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30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 03:48

Quand Giova Selly, bien connue des amateurs de la collection Spécial Police du Fleuve Noir, écrivait pour Nous Deux sous un autre pseudonyme.

Véronica BALDI : Souviens-toi.

Dans le quartier de Brixton, au sud de Londres, s’érigent des immeubles industriels reconvertis en lofts, squats et autres. C’est aussi le quartier des musiciens, comme en témoignent les nombreuses scènes musicales qui y proliférèrent et dont Paul Simomon, le bassiste des Clash qui a grandi dans ce quartier, en a fait une chanson revendicative : The guns of Brixton.

Au moment où débute cette histoire, dans Crescent Studios, un jeune groupe de musiciens, Dandelion, répète leurs nouveaux morceaux. Une musique infernale agresse un porteur de dépêches mais le travail avant tout. D’autant qu’il est envoyé par Jupiter Records.

Sont présents dans la pièce Ruppert, aux claviers, Warren, le bassiste, Duncan, le guitariste, et Stella, la chanteuse. Manque le batteur qui vient de partir. Le pli est accompagné d’un paquet contenant une bouteille de champagne. Leur premier disque, tout fraîchement mis en vente, vient d’atteindre la 21e place au Top 75, ce qui est presqu’un exploit pour un groupe encore inconnu du grand public quelques jours auparavant.

Leur maison de disques leur demande instamment d’enregistrer un 33 tours le plus tôt possible c’est-à-dire immédiatement. Seul Duncan est contre, car il n’a pas fini de peaufiner la musique et les textes. Il refuse de se précipiter au risque de faire éclater le groupe. Ce qui d’ailleurs se produit.

Cinq ans plus tard, Duncan qui était parti courir le monde, à la découverte d’autres cultures musicales, rentre au pays. Chez lui, dans la campagne anglaise. Son père se meurt et son frère Malcolm le réceptionne à l’aéroport. Le chauffeur de la vieille limousine familiale, une Daimler, le retrouve avec une joie non feinte. Lord Duncan est de retour au pays et tout le monde apprécie l’arrivée du fils prodigue. En cours de route, il demande au chauffeur de s’arrêter et il court acheter un journal, dont la première page a attiré son attention. Il y est question de Stella, la chanteuse du groupe qui depuis a fait du chemin, enregistrant quelques disques qui ont obtenu un franc succès. Sauf le dernier qui patine dans les profondeurs du classement.

Le journal promet des révélations sur Stella, et pas forcément à son avantage. Le journaliste avec lequel elle a eu un entretien est réputé pour déstabiliser ses interlocuteurs, de plus depuis le départ de Duncan, ses autres anciens compagnons de groupe ont changé de carrière.

Ruppert signe les chansons de Stella tandis que Warren s’est improvisé son imprésario. Mais Ruppert ne possède pas le talent de Duncan, seule la voix, et la beauté de Stella l’ont propulsée au firmament. Or les deux hommes ont fomenté, afin de relancer la carrière de Stella, un coup fourré. Une idée bête qui reste en travers de la gorge de Duncan. Ruppert doit faire publier un ouvrage épicé sur Stella. Une belle mentalité se dégage de ces deux compagnons de partition !

Duncan décide de mettre les pieds dans le plat. Et il va troquer ses habits de Lord pour enfiler les frusques de musicien qu’il portait à Londres et durant son périple. Il ne ménage pas ses effets, ce Lord en barre !

 

Une incursion dans le Londres des musiciens, et dans l’univers des groupes parfois éphémères. La mésentente alliée au comportement délictueux et voraces de quelques membres, et c’est comme ça qu’un groupe promis à un bel avenir se dissous, éclate en pleine ascension vers le succès. Souvent le chanteur se retrouve seul à la barre, les exemples dans la vie réelle ne manquent pas.

Si Véronica Baldi situe le décor de ce roman dans le quartier de Brixton, temple de la musique rock, punk, reggae et autres, ce n’est pas innocent car de nombreux groupes qui y ont éclos. Mais elle a débuté comme artiste lyrique avant de se tourner vers l’écriture et fut directrice artistique des troupes comme le Théacanto à Paris.

 

Véronica BALDI : Souviens-toi. Collection Nous Deux N°53. Editions EMAP. Parution 5 août 1997. 126 pages.

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26 juillet 2020 7 26 /07 /juillet /2020 03:45

Jolie petite Sheila
Jolie petite Sheila
Dans tes yeux d'enfant moqueur…

Gary DEVON : Désirs inavouables

Maire de Rio del Palmos, une petite ville californienne, Henry Slater est amoureux. Amoureux fou d’une jeune fille de plus de vingt ans sa cadette.

Il est marié mais sa flamme, son désir auprès de sa femme sont éteints depuis longtemps.

Sheila, la jeune fille qu’il connait depuis l’âge de dix ans et qui en sept ans s’est transformée en adorable adolescente, Sheila lui accapare le cœur et l’esprit. Mais Sheila, si elle est orpheline, vit chez sa grand-mère, Rachel, une vieille dame qui ne s’en laisse guère conter.

Et Henry Slater, l’homme important de la ville, le protecteur de la veuve et l’orphelin, le responsable de la sécurité urbaine, le garant des bonnes mœurs, celui qui doit montrer l’exemple de la justice, de la probité, de la moralité, et qui secrètement brigue de plus hautes fonctions politiques, Henry Slater non seulement s’entiche d’une jeunette mais de plus va louer les services d’un tueur afin d’effacer de son chemin la barrière représentée par la vieille dame inquiète de l’avenir de sa petite fille.

Et le tueur ne réussissant pas à honorer son contrat, c’est lui Henry Slater qui fera le travail, même si pour cela il doit se salir les mains.

Tout est organisé, tout est agencé, pensé, conçu, sauf les soupçons qui effleurent Reeves, le chef de la police, un peu trop présent aux yeux de monsieur le maire.

Quant à Faith, l’épouse délaissée, que va-t-elle penser de tout ça ?

Henry Slater se trouve entraîné dans l’engrenage à cause d’un tout petit grain de sable, d’une silice, d’un diamant.

 

L’histoire de Désirs inavouables va crescendo malgré une narration en dents de scie.

L’on croit assister à un roman criminel et l’on tombe dans un roman d’amour. L’on pense subir un roman à l’eau de rose et tout s’effrite, tout éclate sous la violence.

La violence de l’amour et du désir, la violence des passions et de la jalousie, la violence des sentiments et des actes. Le tout décrit avec subtilité.

Il est impossible au lecteur de s’arracher à ce roman. Et s’il pressent parfois la suite logique, le déroulement de cette intrigue, il est happé, aspiré dans cette tourmente, cette dégradation et en même temps cette exaltation des sentiments décrite avec beaucoup plus d’angoisse et de pudeur que ne le laisserait supposer le court résumé de la jaquette.

Quant à l’illustration de la couverture, pour une fois elle est d’une simplicité émouvante et suggestive sans agressivité.

Gary DEVON : Désirs inavouables (Bad Desire – 1990. Traduction de France-Marie Watkins). Collection Spécial Suspense. Editions Albin Michel. Parution 8 septembre 1991. 410 pages.

ISBN : 9782226054210

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25 juillet 2020 6 25 /07 /juillet /2020 03:59

C’est l’amour en héritage ?

Léo GESTELYS : Le fantôme de la fiancée.

Romancier multicartes ou multi-genres, Léo Gestelys a écrit de nombreux romans policiers et d’aventures, mais cela ne l’empêchait pas d’écrire également des romans d’amour, et inversement, comme bon nombre de ses confrères.

Le fantôme de la fiancée joue sur plusieurs genres, et il aurait pu être publié aussi bien dans des collections dites policières que réservées à celles de l’angoisse et le suspense. Mais penchons-nous sur cette intrigue charmante dénuée de violence qui frise presque le paranormal. Sans vouloir bien entendu en dévoiler tous les aspects, même si de nos jours cette publication serait mal vue comme on le verra par la suite.

Obscur employé d’une compagnie d’assurances, René Trévannes se dépêche car il a peur d’arriver en retard à son bureau. Seulement sa concierge l’intercepte lui remettant une enveloppe blanche. Pas le temps de l’ouvrir car l’heure tourne. C’est au bureau qu’il s’acquitte de cette tâche peu compliquée et quelle n’est pas sa surprise de constater que ce pli émane d’un notaire le convoquant le plus tôt possible. Cela ne fait pas un pli, il demande sa demi-journée et une nouvelle surprise l’attend à l’office notarial.

Non seulement il apprend qu’il n’est (n’était) pas seul dans la vie, qu’il possédait un oncle dont il n’avait jamais entendu parler, mais de plus qu’il en hérite. Toutefois, cet héritage se fera en deux temps. D’abord il doit déménager et s’installer dans la propriété du Comte de Novelles dont il découvre l’existence. Il va recevoir une importante somme d’argent qui va le mettre à l’abri des contingences matérielles pour un bon bout de temps, et devient comme le propriétaire par substitution de cette demeure sise près de La Rochelle. Il sera en quelque sorte le gardien du temple du château des Eaux-Vives.

Ce premier testament indique les conditions dans lesquelles René Trévannes devra s’acquitter de ses fonctions. Durant un délai de dix ans, rien ne devra être modifié ou vendu, le train de la maison ni augmenté ni diminué, les domestiques gardés jusqu’au jour où ceux-ci prendront d’eux-mêmes leur retraite afin de jouir des dons qui leur sont faits en prévision de leurs vieux jours. Il devra habiter en permanence le château au minimum huit mois par an et ne pas entreprendre de voyage qui le retienne plus de deux mois éloigné du château. Le second testament qui est glissé dans une autre enveloppe ne devra être découvert que si Trévannes contracte mariage au cours des dix ans impartis. Sinon, si au bout de cette épreuve il se trouve encore célibataire, ses droits à l’héritage seraient définitivement tranchés par la lecture du document pour l’heure scellé.

Malgré ces dispositions et ces injonctions, Trévannes accepte de se rendre immédiatement, c’est-à-dire le plus rapidement possible au château des Eaux-Vives. L’esprit quelque peu perturbé, il quitte l’étude notariale et comme il est l’heure, il déjeune dans un restaurant huppé du quartier de l’Opéra tout proche. Il donne sa démission d’employé d’assurance, et rentrant chez lui il recueille un chien affamé et frigorifié. Un geste qui semble anodin mais dont il se félicitera plus tard. Il nomme ce bâtard Capi, comme le caniche dans Sans Famille d’Hector Malot. Puis il rend visite à un de ses collègues, l’archiviste Gérard Dorfeuil, pour l’heure hospitalisé et qui pense mourir sous peu, atteint d’hémoptysie. Il propose à Dorfeuil de venir s’installer chez lui, tandis qu’il sera dans sa nouvelle demeure, puis de le rejoindre au château, le bon air maritime devant lui permettre de se refaire une santé.

Installé au château des Eaux-Vives, Trévannes est impressionné. Le chauffeur est allé le chercher à la gare en Cadillac, quant au majordome et sa femme, ils ne tarissent pas d’éloges envers leur ancien maître. Trévannes qui est resté simple est accueilli avec une déférence qui bientôt se transformera en estime réciproque. Trévannes visite les lieux et il est intrigué par trois peintures, trois portraits peints à des époques différentes, sur des supports différents mais qui semblent représenter la même femme. Puis il découvre dans le tiroir d’un meuble qui semble l’attirer, une photo assez récente d’une jeune femme qui est la réplique des trois portraits.

Son oncle Didier de Novelles a fait fortune au Brésil, découvrant dans une fazenda un filon d’émeraudes. Puis il est rentré en France, effectuant auparavant un long séjour en Angleterre à cause de la guerre. Il avait perdu la trace de sa sœur, la mère de Trévannes, et ce n’est que peu avant sa mort qu’il a appris l’existence de René.

L’arrivée d’un couple d’Anglais, Lord et Lady Weenendale, accompagnés de leur nièce Muriel, une jeune fille au visage ingrat mais médium est fêtée par le majordome qui les connait fort bien. Grâce à eux, Trévannes va découvrir une partie du mystère qui entoure cet oncle richissime et surtout des avatars qui ont jalonné une grande partie de son existence. Didier de Novelles était tombé amoureux de la belle Sylvia, qui croyait être veuve de Tullio di Mari, une sorte de mafioso, et ils s’étaient mariés. Une fillette du nom de Stella avait scellé leur union. Seulement, Tullio di Mari n’était pas mort dans une algarade et il s’était manifesté auprès du couple. Sylvia était donc bigame et avait dû rejoindre l’infâme Tullio, emmenant leur petite Stella.

Et c’est ainsi que Trévannes, accompagné des trois Anglais et de son ami Dorfeuil, qui tombe amoureux de Muriel, va se mettre à rechercher Stella, la découvrant, grâce à Capi, retenue prisonnière dans une île près de la Côte d’Azur.

 

Le fantôme de la fiancée est tout autant un roman d’aventures qu’un roman d’amour, avec suspense et énigme garantis. Le lecteur pourrait y voir une légère analogie avec le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, mais bien d’autres ouvrages de cette époque peuvent revendiquer cet héritage littéraire.

Ce n’est pas tant l’intrigue qui est à retenir que le contexte de cet amour qui va se développer entre René Trévannes et la jeune Stella. Aujourd’hui, ce qui semblait normal, naturel, dans les années 1950, serait considéré comme une atteinte aux bonnes mœurs, même si cet amour reste platonique. En effet la belle et jeune Stella n’a que seize ans, et encore, et de nos jours bien des lecteurs pourraient crier au scandale, oubliant quelques romans qui eurent en leur temps un énorme succès, témoin Le blé en herbe de Colette, mettant en scène les amours adolescentes. Mais je le répète, les amours entre René et Stella sont platoniques, et donc ne peuvent choquer que les hypocrites, de nos jours de plus en plus nombreux.

 

Ce roman est la réédition d’un ouvrage paru en 1958 chez le même éditeur dans la collection Mirabelle 2e série, numéro 66. Mais il est dommage que ceci ne soit pas signalé, le lecteur étant induit en erreur. Encore heureux que le titre reste identique. Mais d’autres romans de Gestelys ont connu le même sort, et j’aurais peut-être l’occasion d’y revenir.

Léo GESTELYS : Le fantôme de la fiancée.

Léo GESTELYS : Le fantôme de la fiancée. Collection Jasmine N°40. Editions des Remparts. Parution 2e semestre 1980. 192 pages.

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21 juillet 2020 2 21 /07 /juillet /2020 03:53

L'amour, l'amour, l'amour
Dont on parle toujours
À l'amour, c'est un printemps craintif
Une lumière attendrie, ou souvent une ruine…

Mouloudji.

Alexandre DUMAS : Une aventure d’amour.

Si ses romans historiques et de cape et d’épée ont fait sa renommée, Alexandre Dumas se mettait volontiers en scène dans des courts et charmants romans ou contes et nouvelles.

Une aventure d’amour ne déroge pas à la règle et ce texte aurait pu être incorporé dans les Mémoires de Dumas ou dans les nombreuses Causeries qu’il affectionnait.

Un matin de l’automne 1856, Théodore, le valet de Dumas, introduit dans le salon où se tient le romancier et homme de théâtre une jeune visiteuse, Lilla Bulyowski. Elle se recommande d’un ami commun, Saphir, et n’a que vingt-trois ans. Elle est artiste dramatique et parle couramment quatre langues, l’anglais, l’allemand et le français, outre sa langue natale le hongrois. Tout de suite elle prévient Dumas qu’elle a un mari qu’elle aime et un fils qu’elle adore.

Elle désire découvrir Paris et Dumas lui sert volontiers de chaperon, l’emmenant au théâtre, lui présentant ses amis et dînant avec elle deux ou trois fois par semaine. Se noue une amitié amoureuse et lorsque Lilla annonce qu’elle doit partir pour Bruxelles, Dumas qui connait fort bien cette ville pour y avoir séjourné, lui propose de l’accompagner.

Ils partiront ensuite pour Spa, et Lilla se sent souffrante. Dumas qui se prétend doué de magnétisme, la soulage efficacement par l’apposition de ses mains, en tout bien tout honneur. Puis ils vont descendre le Rhin, de Coblence jusqu’à Mayence, et sur le navire ils font la connaissance d’une Viennoise avec laquelle ils sympathisent.

Dumas leur raconte alors une aventure amoureuse qui lui est arrivée alors qu’il était en Italie, en 1836, avec Maria D. qui est accompagnée de Ferdinand, fou amoureux d’elle. Ne pouvant en faire sa maîtresse, Ferdinand a demandé à Maria de l’épouser. Mais sur le spéronare qui les conduit de Naples jusqu’en Sicile, Dumas va faire connaissance intimement sous la tente située sur le pont avec Maria lors d’une bourrasque, alors que Ferdinand atteint du mal de mer se tient à l’autre bout de l’embarcation. Fin d’un épisode et Dumas ne reverra jamais Maria, pas plus que Lilla qu’il présente à Mme Schroeder, grande artiste allemande qui l'accueillera comme élève.

 

C’est ainsi que se termine cette histoire d’amour platonique avec Lilla mais dont Dumas garde un souvenir ému. Deux femmes qu’il ne reverra jamais mais au moins il n’y a aucun regret, les deux histoires se terminant brutalement mais sans heurt. Maria pourrait être la cantatrice Caroline Ungher lors de son voyage en Sicile.

 

Ce court roman, qui conte deux épisodes de la vie amoureuse de Dumas ne manque pas d’humour et le romancier s’attarde volontiers sur la description des paysages rhénans ou des prestations musicales dont Maria gratifie les marins et les deux voyageurs lors de la traversée, car avant la bourrasque c’état calme plat et le navire était encalminé.

A noter également que Dumas se complait aussi à évoquer la nourriture et la boisson lors de ses différentes étapes de Bruxelles à Mayence. Et il ne manque pas de citer son ami Gérard de Nerval.

Quant au valet Théodore, il est qualifié de sot, d’idiot. Mais un défaut que Dumas préfère à ceux de deux autres valets qui eux étaient fripons.

Au reste, l’idiotisme a un grand avantage sur la friponnerie : on voit toujours assez tôt que l’on a un domestique idiot ; on s’aperçoit toujours trop tard que l’on a un domestique fripon.

 

Vous pouvez télécharger ce texte, gratuitement et en toute légalité, en vous rendant sur le site de la Bibliothèque électronique du Québec :

Alexandre DUMAS : Une aventure d’amour. Première édition 1860. Réédition Editions d’Art Athos. Parution 1947. 128 pages.

Réédition numérique : La Bibliothèque électronique du Québec. Collection A tous les vents.

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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 03:05

Roman historique à consonance politique ?

Barbara CARTLAND : Contrebandier de l’amour

Considérée comme la grande prêtresse des romans d’amour, Barbara Cartland, victime de son succès auprès de pseudo-intellectuels probablement jaloux, ne possède pas à son actif que des romances, des livres à l’eau de rose pour Fleurs bleues. En effet sous des dehors très politiquement corrects, mettant en scène des jeunes filles issues de la très haute bourgeoisie et de l’aristocratie, souvent victorienne, ses romans sont nettement plus riches historiquement que présumés et moins sirupeux qu’il y paraît.

Dans Contrebandier de l’amour, l’action se déroule en 1809, alors que règne sur l’Europe Napoléon 1er, encensé par la plupart des Français qui voient en lui un conquérant. Mais pour les Britanniques, il n’est que Bonaparte, un dictateur étendant son emprise sur une grande partie de l’Europe. Ce qui amène à se poser la question sur bien des dictateurs, des hommes politiques influents, vénérés dans leur pays et haïs dans les royaumes ou républiques bordant leurs frontières. Et pour beaucoup le personnage honoré n’est qu’un vil usurpateur, selon du côté de la frontière où l’on se place.

Barbara Cartland ne va pas si loin dans son analyse de la situation politique à l’époque de George III, souverain britannique dont la démence était reconnue et qui fut supplée par son fils Georges IV, qui devint Prince-régent à partir de 1811. Il est donc normal, voire logique, que Barbara Cartland mette l’accent sur la royauté britannique au détriment de l’Impérialisme napoléonien.

 

Nouveau duc de Westcrate, grâce à un héritage inespéré et inattendu, Trydon Raven fuit son château un soir alors qu’il envisageait de se coucher. Une femme est déjà dans son lit, et il sait pertinemment que s’il avait le malheur de succomber, c’en est fait de son célibat et de sa liberté. Dans les coulisses, on veut à tout prix caser une fille afin de lorgner sur sa nouvelle richesse.

Raven ne l’entend pas de cette oreille, ni des deux d’ailleurs, et le voilà chevauchant son fier destrier dans la campagne du Sussex. Le brouillard règne et Raven se perd, se retrouvant près de la mer. Entendant des voix, il se rapproche et il est pris pour un autre par une douzaine de pêcheurs. Ne voulant pas de se dévoiler, il se retrouve à décharger des barils et autres objets de contrebande dans une grotte, sous la houlette d’une jeune femme énergique.

Raven n’est pas trop habitué aux travaux manuels, et inévitablement, il se blesse à une main. Cette femme chef de bande l’emmène dans une riche demeure, et le cache dans une petite pièce meublée avec goût. Il est soigné par une vieille dame qui maugrée, n’appréciant visiblement pas cette intrusion. Mais peu à peu, Nounou se déride et Georgia, la contrebandière, se dévoile un peu. Elle lui confie qu’elle est mariée, son époux étant en mer et dont elle n’a pas de nouvelles depuis leur mariage, mais elle se fait surtout du souci pour son frère Charles. Raven est intrigué par Georgia et son rôle de contrebandière.

Des invités arrivent à l’instigation de sa belle-mère, qui est devenue veuve, et aussitôt Georgia entraîne Raven dans une petite pièce, dite la pièce du prêtre, sous les combles. Il ne doit pas se faire voir, mais il est curieux. Il entend des voix, la marâtre de Georgia qui lui intime de passer une fois de plus la Manche et d’aller chercher un Français sur le Continent. Georgia est obligée de se conformer aux ordres. Une claque est assénée fortement en guise de conclusion. En descendant l’escalier, il aperçoit une petite trappe, et celle-ci poussée, il distingue une dizaine de personnages, des bambocheurs de la haute société et quelques femmes amenées là pour leur plaisir.

Il reconnait en la maîtresse de maison Caroline Standish, une de ses anciennes maîtresses justement, une femme à hommes et surtout une croqueuse de diamants, devenue Lady Grazebrook. Elle l’a mis sur la paille en exigeant des cadeaux couteux, mais depuis il est vacciné. Heureusement pour lui que cet héritage imprévu l’ait remis à flot. Il reconnait également un certain Ravenscroft, bien connu pour ses excès de débauche. Et il se demande, qui peut être cet homme en gris debout dans un coin de la pièce. Un personnage qui l’intrigue.

Georgia lui demande d’effectuer une nouvelle traversée du Channel, afin d’aller récupérer un homme et l’amener en Angleterre. Raven comprend qu’il s’agit d’un espion de l’Empereur qu’il doit convoyer. Il est bien décidé d’en comprendre les finalités et il accepte d’aider Georgia, toujours en dissimulant son identité. En réalité, il n’avoue pas qu’il est le duc de Westcrate, reprenant pour tous son ancien nom de Trydon Raven.

L’opération se déroule sans trop de dégâts, malgré les douaniers et les garde-côtes. Raven emmène Georgia à Londres afin de démêler cette affaire avec l’aide de son ami Pereguine Carrington, auquel il passe la consigne de se taire sur son statut de duc.

 

De nombreuses aventures attendent donc Trydon Raven, duc de Westcrate, devenu un peu le chaperon de Georgia, aussi bien au domaine des Quatre-vents, qu’à Londres et même en France sous les remparts de Calais.

Georgia est une jeune femme forte, énergique, et en même temps une femme fragile, obligée de se conduire en contrebandière pour aider son frère. Elle est dominée par sa belle-mère, une marâtre selon la dénomination de l’époque et qui n’avait pas le sens péjoratif d’aujourd’hui, qui exerce à son encontre, et surtout à celui de son frère, un chantage.

Naturellement, une histoire d’amour se greffe sur cette intrigue romanesque, mi-roman d’aventures, mi-roman historique.

Le Prince de Galles, qui ne régnera que peu de temps après, son père étant reconnu comme fou, étant la cible privilégiée de cet espion qui doit le tuer, sur les ordres de Bonaparte car il n’est jamais question de le nommer Napoléon. Le point de vue des Français et des Européens dans leur ensemble divergeant profondément. Considéré comme un héros national dans notre pays, encore par bon nombre d’historiens, il n’est qu’un dictateur aux yeux des étrangers.

 

Bon Dieu ! s’exclama le duc (s’adressant à Georgia), pour qui donc croyez-vous lutter maintenant ? Vous vous battez pour votre frère et le pays qu’il sert. Vous vous battez pour tous les hommes, les femmes et les enfants de cette île. Ne comprenez-vous pas ce que signifierait pour nous d’être vaincus par Bonaparte ? N’avez-vous donc aucune idée des souffrances, des privations, de la faim qui sont le lot des pays d’Europe actuellement sous la coupe du dictateur ? J’ai vu les paysans chassés de chez eux par l’ennemi, entassés au bord des routes, affamés, assoiffés, ne possédant plus que ce qu’ils portent sur le dos.

 

Evidemment, ce point de vue britannique est dur à encaisser, à propos de celui qui est pour certains une idole. Tout au moins un grand homme. Il faut savoir relativiser, et admettre qu’il a commis des exactions, possédant à son actif des millions de morts.

Alors, évidemment, ce genre de déclaration ne passe pas auprès de tout le monde, certains pouvant se sentir bafoués dans leur orgueil national.

Barbara CARTLAND : Contrebandier de l’amour (Love is contraband). Traduction d’Arlette Rosenblum. Editions J’Ai Lu N°783. Parution le 4 novembre 1977. 256 pages.

ISBN : 2277117838

Première édition : Editions de Trévise. 1970.

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23 juin 2020 2 23 /06 /juin /2020 06:29

Les vignes de la République ne sont pas les vignes du Seigneur !

Catherine GUIGON : Les mystères du Sacré-Cœur. Première partie : Les vignes de la République.

En cet automne 1872, la capitale se relève doucement des affrontements sanglants entre Communards et Versaillais. Pourtant un petit coin respire la tranquillité. Sur les hauteurs de la Butte Montmartre, le café Au Franc Buveur, qui vient tout juste d’être inauguré, accueille un grand nombre de dégustateurs du vin local, produit par son jeune propriétaire Théo Archibault.

Il peut être fier de lui, Théo Archibault, dont le passé fut mouvementé, qui a appris à soigner les vignes en Anjou. Sa récolte est appréciée des consommateurs, lesquels savourent un breuvage qui se différencie des vins aigrelets auxquels ils sont habitués.

A vingt-quatre ans, Théo aurait tout pour être heureux, ou presque, après avoir vécu une enfance difficile. Non pas que ses parents fussent des persécuteurs, le père étant mort à sa naissance durant la révolution de 1848, puis sa mère aimante quelques années plus tard. Et il a été élevé en partie dans un couvent, appelant une religieuse Marraine, et a connu quelques déboires. Mais dernièrement il a hérité de façon mystérieuse de ce lopin de terre accroché à la Butte. Et il y a son ami Armand, typographe et bricoleur. D’autres amis aussi dont le conseiller municipal, le docteur Clémenceau, toujours prêt à aider ses concitoyens, ne comptant pas ses heures. Enfin, il y a la belle et jeune Julie, avenante et souriante, déambulant avec grâce dans les travées pour servir les clients, mais secrète sur son passé.

A un certain moment, Julie regarde au dehors et s’évanouit pour une cause indéfinissable. Puis c’est au tour de Théo d’être la victime d’un accident de la circulation. Un cocher menant à vive vitesse un attelage et lui assénant des coups de fouets, cela marque les corps et les esprits. D’autant que ce cocher possède un faciès repoussant. Le bon docteur Clémenceau répare les dégâts corporels. Ce n’est que le début des avatars subit par Théo, tandis que Julie déserte le café.

 

Pendant ce temps, dans les beaux quartiers de la capitale, le baron Edouard de Gravigny est chargé de récolter des fonds pour l’édification d’une basilique sur la Butte, à l’initiative du Vœu National. Les Catholiques sont majoritaires dans les instances gouvernementales et œuvrent sans vergogne pour contrecarrer les Républicains.

Et ce qui couvait sous la cendre s’affirme au grand jour. Les terrains sur lesquels poussent les vignes de Montmartre seront préemptés afin que les bâtisseurs puissent ériger cette monstruosité, pour certains, ce monument religieux destiné à rétablir l’ordre moral, pour d’autres.

Le premier spolié sera Théo qui va accumuler les déboires. A la recherche d’un manuscrit, il est accusé de meurtre, et ne devra la vie sauve que grâce à Clémenceau qui apporte un témoignage irréfutable sur son innocence. Mais il n’échappera pas à la déportation dans une île de l’archipel de Nouvelle-Calédonie. Il y fera la connaissance de Louise Michel déportée pour avoir participé activement à la Commune en 1871. De retour en France, il deviendra, à l’instigation de son ami Armand, journaliste au Grand Rapporteur.

Quant à Julie, nous suivons en parallèle ses pérégrinations, portant en elle un lourd secret qui l’handicape, devenant une couturière de talent.

 

Ce roman est le parfait exemple du catalogue des thèmes qui servaient de supports aux nombreux et foisonnants ouvrages publié durant le XIXe siècle, sous la plume de Paul Féval, Eugène Sue, Alexandre Dumas, Xavier de Montépin ou encore Alexis Ponson du Terrail.

On y retrouve assassinats, enlèvements, prévarication, séjours au bagne, vengeance et haine, sans oublier l’amour, l’un des vecteurs de ce genre de récits. Et les personnages qui gravitent dans cette histoire, dont on peut se demander quelle est la part du réel et quelle est la part de la fiction, ont pour nom, outre Clémenceau anticlérical convaincu qui tournera mal par la suite, devenant selon sa propre définition le Premier flic de France, n’hésitant pas à employer la soldatesque avec force tirs nourris contre les vignerons et les ouvriers grévistes des carrière de plâtre, outre Louise Michel, cette forte femme, au sens moral, le docteur Sigmund Freud qui fait son apprentissage de psychanalyste, de Paul Féval qui vient de se convertir, détruisant dans un autodafé ses propres ouvrages, et sa femme la mystique madame Féval, ou encore le jeune Valentin le Désossé. Sans oublier quelques figures marquantes de la politique de cette époque mouvementée : le général Boulanger, Jules Ferry, et bien d’autres.

Un roman qui s’échelonne entre 1872 et 1889, lors de l’Exposition Universelle avec l’érection de la Tour Eiffel. Quant au passé des principaux protagonistes, Théo et Julie en tête, il est dévoilé au fur et à mesure qu’avance l’intrigue, avec de nombreux retours en arrière.

Tout autant roman policier, que roman d’aventures, roman historique que roman d’amour, Les vignes de la République, premier volet des Mystères du Sacré-Cœur, vous fera passer un bon moment de détente. Mais à la fin un retournement de situation incite à lire la suite intitulée Le secret de la Savoyarde.

Catherine GUIGON : Les mystères du Sacré-Cœur. Première partie : Les vignes de la République. Editions du Seuil. Parution 27 février 1998. 336 pages.

ISBN : 978-2020334877

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16 juin 2020 2 16 /06 /juin /2020 03:53

Pris dans le filet…

Jean BOMMART : Le Poisson chinois et l’homme sans nom.

Non seulement le Marie-Félix revient à La Rochelle ses soutes chargées de langoustes, mais avec un matelot récupéré dans la mer des Antilles. L’homme a été repêché transi, frigorifié, et depuis trente quatre jours, il aide à la manœuvre avec tous les autres matelots de l’équipage. Il a été habillé de bric et de broc, et surnommé Johnny par défaut. Car il est muet, mais il comprend toutefois ce qu’on lui dit.

Le Marie-Félix arrive de nuit à La Rochelle, par marée basse, mais les marins sont pressés d’aller à terre, sevrés depuis des jours de leur pinard reconstituant. Le pinard, c’est de la vinasse, ça fait du bien par où ce que ça passe… Refrain bien connu.

Aussi Gustave, dit Gugusse, le capitaine, et ses hommes se rendent dans un troquet, laissant Johnny à la charge de Bastien, le mousse. Seulement Bastien ne respecte pas les consignes et Johnny en profite pour se jeter à l’eau et rejoindre le quai un peu plus loin. Pour tous il s’est noyé, car à cause de la marée basse, ce n’est que de la vase qui entoure le navire.

Toutefois Gugusse fait part de sa découverte halieutique humaine auprès des affaires maritimes qui elles-mêmes en informent la police, un ricochet qui arrive aux oreilles du Capitaine Sauvin dit le Poisson chinois, un agent secret qui prend la nouvelle au sérieux.

Aussitôt, le capitaine Sauvin, qui retrouve avec plaisir le lieutenant de vaisseau Manuel, se met à enquêter et remonte peu à peu la piste de Johnny, grâce à des indices dont la vase laissée près de l’endroit où l’homme a réussi à s’extirper du piège marin.

 

C’est auprès d’une prostituée du port que Sauvin et son ami Manuel récupèrent quelques informations, non sans mal. Et l’affaire mène Le Poisson chinois à Paris mais la trace de l’homme se perd dans les rues de la capitale. Et il faut se méfier des services secrets russes, américains, voire britanniques, qui œuvrent dans l’ombre

Le lecteur suit les déambulations du rescapé et apprend son identité. Identité multiple puisqu’il s’agit d’un espion Russe qui n’est pas du tout muet.

Il change une fois de plus d’identité grâce à une relation auprès des diplomates russes installés dans la capitale qu’il contacte de La Rochelle, puis parvient à gagner Paris, loge dans un petit hôtel et travaille dans un garage afin de subvenir à ses besoins. Il est mal à l’aise car il sait qu’il a failli à sa mission aussi il essaie d’échapper à d’éventuels poursuivants de la police française ou espions russes. C’est ainsi qu’il va faire la connaissance d’une jeune fille d’origine russe et qu’il va intégrer la communauté des Russes blancs installés à Paris. Lui le Russe rouge fraie avec ceux qui ont fui le pays suite à la Révolution d’Octobre.

Pourtant, alors que l’on pourrait croire que cette aventure se déroule durant l’entre-deux guerres, cet épisode se déroule bien fin 1957, puisqu’il est fait référence au lancement du premier Spoutnik.

Tout autant roman d’espionnage que roman policier, voire même roman d’amour par certains côtés, Le Poisson chinois et l’homme sans nom est agréable à lire et n’a pas subi les outrages du temps. L’écriture et la narration sont fluides, et il s’agit véritablement d’un classique parmi les classiques.

 

Jean BOMMART : Le Poisson chinois et l’homme sans nom. Collection Les Trois A… Editions Librairie Arthème Fayard. Parution 26 septembre 1958. 222 pages.

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25 mai 2020 1 25 /05 /mai /2020 03:49

Il serait peut-être temps !

Thomas STONE : Suzanne se réveille

Ils se sont mariés jeunes, ne se connaissant guère, n’ayant aucune expérience de la vie et étant encore vierges. Mais la guerre est là qui sépare le couple.

Michel est parti durant quatre ans comme fusilier-marin dans le Pacifique. A son retour, il retrouve Suzanne sa femme qui est restée sage, et son emploi chez un notaire. Mais au bout de quelques semaines, alors qu’en épouse dévouée, Suzanne nettoie le costume de son mari, elle découvre une lettre anonyme adressée à Michel et qui débute en ces termes : Mon chéri, crois-tu que nous avons passé une bonne soirée !… Et le reste est encore plus explicite.

Naturellement, lorsque Michel rentre, plus tard qu’il ne le devrait, et qu’il lu annonce qu’il doit repartir le soir même pour San Francisco, Suzanne n’est guère satisfaite. Avant de lui remonter les bretelles, elle lui offre un whisky, s’en sert un, alors qu’auparavant ils ne buvaient jamais.

Lorsqu’elle avait rencontré Michel, elle se demandait même si un jour elle trouverait un mari. Et Michel, qui commence à se mettre en colère lui rétorque qu’elle est en train d’avouer qu’elle l’a épousé uniquement parce qu’elle voyait en lui le seul mari possible. Enfin, il accepte de dévoiler le nom de sa maîtresse. Eve (un prénom prédestiné ?) Hazen, la fille de son patron, bien connue pour ses frasques, son premier mariage, devenue une veuve joyeuse, puis remariée avec Tommy Travis, un richissime quinquagénaire (un vieux quoi !), dont elle s’est séparée une semaine après les noces, à moins que ce soit lui qui l’ai congédiée, et surtout elle est réputée dans toute la ville pour sa collection d’amants. Une nymphomane conclut Suzanne.

Suzanne sait qu’elle doit reconquérir son mari et elle se fait chatte, pensant pallier son inexpérience en s’offrant à lui. Et Michel, comme tout homme qui se sent supérieur, il la rejoint dans leur lit, mais si la nuit se déroule agréablement, ou presque, rien n’y fait. Un appel téléphonique et Michel quitte l’appartement pour rejoindre Eve et croquer la pomme ensemble. Mais il se rend compte qu’il n’est juste qu’un passe-temps pour la jeune femme et se réfugie à San Diego, s’installant dans un hôtel minable, passant ses soirées à boire.

Pendant ce temps, Travis qui doit revoir son fils Sonny, perdu de vue depuis des années, sa femme ayant déserté le foyer conjugal, demande à Eve de réintégrer leur logement afin de démontrer artificiellement que son ménage n’est pas en déliquescence comme les mauvaises langues le prétendent. Mais c’est une fausse bonne idée. Puis il demande à Suzanne de travailler pour lui, l’aidant à rédiger ses mémoires et les tapant à la machine. Seulement Sonny, qui est fiancé et va se marier prochainement, fait la cour par jeu à Suzanne. La prude et inexpérimentée Suzanne.

 

Roman d’amour ou plutôt de désamour psychologique, Suzanne se réveille est l’œuvre d’une femme, malgré ce pseudonyme masculin.

En effet sous l’alias de Thomas Stone, se cache Florence Stonebraker, auteur de très nombreux ouvrages dits romantiques dont certains ont été édités en France sous son nom et dans la même collection.

En aucun cas ce roman peut être catalogué comme érotique. Seuls, parfois, quelques allusions, et surtout les reproches que se fait Suzanne quant à son inexpérience, ou les propositions de Sonny envers la jeune femme, tournent autour du sexe, mais jamais il n’y a de descriptions érotiques.

 

Tu me reproches d’être froide, frigide, même ? C’est donc de cela que tu m’en veux, Michel ? Je ne vaux rien au lit, et tu es tombé amoureux d’une femme plus experte ? C’est ça ? Evidemment, elle a tant d’expérience et moi j’en ai si peu ! Elle n’a pas manqué de professeurs qui lui ont enseigné la technique de l’amour et moi je n’ai que toi… Voilà ma faiblesse. Peut-être que si je prenais des amants… Comme Eve Hazen…

 

Tout réside dans la psychologie des personnages, dans leurs différences, dans leurs relations sociales plus que physiques ou charnelles, dans des mises au moins parfois difficiles à avouer dans un couple.

Souvent dans les romans noirs américains, comme chez Day Keene par exemple, la femme, la plupart du temps la maîtresse, se montre nymphomane ou rouée, mais rarement l’épouse avoue n’être qu’une oie blanche. Suzanne, dévalorisée depuis son enfance par sa tante qui l’a élevée, continue à se rabaisser, physiquement et mentalement.

 

Suzanne lui apparu comme une étrangère. S’il avait changé, elle n’était plus la même non plus. Elle semblait plus mûre, plus sûre d’elle-même. Dans les petites choses, elle se montrait presque trop gentille, lui apportant son petit déjeuner au lit s’il était enrhumé, lui recommandant de prendre son manteau de pluie si le temps menaçait, semblant oublier qu’il avait fait la guerre, que diable ! Qu’il n’avait rien d’une mauviette… Oui, pour les petites choses, elle était parfaite, mais pour la grande chose, c’est-à-dire le lit, là alors… Quelle déception ! Froide, réservée, toujours un peu craintive, un vrai glaçon ! Il en vint à penser qu’elle n’avait pas le moindre tempérament.

 

Tommy Travis, qui passe lui aussi pour un homme à femmes, ne demande rien de plus que de se retrouver au calme, à lire un bon livre. Il a été jeune, a connu des conquêtes faciles, mais elles ne lui ont jamais apporté la moindre satisfaction. D’ailleurs il est aussi sage dans sa vie sexuelle que dans son alimentation et il ne boit jamais. Que du lait cacheté placé dans un réfrigérateur. Nous sommes loin de l’image du Don Juan collectionneur de bonnes fortunes et dégustateur d’alcools en tous genres.

Le reflet de l’Amérique à la fin de la guerre, narré d’une façon pudique et sobre, par une romancière qui, outre la vingtaine de romans dits conventionnels mettant en scène des femmes chastes, fut également l’auteur de plus de 80 romans de pulps-fictions lesbiens entre 1937 et 1967.

Thomas STONE : Suzanne se réveille (Passion’s Darling – 1946. Traduction de Pierre Drize). Collection Les Romans américains N°57. Editions Ferenczi. Parution 1er trimestre 1957. 96 pages.

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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 04:02

La nuit est chaude,
Elle est sauva-age,
La nuit est belle
Pour ses otages…

 

NELLY : La nuit est à nous.

Apercevoir son fiancé dans une voiture en compagnie d’une autre femme, qui plus est vedette de cinéma, voilà de quoi attiser la jalousie d’une jeune femme amoureuse.

Et Bérénice Serrigny, fille d’un riche métallurgiste, décide aussitôt de quitter Paris afin de se réfugier auprès de sa tante madame de Cernon à Lausanne. Le beau Francis, qui s’était fait prier pour la demander en mariage prétextant sa pauvreté malgré son métier d’ingénieur, n’avait pas à lui mentir et déclarer qu’il avait un rendez-vous d’affaire pour ne pas sortir avec elle au théâtre ce jour là.

Dans le train qui l’emmène en Suisse, Bérénice remâche sa déconvenue lorsque qu’une femme apeurée s’introduit dans son compartiment à une place. Elle se nomme Sémiramis et craint pour sa vie, affirmant qu’elle est poursuivie par deux tueurs. Arrivée à Lausanne, Bérénice lui propose un hébergement chez sa tante madame de Cernon, ce qu’accepte bien volontiers la jeune fille.

Sémiramis est l’unique héritière du Prince Adamazin, mort un an auparavant, qui possédait la plus grande partie des pétroles iraniens. Son cousin Ali, fervent disciple de l’Ayatollah Khomeiny, souhaiterait, exigerait même, qu’elle l’épousa. Seulement Sémiramis est amoureuse d’un Français. Alors que les deux femmes prennent ensemble une boisson dans un hôtel de Lausanne, Sémiramis doit s’absenter. Un peu plus tard, un serveur affirme qu’elle serait montée à bord d’une voiture. Aussitôt Bérénice pense à un enlèvement. Mais elle reçoit un message de Sémiramis indiquant qu’elle doit la quitter et se rendre à Rome puis à Téhéran. Elle lui demande juste de s’occuper de ses bagages et surtout de sa trousse.

Et Bérénice est à nouveau la proie d’une crise de jalousie, lorsqu’elle trouve par hasard, une lettre dans les affaires de Sémiramis adressée à son fiancé Francis Corton.

Bérénice décide alors de se rendre à la gare pour remettre elle-même les bagages, mais elle dépose la trousse à la consigne et met le reçu dans une enveloppe adressée à son nom. Sur le quai de la gare elle est abordée par Ali Adamazin, le cousin de Sémiramis qui lui propose de retrouver la jeune Iranienne le soir même au restaurant. Or dans le taxi qui l’amenait à la gare, elle s’est rendue compte que l’écriture du message et celle sur l’enveloppe adressée à Francis, différaient.

Au restaurant Ali prétend que sa cousine n’a pu se déplacer et qu’elle se trouve dans les environs de Montreux. Mais en cours de route Bérénice se rend compte qu’elle est prise en otage. Une voiture les suit, Ali exécute une mauvaise manœuvre sur une route de montagne, la voiture dérape, Bérénice parvient à sauter tandis que le véhicule dévale le ravin. Sémiramis a réussi à s’échapper et prévenir des policiers qui se sont lancés sur la trace d’Ali.

Francis arrive à Lausanne et le malentendu concernant sa prétendue liaison avec l’actrice sera rapidement effacé, mais Bérénice est impulsive, et elle avait recommencé la même erreur plus tard, dans des conditions différentes, certes, mais toujours aussi préjudiciables, avec la missive découverte dans la trousse. Francis sert de boîte postale à l’amoureux de Sémiramis, un ami et collègue, qui de par ses occupations professionnelles voyage beaucoup.

Quelques semaines plus tard, ils se marient, passent un court séjour à Rome puis ils s’envolent pour Téhéran où Francis doit contrôler en même temps les travaux de forage des puits de pétrole de la compagnie de son beau-père en Irak, aux confins de la frontière. Leur voyage sera mouvementé, tandis que leur séjour dans la résidence de Sémiramis qui les héberge leur dispensera des sueurs froides, et ce n’est pas peu de le dire.

 

Ce roman d’amour signé Nelly, à ne pas confondre avec Delly, est probablement l’œuvre d’un auteur, masculin ou féminin, expérimenté. Car sous l’histoire d’amour et ses malentendus, se cache une analyse de la situation politique et sociale de l’Iran, un pays qui à l’époque de l’écriture de l’intrigue est en plein bouleversement.

Sémiramis explique à Bérénice que dans cette révolution, l’obscurantisme des religieux effraye certains libéraux, tandis qu’Ali, pro-Khomeiny, affime : J’ai toujours été opposé au Shah qui oppressait le peuple, toute ma famille est du reste profondément religieuse et l’Ayatollah Khomeiny a toujours été notre guide.

 

Mira, la femme de chambre de Sémiramis, déclare à Bérénice lors de l’une de leurs rares conversations, L’Islam est la seule voie qui peut sauver le monde, poursuivant ses accusations d’une façon acrimonieuse.

-La princesse ne porte pas le tchador. Elle ose dévoiler devant tous son corps impur.

Bérénice intervint :

-La princesse a vécu en Europe. Les mœurs sont différentes, elle ne pouvait circuler en tchador à l’étranger.

-Peut-être, mais ici, elle devrait se conformer aux traditions.

Son visage exprimait la haine quand elle ajouta :

-C’est l’épouse maudite du Shah qui a ainsi profané les femmes.

-Mira, nous sommes au vingtième siècle, les exigences de la vie moderne sont incompatibles avec cette coutume. La liberté…

-Les accoutrements des femmes de l’Occident nous dépouillent de notre intimité. Le tchador c’est ce qui nous permet de rester libres et de disposer de notre corps comme nous l’entendons.

Bérénice regrette alors d’avoir voulu dialoguer avec elle, car profitant de sa lancée, elle poursuivit :

-Vous devriez lire le Coran, madame.

-Je suis catholique.

-Si vous lisiez le Coran, vous renieriez votre religion.

Ajoutant :

-Il n’y a que dans l’Islam que l’on peut trouver la quiétude et le bonheur… C’est la seule doctrine qui peut assurer au monde la pureté, l’honnêteté, base de toute juste démocratie… Les autres religions ne professent que des mensonges, toutes trompent leurs fidèles…

 

Et à deux ou trois reprises, l’auteur ne manque pas de signaler que l’ayatollah Khomeiny avait été hébergé en France, propageant activement ses idées révolutionnaires depuis sa résidence de Neauphle-le-Château. Un roman écrit et publié en 1979 et qui était alors à la pointe de l’actualité. Edifiant, non ?

NELLY : La nuit est à nous. Collection Turquoise N°1. Editions Presses de la Cité. Parution 20 avril 1979. 190 pages.

ISBN : 2258005256

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9 mai 2020 6 09 /05 /mai /2020 03:53

Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au soleil,

A point perdu cette vesprée,

Son parfum empoisonné…

D’après Ronsard

DELLY : La rose qui tue.

Grâce à une petite annonce parue dans un journal, Gemma va pouvoir enfin entrer dans la vie active. Elle est bardée de diplômes mais n’a rien trouvé pour subvenir à ses besoins d’argent qui se font pressant. Elle va bientôt entrer dans sa majorité tandis que sa sœur Mahault, un peu plus âgée qu’elle, donne des cours de musique dans une institution de jeunes filles.

Leur père vient de décéder et leur mère a quitté le foyer conjugal depuis longtemps, même si elles sont toujours en relation épisodiques avec elle. De nombreux revers de fortune ont accablé leur père, et depuis elles résidaient chez une vieille tante à Vallauris. Mais celle-ci vient de décéder elle aussi et elles doivent vendre la villa pour régler les frais de succession.

Heureusement Gemma va pouvoir être embauchée comme institutrice afin d’assurer l’instruction de deux petites filles. Elle doit prendre contact avec la comtesse de Camparène, qui est actuellement au Grand Hôtel à Cannes. L’entretien se déroule sous les meilleurs auspices et la vieille dame propose d’embaucher également Mahault comme professeur de musique. Le travail de Gemma ne se concentrera pas uniquement comme préceptrice car le vieux comte de Camparère aura également besoin de ses services.

Il a bien connu autrefois le père de Gemma et Mahault, celui-ci ayant écrit d’intéressant ouvrages historiques. Or le comte s’est donné comme mission d’écrire l’histoire des vieilles familles provençales. Il a bien un secrétaire mais l’homme déjà vieux ne vaut rien pour les recherches. Naturellement Gemma accepte ce supplément de travail, qui lui aussi sera rémunéré, et bientôt c’est le départ pour le château de Brussols, dans l’arrière-pays.

Gemma et sa sœur font bientôt la connaissance des résidents du castel de Brussols. Outre le comte de Camparère et sa femme, qui porte la culotte, sont présents Lionel, le petit-fils, deux fois veuf, père des petites Joyce, issue du premier mariage, et Auberte, née du second mariage. Elles ne sont guère âgées et se distingue par leur caractère. Autant Joyce est pétulante, vive, souriante, autant Auberte est timide, maladive, quelque peu renfrognée. Pourtant c’est Auberte que Gemma apprécie, Joyce lui paraissant hypocrite. D’autres membres de la famille séjournent régulièrement, comme Laetitia, comtesse de Camparini, Salvatore, petit-fils du comte, ou encore Brigida Tchernine.

Lionel, qui est à moitié paralysé des membres inférieurs et ne se déplace qu’à l’aide de béquilles, passe la plupart de son temps dans la Tour Hardie, une construction ancienne attenante au castel, s’occupant de ses fleurs rares et d’expériences chimiques. Il est aidé dans ses recherches par Laetitia. Le comte est plongé dans ses recherches et l’écriture de son ouvrage. Salvatore, qui vit dans un pavillon situé à quelques centaines de mètres du château, est un sculpteur amateur mais dont les statues sont particulièrement ravissantes. Il partage son temps entre ses séjours à Brussols et en Corse où il possède quelques propriétés.

Les employés eux aussi possèdent leurs particularités. L’un des deux chauffeurs est noir, la jeune femme de chambre est métisse, et d’autres sont chinois, italien. Un heureux mélange qui vit en bonne harmonie de surface. Et surtout il y a Zorah, la naine, la protégée de la comtesse, qui fait de brèves apparitions, et qui joue un peu le rôle de la sorcière.

Mahault est enchantée de ce séjour et se comporte comme elle l’a toujours fait, se montrant une jeune fille naïve, futile, superficielle, tandis que Gemma, la cadette est nettement plus réservée dans ses jugements. Elle se méfie de Lionel qu’elle juge hypocrite sous des dehors avenants, sournois, et surtout ce sont les décès prématurés de ses épouses qui l’intriguent.

Gemma n’est pas attirée par le charme de Lionel, qu’elle juge vénéneux, et se sent plus proche de Salvatore. Laetitia se montre distante, et la comtesse est très directive. Mahault pratique la musique, souvent en compagnie de Lionel, et bientôt elle va faire partie de la famille. En effet Lionel lui a proposé de se fiancer et devenir sa troisième femme. Gemma n’est pas vraiment satisfaite de cet engouement. Mais elle ronge son frein tout en s’occupant de Joyce, toujours aussi pétulante, tandis qu’Auberte est de plus en plus maladive. Un voyage au bord de la mer, à Dinard est envisagé afin de permettre à Auberte de se requinquer. Mais le drame couve.

 

Le titre de ce roman est trop explicite pour que l’intrigue, qui est pourtant dévoilée peu à peu, ne laisse guère de doute sur les occupations de Lionel et le décès de ses précédentes épouses.

C’est la tension entre ces différents personnages, et l’appréhension de Gemma envers un avenir qu’elle suppute anxiogène, qui imprègnent ce roman représentatif de l’œuvre de Delly.

Des hobereaux de province aisés, des jeunes filles en difficulté financière, des artistes qui sacrifient à une passion, et deux régions qui servent de décors.

Jeanne-Marie Petitjean de la Rosière et son frère Frédéric Petitjean de la Rosière forment ce couple littéraire connu sous le nom de Delly. Jeanne-Marie est née en Avignon et Frédéric à Vannes, ce qui explique en grande partie l’implantation provençale et bretonne dans les décors qui servent de support.

Si Delly est de nos jours quelque peu oublié, cet auteur bicéphale fut un véritable phénomène littéraire, traduit abondamment en Italie, et leur succès populaire attisa l’ire des critiques, probablement par jalousie. Des romans faciles, certes, mais qui ne manquent pas de psychologie, et les personnages offraient un dérivatif à des lecteurs issus souvent de la société ouvrière. Des rêves par procuration devant des personnages aisés financièrement qui se montraient parfois plus venimeux, plus hypocrites, plus sournois que ceux qui étaient décrits dans la culture populaire mettant en scène des miséreux, des cabossés de la vie, mis en scène sous la plume de Marcel Priollet, Pierre Decourcelles ou Xavier de Montépin et autres.

Un bain littéraire rafraîchissant démontrant que les riches sont souvent plus pervers dans leurs actions que les représentants du petit peuple.

 

A lire également de Delly :

Et pour en savoir plus sur ce phénomène littéraire qui œuvra durant la première partie du XXe siècle :

DELLY : La rose qui tue. Couverture de Gyula Konkoly. Editions J’Ai Lu N°921. Parution 20 septembre 1979. 192 pages.

ISBN : 2277119210

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