991 à l’an de grâce 1995, sous la domination d’évêques, d’archevêques prenant leurs ordres et leurs consignes auprès du Vatican.

Le Roi de France, régnant dans un régime constitutionnel, fait figure de pantin. Les provinces, toujours divisées en comtés, passent successivement de la domination anglaise à l’occupation française, et vice-versa, ce qui engendre moult conflits permanents entre parents et enfants. Selon leur lieu de naissance, sol annexé par l’un ou l’autre de ces deux pays, ils vivent, réagissent en opprimés, en révoltés ou, au contraire, se conduisent en loyalistes.

Les séquelles de l’Inquisition exercent leur oppression sur la population, constituant dans certains domaines scientifiques un frein puissant. L’obscurantisme est lié à de nombreux préceptes et l’application à la lettre des commandements de Dieu, et leur déviance inéluctable, empêchent le développement des moyens de communication. “ Tu ne voleras point ” prends une signification absurde jusqu’au jour où la science est reconnue comme un progrès vital pour les belligérants.

Dans d’autres domaines, au contraire, la technologie est performante et toujours profitable aux stratégies militaires.

 

Dans ce recueil de quatre nouvelles uchroniques se déroulant dans le Comté de Toulouse, le Comté du Bas-Poitou, l’Île de France et le Comté d’Anjou, le fil conducteur est issu d’une rivalité toujours latente, d’une rancune tenace : Jeanne d’Arc et Napoléon servent de référence encore aujourd’hui dans nos récriminations quotidiennes et épidermiques.

Ce roman est la réédition d’un ouvrage paru en 1991 dans la défunte collection Anticipation du Fleuve Noir sous le numéro 1851, version revue et corrigée en 1998 dans la collection SF métal.

Ce qui à l’époque pouvait passer pour d’aimables fabliaux prend aujourd’hui une consistance nouvelle, alors que l’on nous parle de plus en plus d’intégration, de droit du sang et droit du sol, de sans-papiers, d’identité nationale et tout le tintouin.

Michel Pagel qui alterne romans humoristiques et récits plus sérieux, plus graves dans la teneur et le propos, possède plusieurs cordes à son arc. Il construit petit à petit une œuvre solide, et s’inscrit, non seulement comme une valeur sûre de la jeune S.F. française (à l'époque de la première édition de ce roman) mais comme un romancier tout court.

 

Première édition Collection Anticipation N°1851. Parution décembre 1991.

Première édition Collection Anticipation N°1851. Parution décembre 1991.

Réédition Collection S.F. métal, N°48. Fleuve Noir. Parution mars 1998.

Réédition Collection S.F. métal, N°48. Fleuve Noir. Parution mars 1998.

Michel PAGEL : Orages en terre de France. Réédition Collection Hélios. Les Moutons Electriques Editions. Parution 13 mars 2020. 198 pages. 7,90€. Version numérique : 5,99€.

ISBN : 978-2361836511

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23 février 2020 7 23 /02 /février /2020 05:11

Méditerranée
Aux îles d'or ensoleillées
Aux rivages sans nuages
Au ciel enchanté…

François DARNAUDET : Le Minotaure d’Atlantide.

Mais nos héros auront-ils le temps et le loisir d’admirer ces magnifiques paysages, du sud de l’Espagne jusqu’en Turquie d’Europe ?

Le jeune Sandro Maltese est dépité. Sa mère, d’origine parisienne, l’avait inscrit comme étudiant à Rome et il passe ses vacances chez son père à Venise. Mais ses notes de Français ne correspondent pas à ses attentes. 11 à l’écrit et 11 à l’oral, une claque alors qu’il pensait obtenir au moins 15. Heureusement, la lecture d’un mail dans sa boîte de réception lui donne du baume au cœur.

Le comité de lecture des éditions de la Sérénissime lui demande de se présenter en leurs bureaux sur l’île de Torcello. Il avait envoyé un scénario de son manuscrit Le Minotaure d’Atlantide dans l’espoir d’être édité, et il semblerait bien que son rêve se réalise.

Puisque faculté nous en est donnée, plongeons-nous dans le début de cette histoire intrigante qui ne manquera pas de péripéties.

L’histoire débute en novembre 1452, en terres italiennes. Depuis plusieurs semaines, les présences du seigneur Minos et de son compagnon le titan Arinordoquy ont été signalées au doge Foscari. Minos est affublé d’un heaume représentant une tête de taureau, mais il s’avérera par la suite qu’il s’agit bien d’une réalité et non d’un masque. Ils se rendent en la cité de Venise afin de convaincre le doge d’envoyer des troupes en renfort à la faible garnison de Constantinople. Les Turc, ou Ottomans, ont décidé d’annexer cette cité qui est pour l’heure propriété des Byzantins, habitants de l’ancienne Byzance.

En cours de route ils aident une jeune femme vêtue de bleue, et aux cheveux bleus, aux yeux bleus dépourvus de sclérotique blanche, à se débarrasser de rufians. Elle est jeune et s’appelle Mélina Mussuros, mais elle avoue ne pas avoir d’âge. C’est la Sorcière. Elle vient du Pirée et se rend sur l’île de La Giudecca. Un étrange cortège se forme ainsi se dirigeant vers la Sérénissime. Leurs missions se rejoignent.

 

Retour justement dans les bureaux de la Sérénissime en ce mois de juillet 2012, à Torcello.

Le jeune Sandro attend l’arrivée du directeur de collection, après avoir été couvert d’éloges par la jeune secrétaire prénommée Sofia. Soudain, une ampoule explose au plafond, un hologramme se précise au milieu de la pièce représentant un des personnages, pas le plus sympathique, de son roman. Khanuas l’immortel le bombarde de questions lui demandant entre autres où il est allé recueillir toutes les précisions concernant la prise de Constantinople décrites dans son manuscrit. Soudain, un être énorme s’introduit par la fenêtre et repart par le même chemin emportant Sandro sous son bras. Il s’agit du Minotaure qui emmène le jeune romancier en herbe dans un dédale le conduisant jusqu’à une clairière. Une étrange porte délimitée par un trident en métal, entre les trois griffes une flamme mauve en forme de 8 et Sandro ne peut s’empêcher de s’écrier :

Ce huit, c’est un anneau de Möbius !

Et le voilà transporté au XVe siècle, à Gênes, lui annonce Minos, comme dans son livre.

Sans vergogne, j’ai recopié deux ou trois passages du roman, mais personne ne m’en voudra car je suis allé au plus pressé afin de ne pas m’éterniser sur des descriptions oiseuses. Enfin quand j’écris oiseuses, ce ne pourraient qu’être les miennes, car l’auteur (Lequel : Sandro Maltese ou François Darnaudet ?) l’explique mieux que je ne saurais le faire, avec plus de précisions, de vivacité, de réalisme et de lyrisme que si c’était ma plume qui les rédigeaient.

Et nous voilà plongés dans une histoire gigogne, une intrigue avec mise en abyme, contant les pérégrinations de Minos, le Minotaure, d’Arinordoquy, le titan, de Mélina, la sorcière, de Sandro l’auteur, et de quelques autres éléments, des mutants, qui ne sont pas dénués d’intérêts et vont évoluer de Venise à la région marécageuse du Bétis, ou Tartessos ou encore de nos jours du Guadalquivir. Puis ce sera Le Pirée jusqu’à Constantinople, par mer et par terre, à cheval ou en trirème, ou en empruntant les Portes du temps, avec combats, duels, affrontements, guérillas et guerre, s’enchaînant sans relâche pour corser le tout. Et on pourrait comparer cet ouvrage au serpent qui se mord la queue, sans vouloir se montrer trivial.

 

Sandro grimaça.

Aïe, si mes souvenirs d’auteur sont bons, nous avons beaucoup d’adversaires à vaincre.

Tu as trop d’imagination, mon ami ! dit le Minotaure en mettant son cheval au galop.

 

De nombreuses références, voulues ou non, mais je pense que François Darnaudet s’est amusé sciemment, sont dissimulées plus ou moins dans le texte. Ainsi Sandro Maltese fait immédiatement penser à Corto Maltèse, le héros imaginé par Hugo Pratt. Mais un titan nommé Arinordoquy m’a renvoyé quelques années en arrière lorsqu’un Basque prénommé Imanol et surnommé le Basque bondissant, jouait au rugby. Enfin, l’Homme d’orichalque, un alliage métallique légendaire qui est composé de cuivre et de zinc, ou plus communément du laiton, m’a immédiatement remis en mémoire le fameux bûcheron en fer-blanc, personnage d’un roman pour enfant de Lyman Franck Baum, adapté au cinéma sous le titre du Magicien d’Oz. Mais l’identité de cet Homme d’orichalque nous vient de la mythologie grecque et il fallait y penser.

 

Le Minotaure d’Atlantide est le quatrième volet du cycle des Passages Paris Venise. Les premiers volumes étant Les Dieux de Cluny précédé du Fantôme d’Orsay, du Papyrus de Venise et du Möbius Paris Venise. Tous se lisent indépendamment mais il existe un lien entre les quatre volumes qui composent ce cycle de Venise, parfois ténu. Ainsi dans Le Papyrus de Venise, une jeune femme prénommée Sofia office à Venise, et un érudit du nom de Mussuros est également évoqué.

Un roman virevoltant, épique, empruntant à la mythologie, s’inspirant d’épisodes historiques réels, mais baignant dans une atmosphère qui confirme le talent de François Darnaudet, même si celui-ci n’est pas reconnu à sa juste valeur. Quand les bonnes fées se pencheront-elles sur l’auteur et son œuvre ? Ce n’est pas à moi de donner des conseils à Madame Folio, à Madame Pocket ou Monsieur Le Livre de Poche, mais je pense qu’ils commettent un monumental oubli, un ostracisme littéraire qui touche également Brice Tarvel, Philippe Ward et quelques autres, alors que le bon goût est de s’approvisionner de l’autre côté de l’Atlantique. On sait ce qu’il en résulte, des poulets au chlore et de la viande nourrie aux OGM.

 

François DARNAUDET : Le Minotaure d’Atlantide. Collection Fractales/Fantasy. Editions Nestiveqnen. Parution le 18 octobre 2019. 252 pages. 19,00€.

ISBN : 978-2915653991

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19 février 2020 3 19 /02 /février /2020 05:16

En route vers la Géorgie !

Mais pas celle des Etats-Unis !

Les MARTIN : Indiana Jones Jr et la princesse fugitive

Juillet 1913. Comme il le prévoyait, Indy s’ennuie dans le train. Il voyage en compagnie de son père, le professeur Henry Jones, qui l’oblige à lire un ouvrage sur l’histoire des Etats-Unis d’Amérique alors qu’il préférerait se plonger dans Règlements de compte à O.K. Corral, un roman qu’il a emmené en cachette.

Ils se rendent en Géorgie, à la demande d’un mystérieux correspondant qui leur paie leur voyage et leurs frais occasionnés par ce déplacement jusqu’au bout de l’Europe. Mais d’abord ils doivent se rendre à Saint-Pétersbourg et enfin Indy trouve un intérêt à ce voyage ferroviaire. Une diversion leur est proposée car ils doivent changer de train.

En effet l’écartement des rails en Russie est différent de celui du reste de la ligne qu’ils viennent d’emprunter. Et, au grand plaisir d’Indy, ils vont finir le reste du trajet séparément et jouir chacun d’un compartiment. Seul ! Indy en salive d’avance. Il va pouvoir se plonger dans son livre préféré sans recevoir de réflexions désagréables de la part de son père. Sur le quai, des policiers demandent à vérifier le contenu des malles des voyageurs, quitte à les démolir si personne n’est là pour obtempérer.

Seulement, lorsqu’il veut s’assoir sur son lit, il réveille un jeune garçon qui s’était déjà installé. Des explications s’imposent et naturellement le jeune Ivan, qui semble effrayé, va pour entamer son récit alors qu’un policier est chargé de vérifier les passagers et leurs passeports. Heureusement le contrôleur qui le précède sauve Indy et son compagnon des griffes policières en précisant qu’il est le fils du professeur Henry Jones. Le célèbre professeur Henry Jones. Cela vaut mieux qu’un passeport.

Alors Ivan narre son épopée. Il étudiait en Suisse, et parle couramment le Français, l’Anglais et d’autres langues. Son père fait partie d’un groupe d’opposants au Tsar Nicolas II, un tyran, mais il a été arrêté, dénoncé par une taupe infiltrée dans l’organisation. Indy explique que lui et son père se rendent en Géorgie, après une courte étape à Saint-Pétersbourg. Au nom de Géorgie, Ivan se trouble.

Indy propose alors à Ivan de l’aider jusqu’à leur destination russe, et son père, toujours plongé dans ses grimoires et autres lectures, accepte d’autant que la courte conversation qu’il a avec Ivan l’amène à penser que la présence de ce compagnon qui est fort éclairé sur la Russie ne pourra qu’être bénéfique à l’édification de son fils.

A Saint-Pétersbourg, Indy décide de visiter la ville en compagnie d’Ivan mais bientôt ils se rendent compte qu’ils sont suivis par deux barbus. Ils parviennent à leur échapper non sans mal et Ivan rejoint son lieu d’hébergement.

Le professeur Henry Jones a rendez-vous avec un nommé Kipiani, son généreux correspondant qui doit le conduire jusqu’à Tiflis voire plus loin, afin que le professeur Henry Jones puisse effectuer des recherches historiques et rédiger un livre. C’est là qu’Indy est confronté à la surprise de sa jeune existence. En effet Kipiani leur présente une jeune fille qui doit effectuer le voyage en leur compagnie. Elle s’appelle Tamara, en référence à Tamar, une ancienne reine de la Géorgie. Or, Tamara n’est autre qu’Ivan !

 

Naturellement Indy va vivre des aventures palpitantes, périlleuses, en Géorgie et jusqu’à Bakou, en compagnie de Tamara. Car Tamara est destinée à régner de par son ascendance.

Roman d’aventures dont le jeune Indiana Jones, dit Junior par son père, appellation qui ne lui convient guère et le hérisse parfois, est le héros, mais également roman historique

En effet, Les Martin, qui a écrit de nombreux romans dans la série Indiana Junior ainsi que pour la série juvéniles X-Files, ne se contente pas d’écrire les péripéties subies par son jeune héros, mais il revient souvent sur l’histoire de la Russie, de la Pologne, de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan, notamment la révolte de 1905, et sur les différentes religions de ces pays, dont le Zoroastrisme.

Plaisant et didactique mais sans être pour autant d’une pédagogie barbante, Indiana Junior et la princesse fugitive est une plongée intéressante dans la jeunesse d’Indiana Jones dont la vocation est déjà d’être archéologue. Cette histoire a été publiée en 1991, soit quelques mois après la démolition du mur de Berlin et au moment de la dissolution de l’URSS, revenant sur quelques faits marquants. Ce qui constitue l’une des missions du professeur Henry Jones, sur les instances du Géorgien Kipiani :

 

Le gouvernement russe, qui nous a annexés voici un siècle, s’acharne à nous faire oublier notre passé. Il veut nous persuader que nous sommes des Russes et non des Géorgiens. Il nous ment sur ce que nous sommes, et il veut nous faire vivre dans le mensonge ! C’est pourquoi je tiens à ce que vous découvriez la vérité, et je compte sur vous pour l’écrire dans un livre. Que notre peuple retrouve la mémoire de son glorieux passé !

 

Une demande, un souhait qui animent encore aujourd’hui de nombreux pays de par le monde, ayant eu à subir invasions, annexions et colonisations.

 

Les MARTIN : Indiana Jones Jr et la princesse fugitive (Indiana Jones and The Princess of Peril – 1991. Traduction de Stanislas de Thou). Illustrations d’Erik Juszezak. Collection Bibliothèque Verte Série N°582. Editions Hachette. Parution février 1992. 160 pages.

ISBN 9782010188381.

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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 05:39

Elle ne pouvait pas le voir en peinture, au début…

Henri TROYAT : La femme de David.

En janvier 1782, Charlotte, dix-sept ans, attend celui qui doit devenir son fiancé. Son père, Charles-Pierre Pécoul, entrepreneur des Bâtiments du Roi, estime qu’elle est en âge de se marier. Il lui a même trouvé un fiancé potentiel, le peintre Louis David, qu’il a connu lors de la rénovation du logement et de l’atelier de l’artiste au Louvre.

Lors de leur première rencontre, Charlotte ressent une aversion qu’elle a du mal à dissimuler, en voyant ce fiancé à la bouche très rouge et très enflée d’un côté, qui était comme un lambeau de viande crue au milieu de son visage pâle. Selon le père de Charlotte l’homme est un génie, pourtant elle est consternée, et se réfugie dans sa chambre, en pleurs. Et elle se demande si ce peintre, dont la notoriété commence à franchir la frontière des artistes, ne serait attiré que par sa dot conséquente. Elle pense toutefois ne valait-il pas mieux être choisie pour son argent que rester vieille fille ?

Le mariage aura lieu le 16 mai 1782 et Charlotte a révisé son jugement. Pour preuve, le 15 février 1783, Charlotte accouche d’un petit garçon, qui bientôt sera suivi d’un petit frère puis de deux sœurs. C’est assez, les années passent, les jours se suivent et ne se ressemblent pas.

Les tensions entre le couple se font vives, Louis David possédant un caractère entier qui n’a rien à envier à celui de Charlotte. De plus, pour lui, la peinture ne peut se concevoir en dehors du classicisme, se revendiquant toutefois néo-classique, empruntant volontiers ses personnages dans l’histoire romaine ou grecque. Le Serment des Horaces, en 1784, lui assure la notoriété, et son école de peinture est suivie par de nombreux élèves.

Seulement, lors de la Révolution, il s’engage auprès de Robespierre, devenant son ami, et votant la mort du Roi Louis XVI, ce qui lui sera longuement reproché par la suite. Il n’échappe pas à la prison lors de la réaction thermidorienne, et ne s’occupe plus de politique sous le Directoire.

Mais il se prend d’admiration pour Bonaparte, puis Napoléon 1er, ce qui l’amènera à réaliser sa plus grande et fastueuse composition, Le Sacre de Napoléon, tableau très souvent représenté dans le manuels scolaires. Son ménage bat de l’aile, Charlotte n’acceptant pas ses revirements politiques, ses engagements révolutionnaires et ils divorcent, pour se remarier quelques années plus tard.

Avec la chute de l’Empire, Louis David est obligé de se réfugier à Bruxelles. Son amitié avec Robespierre et surtout son passé de régicide restant en travers de la gorge des successeurs des Bourbon. Pendant ce temps Charlotte se montre une maîtresse-femme, élevant ses enfants, aidant lorsqu’il en est besoin Louis David, professant à son égard acrimonie et admiration.

 

Cette biographie romancée sur la vie et la mort du peintre David, est narrée par Charlotte qui s’exprime comme si elle rédigeait ses mémoires.

Si tout tourne, ou presque, autour du peintre, c’est bien Charlotte Pécoul épouse David qui tient la barre, ne ménageant pas ses efforts, distillant ses sentiments, ses conseils, ses appréhensions, ses regrets parfois, ses tribulations de l’époque de Louis XVI jusqu’en 1825 sous la Restauration. Elle partage les hauts et les bas dans la renommée de son époux tout en s’occupant de ses enfants, lui insufflant courage lors de ses moments de découragements, lui prodiguant conseils, tout en restant effacée derrière celui qui se considère comme le Chef de file de la nouvelle école de peinture.

David recherchait les honneurs et se considérait parfois comme un incompris surtout lors de ses démêlés avec l’Académie royale de peinture, la combattant puis recherchant les Prix, via l’Institut nouvellement créé sous le Directoire, et recevant dans son atelier des élèves qui deviendront des peintres renommés, même s’il ne partageait pas toujours leur orientation picturale, tels que Girodet, Ingres, Gérard.

Henri Troyat, dont on connait la sensibilité dans ses descriptions de femmes engagées, comme dans ses cycles : La Lumière des justes, Les semailles et les moissons et bien d’autres, nous livre ici un beau portrait de femme attentionnée, engagée, mais toujours effacée derrière son mari.

Mais Henri Troyat prévient que par manque de documents, s’il s’inspire d’un fait véridique et historique, il a brodé et donc ceci n’est pas à prendre comme une biographie mais bien un roman d’inspiration historique.

 

Henri TROYAT : La femme de David. Editions J’Ai Lu N°3316. Parution 5 octobre 1993. 160 pages. Première édition Flammarion 1990.

ISBN : 9782277233169

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23 janvier 2020 4 23 /01 /janvier /2020 05:50

Un cavalier, qui surgit hors de la nuit
Court vers l’aventure au galop…

Jacqueline MIRANDE : Le cavalier.

En cette fin de novembre 1765, ayant fini de ramasser des sarments de vigne, de les fagoter puis de les mettre sur le dos de sa mule, Jean-Baptiste quitte le petit village de Vaugirard et s’apprête à rejoindre le quartier de Saint-Germain-des-Prés dans Paris.

Tout en marchant dans le brouillard, Jean-Baptiste rêve de voyages, de Louisiane, de Mississipi ou encore des Indes. Ce n’est pas qu’il est mal traité chez Dame Anne-Françoise Floche comme commis marchand-drapier, mais l’aventure le tente, le tenaille.

Il longe le mur du clos Périchot, préférant prendre le petit chemin herbu à la grande route, trop encombrée. C’est alors que surgit un cavalier devant lui et il n’a que le temps de se jeter contre le mur. Un vif échange s’établit entre ce jeunot d’une quinzaine d’année et ce cavalier vêtu de gris et qui paraît la trentaine. Toutefois Jean-Baptiste raconte quelque peu sa vie d’orphelin, vivant chez la marchande-drapière devenue veuve et mère de Pernette, treize ans, et indiquant son adresse. Et ils se quittent, le cavalier promettant de se revoir car il doit se rendre justement dans le quartier de Saint Germain.

Jean-Baptiste aide de son mieux Dame Anne-Françoise mais les temps sont durs. Il n’y a plus guère de clients car la pénurie de tissus se fait sentir. Pourtant le vieil Eloi Picard reste attaché à cette boutique, vivant au dernier étage dans le grenier. De plus la boutiquière est criblée de dettes, à cause d’un voisin maître-rôtisseur qui pratique l’usure. Jean-Baptiste narre sa rencontre à Dame Anne-Françoise, laquelle est fort intéressée. Cela lui remémore sa jeunesse, ses quinze ans, avant qu’elle se marie avec Floche, la quarantaine sonnée, auprès de qui elle avait trouvé refuge.

Un soir, le jeune Gilles fait irruption dans la boutique. Il n’en peut plus d’être maltraité par son grand-père, perruquier de son état et qui n’est autre que le frère d’Eloi. Alors n’écoutant que leur bon cœur, Eloi et sa patronne recueillent le gamin de quatorze ans, un facétieux qui ne rêve lui que de devenir comédien et se produire sur les planches.

L’entente cordiale ne règne pas toujours entre Jean-Baptiste, Gilles et Pernette, qui est quelque peu capricieuse, mais bientôt ils se ligueront contre l’adversité. En effet Eloi, qui est considéré comme un oncle, possède des livres interdits et il a été dénoncé par le perruquier et son ami le rôtisseur. Mais quelqu’un se cache derrière cette délation. Heureusement, grâce à l’esprit de décision de Jean-Baptiste et aussi à sa bravoure, la situation peut s’arranger provisoirement. Et le cavalier inconnu, surnommé le Marquis Carême, va aider la veuve à se dépêtrer de ces malheurs.

 

Ce roman pour enfants, non interdit aux adultes, met en avant deux points cruciaux en cette fin de règne de Louis XV. L’interdiction d’ouvrages considérés comme des livres incitant à la révolte, écrits notamment par Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, et qui sont bannis par la censure. Des ouvrages qu’on ne pouvait que se procurer sous le manteau et imprimés la plupart du temps à l’étranger.

Mais un autre point, pas assez développé à mon goût, est celui qui secoua le début des années 1750, lorsque des enfants, considérés la plupart du temps comme orphelins mais ne l’étaient pas forcément, étaient traqués et enlevés par la maréchaussée puis déportés vers la Louisiane et le Mississipi, avant que ces possessions françaises tombent sous la domination britannique en 1763.

Jacqueline MIRANDE : Le cavalier. Collection Pocket Jeunesse N°497. Editions Pocket. Parution janvier 2010. 128 pages.

ISBN : 9782266137393.

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13 janvier 2020 1 13 /01 /janvier /2020 05:55

Ma sorcière bien aimée !

Barbara CARTLAND : La sorcière aux yeux bleus

En ce début de printemps 1800, Oswin marquis d’Alridge s’ennuie. Il est riche, jeune, trente ans, ne comptabilise plus ses conquêtes, mais il s’ennuie.

Il est ami avec le Prince de Galles, un noceur, mais sa soirée chez madame Fitzherbert ou à la Fête de Vénus au Cloître, n’y font rien, il s’ennuie. Il décide alors de quitter Londres et de se rendre dans le domaine des Alridge, dans l’Essex, un comté réputé pour sa phobie des sorcières mais où il a été élevé étant jeune et adolescent, n’informant personne de son départ ni de son lieu de résidence.

Il jouait avec John Trydell, mais celui-ci est mort depuis une dizaine d’années. De même que le père, et il ne reste plus de cette famille que le cadet, Caspar, un gamin infect et qui n’a pas changé depuis. Il dilapide la fortune familiale, se rendant souvent à Londres afin de satisfaire sa passion du jeu. Son domaine en pâtit et ses serviteurs ne sont pas payés.

Alors qu’il approche de son domaine, Alridge aperçoit une cohorte de paysans traîner une jeune fille blessée et évanouie. Ils lui indiquent qu’il s’agit d’une sorcière et qu’ils vont la plonger dans la mare, comme c’est la coutume, attachée à une corde. Si elle coule, c’est qu’elle est innocente, et si au contraire, elle nage, c’est qu’elle est coupable.

Cette façon de procéder barbare d’une autre époque révolte le marquis qui l’emmène chez lui, au grand dam des paysans, puis de la plupart de ses serviteurs. Et il confie la jeune fille à Nanny, la vieille dame maintenant qui fut sa nourrice. Et il lui narre comment cette blessée a été découverte. Elle gisait sur une pierre, les Pierres des Druides, ensanglantée, blessée à la tête, et déposé sur son corps un coq mort au cou tordu.

Un coup tordu par le Marquis qui en détaillant les mains de celle qu’il a recueillie, est persuadé qu’elle n’aurait pas eu la force d’infliger un tel supplice au gallinacée. D’autant que ses mains ne possèdent aucune trace de sang. Grâce aux bons soins prodigués par Nanny, la jeune fille, supposée sorcière, se remet doucement. Seulement elle est devenue amnésique. Toutefois, en nettoyant ses habits, Nanny découvre un mouchoir de fine batiste, avec Idylla brodé dans un coin. Le prénom de celle qui n’est plus une inconnue.

 

Le marquis Oswin d’Alridge se promet d’enquêter sur les antécédents d’Idylla et pourquoi elle a ainsi été frappée. Nul doute qu’elle avait été déposée sur la Pierre des Druides, son agresseur pensant qu’elle était décédée de son coup à la tête puis simulant une mise en scène propice à ne pas la reconnaître.

Naturellement, il s’éprend de la belle brune aux yeux bleus, et les sentiments sont réciproques de la part d’Idylla. Il prend le temps de lire dans sa bibliothèque fournie, les ouvrages consacrés à la sorcellerie. Et il apprend de la part de son fidèle régisseur que la région est quelque peu agitée suite aux frasques de Caspar Trydell. Le marquis embauche certains des serviteurs de son voisin peu recommandable, les connaissant de longue date, et la description qu’ils font de Caspar n’est pas flatteuse. Le père était strict, sévère mais honnête, et John l’aîné était un bon camarade. Alors il suit de loin les événements.

Il fait venir de Londres des robes magnifiques afin de vêtir décemment Idylla, ils prennent leurs repas ensemble, la jeune fille s’apprivoisant à son contact, et la mémoire lui revient lorsque des individus tentent de l’enlever en grimpant à une échelle posée contre le balcon de sa chambre.

 

La romance amoureuse n’est qu’un lien qui pourrait sembler futile dans cette intrigue quelque peu policière mais qui est surtout l’occasion pour Barbara Cartland de décliner un roman historique dans une atmosphère propice à développer les superstitions.

En effet elle revient souvent dans des affaires de sorcellerie, empruntées à des légendes et des faits réels, qui se sont déroulées dans cette région de l’Essex surnommée la terre des sorcières. Les exemples ne manquent pas et le marquis vitupère contre les paysans obnubilés par des croyances mi-païennes, mi-religieuses. Il n’y a que des ignorants dans cette région et ils l’ont toujours été ! déclare sans ambages Nanny, alors qu’il s’insurge contre le paganisme, une manifestation qui pour lui est hors d’âge.

Et en lisant cette histoire d’amour, on ne peut s’empêchant de penser au film Titanic, et à ce lien qui unit un émigré Irlandais et une jeune bourgeoise. Histoire qui occulte quelque peu l’élément principal, le naufrage de ce navire lors de sa première traversée, sombrant dans les eaux avec cette rencontre avec un iceberg.

Une fois de plus, on se rend compte que les romans de Barbara Cartland étaient beaucoup plus profonds, plus psychologiques, que pouvaient penser quelques critiques, et s’inscrivaient dans la grande Histoire avec un aspect sociétal indéniable.

 

Les gens ne changent pas. Ils se contentent de vieillir.

 

Barbara CARTLAND : La sorcière aux yeux bleus (The blue-eyed Witch – 1976. Traduction de Monique Ties). Collection J’ai Lu N°1042. 192 pages. Parution 18 mars 1980.

ISBN : 2277214020

Première édition : Editions de Trévise. 1977

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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