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17 mars 2019 7 17 /03 /mars /2019 05:34

Derrière chez moi, savez-vous quoi qu’y a

Derrière chez moi, savez-vous quoi qu’y a

Y a un bois, le plus joli des bois, petit bois derrière chez moi…

Marc VILLARD : Compagnons des forêts.

Au début des années 1960, même si l’écologie n’était pas encore à la mode, les vacances sous la tente, dans des prés ou des bois, étaient un dérivatif pratiqué par des millions de Français. Les joies de la nature, le chant des petits oiseaux, que du bénéfice pour la santé, et surtout pour les jeunes adolescents que nous étions.

C’est ainsi que Marc Villard, et quelques garnements de son âge, environ, se trouvèrent enrôlés dans les Compagnons des forêts, sorte de scoutisme amélioré et moins prosélyte. Et son premier contact avec les Compagnons des forêts, son entrée dans ce cercle fermé, c’est en pleine nature dans les Pyrénées qu’il a lieu.

Trois semaines consacrées à la marche, à la vie en groupe, aux veillées et une tente partagées entre cinq occupants qui se découvrent. Cinq garçons évidemment, car les filles sont logées dans leur tente à elles. Pas de mélange, Woodstock n’était pas encore passé par là. Et le jeune Marc fait la connaissance des frères Chassepot, des jumeaux plus vieux que lui d’un an, des Noirs. Mais à cet âge et à cette époque, la couleur de peau n’entrait pas en ligne de compte dans les amitiés.

De treize ans jusqu’aux portes de la majorité, qui était alors de vingt et un ans, Marc Villard déroule ses souvenirs d’adolescent, pas plus calme, pas plus turbulent que les jeunes de sa génération, vivant dans une zone semi-urbaine, semi-rurale, entre Versailles, Viroflay, Plaisir, Chavenay où les champs n’avaient pas encore été réduits à des lotissements envahissants.

C'est Le temps de l'amour, le temps des copains, et de l'aventure… Chantait Françoise Hardy mais avant il y avait eu Le temps des copains de Robert Guez avec un jeune comédien qui allait devenir célèbre en imitant De Gaulle. Henri Tisot. Mais ça, c’est une autre histoire.

Les chapitres qui composent ce court roman sont autant de vignettes, comme des souvenirs éclatant en flashs dans l’esprit, sous les yeux, des remémorations que l’on se représente avec nostalgie et attendrissement. Des épisodes que l’on ne revivra plus, non pas à cause de l’âge, mais parce que cela n’existe plus.

Par exemple, ouvreuse dans les cinémas. C’est bien une époque révolue. Et le jeune Marc, afin d’arrondir des fins de mois difficiles, l’argent de poche n’étant distribué qu’avec parcimonie, a effectué quelques vacations dans un cinéma de quartier le dimanche. Et il laissait entrer des copains à l’entracte afin que ceux-ci puissent regarder les films projetés.

Ou encore aller ramasser des pommes de terre, le glanage de tubercules, dans les champs environnants. Maintenant ce sont les machines qui effectuent le travail. Les machines n’ont pas besoin de se baisser et ressentir les désagréments du mal de dos.

Autant de petites réminiscences qui surgissent lors du détour des pages. Et ces altercations entre les tenants des Chaussettes noires et d’Eddy Mitchell, et ceux qui ne voyaient ou n’entendaient que par les Chats sauvages et Dick Rivers. Le bon temps du Yéyé. Alors que tous nous aimions gratter péniblement de la guitare, Marc Villard lui s’adonnait à la batterie, qui n’était pas celle de cuisine.

Et passons sous silence les premiers baisers avec incursion de la langue. Ceci entre dans le domaine privé… de sensations, au départ. Mais Marc Villard se dresse parfois comme le Chevalier blanc au secours de la veuve et de l’orphelin. Et surtout de jeunes filles en difficultés, théoriquement à l’abri sous leurs tentes et convoitées par des Grecs… Mais il n’est pas seul pour réaliser cet exploit.

Un texte dans lequel je me suis retrouvé la plupart du temps. Il est vrai qu’entre Marc Villard et moi, il n’y a qu’à peine deux semaines de différence, et que nous vivions à cette époque dans la banlieue parisienne, la capitale étant si loin et pourtant si proche, et presque l’aboutissement de nos rêves d’adolescents. Mais je vivais à l’opposé de Marc Villard, géographiquement, habitant dans la même petite ville qu’Alain Demouzon mais ne fréquentant pas le même établissement scolaire.

Existe au format numérique : 3,99€.

Existe au format numérique : 3,99€.

Marc VILLARD : Compagnons des forêts. Collection La petite maitresse en maillot de bain N°10. Editions Après la Lune. Parution 8 juin 2006. 62 pages.

ISBN : 978-2352270164

Existe au format numérique : 3,99€.

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6 novembre 2018 2 06 /11 /novembre /2018 06:08

Il voyage en solitaire

Et nul ne l'oblige à se taire.

Marc VILLARD : Sur la route avec Jackson.

Ni à boire ! Pourtant, en ce mois de juin 1951, Jackson Pollock, qui boit comme un gouffre, se fait accompagner en voiture parce qu’il ne connait pas la région de Gallup au Nouveau Mexique.

Edgar Dashee, son contact navajo, doit l’emmener chez Rick Feinway, un ami auquel il a promis deux toiles, dont il s’est muni et qui sont bien enveloppées dans du papier kraft. Seulement, lorsqu’ils arrivent près d’Acoma, c’est pour lire sur une petite pancarte accrochée à la porte que Rick vient de décéder.

Dashee en profite pour lui montrer une peinture sur sable que va réaliser Don Begay en l’honneur d’une vieille femme malade. Pollock est intéressé par cette prestation puis il descend dans une petite ville, Dashee lui ayant réservé une chambre dans un motel. Le Navajo est obligé de l’abandonner momentanément pour des raisons familiales, mais Pollock n’est pas embarrassé. Du moment qu’il y a du whisky à boire… !

Seulement, dans le bar du bled, il s’incruste à une partie de poker. Il ne perd pas sa chemise, mais presque car pour régler ses dettes de jeu il offre à l’un de ses adversaires les deux toiles qu’il trimballait. L’homme accepte ayant un copain collectionneur dans le Maine.

Juin 1956. A bord d’une voiture volée à Portland, dans le Maine, Steve Hammond et ses deux amis, Patti et Don Fraser, ont l’intention de braquer la Camden National Bank de Bingham. Patti et Don sont frères et sœurs. Don est plus vieux que Patti, mais c’est elle qui réfléchit pour le trio. Ils ont retrouvé Steve quelques mois auparavant, mais ils se connaissent depuis l’école, lorsqu’ils habitaient dans le Vermont. C’est loin tout ça. Depuis, Don s’est marié, mais il est séparé de sa femme, ayant en garde son fils Cary, son gamin de huit ans atteint de problèmes psychiques. Quant à la mère de Patti et Don, elle vit toujours dans le Vermont, à l’écart du village.

A cause d’une parole malheureuse d’un employé de la banque quelques années auparavant, ils ont décidé de se venger en braquant le réservoir à pognon. Ils annihilent rapidement les velléités de refus de la part des employés, du directeur et même des clients et s’emparent du fonds de caisse, raclant les tiroirs. Et comme Patti n’en n’a pas assez elle descend à la salle des coffres, prélève des bijoux ainsi que deux toiles de Pollock. Steve qui au dehors devait surveiller les alentours s’introduit dans l’édifice. Il est blessé au bras, un policier n’ayant pas apprécié ce braquage.

C’est la fuite, mais que vont-ils pouvoir faire des toiles de Pollock ? Patti a sa petite idée. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que la banque sert de couverture à des mafieux et ceux-ci n’ont pas donné leur accord pour ce hold-up. Et naturellement, ils vont lancer un homme de main, un Japonais, aux trousses des braqueurs.

 

On pourrait penser à une nouvelle histoire façon Bonnie and Clyde ou Sailor et Lula. Sauf qu’il existe une différence notable, Patti et Don sont frère et sœur, ce qui change moralement la donne. Si, si, j’ai bien écrit moralement. Et le braquage de banque pourrait n’être qu’un épisode parmi tant d’autres dans la longue lignée des petits braqueurs confrontés ensuite à la Mafia. Car on ne spolie pas impunément cette association de malfaiteurs, quel que soit le pays dans laquelle elle est implantée.

C’est le personnage de Pollock qui au début et à la fin du récit s’impose, et donne du volume et des couleurs à l’intrigue. Pollock au Nouveau-Mexique puis ensuite chez lui à Springs, dans l’état de New-York. Pollock était très connu de son vivant et considéré comme le pionnier de l’expressionnisme abstrait. Connu mondialement, sauf dans certains coins reculés des Etats-Unis, on n’est pas toujours prophète en son pays.

Un épisode dans la vie de Jackson Pollock qui aurait pu réellement se dérouler, d’ailleurs certaines données sont extraites de sa vie, et surtout de sa mort, avec des personnages ayant existés. Mais Marc Villard ne serait pas Marc Villard si dans ce roman, outre les références picturales et des personnages réels qui sont associés à cette relation narrative, ne se glissaient pas d’autres références, musicales celles-là. Comme la présence auditive d’Elvis Presley.

Un texte court, dense, lumineux et des personnages attachants malgré une moralité douteuse.

Ouvrages récents de Marc Villard :

 

Composition N°16, l'une des deux oeuvres volées par Patti

Composition N°16, l'une des deux oeuvres volées par Patti

Marc VILLARD : Sur la route avec Jackson. Editions Cohen & Cohen. Parution le 18 octobre 2018. 100 pages. 16,00€.

ISBN : 978-2367490571

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12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 06:51

Scandale dans la famille !

Annie ERNAUX : La honte.

En juin 1952, la petite Annie a douze ans. Elle assiste désemparée à un incident qui va la marquer à tout jamais et auquel peu d'enfants, heureusement, sont les témoins : son père désirant supprimer sa mère dans un accès d'exaspération.

Une photo rescapée de son enfance où elle pose en compagnie de son père lors d'un voyage à Lourdes fait ressurgir les images de cette année 1952 et immédiatement remontent à la surface les petits faits marquants que seule une enfant peut ressentir et emmagasiner au plus profond de soi, sans vouloir vraiment s'en délivrer et qui pèsent sur toute une existence.

 

Annie Ernaux avec pudeur renoue avec le passé, celui d'une génération qui a connu les années d'après-guerre alors que tout était régi par les à-priori, les quand dira-t-on, que le monde commençait au bout du quartier, que l'esprit était obnubilé par la transformation du corps, que l'eau chaude sur l'évier n'était réservé qu'à une élite, que les plus démunis étaient rangés dans la catégorie des "économiquement faibles".

Elle dévoile et se délivre d'un pan de son adolescence, narre avec simplicité ce basculement, ce "dessillement" qui l'amène à ranger les gens en catégories, les pauvres d'un côté, les nantis de l'autre, les faux-bourgeois en forme de traits d'union, comme les arbitres de la société qui n'était pas encore de consommation.

Une biographie dans laquelle pourront se reconnaître bon nombre de lecteurs nés pendant ou juste après la seconde guerre mondiale, parce qu'ils ont connus eux aussi cette période semi léthargique, découvrant peu à peu ce modernisme dont nous sommes aujourd'hui plus ou moins esclaves.

Réédition Folio N°3154. Parution 2 février 1999. 142 pages. 4,85€. ISBN : 978-2070407156

Réédition Folio N°3154. Parution 2 février 1999. 142 pages. 4,85€. ISBN : 978-2070407156

Annie ERNAUX : La honte. Collection La Blanche. Editions Gallimard. Parution 25 février 1997. 132 pages. 12,50€.

ISBN : 978-2070747870

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2 octobre 2018 2 02 /10 /octobre /2018 06:12

Juste une mise au point

Sur les plus belles pages de ma vie…

Elie-Marcel GAILLARD : Ponson du Terrail. Biographie de l’auteur du Rocambole.

L’honnêteté intellectuelle est de vérifier les sources d’une affirmation, d’une rumeur, avant de continuer à propager ce qui n’est que l’expression d’un dépit et d’une jalousie à l’encontre d’un auteur.

Ainsi depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles, est attribuée à Pierre Alexis de Ponson du Terrail cette phrase qui a fait le tour du monde et dont se servent encore quelques chroniqueurs afin de se faire mousser en laissant croire qu’ils ont lu l’œuvre du créateur du Rocambole et qu’ils sont les premiers à avoir relevé cette anomalie :

Elle avait les mains froides comme celles d'un serpent.

Cette citation apocryphe ne figure pas dans Rocambole, comme certains le laissent croire, mais est due à Robert Robert-Mitchell, homme politique et journaliste.

La véritable phrase écrite par Ponson du Terrail est celle-ci :

Cette femme avait la main froide comme le corps d’une couleuvre.

Ce qui est non seulement totalement différent mais démontre que la jalousie des uns et des autres peut être non seulement préjudiciable mais se perpétrer sans que personne y trouve à redire. Enfin, si, quelques-uns quand même qui doutaient de cette origine suspecte et Elie-Marcel Gaillard, dans cette biographie, dément catégoriquement tout ce qui est colporté, et redonne quelques citations à leurs véritables auteurs. Et parmi toutes les citations imputées à Ponson du Terrail, bon nombre sont apocryphes. On ne prête qu’aux riches…

Non seulement le mot Rocambolesque est passé dans l’usage courant, parfois à tort et à travers, mais une autre expression est à l’origine d’un courant littéraire, car l’appellation de roman de cape et d’épée a été utilisée par la suite de la parution en 1856 de son roman La cape et l’épée pour certains romans historiques.

Après avoir dressé l’arbre généalogique, remontant jusqu’en 1575, et raconté la jeunesse de Pierre Alexis de Ponson, né le 8 juillet 1829 à Montmaur (Hautes-Alpes) qui ne deviendra de Terrail que pour les besoins littéraires, accolant au nom de son père celui de sa mère, ses relations avec ses grands-parents maternels qui l’ont en partie élevé, son enfance dans la maison familiale de Simiane la Rotonde (Basses-Alpes devenues Alpes de Haute Provence), les différents établissements scolaires fréquentés à Apt notamment puis à Marseille, Elie-Marcel Gaillard nous invite à suivre le jeune homme à Paris où il débarque à l’âge de 18 ans, à la veille de la révolution de 1848, jusqu’à ses débuts littéraires dans de petites revues puis chez Emile Girardin, dans ses diverses publications. Sans oublier son passage dans l’usine d’Alexandre Dumas durant un an environ, en compagnie d’Octave Feuillet, Gérard de Nerval et quelques autres, puis l’arrêt de cette collaboration, la condition d’écrivain anonyme ne lui convenant pas.

Car déjà tout jeune, Pierre-Alexis se nourrissait de la lecture des livres entreposés dans la bibliothèque de son grand-père, et défrayant la famille qui est composée depuis des siècles de notaires et de gens de biens, il a décidé de faire des romans. Et de 1851 jusqu’à sa mort en 1871, date de son décès alors qu’il n’avait que 41 ans, le romancier populaire noircira des centaines de milliers de pages, devenant célèbre et populaire. Ses écrits sont publiés aussitôt rédigés sur les différents supports qui le paient grassement. Et il lui arrive de travailler sur cinq romans à la fois, passant d’un pupitre à un autre, prosateur infatigable. Il avoue qu’il n’a jamais lu ses romans n’apportant que quelques corrections lors de la rédaction.

Cette facilité à produire, cette imagination sans défaut, son sens de l’intrigue n’est pas sans produire d’effets néfastes sur ces relations avec ses confrères, et avec des journalistes-écrivains manqués. L’envie, la jalousie, l’ombrage ressenti, se traduisent par des dénigrements sur son origine, son nom, ses écrits, engendrant des citations apocryphes.

Heureusement Ponson du Terrail ne possède pas que des détracteurs, il a aussi des amis parmi ses relations, et surtout des millions de lecteurs qui attendent impatiemment la suite des feuilletons qu’il produit à la chaîne. Il se réserve dans la journée un temps pour l’écriture et après avoir fourni aux divers journaux qui le publient, il aime se rendre dans des cafés afin de regarder les passants, de se promener dans les beaux quartiers ou les quartiers sensibles, afin de récolter des images, des impressions, des situations, des échanges verbaux qu’il restitue ensuite dans ses ouvrages. Et puis, serait-il devenue secrétaire de la Société des gens de lettres crée par Georges Sand, Victor Hugo, Balzac, Dumas et Louis Dunoyer, puis vice Président, si ses écrits éraient si mauvais que certains le prétendent ?

 

Elie-Marcel Gaillard revient sur tous ces épisodes, l’altération du nom lors de la transcription par des clercs sur les registres de l’état-civil qui lui occasionneront des démêlés juridiques et dont se serviront ses détracteurs, ses réussites, les conflits avec ses confères, des insinuations auxquelles Ponson du Terrail ne prêtait guère attention sauf en quelques occasions, et bien d’autres événements qui sont décrits ici avec preuves à l’appui.

L’auteur de cette biographie aborde également les côtés historiques, politiques, sociologiques mieux faire comprendre l’époque et ce succès phénoménal.

Petite remarque en passant, qui ne manquera pas d’interpeler bon nombre de lecteurs de cet article, des lecteurs qui sont dépendants de la Poste :

Dès que le réseau des chemins de fer le permet, le courrier est acheminé par des trains express, qui comportent d’ailleurs un bureau de poste ambulant ouvert au public. On trouve des boîtes aux lettres partout, aux carrefours des chemins de campagne, dans les gares. Enfin, les tarifs uniformisés sont très raisonnables. A Paris, en 1867, les boîtes aux lettres des quartiers et des carrefours sont levées sept fois par jour. Il y a sept distributions, et « seulement » cinq le dimanche. Une lettre postée à huit heures du soir en province est distribuée à Paris le lendemain matin à dix heures.

Ceci ne souffre d’aucun commentaire, mais on pourra simplement dire, c’était mieux avant. Mais le modernisme est passé par là et surtout les restrictions budgétaires. Ce n’est pas le seul domaine dans lequel on peut enregistrer une régression.

 

L’auteur de cette biographie n’a pas ménagé sa peine, se plongeant dans divers documents, archives et correspondances de Ponson du Terrail avec sa sœur Hortense qui avait laissé ses mémoires, des archives communales et départementales, d’ouvrages imprimés du vivant et après le décès de Ponson alors que celui-ci ne pouvait plus contester les affirmations et extrapolations, et des divers journaux de l’époque.

Une somme de travail impressionnante, et un livre agrémenté de documents photographiques, de documents et de Une de journaux, d’un arbre généalogique et d’une bibliographie partielle s’étalant de 1851 à 1880 pour des ouvrages posthumes, avec les différentes éditions et rééditions. Un ouvrage remarquable qui malheureusement n’est plus disponible chez l’éditeur. Mais avec un peu de chance….

Elie-Marcel GAILLARD : Ponson du Terrail. Biographie de l’auteur du Rocambole. Editions A. Barthélémy. Parution le 1er octobre 2001. 208 pages.

ISBN : 978-2879231167

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11 septembre 2018 2 11 /09 /septembre /2018 09:24

Et elles sont bleues ?

Georges-Jean ARNAUD : Les oranges de la mer.

Après Les Moulins à nuages, qui a reçu le prix RTL grand public, Georges-Jean Arnaud propose un deuxième volet consacré à la saga familiale.

Les oranges de la mer, c’est d’abord et surtout Caroline, la grand-mère paternelle. C’est aussi la vie d’un village, d’une portion de terre accrochée entre sel et mer, le Barcarès, Leucate. Des paysages aujourd’hui défigurés.

On a peine à croire, de nos jours, nous qui possédons tout ou presque, à imaginer le dénuement de ces êtres pauvres mais dignes. Chaque malheur, chaque signe contraire du destin, chaque catastrophe, chaque revers, chaque coup du sort étaient ressentis plus cruellement que la misère était déjà présente à chaque porte, ou presque.

Il fallait se contenter de peu lorsqu’on n’avait rien. Pourtant la bonne humeur régnait et l’arrivée des Espagnols, entendez par là la semence de pissenlits amenée par le vent dégoulinant des Cévennes, signifiait rires et cris de joie.

Le bois était rare dans les cheminées, et il fallait découper dans le journal hebdomadaire des bandes de papier, économie forcées, pour allumer et alimenter le feu. Le phylloxera, la guerre de 14, la chute des cours du vin, autant de pierres noires dans un chemin déjà abondamment empierré.

 

A partir de ses souvenirs, Caroline, sous la plume de Georges-Jean Arnaud, raconte son existence et celle de ses proches. Sa jeunesse, son appréhension de l’école, son désir entretenu pendant des années de lire Les Misérables de Monsieur Victor Hugo, son mariage avec Philibert, l’étameur trop prodigue, les petites joies et les grandes peines.

Et les fameuses confitures d’oranges, des oranges échouées sur la plage un beau matin, gorgées d’eau de mer, des oranges qui deviendront des confitures talisman, baromètre familial, et qui seront conservées, personne n’osant les manger de peur d’y retrouver un kilo de sel malgré tout le sucre englouti dans la préparation.

Les Oranges de la mer, c’est le livre des petites gens, de ceux qui n’attendaient pas l’aumône d’où qu’elle vienne, et dont la seule richesse consistait en l’amour du pays et la foi en leurs possibilités.

Un livre tendre, parfois drôle, parfois pathétique. Un livre hommage.

 

Georges-Jean ARNAUD : Les oranges de la mer. Editions Calmann-Lévy. Parution décembre 1990. 344 pages.

ISBN : 978-2702119396

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29 juillet 2018 7 29 /07 /juillet /2018 09:13

Don Quichotte ne les aurait pas combattus…

Georges-Jean ARNAUD : Les moulins à nuages.

Georges-Jean Arnaud, le maître français de la littérature populaire sous toutes ses formes, a peut-être ressenti le besoin d’une pause dans sa production romanesque, de se renouveler, de rechercher un second souffle après avoir écrit des centaines d’ouvrages d’espionnage, policiers, historiques ou érotiques. Le besoin de retrouver ses racines, de se ressourcer, d’effectuer une pause familiale.

Catalogué Roman, cet ouvrage est tout autant un récit qu’une biographie. En dévoilant une tranche de vie, celle de son grand-père, Planou, Georges-Jean Arnaud démontre, si besoin en était, qu’il est un grand auteur mais aussi et surtout un conteur.

De l’enfance de Planou, jusqu’au moment où celui-ci quitte les siens à tout jamais, en passant par l’adolescence et les différentes étapes de la maturité d’un être humain, cet histoire est également un hommage à toute une région et à ses habitants. A travers les petits faits de la vie quotidienne, de la senteur du tomata, ou sauce tomate, qui s’écoule inexorablement, mais aussi du bouleversement économique et politique qui peu à peu va gagner les Corbières, le lecteur assiste à la transformation d’un mode de vie, d’un état d’esprit qui accompagne les années d’espérance, de joie, de souffrance d’un homme mais aussi d’une région qui, loin de la capitale, perçoit les contrecoups d’une révolution industrielle et politique, par à-coups et parfois sans comprendre ce qui arrive.

De la défaite de Sedan en 1870, à la Commune qui va enflammer les Parisiens, une mutation s’opère alors dans les esprits et les mœurs d’alors. Beaucoup restent monarchistes dans l’âme. Seuls quelques ouvriers, les prolétaires comme ils se définissent, définition employée par certaines personnes en forme d’insulte, et les adolescents font de l’œil à cette République nouvelle, épousant l’idéologie socialiste et parfois anticléricale.

Plus encore que les idées et les conflits politiques, le phylloxera, la maladie de la vigne, et les sucriers-betteraviers vont déstabiliser l’économie de cette région. Déjà à cette époque le vin n’était pas toujours en provenance directe du raisin !

Planou restera un rêveur, un dilettante, et échouera dans les diverses entreprises qu’il créera, tout en gardant enfoui au plus profond de lui-même, en son cœur, l’amour de la liberté. A quatre ans, en 1870, il était persuadé que les moulins moulinaient les nuages afin d’en extraire de l’eau, cette eau bienfaisante. Et peut-être qu’à sa mort, il le croyait encore.

Honorine, qui a onze ans était déjà amoureuse de Planou et l’épousera à l’âge de dix-huit ans, sera toujours pragmatique et verra le côté pratique des choses, mettra toute son énergie et ses réserves dans l’accomplissement de son but : tenir un restaurant, frustrant souvent sa famille lorsque la chère se fait maigre, au profit de ses clients.

Georges-Jean Arnaud est un grand conteur et en relatant l’histoire de son grand-père, il retrouve certains des automatismes de l’écriture du grand romancier populaire qu’il est devenu au fil des ans et des quelques quatre cents titres et plus écrits sous divers pseudonymes.

Dans ce récit romancé apparait en filigrane tout l’art du suspense et de l’angoisse qu’Arnaud sait si bien manier, par exemple en campant le personnage de l’Espagnol, personnage qui apparait et disparait au gré des chapitres et des conversations enfantines. Les têtes de chapitres elles-mêmes invitent à la lecture : Les mystérieux voyages du père de Planou, Les inconnus dans le grenier de l’écurie, Le brasier infernal, Le corbillard fantasque, et bien d’autres.

Ceux qui ne connaissaient pas Georges-Jean Arnaud auront pu découvrir, en suivant l’émission Apostrophes de Bernard Pivot le vendredi 13 mai 1988, un homme simple, sincère, timide et pudique, face à des auteurs tels que Jean-Edern Hallier ou Philippe Sollers, mais également un homme passionné et passionnant par ce qu’il avait à dire et à écrire, le tout conté avec l’accent rocailleux des enfants des Corbières.

 

Georges-Jean ARNAUD : Les moulins à nuages. Editions Calmann-Lévy. Parution mai 1988. 384 pages.

ISBN : 978-2702117033

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29 juin 2018 5 29 /06 /juin /2018 08:00

Ou, pour faire taire ceux qui voient du racisme partout et par voie de conséquence l’encourage,

La ferveur de l’écrivain fantôme.

Jean-Michel COHEN SOLAL : La passion du Nègre.

Alors qu’il a un manuscrit apparemment perdu dans les méandres labyrinthiques des maisons d’édition parisiennes, Solal, parfaitement bilingue, subsiste en donnant des cours particuliers de français à des élèves new-yorkais ou en traduisant des ouvrages.

Il vit à New-York, dans un petit immeuble situé à l’angle de la 94e Rue et de la 2e Avenue. Ce n’est pas vraiment le Pérou avec un propriétaire Irlandais pingre et qui préfère procéder aux réparations lui-même qu’à les confier à des spécialistes.

Solal se baguenaude entre deux cours, et deux maigres repas, dans la Grosse Pomme, plus particulièrement à Harlem. Il se souvient de son enfance, avec des parents dont la passion et la profession tournaient autour de la musique. Mais il a préféré se diriger vers la littérature, autre passion qui ne nourrit pas son homme. Pas souvent tout au moins.

Il est fort étonné, lorsque dans une bibliothèque publique, alors qu’il feint d’être intéressé par un article dans un journal, un lecteur assis à la même table l’aborde en lui affirmant qu’il le connait. Et qu’il a lu son manuscrit narrant la fin de la vieille Europe et les montées du nationalisme. L’homme ne tarit pas déloge sur cet ouvrage diffusé et surtout lu confidentiellement à New-York.

L’homme se présente, mais afin de respecter son identité, Solal se contente de l’appeler M. D’ailleurs M., qui possède à son actif quelques ouvrages édités à des millions d’exemplaire, qui se cache sous un pseudonyme, qui n’a jamais accordé d’entretien dans les journaux, a toujours refusé de participé à des émissions télévisée, lui demande quelque chose qui l’étonne, l’interloque, le laisse pantois.

M. souhaite que Solal devienne son double littéraire, un écrivain fantôme, un nègre pour employer la locution usitée depuis la nuit des temps ou presque. Il sera payé en conséquence, ce qui naturellement arrange les finances de notre narrateur.

Solal prendra des notes, effectuera des enregistrements, remettra au propre ce que lui confie M. Car M. est en phase 4 d’Alzheimer, et parfois ses pensées divaguent.

 

Etrange roman que cette Passion du Nègre qui s’apparente presque à une autobiographie du narrateur. La rencontre avec un écrivain célèbre désirant laisser des traces pour la postérité mais qui ne canalise plus ses idées, qui n’arrive plus à s’exprimer correctement, est entourée d’une forme de nostalgie du passé de l’enfance, de l’adolescence.

Entre les résurgences mémorielles de Solal, ses déambulations, son travail avec M., travail qui lui prend du temps et l’oblige à bousculer ses habitudes horaires, le lecteur navigue entre fiction et réalité. D’autant qu’il va rencontrer d’autres personnages dont un romancier français, des passages qui sortent de l’intrigue et offrent une vision sur celui dont je me garderai bien de vous dévoiler le nom préférant laisser le lecteur dans une interrogation énigmatique.

C’est tout à la fois un roman musical, sur le jazz avec en point de mire le Cotton Club, mais surtout axé sur des pièces musicales, de Schubert par exemple, qu’un roman littéraire aux nombreuses références. Et en toile de fond la perte de Mavis, celle qu’il aimait.

Un roman bizarre et intimiste qui est presque comme un retour sur soi, comme une confession, comme un moyen de faire la paix avec soi-même.

C’est aussi un regard dénué d’empathie envers des événements qui secouent la vieille Europe, mais pas que, des interrogations sur un avenir plus ou moins proche et délétère.

 

Les odieux attentats qui secouaient le Vieux Continent, et les discours décomplexés de Zemmour, Onfray et d’autres sur la fin de notre civilisation cristallisaient les peurs et les fantasmes dans la société française : la droitisation politique de mon pays m’affectait profondément.
Je pleurais sur l’absurdité d’un monde désenchanté qui rejetait les valeurs d’humanisme et de tolérance dont j’étais nostalgique.

Jean-Michel COHEN SOLAL : La passion du Nègre. Editions les chemins du Hasard. Parution le 17 mai 2018. 166 pages. 15,50€.

ISBN : 979-1097547127

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4 avril 2018 3 04 /04 /avril /2018 08:30

L’ancêtre d’un Guide pour les Nuls ?

Robert SOULAT : Mémoire pour servir à l’élévation des médiocres.

Surtout connu pour avoir succédé à Marcel Duhamel à la tête de la Série Noire, de 1977 à 1991, Robert Soulat fut aussi un prosateur, un écriveur comme il se plaisait à se définir, iconoclaste et peut-être dérangeant.

L’écriture s’avère un devoir, un besoin, un but, une passion.

Mais l’autre grande passion, dont l’écriture découle, c’est la femme. La femme qui le porte, l’élève, le soutient, l’inspire. Et en premier lieu, la Mère qui lui inculque l’amour de l’écriture.

Ce pan de la littérature qu’on appelle l’œuvre romanesque, c’est très femme. Ou plutôt, c’est très mère. La manière dont un auteur de romans caresse ses personnages, même lorsqu’il veut en faire des anti-héros, rappelle vivement l’inquiétude et la tendresse des mères.

 

Ironique, caustique, Robert Soulat l’est indéniablement mais tout autant à son sujet, quà sa propre personne, qu’envers des thèmes plus sensibles, ou légers, graves, voire tabou.

Cela va de ce qu’il pense de lui-même et de son cerveau, se propulsant ensuite vers la religion, le rapport de celle-ci avec l’argent, citant Groucho Marx, se plaçant ou plutôt se comparant aux nouveaux riches, ceux de la Rive Droite et ceux de la rive Gauche.

Il manque à mon cerveau des murs de soutènement. Et je me demande parfois comment sa toiture s’y prend pour tenir toute seule. D’où je conclus souvent que cette toiture est une illusion et que mon cerveau est dangereusement exposé aux intempéries.

Plus loin il illustre ses propos ainsi :

Mon cerveau, je le crains, ressemble fort à ces potages où le vermicelle est constitué par des lettres de l’alphabet, et on sait que ce genre d’ouvrage est illisible.

Lucide ou se moquant volontiers de lui en se rabaissant ? Non, une simple constatation d’un intellectuel sachant maîtriser ses capacités littéraires, se livrant sans complaisance, alors que nous-mêmes devrions faire parfois un état des lieux.

Sur la question de l’argent, il se montre volontiers provocateur, tout en étant réaliste.

Les Américains qui ont de l’argent le proclament et s’en vantent, ce qui manque d’élégance. Les Français qui ont de l’argent s’en défendent en public, ce qui est grotesque.

Il oppose l’histoire et la religion, posant des questions fondamentales qui semblent futiles.

Toute l’histoire officielle des Français catholiques – j’entends par là celle qui nous cause des cuisses de Marie-Antoinette et de l’odeur des pieds d’Henri IV – passe pudiquement sur les questions d’argent. L’Eglise romaine aurait, paraît-il, interdit le prêt à intérêt, combine lucrative qu’auraient aussitôt exploitée ces salauds de juifs.

Dans cette dernière phrase, l’on ressent bien ce côté provocateur, Robert Soulat empruntant l’expression de salauds de juifs à la veine populaire, et donc n’est à prendre qu’au second degré. Il montre que la jalousie, en ce qui concerne l’aspect financier, voire mercantile, appose des œillères sur le jugement de bien des personnes qui pourtant se déclarent non-racistes et non antisémites.

Et les Médiocres là-dedans ?

Je ne dissimule pas qu’à force de faire l’éloge des Médiocres, je risque de passer, aux yeux des Purs et des Durs, pour un Conservateur, au mieux, et peut-être même pour un Fasciste.

Ce pourrait être un carnet de réclamation, de pensées divagantes, mais l’auteur suit son idée, celle de se chercher, de se trouver dans un monde où il évolue comme un entomologiste, étudiant ses contemporains, un peu comme La Bruyère l’effectuait lorsqu’il écrivait ses Caractères.

Un mémoire et non des mémoires, parfois, souvent même, amusant, et qui contrairement à ce que l’on pourrait croire est nettement plus profond que toutes les vaticinations de prétendus philosophes autoproclamés.

Mais qui va donc à l’essentiel ? Et qu’est-ce que l’essentiel ? Une station-service ?

Le dérisoire au service de la goguenardise, un entretien avec son lecteur, pour peu que celui-ci daigne le suivre dans le cheminement de ses pensées, des anecdotes délivrées par-ci par là, issues de sa mère, de sa grand-mère, de ses voisins, de ses observations.

 

Robert SOULAT : Mémoire pour servir à l’élévation des médiocres. Editions de l’Atalante. Parution mai 1990. 160 pages.

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14 mars 2018 3 14 /03 /mars /2018 09:18

Quand tu chantes je chante avec toi liberté

Dans la joie ou les larmes je t'aime

Les chansons de l'espoir ont ton nom et ta voix

Le chemin de l'histoire nous conduira vers toi

liberté, liberté…

Nathalie SALMON : Un amour de liberté.

Après trois semaines de traversée à bord d’un bateau à vapeur, Adolphe Salmon, Lorrain de naissance, aperçoit enfin New-York accoudé à la rambarde. Il n’a que vingt-six ans, et après sept années d’armée, et avoir travaillé comme vendeur au Bon Marché au rayon textile, il désire s’établir sur le nouveau continent.

Le 3 octobre 1865, le navire accoste enfin. Le débarquement et la déclaration de migrant ne sont que de simples formalités, et il se rend dans la Bowery, à une adresse qui lui a été signalée. Il loge dans un immeuble sans confort, sans commodité, mais au moins il possède un toit et ne manque pas de ressources. Non, il n’a pas d’argent, mais des idées. Et il décide de s’installer comme couturier. Il découd une chemise, étudie les différents morceaux, puis à l’aide de tissus qu’il a acheté, il en fabrique des neuves qu’il revend avec un petit bénéfice. Il les propose à des magasins et bientôt le succès est au rendez-vous.

Sur les conseils d’un ami, il achète une machine à coudre et la petite entreprise s’agrandit. Il se procure d’autres machines à coudre, il embauche des couturières, il aménage dans une belle maison, mais pour autant il ne se comporte pas en parvenu. Et il reste célibataire, le travail avant tout.

Néanmoins, il se fait des amis, dont Léon Meunier, journaliste, et de Louis Lewengood, industriel spécialisé dans la confection de tailleurs, et sa femme Hanne, mère d’une progéniture nombreuse.

Il se rend souvent chez les Legenwood et c’est ainsi qu’il fait la connaissance de Samson Laubheim et de sa jeune femme Sarah, mère d’une petite fille de trois ans, Rosetta.

Cette femme qui porte divinement la robe et étonnamment la culotte n’a que vingt ans et pourtant elle possède déjà derrière elle une expérience de la vie. Elle a accompagné sa mère et ses sœurs à bord d’un charriot jusqu’en Californie, parmi une troupe composée d’hommes ou de familles, à la recherche de l’aventure, de l’or, ou simplement pour s’installer dans un pays édénique, y ont vécu durant quelques années et s’est mariée mais ils ont regagné New-York. Lui est malade et sa santé décline. Si Adolphe Salmon se trouve sous le charme de la jeune femme, il a aussi d’autres idées en tête. Constituer un cercle français comme d’autres migrants, Italiens, Irlandais, l’ont déjà fait.

Salmon est resté Français, très attaché à sa terre lorraine natale et comme bien d’autres migrants, la défaite de Sedan en 1870 le marque profondément. La Lorraine et l’Alsace sont annexées par l’Allemagne, ce qui provoque souvent un éclatement familial, bon nombre d’entre eux préférant rester Français.

Bartholdi

Bartholdi

C’est dans ce contexte qu’il rencontre Bartholdi, jeune sculpteur plein d’avenir, inconnu aux Etats-Unis mais possédant déjà une certaine notoriété en France. L’artiste a pour projet une statue grandiose qui personnifierait la Liberté guidant le monde et servant de point d’attache entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde. Pour cela, il faut lever des fonds, et le gouvernement Grant n’est pas chaud pour mettre la main à la poche. Et de plus, il va lui falloir convaincre de placer cette statue sur une petite île, Bedloe’s Island, à l’entrée du port de New-York, île qui pour l’heure est une base militaire.

Samson Laubheim se meurt et avant de passer à trépas il demande à Adolphe Salmon, qu’il considère comme son frère, de s’occuper de Sarah lorsqu’il sera décédé. Ce qu’accepte Adolphe, en toute logique, mais sans précipiter les événements. Toutefois, Samson se rend aux eaux, en famille, en Europe, sans réelle conviction, pensant que peut-être il pourrait se refaire une santé. Peine perdue.

Devenue veuve, Sarah accompagne, malgré certaines mauvaises langues, il y en a toujours, au théâtre ou dans des lieux publics. Puis à Paris, car Adolphe, qui se languit quand même de sa patrie, doit rencontrer Bartholdi. Le sculpteur ressent comme un coup de foudre lorsqu’il voit la jeune femme. Pas un coup de foudre amoureux, mais celui de l’artiste face à une représentation inespérée de celle qui pourrait personnaliser sa statue. Et si un jour vous avez la possibilité de voir la Statue de la Liberté, immédiatement vous penserez à cette femme qui a posé comme modèle.

Ceci se déroule en mars 1875. La déclaration de l’indépendance a été signifiée le 4 juillet 1776, une sécession entre les treize colonies britanniques de l’Amérique du Nord et la Grande Bretagne. Et cette statue doit être érigée en commémoration de cet événement.

Cette idée d’offrir une statue représentant la Liberté provient d’un homme politique français, Edouard de Laboulaye. Observateur attentif de la vie politique des États-Unis, et admirateur de la constitution de ce pays, il contribua à faire connaître et aimer ces institutions, soit par ses cours extrêmement suivis, soit par ses ouvrages, soit, enfin, en faisant partie de comités d'organisation démocratique. On le voit présider une réunion publique en faveur des esclaves affranchis d'Amérique, à Paris en janvier 1865. Moins connu que Tocqueville, il fut un personnage influent et président du Comité de l’union franco-américaine. Au départ l’architecte Viollet-le-Duc devait réaliser la structure métallique, en cuivre repoussé, et à la mort de celui-ci, en 1879, Gustave Eiffel prit la relève. Enfin, la statue put être inaugurée le 28 octobre 1886, après bien des aléas et des contretemps.

 

Edouard de Laboulaye

Edouard de Laboulaye

Si la statue tient un place importante dans le récit, d’autres éléments, et non des moindres, offrent une vision intéressante sur la vie des USA à cette époque, et principalement à New-York.

L’arrivée des migrants permis à cette jeune nation de rapidement s’imposer, et il est intéressant de constater que justement, à l’heure où dans la plupart des pays les immigrés sont rejetés, ceux-ci ont apporté un souffle prépondérant dans la force, la vitalité, l’expansion, la richesse d’une nation en devenir.

Le rêve américain existait, les migrants étaient à la recherche de la fortune, mais également fuyaient les régimes politiques de leurs pays. Notamment les Allemands qui se sont tournés vers un pays neuf après la révolution de 1848.

Quant aux Juifs, ils étaient chassés de partout ou presque, car parmi les nombreux reproches qui leur étaient fait, celui d’être riches et donc voleurs prévalait. Ce qui est très réducteur, car comme dans le cas d’Adolphe Salmon, c’est bien par le travail, la volonté de réussir, de ne pas végéter et d’attendre une main secourable qu’il a progressé dans son entreprise.

A Bartholdi qui déclare qu’il va pouvoir travailler dans les meilleures conditions, ayant trouvé un logement, Adolphe rétorque :

Alors vous serez servi, monsieur Bartholdi. L’Amérique est terre de travail.

Puis un peu plus loin :

J’ai les meilleures relations d’affaires. Pourquoi les meilleures ? Parce que je ne les dois à personne. Je les ai construites au fil des années par mon seul effort. S’ajoutent mon expérience et ma réputation. Je ne suis lié à aucun mouvement politique, je n’ai pas d’ambition de ce type bien que j’ai des opinions que je qualifierais d’humanistes et républicaines. En venant ici je me suis juste fixé pour but de construire ma position. A une condition que j’ai toujours respectée : ne faire de tort à quiconque et servir le bien commun.

A signaler une petite anecdote tombée dans l’oubli : Au début du XIXe siècle, en Bavière, Les Juifs devaient absolument obtenir des autorités un matricule, une sorte de numéro, juste pour pouvoir exister légalement. Pour demander à s’établir, par exemple. Sans matricule, pas de requête possible. Vous n’existiez tout simplement pas.

Il n’y en avait pas pour tout le monde. Alors il fallait attendre qu’un plus vieux meure pour espérer récupérer le sien. Et encore, à condition d’être bien placé parce qu’on était plusieurs dessus. Ce qui signifiait souvent payer, et payer cher… Impossible de se marier sans ça.

Ce qui se traduisait par Pas de métier, pas de mariage. Pas de mariage, pas d’enfants. Une communauté plus facile à contrôler, plus facile à restreindre.

Etonnant, non ?

Les préposés à l’enregistrement des migrants étaient assez laxistes, et pour établir les papiers nécessaires à chaque immigré de trouver un logement et un travail, il suffisait de donner son nom. Seulement bon nombre d’entre eux ne parlaient pas anglais, et c’est ainsi qu’un homme qui n’avait pas compris la question de l’employé répondit Trenton, ville où il devait se rendre. C’est ainsi qu’il a été enregistré sous ce nom en toute bonne foi. Allez faire des recherches généalogiques après ça.

 

Ce roman historique, narré à la première personne est donc un rétrospective de la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, le regard porté sur une vie consacrée au travail, à la Liberté, à l’expansion d’un pays. A l’implantation des migrants qui comme partout s’érigeaient en communauté, formant des ghettos parfois, afin de se retrouver, de parler du pays quitté, un rapprochement nécessaire pour ne pas se sentir absorbé par la foule et garder sa propre personnalité. Un roman riche d’enseignements. Le roman du courage.

 

Ce roman-récit reprend et approfondi l’ouvrage Lady Liberty I love you coécrit par Nathalie Salmon et Alain Leroy, publié en 2013 aux éditions De Rameau.

 

Nathalie SALMON : Un amour de liberté.

Nathalie SALMON : Un amour de liberté. Roman historique. Editions Baker Street. Parution le 15 février 2018. 314 pages. 21,00€.

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