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21 avril 2020 2 21 /04 /avril /2020 04:30

Après, le leitmotiv fut : Faites l’amour, pas la guerre !

Frank G. SLAUGHTER : Non pas la mort, mais l’amour

Désabusé et cynique, le capitaine Richard Winter est chirurgien dans l’armée américaine et pour l’heure il se trouve dans le camp du 95e Hôpital américain de campagne, près de la côte anglaise où sont regroupés médecins et infirmières.

Avant pour l’embarquement le lendemain vers une destination inconnue, il se tient au bar, ingurgitant quelques boissons alcoolisées.

C’est un solitaire qui a participé comme chirurgien dans les combats en Espagne ainsi qu’à la bataille de Dunkerque. Pourtant il s’est lié avec un jeune lieutenant, Terry Adams, qu’il connait seulement depuis six mois. Or Winter apprend que la célèbre journaliste Linda Adams est non seulement sa sœur, mais qu’elle va participer à la mission qui leur sera dévoilée lorsqu’ils auront quitté le port. Il retrouve également un condisciple de la faculté de médecine, Bill Coffin, spécialiste du cerveau.

De nombreuses infirmières sont également présentes dans ce camp et un bal est prévu la veille de l’embarquement. Par elles, Gina Cole et son amie Carolyn Rycroft, qui espèrent bien faire bonne impression sur le beau chirurgien dont la popularité liée à sa séduction n’est pas passée inaperçue du personnel médical féminin. Et en effet elles n’ont aucun mal à se faire inviter pour quelques danses, échanger des baisers au clair de lune, et Linda Adams n’échappe pas à cette attirance.

Rick Winter donne rendez-vous à la belle Gina Cole dans sa chambre, mais les éléments belliqueux contrarient ce qui devait la concrétisation d’une soirée réussie. Les avions allemands pilonnent la base, et le black-out est décrété. Il se réfugie dans la pièce en compagnie d’une jeune femme inconnue qui vient de le percuter au dehors. Les bombes se rapprochent, ils se glissent sous la table afin d’éviter les projections diverses, et les corps en profitent pour se rapprocher au point de conclure dans un artifice dont il gardera le souvenir. Au petit matin la belle inconnue est partie, emmenant un vêtement appartenant à Rick et laissant sa cape sur laquelle figure un monogramme.

Enfin l’embarquement se réalise et au revoir l’Angleterre et bonjour l’inconnu. Gina Cole dépitée jette son dévolu sur Terry Adams, car même en temps de guerre les besoins charnels se font ressentir. Terry Adams est en proie à un cruel dilemme. Jeune marié, il a laissé sa femme au pays, aux Etats-Unis, et il ne veut pas la tromper. Pourtant Rick Winter, toujours cynique, lui a fait la leçon. Il l’a même encouragé à profiter des bonnes occasions s’ils s’en présentaient.

Le convoi à peine parti, au large de l’Espagne, des avions allemands survolent les navires. Des dégâts sont enregistrés et Rick doit s’occuper des blessés. D’ailleurs il est là pour ça. Le navire sur lequel les chirurgiens toubibs et infirmières ont embarqués a été détourné de sa fonction première, celle des croisières, et a été transformé en hôpital maritime. D’autres incidents les guettent et enfin arrivés en vue d’Alger la Blanche, c’est le débarquement sur la plage, une répétition générale du Débarquement de Normandie. Puis l’unité médicale s’enfonce dans le désert rejoignant la Tunisie avec tous les aléas que cela comporte. Jerry, diminutif de German équivalent à notre Boche français, ne se laisse pas empiéter sur le terrain conquis sans riposter et les Stukas, via la voie des airs, ou les chars, contrarient la marche de l’armée américaine.

Rick peut apprécier en cours de route le professionnalisme de ceux qui sont partagent cette épopée héroïque, dont les infirmières Carolyn, Gina, et même Linda qui ne perd en aucun cas son sang-froid. Ce qui n’est pas toujours celui de son frère Terry.

 

Publié en 1950 aux Etats-Unis, ce roman est ancré dans des épisodes de la Seconde Guerre Mondiale, dont l’Opération Torch qui vit la prise d’Alger le 8 novembre 1942.

Le titre, qui est emprunté à un poème de Robert Browning, pourrait laisser croire qu’il s’agit d’une histoire d’amour comme bon nombre en ont été écrites et considérées souvent comme des bluettes. L’extrait de poème récité par Rick lorsqu’il batifole sous la table avec son inconnue, et celle-ci décline le dernier vers : Non pas la mort, mais l’amour.

Mais s’il fallait un support pour cette histoire, c’est bien la guerre qui est en première ligne, avec ses morts et ses blessés. Rick Winter pratique de nombreuses interventions chirurgicales, différentes les unes des autres, s’attirant l’ire du chirurgien-chef Strang. En effet il opère et soigne selon des protocoles qui sortent de l’ordinaire, ce qui n’est pas du goût de Strang. L’éternel problème des méthodes nouvelles pas encore admises par les anciens qui se réfèrent à de vieilles pratiques qui souvent sont plus mortifères que les expérimentales.

Non pas la mort, mais l’amour est un documentaire puisé à la source, écrit alors que la guerre faisant encore rage, agrémenté d’une histoire d’amour mais également un hommage au courage du personnel médical qui œuvre sur le terrain, étant souvent en première ligne. Et Rick Winter se trouve plus à l’aise lors de ses interventions chirurgicales que dans l’aménagement de sa vie sentimentale.

 

Il est cruel à l’homme qui va au feu pour la première fois de rester dans l’attente et l’indécision.

Frank G. SLAUGHTER : Non pas la mort, mais l’amour (Battle Surgeon – 1944. Traduction de Doringe). Collection Romans. Editions Presses de la Cité. Parution 3e trimestre 1960. 428 pages.

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14 avril 2020 2 14 /04 /avril /2020 04:20

Duperies, mensonges et conspirations en tout genre à la Cour de France.

Alexandre DUMAS : La Reine Margot.

Le dix-huit août 1572 aurait pu être une date marquante de l’histoire de France si elle n’eut été éclipsée par une autre beaucoup plus tragique. En effet le Louvre en effervescence célébrait le mariage entre Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis, et d’Henri de Bourbon, roi de Navarre, fils de Jeanne d’Albret. Cette union devait sceller celle des Catholiques et des Huguenots.

La nuit de noce, au lieu d’honorer sa jeune épouse, Henri de Navarre va rejoindre sa maîtresse, Charlotte de Sauve, femme d’atours de la reine mère, Catherine de Médicis. Quant à Marguerite, dite Margot, elle reçoit dans sa chambre le Duc de Guise, son amant auquel elle a sauvé la vie et qui lui rend quelques lettres et lui signifie leur rupture.

Entre Marguerite nouvellement reine de Navarre et Henri son époux, s’il n’y a pas eu consommation du mariage, il existe toutefois un respect réciproque qui ne tardera pas à se muer en complicité sous les assauts venimeux de la reine mère et des trois frères de Margot. Principalement Charles IX, le duc d’Anjou futur Henri III et le jeune duc d’Alençon.

 

Charles IX est un jeune roi violent, emporté, difficilement canalisable, et subordonné à sa mère qui œuvre en coulisse. Hypocrite, il affirme que l’amiral de Coligny est son père, spirituel évidemment, mais dans le même temps il agit pour le désigner comme cible à quelques sbires chargés de l’abattre dans une rue à l’aide d’arbalètes. C’est le 24 août 1572, de sinistre mémoire. Le début de la Saint-Barthélemy au cours de laquelle les Catholiques, des Chrétiens parait-il, se chargent de passer de vie à trépas les Huguenots qui résident dans la capitale. Un véritable carnage qui amène Henri de Navarre à abjurer sa religion. Au grand dam de bon nombre de ses fidèles. Mais il faut se montrer diplomate.

 

Pendant ce temps, deux hommes entrent dans Paris, chargés d’une mission. L’un, le comte Joseph Hyacinthe Lerac de la Mole, un Provençal, est chargé de remettre une missive à Henri de Navarre, tandis que l’autre le comte Annibal de Coconnas dit le Piémontais, est porteur d’un message pour le duc de Guise. Ils arrivent ensemble rue de l’Arbre-sec, non loin du Louvre, et repèrent une auberge qui leur semble fort accueillante, A la Belle-Etoile. Ils sympathisent, remplissent leur mission et s’installent malgré leur manque de laquais, ce qui déplait à La Hurière, l’hôtelier.

Seulement Coconnas est catholique et La Mole huguenot et lors des événements du 24 août 1572, ils se regardent en chien de faïence, en venant aux armes. Blessés tous deux ils seront pris en charge par un personnage qu’il n’est pas de bon ton de fréquenter. Nonobstant, ayant appris la profession mortifère de cet inconnu, qui ne le restera pas longtemps, Coconnas lui serre la main. Geste dont l’homme, touché et ému, se souviendra plus tard.

Duels, guet-apens, empoignades, méfiance, empoisonnements, duperies, mensonges, duplicité, hypocrisie, complots, retournements de situation, autant de faits d’arme et d’épisodes sanglants qui imprègnent ce roman, sans oublier intrigues politiques, familiales et amoureuses. Catherine de Médicis œuvre pour que le roi de Navarre soit éliminé de la course du trône, au cas où il serait amené à régner. Car Henri, duc d’Anjou est officiellement roi de Pologne et se doit donc à son nouveau royaume. Et la santé de Charles IX laisse à désirer. Et mentalement, il n’est guère fiable. Alors elle a recours aux bons services de Rémi Florentin, parfumeur, alchimiste et occasionnellement fabricant de poisons en tous genres mais mortels.

Complots, alliances et mésalliances, se tissent comme des toiles d’araignées dans les cabinets secrets et les couloirs labyrinthiques du Louvre. Des passages secrets qui favorisent les amours adultérines entre la reine Margot et La Mole, ou Henriette de Nevers, l’amie de Margot et Coconnas.

 

Ce roman est le premier d’une trilogie, les deux autres étant La dame de Monsoreau et Les Quarante-cinq, romans qui se lisent indépendamment les uns des autres. Certains personnages disparaissent, d’autres continueront leur chemin et leurs méfaits.

Alexandre Dumas, et son complice non crédité Auguste Maquet, nous offrent leur vision de la France lors des guerres de religion et plus particulièrement du massacre de la Saint-Barthélemy. Et apportent un éclairage saisissant sur la mort de Charles IX, officiellement décédé d’une pleurésie, constat effectué par Ambroise Paré.

Au milieu des épisodes sanglants d’égorgements, d’étrippements, de massacres, surnagent des scènes d’amitiés et d’amour. En effet entre La Mole et Coconnas s’établit une amitié plus forte qu’une fraternité, parfois au détriment de leurs amours avec la reine Margot et Henriette de Nevers. des amours contrariées par les manigances royales, plus particulièrement de la part de Catherine de Médicis, tandis que le futur Henri IV entretient avec sa femme une complicité qui n’est pas amoureuse mais sincère.

Un livre qui se lit avec plaisir et malgré le nombre de pages, à la police de caractère réduite, on ne voit pas le temps passer.

Roman d’action et d’amour, ce roman a été adapté en film par Patrice Chéreau en 1994 avec Isabelle Adjani.

Alexandre DUMAS : La Reine Margot. Bibliothèque Marabout Géant N°138. Editions Gérard. Parution 1962. 504 pages.

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16 mars 2020 1 16 /03 /mars /2020 05:32

Certifié sans OGM !

COLETTE : Le blé en herbe.

Dans ce roman de 1923, Colette, alors âgée de cinquante ans, narre tout en pudeur les approches amoureuses et sexuelles de deux gamins, Phil, seize ans, et Vinca, quinze ans. Mais cela ne se circonscrit pas à ces relations d’enfants se connaissant depuis leur naissance, se côtoyant à Paris, et qui se retrouvent ensemble dans une grande maison non loin de Cancale avec leurs parents pour les vacances estivales.

A cet âge où l’adolescence commence à trouver en leur cœur des bourgeons amoureux, Phil et Vinca jouent, pêchent les coquillages, se disputent parfois pour des fadaises, mais sont comme des amants platoniques. Ils découvrent qu’ils s’aiment alors que depuis des années pour eux c’était l’amitié qui prévalait.

Il suffit qu’un jour, alors que Phil se promène seul, il est abordé dans la campagne par madame Dalleray, la Dame en blanc, une trentenaire qui a loué une maison pour l’été non loin de la leur. Elle s’intéresse au garçon et peu à peu celui-ci va la retrouver chez elle. Elle sera son initiatrice et le déniaisera. Mais Vinca s’aperçoit de ce manège nocturne. La Dame en blanc repart chez elle et entre les deux enfants, la jalousie et l’amour se disputent la prépondérance. Et les parents dans tout ça ? Ce sont les Ombres comme les appellent Phil et Vinca. Des personnages secondaires, très secondaires.

Ce roman sera diversement apprécié par les tenants de la morale, alors qu’il n’y a rien, sauf un ou deux passages légèrement suggestifs, et le film qui en sera adapté en 1954 sera également sous les feux des critiques négatives.

 

« Avec Le Blé en herbe, Autant-Lara retrouve ses ennemis de base. Les intégristes de tout poil se déchaînent. Ainsi, une association baptisée « Cartel d’action morale et sociale à Paris » lui envoie ce texte "gratiné" : « Votre projet, tiré de l’œuvre de Colette, nous déplaisait en raison des répercussions morales néfastes que ne pourrait manquer d’avoir un tel film sur l’ensemble de la jeunesse de notre pays. Du reste, nous songions déjà à le dénoncer aux autorités lorsque nous avons appris par la presse que vous renonciez à la réalisation de ce film, par suite de l’état de santé d’Edwige Feuillère ». Malheureusement pour nos censeurs autoproclamés et heureusement pour le cinéma, le film se fera, en 53, avec une Edwige Feuillère qui a retrouvé sa robuste santé. Colette qui assista à la première projection publique ne cacha pas sa satisfaction. La critique accueillit le film sans enthousiasme mais la jeunesse s’y précipita en masse. En ce milieu des années cinquante, Le Blé en herbe fit beaucoup pour l’éveil de la sexualité des adolescents « coincés » dans une France encore bien puritaine. »

— Francis Girod, Discours prononcé lors de sa réception sous la Coupole en hommage à Claude Autant-Lara

 

Depuis les mœurs ont évalué, et les amours enfantines ne choquent plus guère, sauf quelques bigots confits dans leur méconnaissance de la vie. Pourtant de nos jours comment serait accueilli cet ouvrage, qui est devenu un classique, avec le déchaînement des associations féministes ?

Un homme qui s’intéresse à une jeune fille est considéré comme un prédateur sexuel. Mais une femme qui prête son corps à une éducation sentimentale ne peut-elle être qu’une initiatrice et donc faire œuvre pie ?

 

Il est de notoriété publique que Colette, qui était anticonformiste, puisait souvent dans sa vie privée pour écrire ses romans. Peut-on imaginer que la Dame blanche ne soit autrement que Colette qui eut pour amant durant un certain temps Bertrand de Jouvenel, le fils de son deuxième mari, Henri de Jouvenel, alors qu’il n’avait que dix-sept ans. Il était né en 1903 et donc cette passade ce serait déroulée en 1920. Et Colette ayant divorcé d’Henri de Jouvenel en 1923, ce roman celait peut-être leur rupture.

 

Ce roman a été adapté au cinéma par Jean Aurenche, Pierre Bost et Claude Autant-Lara, dans une réalisation de Claude Autant-Lara, en 1954. Les principaux interprètes en furent : Pierre-Michel Beck : Phil Audebert, l'adolescent, Nicole Berger : Vinca Ferret, l'adolescente, et Edwige Feuillère : Mme Dalleray, la dame en blanc.

 

Les romans emplissent cent pages, ou plus, de la préparation à l’amour physique, l’événement lui-même tient en quinze lignes, et Philippe cherchait en vain, dans sa mémoire, le livre où il est écrit  qu’un jeune homme ne se délivre pas de l’enfance et de la chasteté par une seule chute, mais qu’il en chancelle encore, par oscillations profondes et comme sismiques, pendant de longs jours.

COLETTE : Le blé en herbe. J’AI LU N°2. Edition du 12 septembre 1978. 128 pages.

Première édition Flammarion. 1923.

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10 mars 2020 2 10 /03 /mars /2020 05:05

Ce soir j’attends Madeleine…

Léopold REMON : Madeleine du faubourg.

Un regard au hasard d’un croisement dans une rue, un matin de décembre neigeux et froid, ce fut tout et pourtant ce fut beaucoup.

Se rendant à pied comme tous les jours à son travail de bureaucrate, Roger Perrin croise la route d’une jeune fille qui le regarde non point avec insistance mais non plus avec indifférence.

Les jours suivants, le même manège se produit, et ce regard prend une signification particulière qui l’amène à observer plus attentivement cette passante qui passe. Une aguicheuse ?

Quoi qu’il en soit, ils se croisent souvent, et un jour il la suit jusqu’à son travail. Puis le soir, même manège et ils sont amenés à échanger quelques mots. Puis ce sont de longues conversations, une relation qui s’établit comme entre deux jeunes gens qui se sentent attirés l’un vers l’autre. Elle avoue avoir dix-huit ans, lui frôle la trentaine. Ce n’est pas rédhibitoire.

Ce qui l’est plus, c’est qu’il a oublié de lui avouer qu’il était marié et avait un enfant. Elle s’en rend compte lorsqu’un jour elle l’aperçoit en compagnie de sa petite famille.

 

Paul Norvès est l’un des plus vieux amis de Roger Perrin, mais depuis quelques mois, il végète, car il lui est arrivé la même mésaventure, mais à l’envers.

En effet l’un de ce qu’il supposait être un ami, et qui lui demandait souvent de l’argent, lui promettant de le rembourser plus tard, quand il serait en fond, l’un de ses amis ne s’est pas contenté de lui prendre de l’argent sous des prétextes fallacieux, mais il a aussi emprunté sa femme. Et pourtant celle-ci connaissant la situation, s’était enfuie avec son amant. Un coup rude dont il ne se relève pas.

 

Un court roman dans lequel sont imbriqués deux histoires d’amour ayant pour protagoniste le personnage de Roland Perrin. Si les deux histoires sont différentes et pourtant similaires à la base, elles se complètent mais avec des finalités divergentes. L’une se termine bien, l’autre se clôt dans la tragédie.

D’un côté l’homme marié qui tait son statut familial, de l’autre la femme volage qui part avec un homme qui spolie son mari. Pas très moral tout cela mais si représentatif de la vie.

Cependant j’émets quelques réserves car Madeleine si elle se montre aguicheuse, l’auteur commet toutefois une petite erreur. Au début Roland Perrin lui donne au moins vingt ans, sinon un peu plus. Or elle avoue n’en avoir que dix-huit. Seulement, lorsque la femme de Perrin rencontre la mère de Madeleine, celle-ci est toute étonnée car sa fille n’a que seize ans. Je sais que parfois certaines jeunes filles paraissent un peu plus que leur âge, qu’elles sont plus matures, mais quand même. Ce n’est pas tant son côté de jeune séductrice qui est à mettre en avant, après tout elle ne sait pas que Roland est marié, et donc que la faute en incombe à l’homme, mais cette propension à vouloir séduire les mâles à un âge qui n’est plus consacré aux poupées, mais pas encore à la drague. Du moins à cette époque. Et c’est toujours l’homme qui est fautif au bout du compte.

 

Sous le pseudonyme de Léopold Rémon se cachait René Poupon, l’un des grands fournisseurs de petits fascicules chez Ferenczi.

Léopold REMON : Madeleine du faubourg. Collection Le Roman d’amour illustré N°19. Editions Ferenczi et fils. Parution le 11 juin 1932. 32 pages.

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8 mars 2020 7 08 /03 /mars /2020 07:12

Au nom de la mère, de la fille et de la belle-fille…

Léo GESTELYS : La maison des trois veuves

La guerre terminée, il faut reconstruire ce qui a été détruit. Et Roland Sevrolles, ingénieur sorti de Centrale à la veille de l’Occupation, après des années passées en Algérie puis en Angleterre, a repris sa carrière.

Il vient d’être nommé dans une petite ville du Sud-ouest, désigné pour la réfection d’un pont de chemin de fer. Seulement, pour se loger, il est obligé d’aller de trouver une chambre chez l’habitant, toutes les chambres des quelques hôtels de la cité ayant été prises d’assaut par les ouvriers.

A l’auberge où il promet de prendre ses repas, la serveuse et la jeune patronne lui conseillent de se présenter à la Maison des trois veuves, quoique les trois femmes qui résident dans cette demeure sont réputées pour être casanières et peu avenantes. Toutefois il peut toujours essayer car Roland possède un passé de Résistant, ayant procédé à des parachutages dans la région durant la guerre.

Les trois veuves vivent seules avec une vieille servante, et ne reçoivent personne, à priori. Roland écrit une lettre dans laquelle il décrit dans quelles circonstances il a participé à la Résistance et pourquoi il se trouve dans la région. Puis il porte lui-même la missive. Les arguments semblent influer favorablement sur l’humeur de la propriétaire qui l’invite à entrer et à exposer sa revendication.

Roland est mis en présence d’une vieille dame, madame Deroncin, dont le mari a été abattu par les Allemands, à la mitraillette. Un épisode auquel elle a assisté de sa fenêtre. Dolorès, la belle-fille d’origine espagnole, pauvre et orpheline, a perdu son mari, Jacques Deroncin, qui avait été déporté en Allemagne et est décédé de maladie et de mauvais traitements au bout de deux ans de captivité. Quant à la troisième femme, elle n’est pas vraiment veuve puisqu’elle n’a jamais été mariée. Odette est la fille de madame Deroncin et elle était promise à un lointain cousin qui s’était engagé lui aussi dans la Résistance et a été tué en Normandie au cours du Débarquement.

Roland Sevrolles, après délibération entre les trois femmes, est accepté, mais il devra ne communiquer avec personne, sauf cas exceptionnel. Madame Deroncin ne veut pas déroger à la règle qu’elle s’est imposée, et imposée à fille et belle-fille, alors chacun chez soi et tout ira bien.

C’est ainsi que Roland s’installe dans une chambre spécialement aménagée à son intention. Seulement, il faut toujours compter sur les imprévus. Celui, par exemple, qui se précise une nuit lorsque Dolorès vient le rejoindre en catimini dans son lit. Tandis qu’une histoire d’amour se trame entre lui et Odette, en tout bien tout honneur.

 

Une histoire banale d’amour pourrait-on penser, sauf que les circonstances elles ne le sont pas, banales. Et j’irai même plus, j’avais imaginé un épilogue un peu plus pervers que celui que Léo Gestelys propose. Mais n’a-t-il pas voulu fournir une fin misérabiliste ou rester dans un domaine plus consensuel. Qui sait ?

Mais je me suis également posé une question plus terre-à-terre. Léo Gestelys possédait-il une telle aura pour que son manuscrit ne soit pas examiné à une relecture attentive, ou n’y avait-il pas assez de lecteurs et relecteurs chez Ferenczi, vu l’abondance de publications, pour que certaines bourdes subsistent.

Ainsi à certain moment Dolorès devient Carmen, et Odette est affublée du prénom de Mathilde, celui de la charmante aubergiste. Ce n’est pas grave me direz-vous, d’accord, mais cela fait quand même désordre.

 

Léo GESTELYS : La maison des trois veuves. Collection Mon roman d’amour N°116. Editions Ferenczi et fils. Parution 4e trimestre 1949. 32 pages.

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10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 05:57

Y’a un truc !

Paul FEVAL Fils : L’escamoteur de femmes.

Trois enlèvements de jeunes filles se produisent quasiment simultanément en trois endroits différents et les journaux relatent abondamment cette affaire qui met en transe bon nombre de personnages.

En premier, il s’agit de la disparition mystérieuse d’Yvonne de Pergartin, fille du comte et député résidant à La Chapelle-sur-Erdre en Loire-Inférieure, ancienne appellation de la Loire-Atlantique. Alors qu’elle s’apprêtait à se marier avec le vicomte Gérard de Sousgarde, elle regarde son fiancé et s’évanouit. Le jeune homme prend précipitamment la jeune fille dans ses bras et l’emporte dans sa chambre. La porte est enfoncée et personne dans la pièce. Disparue Yvonne ! Le vicomte est retrouvé un peu plus tard évanoui dans une autre pièce. Et des relents de chloroforme se dégagent.

En Italie, c’est une jeune nonne, Carlotta Borgerelli fille d’un puissant industriel, qui devait prendre le voile qui disparait dans des conditions tout aussi mystérieuses dans la chapelle où devait se dérouler la cérémonie. A Londres selon le même principe et dans des conditions similaires, Maud Samseton, la fille d’un riche banquier, est enlevée.

Trois affaires qui ont toutefois quelques points communs dont la presse se fait l’écho. Lors de l’enlèvement d’Yvonne, une auto noire a été vue dans les parages, en Italie un avion peint de la même couleur et en Angleterre, un navire quittant les eaux de Brighton. Trois moyens de transports différents mais tous de couleur noire. Et les trois jeunes filles vont voyager ensemble mais séparément, c’est-à-dire qu’elles seront confinées chacune dans une cabine, pour être emmenées dans une bâtisse bien gardée sur une île de l’Océan Atlantique.

Mais cette affaire ne s’arrête pas là car le coffre-fort du notaire de la famille de Pergatin a été cambriolé. Les policiers locaux préfèrent passer la main à la Police Judiciaire parisienne et deux inspecteurs sont dépêchés à la Chapelle-sur-Erdre pour mener leur enquête.

Et à l’Agence L’œil à Tout, les événements sont suivis attentivement par le patron de l’agence de détectives, Bernard Curville. Cette officine privée possède de nombreuses agences de par le monde. Tout en classant des dossiers, aidé par sa secrétaire la belle Violette Dreux, il écoute les messages diffusés sur un petit poste TSF, messages dont la teneur est relative à des hirondelles convoyées par mer et arrivées dans une île. Surnommé l’Homme à la pince, d’après une affiche publicitaire vantant les mérites de Curville à qui aucun secret ne résiste, le détective est satisfait.

 

Changement de décor et d’époque. Vingt ans auparavant, à Paris.

De Pergartin, Borgerelli et Samseton étaient étudiants à Paris et surtout ils étaient amis. Dans leur sillage ils traînaient Yves de Trévenec, lui aussi étudiant. Ils étaient surnommés les Mousquetaires, Trévenec endossant quelque peu le rôle de d’Artagnan. Invités par de Pergartin chez son oncle le comte de Buittieux, un riche nobliau de province, ils se rendaient parfois à La Chapelle-sur-Erdre. Trévenec fit la connaissance de Solange la fille du comte et les deux jeunes gens étaient liés par un sentiment amoureux. Mais le comte refusa l’idée de ce mariage et exigea des fiançailles officielles avec de Pergartin. Seulement Solange fut enlevée dans des conditions mystérieuses deux jours plus tard le comte était mortellement blessé avec un couteau. Avant de décéder il eut le temps de léguer sa fortune à de Pergartin. Yves de Trévénec fut accusé du crime et Solange informée des événements dans sa retraite refit son apparition, se mariant alors avec son cousin. De Trévenec fut appréhendé et envoyé au bagne en Guyane malgré ses dénégations.

C’est en substance ce que narre le procureur général Gouchard au ministre de l’Intérieur. Cette affaire s’était déroulée en 1912, dont il fut chargé de l’instruction. Comme elle refait surface, il demande qu’exceptionnellement, sa fonction de procureur lui soit retirée et qu’il soit nommé juge d’instruction pour instruire cette nouvelle affaire d’enlèvements des filles des anciens amis. Des amis qui d’ailleurs ne se parlent plus, s’ignorent même depuis l’assassinat du comte vingt ans auparavant.

Déporté au bagne, à Cayenne, Yves de Trévedec n’est pas un forçat comme les autres. Affable, prêt à rendre service, discipliné, il sait se faire aimer aussi bien de ses codétenus que des matons et même du directeur de l’établissement. Grâce à ses notions de médecine il sauve même la fille de monsieur Bouvet et celui-ci, en reconnaissance l’aide à s’évader. Et c’est ainsi qu’Yves de Trévedec découvre un placer dans la jungle et peu à peu il construit sa fortune.

Aidé par des amis dévoués, il devient Joao Marco, riche Portugais et il fréquente assidument ou échange des informations avec notamment Curville, le détective surnommé L’homme à la pince.

 

On ne peut s’empêcher en lisant ce roman de penser aux feuilletonistes célèbres que furent Alexandre Dumas, Michel Zévaco, Paul d’Ivoi, et bien d’autres, par cette fougue qui anime l’auteur, son imagination, ses délires et son côté fantasque, par une légère approche de la fiction scientifique avec des inventions qui plus tard deviendront réalités.

Naturellement, le personnage d’Yves de Trévenec possède un lien évident de parenté littéraire avec Edmond Dantès, le fameux comte de Monte-Cristo, mais pas que. La vengeance qui l’anime, cette richesse qu’il se constitue, ce retour sous une identité d’emprunt forment le socle de cette intrigue. Et comme dans tout bon roman d’aventures, se greffe une histoire d’amour, le petit plus savoureux qui offre une pause dans toutes ces péripéties débridées. Sans oublier l’humour qui se révèle par-ci par-là afin de dédramatiser certaines situations.

Roman d’aventures, roman policier, roman de frissons et d’angoisse, de suspense, L’escamoteur de femmes est tout cela à la fois, et de nos jours on pourrait le classer dans le genre Frileur (ou Thriller pour les puristes anglophones) même si certains osent déclarer qu’ils ne lisent jamais ce genre d’ouvrages. A croire qu’ils ne connaissent pas la signification exacte de Thriller dont au cinéma le plus célèbre représentant est bien évidemment Alfred Hitchcock.

 

 

Paul FEVAL Fils : L’escamoteur de femmes. Roman posthume. Collection Les Grands Romans. Editions Albin Michel. Parution 8 décembre 1941. 192 pages.

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8 février 2020 6 08 /02 /février /2020 05:05

La romance d’Eros ou du héros ?

Frédérique TRIGODET : Romanceros.

Trois nouvelles, trois tranches de vie, trois histoires simples qui démontrent que souvent en peu de lignes, on peut écrire des textes émouvants sans se perdre dans de longues circonvolutions.

Et Frédérique Trigodet prouve, à ceux qui du haut de leur suffisance déclarent qu’ils n’aiment pas tel genre et que d’ailleurs ils n’en lisent jamais, que les romances peuvent procurer du plaisir littéraire. Et même se montrer plus subtiles que des textes édités par des maisons d’éditions placées sur le haut du pavé.

Et lorsque j’ajouterai que ces trois nouvelles ont eu l’heur de paraître dans un hebdomadaire féminin, Nous Deux en l’occurrence, ces mêmes chroniqueurs devraient réviser leur jugement négatif et s’intéresser à un pan de la littérature au lieu de la dédaigner sans la connaître. Des préjugés qui ne devraient pas être de mise et qui démontrent une intolérance inacceptable.

Mais et si nous abordions le vif du sujet ?

 

Dans Cœur perdu dans les dunes, nous faisons la connaissance d’une quinquagénaire qui est victime de troubles de surmenage, d’épuisement professionnel (Burn-out, en français). Le boulot d’abord, car elle a hérité des dossiers en instance depuis quelques mois à cause d’une collègue absente. Et puis avec Alex, son mari, ce n’était plus ça et il s’est installé dans un petit chez lui, en attendant la vente de leur maison. Une accumulation de petits faits qui lui sont tombés dessus, et la fatigue s’est installée entraînant le dégoût de tout.

Alors elle a décidé de changer d’air et de passer un certain temps dans un mobil-home au bord de la mer. Elle sort tous les jours aspirant avec volupté l’air du large, et lit beaucoup. Le gérant du camping, un jeune homme, assez bavard, et sa femme ne sont pas débordés en ce mois de novembre. Sophie est invitée à une petite soirée regroupant les quelques personnes qui résident au camping, une façon comme une autre de s’intégrer dans la petite communauté. Et c’est ainsi qu’elle remarque un homme seul, Erik. Ils vont se revoir…

 

Marin, dit Marin des montagnes, devait tenir un gîte rural. Un projet qui tombe à l’eau car depuis que Samantha, sa compagne, est partie avec un berger, il n’a plus envie de recevoir des touristes. Alors il procède aux annulations, le cœur gros. Et il s’occupe comme il peut, coupant du bois, en prévision de l’hiver prochain, son esprit obnubilé par Sam. Une femme dans sa vie, cela ne s’efface pas d’un coup de gomme. Un jour, une jeune femme se présente. Elle n’a pas reçu le courrier dénonçant la location. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’était son ami qui avait procédé aux démarches. Mais il l’a quittée et elle a tenu à se rendre quand même sur les lieux où ils devaient passer leurs vacances.

 

Découvrir sur sa boîte aux lettres un petit bout de papier sur lequel est inscrit en petites lettres : Vous êtes la femme de ma vie ! n’est pas sans intriguer Anaïs, une jeune fille habitant dans un studio d’un immeuble lyonnais. Elle n’est pas chômeuse mais en recherche d’emploi, et donc elle ne roule pas sur l’or. Heureusement, sa logeuse est une amie de sa grand-mère, ce qui déjà est un avantage, de plus elle s’entend bien avec Ginette. Donc elle lui en fait part. Mais elles ont beau recenser les autres locataires de l’immeuble, elles ne voient pas qui pourrait s’amuser à déclarer sa flamme à Anaïs. Les petits mots doux se collent sur des Post-it d’amour.

 

Trois nouvelles, qui si elles sont publiées dans la collection Culissime restent chastes, ou alors légèrement sensuelles. D’ailleurs elles sont cataloguées Romance rose, premier degré sur l’échelle des valeurs de cette collection. Ce qui pour moi est nettement plus intéressant que de lire des textes trop évocateurs, pour ne pas dire suintant de liquide séminal, préférant être acteur plutôt que voyeur.

Frédérique Trigodet s’attache à ses personnages, comme si elle les connaissait intimement, et par contrecoup le lecteur aussi. Il est happé par ces textes agréables, à l’écriture soignée, dans des atmosphères parfois insolites mais pourtant si proches de l’aspiration de bien des personnes recherchant le calme ou la tranquillité ou vivant dans un immeuble qui n’est pas l’HLM de Renaud. Et le lecteur peut prolonger ces nouvelles selon sa sensibilité et sa logique particulière.

Un moment de plaisir et de détente qui pourtant emprunte à la vie ordinaire, quotidienne de tout un chacun. Et la démonstration que se montrer hautain envers des textes publiés dans des magazines dits féminins n’est pas de mise, alors que souvent on y trouve des textes prometteurs, dus à des auteurs tout autant talentueux.

 

Sommaire :

Cœurs perdus dans les dunes. Publié dans Nous Deux N°3775 du 5 novembre 2019 sous le titre : Rencontre sans paroles.

Marin des montagnes. Publié dans Nous Deux N°3656 du 25 juillet 2017 sous le titre : Un exil volontaire.

Post-it d’amour. Publié dans Nous Deux N°3739 du 26 février 2019 sous le titre : Petits messages d’amour.

Frédérique TRIGODET : Romanceros. Trois nouvelles numériques. Collection Culissime. Editions SKA. Parution 1er février 2020. 34 pages. 2,99€.

ISBN : 9791023407990

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29 janvier 2020 3 29 /01 /janvier /2020 05:49

C´est un fameux trois-mâts fin comme un oiseau, hissez haut…

Françoise d’EAUBONNE : Chevrette et Virginie.

En cet an de grâce 1777, le Duras, un fier trois-mâts, quitte l’île de France, l’ancien nom de l’île Maurice, emportant à son bord la charmante Jeanne Perthiviers, à peine vingt ans, et la douce Virginie Goupil des Sermeuses, seize ans. Toutes deux se rendent à Pondichéry, Jeanne pour rejoindre son mari épousé peu avant et en poste dans ce comptoir français, et Virginie sa mère qu’elle n’a pas vue depuis des années.

Jeanne a été surnommée Chevrette par son grand-père, un vieux marin ayant bourlingué sur toutes les mers du globe et se nommant Chevreau, et elle aime qu’on l’appelle ainsi, le réclamant même. Elle est un véritable garçon manqué, et a appris à monter à cheval, à pratiquer l’escrime et autres amusements mâles. Elle est accompagnée de Flicq-en-Flacq, un négrillon de dix ans qui est son majordome et son filleul. Tandis que la frêle Virginie, qui a été élevée dans un couvent, est sous la houlette de Marie-Marie, sa servante noire. Elles passent leur temps à papoter tandis que Flicq-en-Flacq s’amuse avec Toine, le mousse de son âge, à des jeux de pirates.

La vie est douce à bord et l’ennui n’est point de mise. Le capitaine Freton de Vaujas préfère jouer au violon ses airs favoris, dont Les Indes Galantes de Rameau, déléguant la conduite du navire à son second Louis de Barre. Il possède un magnifique herbier qu’il montre avec fierté à ses passagères. Ce qui ne l’empêche pas de s’éprendre de Virginie, ce qui n’échappe à personne sauf peut-être à la principale intéressée. Il offre même à Virginie une magnifique perle.

Le voyage est toutefois perturbé par une tempête due à la mousson d’équinoxe et bientôt le navire est en perdition. Grâce à l’esprit d’initiative de Louis de Barre et de Chevrette, un radeau est rapidement fabriqué, les barils de poudre et autres denrées entreposés dessus, sans oublier les passagers et les marins, et bientôt ils parviennent à une petite île des Maldives. Ils sont accueillis par le chef de la tribu locale, Tupahiac, d’autant plus facilement que Louis de Barre s’exprime parfaitement en leur idiome. Heureusement.

Mais des pirates qui abordent sur une autre île située non loin, repèrent le Duras échoué et se rendent sur l’île où sont réfugiés les Français et l’idée leur vient de s’emparer de Chevrette et Virginie. Mais c’est sans compter sur les trublions que sont Flicq-en-Flacq et Toine.

 

L’histoire est censée se dérouler en 1777, et la jeune Virginie fait souvent référence à son roman de prédilection, Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre. Louable intention et prémonition car ce roman n’a été publié qu’en 1788 !

Françoise d’Eaubonne, née le 22 mars 1920 et décédée le 3 août 2005, était une femme de lettres ayant touché un peu à tous les genres. Romans pour enfants, romans engagés (elle fut une féministe libertaire), essais et biographies, et son œuvre est plus riche que celle proposée par Wikimachin. En effet elle usa de nombreux pseudonymes dont celui de Nadine de Longueval au Fleuve Noir pour les collections Grands Romans et Présence des femmes. Elle était la sœur de Jehanne Jean-Charles, écrivaine elle aussi, mariée avec Jean-Charles, le célèbre auteur de La foire aux cancres et des Perles du facteur, entre autres.

Quant à Chevrette et Virginie, il s’agit d’un roman d’aventures maritimes qui n’en pas sans rappeler par certains côtés Paul et Virginie, mais pas que, car les rebondissements sont multiples et l’épilogue est nettement plus heureux.

Françoise d’EAUBONNE : Chevrette et Virginie. Collection Bibliothèque Verte N°46. Editions Hachette. Parution 3e trimestre 1958. 254 pages.

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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 05:39

Elle ne pouvait pas le voir en peinture, au début…

Henri TROYAT : La femme de David.

En janvier 1782, Charlotte, dix-sept ans, attend celui qui doit devenir son fiancé. Son père, Charles-Pierre Pécoul, entrepreneur des Bâtiments du Roi, estime qu’elle est en âge de se marier. Il lui a même trouvé un fiancé potentiel, le peintre Louis David, qu’il a connu lors de la rénovation du logement et de l’atelier de l’artiste au Louvre.

Lors de leur première rencontre, Charlotte ressent une aversion qu’elle a du mal à dissimuler, en voyant ce fiancé à la bouche très rouge et très enflée d’un côté, qui était comme un lambeau de viande crue au milieu de son visage pâle. Selon le père de Charlotte l’homme est un génie, pourtant elle est consternée, et se réfugie dans sa chambre, en pleurs. Et elle se demande si ce peintre, dont la notoriété commence à franchir la frontière des artistes, ne serait attiré que par sa dot conséquente. Elle pense toutefois ne valait-il pas mieux être choisie pour son argent que rester vieille fille ?

Le mariage aura lieu le 16 mai 1782 et Charlotte a révisé son jugement. Pour preuve, le 15 février 1783, Charlotte accouche d’un petit garçon, qui bientôt sera suivi d’un petit frère puis de deux sœurs. C’est assez, les années passent, les jours se suivent et ne se ressemblent pas.

Les tensions entre le couple se font vives, Louis David possédant un caractère entier qui n’a rien à envier à celui de Charlotte. De plus, pour lui, la peinture ne peut se concevoir en dehors du classicisme, se revendiquant toutefois néo-classique, empruntant volontiers ses personnages dans l’histoire romaine ou grecque. Le Serment des Horaces, en 1784, lui assure la notoriété, et son école de peinture est suivie par de nombreux élèves.

Seulement, lors de la Révolution, il s’engage auprès de Robespierre, devenant son ami, et votant la mort du Roi Louis XVI, ce qui lui sera longuement reproché par la suite. Il n’échappe pas à la prison lors de la réaction thermidorienne, et ne s’occupe plus de politique sous le Directoire.

Mais il se prend d’admiration pour Bonaparte, puis Napoléon 1er, ce qui l’amènera à réaliser sa plus grande et fastueuse composition, Le Sacre de Napoléon, tableau très souvent représenté dans le manuels scolaires. Son ménage bat de l’aile, Charlotte n’acceptant pas ses revirements politiques, ses engagements révolutionnaires et ils divorcent, pour se remarier quelques années plus tard.

Avec la chute de l’Empire, Louis David est obligé de se réfugier à Bruxelles. Son amitié avec Robespierre et surtout son passé de régicide restant en travers de la gorge des successeurs des Bourbon. Pendant ce temps Charlotte se montre une maîtresse-femme, élevant ses enfants, aidant lorsqu’il en est besoin Louis David, professant à son égard acrimonie et admiration.

 

Cette biographie romancée sur la vie et la mort du peintre David, est narrée par Charlotte qui s’exprime comme si elle rédigeait ses mémoires.

Si tout tourne, ou presque, autour du peintre, c’est bien Charlotte Pécoul épouse David qui tient la barre, ne ménageant pas ses efforts, distillant ses sentiments, ses conseils, ses appréhensions, ses regrets parfois, ses tribulations de l’époque de Louis XVI jusqu’en 1825 sous la Restauration. Elle partage les hauts et les bas dans la renommée de son époux tout en s’occupant de ses enfants, lui insufflant courage lors de ses moments de découragements, lui prodiguant conseils, tout en restant effacée derrière celui qui se considère comme le Chef de file de la nouvelle école de peinture.

David recherchait les honneurs et se considérait parfois comme un incompris surtout lors de ses démêlés avec l’Académie royale de peinture, la combattant puis recherchant les Prix, via l’Institut nouvellement créé sous le Directoire, et recevant dans son atelier des élèves qui deviendront des peintres renommés, même s’il ne partageait pas toujours leur orientation picturale, tels que Girodet, Ingres, Gérard.

Henri Troyat, dont on connait la sensibilité dans ses descriptions de femmes engagées, comme dans ses cycles : La Lumière des justes, Les semailles et les moissons et bien d’autres, nous livre ici un beau portrait de femme attentionnée, engagée, mais toujours effacée derrière son mari.

Mais Henri Troyat prévient que par manque de documents, s’il s’inspire d’un fait véridique et historique, il a brodé et donc ceci n’est pas à prendre comme une biographie mais bien un roman d’inspiration historique.

 

Henri TROYAT : La femme de David. Editions J’Ai Lu N°3316. Parution 5 octobre 1993. 160 pages. Première édition Flammarion 1990.

ISBN : 9782277233169

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21 janvier 2020 2 21 /01 /janvier /2020 05:51

Une fleuriste à qui l’on ne fait pas de fleurs…

Léo GESTELYS : Une enfant de Paris.

Désireux d’acheter des fleurs pour une cérémonie de fiançailles, Fernand est ébloui par Ginette, la jeune vendeuse. Elle est encore plus belle que les plantes qu’elle propose : roses, œillets, orchidées…

Il en veut tout un bouquet et lui demande une composition florale, comme si c’était pour elle. Ginette s’exécute mais bientôt sa patronne, une personne acariâtre, l’appelle du fond de la boutique. Fernand quitte l’échoppe avec son bouquet serré sur sa poitrine, à la façon d’une nourrice berçant un bébé.

Ginette doit livrer une parure de fleurs naturelles chez mademoiselle Monique de Berteval. Monique est issue d’une riche famille demeurant dans le quartier. La course ne sera pas trop longue. Et lorsqu’elle arrive chez sa cliente, Ginette peut se rendre compte qu’un véritable essaim de couturières, de femmes de chambre et petites mains sont aux pieds de Monique, la parant, l’habillant, jouant des aiguilles et des dentelles.

Ginette est priée de se rendre dans le cabinet de toilette de Mademoiselle en attendant de disposer ses œillets roses sur la robe et les affutiaux de la fiancée. C’est à ce moment qu’est annoncé monsieur Fertèze, Fernand de son prénom, précédé d’un bouquet de fleurs.

Toute étonnée, Ginette se trouve face à son client. Etonnement qui ne dure guère car elle est renvoyée dans ses foyers, où plutôt à sa boutique, n’ayant plus rien à faire dans la pièce et devenant même encombrante. Mais Fernand semble plus intéressé par cette jeune fille simple que par sa fiancée capricieuse.

Le dimanche se passe et le lundi matin, Ginette a la douloureuse surprise de se voir convoquée au commissariat. Elle est accusée d’avoir volé un bijou lors de son passage chez Monique. Fernand, prévenu, ne met guère de temps à confondre le (ou la) coupable de ce forfait, pour autant Ginette est renvoyée par sa patronne. Un affront que sa mère ne supporte pas et Ginette est obligée de se réfugier chez une amie qui vit avec un peintre à la notoriété naissante.

Mais ses malheurs ne sont pas terminés.

 

Dans un registre simple, ce roman sentimental inédit propose une enquête policière rapidement résolue et non pas par des policiers.

Pourtant Ginette porte cette honte sur son front. L’accusation portée contre elle, si elle se révèle fausse, ne lui en est pas moins néfaste. Elle est renvoyée par sa patronne, par sa mère, et malgré ses dénégations, personne ne veut la croire. Même lorsque le bijou est retrouvé.

Léo Gestelys met l’accent sur ce qui constitue le contraire de ce qui devrait être. L’accusée obligée de se défendre alors qu’aucune preuve de sa culpabilité est démontrée, pis, elle est rejetée même si son innocence est prouvée malgré tout par la suite, car il ne fait pas bon d’avoir été convoquée par la police. Comme une tache indélébile alors qu’elle est pure comme les fleurs qu’elle vend.

La morale est sauve, mais la fréquentation forcée de la police laisse souvent des traces.

Léo GESTELYS : Une enfant de Paris. Collection Le Petit Roman N°488. Editions Ferenczi. Parution le 16 octobre 1936. 32 pages.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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